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les tribulations et qu’avant tout vous vous supportez avec amour les uns les autres (car que supportera-t-il celui qui ne supporte pas son frère ?) ; quand vous découvrez l’astuce et les embûches du tentateur, et que, « avec le bouclier de la foi, vous repoussez et vous éteignez ses traits enflammés[1] ; » quand vous chantez et vous psalmodiez au fond de vos cœurs pour le Seigneur[2], ou que vos voix s’unissent à vos âmes, faites tout pour la gloire de Dieu, qui « opère tout en tous[3] ; conservez-vous si bien dans la ferveur de l’esprit[4] que votre âme ne mette sa gloire que dans le Seigneur[5]. » Telle est la voie droite ; on y marche avec les yeux attachés sur le Seigneur, parce que « c’est lui qui retirera du piège nos pieds[6]. » Cette manière de vivre n’est pas brisée par les affaires, ni refroidie par le repos ; elle n’est ni turbulente ni accablée, ni audacieuse, ni timide, ni précipitée, ni pesante. Faites ces choses et le Dieu de paix sera avec vous[7].

4. Que votre charité ne se plaigne point de tout ce que j’ai dit dans cette lettre. Je ne vous ai point exhortés sur ce que je crois que vous ne faites pas ; mais j’ai pensé que vous me recommanderiez beaucoup à Dieu, si vous mêliez le souvenir de mes paroles aux œuvres que vous accomplissez par sa grâce ; car j’avais déjà connu pair la renommée, et récemment nos frères Eustase et André nous ont rapporté, à leur retour d’auprès de vous, la bonne odeur du Christ qui s’exhale de votre sainte vie. Eustase vient de nous précéder dans l’éternel repos, où l’on n’entend point ces flots du temps pareils à ceux dont votre île est battue ; il ne désire plus retourner à Capraïa, parce qu’il n’a plus besoin de cilice[8].

LETTRE XLIX.

(Année 399.)

Saint Augustin marque avec précision les points sur lesquels il faut qu’on s’explique sur la question du donatisme. AUGUSTIN, ÉVÊQUE DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE, A HONORÉ, ÉVÊQUE DU PARTI DE DONAT.

1. Nous avons fort goûté le projet que vous avez bien voulu nous communiquer par notre très-cher frère Héros, homme digne de louange en Jésus-Christ, de discuter avec nous dans des lettres, sans ce tumulte inséparable de la foule ; une telle discussion doit commencer et s’achever avec une entière douceur et paix d’esprit, selon les paroles de l’Apôtre : « Il ne faut pas que le serviteur du Seigneur soit en contestation, mais il faut qu’il soit doux envers tous, capable d’enseigner, patient, et qu’il reprenne avec bonté ceux qui pensent autrement que lui[9]. » Marquons donc en peu de mots les points sur lesquels nous souhaitons que vous nous répondiez.

2. Nous voyons l’Église de Dieu, que l’on nomme l’Église catholique, répandue dans tout l’univers, selon ce qui a été annoncé, et nous ne croyons pas devoir douter de l’accomplissement si évident de la sainte prophétie, confirmée par le Seigneur dans l’Évangile, et par les Apôtres qui ont étendu cette même Église. Cela a été prédit, car en tête du très-saint livre des psaumes il est écrit sur le Fils de Dieu : « Le Seigneur m’a dit : vous êtes mon fils, je « vous ai engendré aujourd’hui ; demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour héritage, et j’étendrai votre possession jusqu’aux extrémités de la terre[10]. » Le Seigneur Jésus-Christ lui-même dit que son Évangile se répandra chez toutes les nations[11]. Saint Paul, avant que la parole de Dieu fût parvenue en Afrique, disait au commencement de son Épître aux Romains : « Par, qui (Jésus-Christ) nous avons « reçu la grâce et l’apostolat, pour faire obéir en son nom toutes les nations à la foi[12]. » L’Apôtre, parti de Jérusalem, prêcha l’Évangile dans toute l’Asie et jusqu’en Illyrie, et partout il établit et fonda des Églises ; ce n’était pas lui, mais la grâce de Dieu qui était avec lui, comme il le témoigne lui-même[13]. Quoi de plus visible et de plus clair, quand nous lisons dans ses Épîtres les noms des contrées et des villes où il a passé ? Il écrit aux Romains, aux Corinthiens, aux Galates, aux Éphésiens, aux Philippiens, aux Thessaloniciens, aux Colossiens. Saint Jean écrit aussi aux sept Églises dont il mentionne l’établissement dans ces régions, et dont le nombre sept représente, croyons-nous, l’Église universelle Éphèse, Smyrne, Sardes, Philadelphie, Laodicée, Pergame, Thiatyre[14]. Il est évident que nous

  1. Eph. VI, 16
  2. Ibid. V, 19
  3. I Cor. X, 31 ; XII, 6
  4. Rom. XII, 11
  5. Ps. XXXIII, 3
  6. Ps. XXIV, 15
  7. II Cor. XIII, 11.
  8. Pour comprendre ces derniers mots, il faut savoir que dans l’île de Capraïa on faisait autrefois beaucoup de cilices en poil de chèvre à l’usage des religieux ; Capraïa tire son nom du grand nombre de chèvres qu’on rencontre dans l’île.
  9. II Tim. II, 24-25
  10. Ps. II, 7, 8
  11. Matt. XXIV, 14
  12. [[Bible_Crampon_1923/Romains#Bible_Crampon_1923/RomainsCH01|Rom. I, 5
  13. I Cor. XV, 10
  14. Apoc. I, 11