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il était perdu et le voilà retrouvé[1] ? » Pourquoi rendre à ce fils la robe primitive d’innocence, s’il ne recouvre pas le privilège de l’immortalité qu’Adam a perdu ? Et comment Adam a-t-il pu perdre l’immortalité, s’il n’avait qu’un corps animal ? En effet le.corpsne sera plus animal, mais spirituel « lorsque corruptible il aura « revêtu l’incorruptibilité, et immortel, l’immortalité[2]. » On s’est quelquefois enfermé dans cette question étroite : on a voulu sauvegarder l’opinion qui représente le corps d’Adam comme un corps animal, et qui a fait dire : « Le premier Adam a été fait âme vivante, le second Adam esprit vivifiant » et en même temps rendre vraisemblable la pensée qu’en nous renouvelant et en devenant immortels, nous ne ferons que rentrer dans notre situation première perdue par la faute d’Adam. On s’est imaginé que le corps d’Adam avait été d’abord animal, et qu’il avait subi dans le Paradis terrestre la même transformation que nous subirons en ressuscitant. La Genèse ne parle pas sans doute de ce prodige mais on a cru pouvoir concilier ainsi le passage où l’Apôtre parle du corps animal, avec les témoignages nombreux où l’Écriture nous apprend que nos corps seront renouvelés, et former cette hypothèse par une déduction rigoureuse.

CHAPITRE XXI. RÉPUTATION DE CETTE HYPOTHÈSE.


32. Si cette opinion est fondée, nous faisons de vains efforts pour expliquer au sens littéral, en dehors de toute allégorie, le Paradis, les arbres avec leurs fruits. Comment croire, en effet, que les fruits des arbres aient été nécessaires pour nourrir des corps spirituels et doués d’immortalité ? A coup sûr, si cette hypothèse est le dernier effort de l’esprit, mieux vaudrait encore voir dans le Paradis un symbole, que de croire, malgré les témoignages multipliés de l’Écriture, qu’il n’y aura pas de rénovation pour l’homme, ou d’aller s’imaginer qu’il recouvrera un privilège sans l’avoir peut-être perdu. Ajoutons, que la mort étant le juste châtiment du péché, comme l’atteste l’Écriture en cent endroits, c’est une preuve suffisante que l’homme aurait été à l’abri du trépas, s’il n’avait pas commis de faute. Comment donc concevoir qu’il était mortel sans être exposé à la mort, ou qu’il était immortel avec un corps animal ?

CHAPITRE XXII. ON NE PEUT SOUTENIR QU’ADAM APRÈS LE PÉCHÉ A ÉTÉ CONDAMNÉ A LA MORT DE L’ÂME PLUTÔT QU’A CELLE DU CORPS.


33. On est allé plus loin ; on a prétendu que la mort, châtiment du péché, n’aurait pas frappé le corps, mais l’âme, en y exerçant les ravages de l’iniquité. On s’est imaginé en effet que l’homme, pourvu d’un corps animal, aurait abandonné son enveloppe pour aller goûter le repos dont jouissent actuellement les saints qui se sont endormis dans le Seigneur, et qu’à la fin du monde il aurait recouvré les mêmes organes désormais immortels : par conséquent, qu’il n’a point subi la mort en punition de son péché, mais selon les lois de la nature, comme tout autre animal. Mais l’Apôtre contredit cette opinion quand il dit : « Le corps est mort, à cause du péché, mais l’âme est vivante à cause de la justice. Car si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts habite en vous, celui qui l’a ressuscité donnera une nouvelle vie à vos corps mortels, à cause de cet Esprit-Saint qui y a fixé sa demeure[3]. » Donc la mort même physique est une suite du péché ; donc, si Adam n’avait point péché, il n’aurait point connu le trépas, il aurait eu un corps immortel. Mais comment le corps était-il immortel s’il était animal ?

CHAPITRE XXIII. NOUVELLE RÉPUTATION DE L’HYPOTHÈSE PRÉCÉDENTE.


34. Pour en revenir à l’hypothèse suivant laquelle le corps d’Adam aurait été transformé dans le Paradis et d’animal serait devenu spirituel, on ne songe pas que l’homme, s’il n’avait point commis sa faute et qu’il eût mené dans le Paradis une vie de justice et d’obéissance, aurait pu sans inconvénient se transformer, dans la vie éternelle, où désormais il n’aurait.pluseu besoin d’aliments matériels. Est-il donc bien nécessaire de se condamner à voir dans le Paradis un symbole au lieu d’une réalité, par l’unique raison que le corps sans le péché aurait été immortel ? Assurément l’homme n’aurait point connu le trépas, s’il n’avait pas péché, car « le corps est sujet à la mort à cause du péché » dit formellement l’Apôtre ; il était possible néanmoins que son corps

  1. Lc. 15, 32
  2. 1 Cor. 15, 53
  3. Rom. 8, 10, 11