Dictionnaire de théologie catholique/VOLTAIRE (François-Marie Arouet de), IV. Influence

IV. Influence de Voltaire. Le voltairianisme. — Le 30 mars 1788, à la Comédie-Française, Paris couronnait « le roi Voltaire ». Malgré ses défauts : son manque de loyauté, qu’on n’excuse pas en invoquant l’asservissement de la presse et la rigueur des sanctions, ses injustices, ses petitesses et d’un autre côté les insuffisances, qu’a si bien notées Guénée, de son érudition, les limites même de son génie — il ne posséda à aucun degré le sens mystique, ni à un haut degré la faculté métaphysique, et son

« bon sens » l’a prévenu contre certaines hypothèses,

comme l’évolution, qui devaient renouveler la science, — il commanda la pensée de son siècle.

Non qu’il ait imposé à son époque un ensemble d’idées qu’elle n’eût pas eues sans lui : il n’est pas un Descartes et il n’a tant d’influence sur son siècle que pour être, comme ce siècle, un disciple des Bayle, des Fontenelle, des déistes anglais ; mais il est le chef incontestable de l’équipe dont les efforts convergents propagent les mêmes idées ; il est de ces idées véritablement le vulgarisateur, les exposant avec une irrésistible passion, les affranchissant de toute rigueur philosophique, leur donnant l’aspect du bon sens.

« Ce n’est pas seulement par de grands talents qu’un

écrivain prend de l’ascendant sur son siècle, a dit Bonald, Mélanges littéraires, t. i, in-8°, Paris, 1852, Des écrits de Voltaire, p. 3 : c’est bien plus par des passions fortes qui doublent la puissance du talent, en le dirigeant vers le même but. Et si, à de grands talents, mis en œuvre par une forte passion, l’écrivain joint l’indépendance que donne une grande fortune, il peut se créer un véritable pouvoir dans la société. L’heureux Voltaire a réuni tous ces moyens de succès. Un esprit supérieur fut constamment, chez cet homme célèbre, aux ordres d’une passion violente et opiniâtre : sa haine désespérée contre le christianisme ; et, grâce à sa fortune, son temps et celui des autres fut au service de son esprit et de sa passion. Il ne faut pas chercher ailleurs la raison de la prodigieuse influence qu’il a exercée sur ses contemporains. » Et Bonald ajoute : « Voltaire est depuis longtemps parmi nous un signe de contradiction. »

Vainement d’honnêtes écrivains, Bouillier, un protestant, Nonnotte, