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VOLONTE - Voltaire

col. 2935 sq. — 4. La grâce efficace : Liberté, col. 678, cf. Suffisante (Grâce), t. xiv, col. 2732 ; Prédestination, loc. cit., passim ; Molinisme, col. 2138-2139 ; Prémotion physique, t. xiii, col. 64-67. — 5. Le concours divin : voir ce mot, t. iii, col. 781, ou Prémotion physique, col. 67-77. — 7. La causalité divine dans le péché : Péché, col. 202-205 ; Prémotion, col. 71-76.

On consultera aussi Calvinisme, t. ii, col. 1400, 1406 ; Jansénisme, col. 380 sq. ; 424 sq. ; 431 sq. ; Prédestinatianisme, t. xii, col. 2803 sq.

A. Michel.


VOLTAIRE (François-Marie Arouet de), écrivain français (1694-1778).

I. Vie.
II. Principales œuvres philosophiques et religieuses (col. 3400).
III. Idées (col. 3444).
IV. Influence (col. 3467).

N.-B. Les renvois seront faits à l’édition Moland (cf. col. 3400), le chiffre romain indiquant le volume, le chiffre arabe la page, ces deux chiffres toujours entre parenthèses.


I. Vie.

i. voltaire avant la royauté de ferney.

Voltaire, né à Paris, le 21 novembre 1694, ne fut guère qu’à soixante ans le « roi Voltaire » et ne donna guère avant 1753, comme but suprême à son action, la lutte contre l’Infâme.

Jusqu’au séjour en Angleterre (1694-1726).

Rien dans sa famille ne prédestinait à sa royauté littéraire antichrétienne François-Marie Arouet, qui prendra, en 1718, le nom de Voltaire, anagramme d’Arouet l(e) j(eune). De cette bourgeoisie qui tendait à la noblesse de robe, son père, notaire au Châtelet, puis, en 1701, payeur aux épices, puis receveur à la Chambre des comptes, voulait faire de lui un avocat au Parlement. Il avait confié aux jansénistes de Saint-Magloire son fils aîné, Armand ; il confia le cadet — pourquoi ce revirement ? — aux jésuites de Louis-le-Grand. Sur la famille de Voltaire, cf. Desnoiresterres, Voltaire…, t. i, Paris, 1871 et G. Chardonchamp, La famille de Voltaire. Les Arouet, in-8°, Paris, 1911. Les jésuites donnèrent à cet élève bien doué une forte culture littéraire, qui fit sa puissance. Dans leur collège, il connut aussi des amis, qui lui rendirent de grands services à des moments difficiles : d’Argental, les deux d’Argenson, Cideville. Mais ses maîtres ne réussirent pas à lui infuser une foi à toute épreuve. Quelle formation religieuse eût tenu devant l’éducation que recevait, en dehors du collège, le jeune Arouet de son parrain, l’abbé de Châteauneuf, qui l’introduisait alors chez Ninon de Lenclos, et dans la société des vieux libertins du Temple ? Cf. Rationalisme, t. xiii, col. 733. Si le P. Lejay ne tint pas à Voltaire le propos connu : « Tu seras l’étendard du déisme en France », du moins, ses maîtres le qualifièrent d’insignis nebulo. L’intérêt aidant, Voltaire se montra reconnaissant à leur égard. Mais « il dira les pires choses en leur temps, sur la Société de Jésus, son esprit de corps, son orgueil, son esprit de domination ». J.-R. Carré, Voltaire philosophe, i, L’homme et l’œuvre, dans Revue des cours et conférences, 30 avril 1938, p. 103 ; et il applaudira à leur suppression.

A sa sortie du collège, 1711, loin de se prêter aux vues de son père, il versifie, aspire à devenir un nouveau Chaulieu dans la haute société du temps, subit l’influence de Fontenelle, id., ibid., ii, 15 mai 1938, p. 193-194, étudie Lucrèce. Pour l’assagir, après quelques fredaines, son père l’envoie à La Haye, à la suite de l’ambassadeur Châteauneuf, frère de l’abbé. Quelques mois après, décembre 1713, en raison de l’aventure Desnoyers, cf. F. Allizé, Voltaire à La Haye, dans Revue de Paris, 15 nov. 1922, p. 321-343, il est renvoyé à Paris ; mais il a appris à connaître Bayle.

