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des neuf ou dix qui pensent comme lui ! Que n’ose pas l’orgueil d’une petite peau cadavéreuse ? Où ne se précipite pas la présomption de la chair et du sang ? Est-ce là le bien à cause duquel vous ne craignez pas le pouvoir ? Tel est le piège que vous préparez au fils de votre mère[1], savoir, à celui qui est petit et faible, pour lequel le Christ est mort[2], incapable encore de supporter la nourriture paternelle, mais devant être encore nourri du lait maternel[3] ; et vous m’opposez les livres d’Hilaire pour nier la croissante grandeur de l’Église au milieu de toutes les nations jusqu’à la fin des temps, cette grandeur que Dieu lui-même a promise avec serment contre votre propre incrédulité ! Vous auriez été infiniment malheureux en résistant quand on n’était qu’à l’époque de la promesse ; et maintenant qu’elle s’accomplit, vous osez contredire !

22. Dans les ressources de votre savoir, vous avez trouvé quelque chose de grand à produire contre les témoignages de Dieu, car vous dites que la partie du monde où la foi chrétienne est connue est peu de chose, en comparaison de l’étendue du monde entier. Vous ne voulez pas remarquer, ou bien vous feignez d’ignorer à combien de nations barbares l’Évangile est arrivé, et cela en si peu de temps que les ennemis du Christ ne peuvent plus douter de l’accomplissement assez prochain de ce que le Sauveur répondit à ses disciples qui l’interrogeaient sur la fin du monde : « Et cet Évangile sera annoncé dans tout l’univers, pour servir de témoignage à toutes les nations ; et alors la fin viendra[4]. » Criez contre cet oracle, et soutenez tant que vous pouvez, que quand même l’Évangile serait annoncé chez les Perses et les Indiens, comme il l’est depuis longtemps, quiconque, après l’avoir entendu, ne vient pas à Cartenne ou dans le voisinage de Cartenne, ne pourra pas être purifié de ses péchés. Si vous ne dites pas cela, n’est-ce point parce que vous craignez qu’on ne rie de vous ? Mais vous le dites réellement, et vous ne voulez pas qu’on pleure sur vous ?

23. Vous croyez faire preuve de pénétration quand vous prétendez que l’Église n’est pas appelée catholique par l’étendue de sa communion dans tout l’univers, mais qu’elle tire ce nom de l’observation de tous les divins préceptes et de tous les sacrements. Lors même que l’Église s’appellerait catholique parce que, seule, elle renferme toute la vérité dont les diverses hérésies ne contiennent que des portions, ce n’est pas en nous appuyant sur ce nom que nous prouvons que l’Église est répandue chez toutes les nations, mais c’est en nous fondant sur les promesses de Dieu et sur tant et de si évidents oracles de la vérité elle-même. Votre grand effort est de parvenir à nous persuader qu’il ne reste que les rogatistes, dignes d’être appelés catholiques, à cause de l’observation de tous les divins préceptes et de tous les sacrements, et que vous êtes les seuls chez qui le Fils de l’homme trouvera la foi quand il viendra[5]. Pardonnez-le-nous, nous ne le croyons pas. Pour expliquer qu’on trouvera en vous la foi que le Seigneur, à son avènement, ne doit plus trouver sur la terre, vous osez dire, qu’il faut vous regarder comme n’étant plus sur la terre, mais dans le ciel : mais l’Apôtre nous a rendus si prudents, que nous dirions anathème à un ange du ciel, s’il nous annonçait un Évangile différent de celui que nous avons reçu[6]. Et comment serions-nous sûrs que le témoignage des divines Écritures nous montre clairement le Christ, si ce témoignage ne nous avait montré clairement l’Église ? Quelles que soient les ruses opposées à la simplicité de la vérité, quels que soient les nuages d’adroite fausseté qu’on amoncelle, celui-là sera anathème qui annoncera que le Christ n’a pas souffert et n’est pas ressuscité le troisième jour, car nous lisons dans l’Évangile « qu’il fallait que le Christ souffrît et ressuscitât d’entre les morts le troisième jour[7] ; » ainsi sera anathème quiconque voudra nous montrer l’Église en dehors de la communion de toutes les nations, parce que le même Évangile nous apprend ensuite « que la pénitence et la rémission des péchés devaient être prêchées à toutes les nations au nom du Christ, en commençant par Jérusalem[8], » et que nous devons tenir fermement que celui qui annoncera une autre doctrine sera anathème.

24. Si nous n’écoutons pas les donatistes tous ensemble lorsqu’ils se donnent pour l’Église du Christ, quoiqu’ils ne puissent s’appuyer sur aucun témoignage des divins livres, combien moins, je vous le demande, nous devons écouter les rogatistes, qui ne pourraient pas même parvenir à interpréter à leur profit ce passage des Cantiques : « Où menez-vous paître ? Où

  1. Ps. XLIV, 20.
  2. I Cor. VIII, 11
  3. Ibid. III, 2.
  4. Matth. XXIV, 14.
  5. Luc, XVIII, 8.
  6. Gal. I, 8.
  7. Luc, XXIV, 46.
  8. Ibid. 47.