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XV. Les témoins actuels, ce sont tous les personnages connus qui ont prononcé une sentence, car leurs jugements sont utiles à ceux qui discutent sur un point analogue. C’est ainsi qu’Eubule[1], au tribunal, invoqua, contre Charès, le mot de Platon[2] à Archibios, savoir : qu’il avait introduit dans la cité l’habitude de se poser en homme pervers. Ce sont encore ceux qui partagent le péril du prévenu, s’ils viennent à être convaincus de faux témoignage.

XVI. Ces sortes de témoins attestent seulement les points qui suivent : le fait a eu, ou n’a pas eu lieu ; il existe, ou n’existe pas. Quant à la qualification du fait, ce n’est pas l’affaire des témoins ; comme, par exemple, pour savoir si le fait est juste ou injuste, utile ou nuisible.

XVII. Mais les témoins hors de cause (οἱ ἄπωθεν, éloignés) sont les plus accrédités en ces questions. Du reste, les plus accrédités sont les témoins anciens, car ils sont incorruptibles. Voici, maintenant, les moyens de conviction tirés des témoignages. A celui qui n’a pas de témoin il appartient d’alléguer qu’il faut juger d’après les vraisemblances, et c’est le cas d’appliquer la formule « juger selon la conscience »[3] ; — qu’il n’est pas possible de fausser les vraisemblances à prix d’argent ; que les vraisemblances ne peuvent être surprises dans le cas de faux témoignage. Lorsqu’on a (des témoins) contre un adversaire qui n’en a pas, alléguer que les vraisemblances ne sont pas admissibles en justice, et qu’il n’y aurait plus besoin de témoins

    Eurip. Androm., v. 518. Cette citation reparaît, l. II, chap. XXI, § 11.

  1. Orateur qui plaida souvent contre Démosthène (Bonafous).
  2. Probablement, Platon le comique.
  3. Voir plus haut, § 5.