Revenu à Paris, il se dérobe à la chicane où son père veut l’enrôler, retrouve la société du Temple où, à côté des vieux libertins, dont le grand prieur revenu d’exil, il rencontre des jeunes gens comme lui, le futur président Hesnault, Caumartin, Sully. Après 1718, il fera des séjours chez Bolingbrocke et subira son influence. Enfin en 1722, d’un voyage à La Haye et à Anvers, il rapportera cette certitude que le luxe né du vice vaut mieux pour un État qu’une discipline d’austérité. Tout l’achemine ainsi vers l’abandon des doctrines traditionnelles.

Entre temps, il a acquis un renom littéraire, mais non sans aventures. En 1714, il doit se réfugier en province, chez les Caumartin, pour une satire, le Bourbier (x, 75) ; en 1716, deux autres sur le régent et la duchesse de Berry (x, 237 et 473) le feront exiler de Paris ; le 17 mai 1717, le Regnante puero (i, 296), qui est de lui, et les J’ai vu (i, 195), qui étaient de Le Brun, lui vaudront la Bastille jusqu’au 18 avril 1818. Mais, à cette date, il sera devenu « une sorte de personnage dans la république des lettres ». Le 18 novembre, Œdipe achèvera de le poser.

Œdipe renfermait déjà des vers inquiétants. L’Épître à Julie, qui deviendra en 1732 l’Épitre à Uranie ou le Pour et le contre (ix, 358 sq.), est nettement antichrétienne. Cette disposition s’affirme encore dans le Poème de la Ligue ou Henri-le-Grand, 1723, qui deviendra la Henriade, 1728 (viii, 43-253). En avril 1726, un ecclésiastique signalera Voltaire comme « prêchant le déisme à découvert » et traitant « de contes » l’Ancien Testament. Toutefois il est encore plus libertin de mœurs et de paroles que vraiment détaché de ses croyances.

Voltaire en Angleterre (1726-1729).

Ses succès littéraires, sa fortune le grisent ; il se croit l’égal des grands qu’il fréquente. Son affaire avec le duc de Rohan lui est une déconvenue. Enfermé à la Bastille, le 17 avril 1726, il en sort le 2 mai sur sa promesse de passer en Angleterre. Cette déconvenue aidant, avec certains de ses contemporains, sous l’influence de Bolingbrocke, qui vit au château de la Source en grand seigneur dégagé de toute croyance, de l’ambassadeur Stair, qui, voulant créer en France, à coup d’argent, une opinion hostile aux Stuarts, a vu en lui un merveilleux agent de propagande, Voltaire voit dans l’Angleterre, citadelle de l’antipapisme, patrie de Locke et de Newton, la terre promise de la raison et de la liberté. Cf. F. Baldensperger, dans Rev. cours, conf., 15 juillet 1934, p. 621-626, et Voltaire anglophile avant le séjour d’Angleterre, dans Revue de littérature comparée, 1929, p. 509 sq.

En Angleterre, Voltaire lira beaucoup, verra tous les milieux, tories ou wighs, sera l’hôte de Bolingbroke, revenu d’exil, de Falkener, un négociant de la cité, entretiendra Swift et Pope. Mais il indisposera les réfugiés français par ses propos irréligieux, ses hôtes par ses indiscrétions. Il aura même ses déceptions : la liberté de la presse n’est pas telle qu’il a espéré, et ce n’est pas sans raison qu’il vit surtout dans la banlieue de Londres, Cf. F. Baldensperger, Intellectuels français hors de France, ii, Voltaire chez les mylords, Rev. cours, conf., 15 janv. 1935, p. 227 sq. Il revint d’Angleterre quelque peu en fraude, mars 1729. « En partant pour l’Angleterre, dit F. Morley, Voltaire, in-8°, Londres, 1874, cité par G. Lanson, Voltaire, in-12, Paris, 1906, p. 6, Voltaire était un poète ; en revenant, il était un sage. » Dans la réalité, quand il prit contact avec les penseurs et les déistes anglais, ses idées étaient faites, orientées à tout le moins. Eux-mêmes, formés par les mêmes maîtres que lui, Fontenelle et surtout Bayle, « reconnurent en lui un des leurs », encore qu’entre leur déisme chrétien et son déisme critique il y ait bien des différences. Mais son séjour auprès d’eux l’affermit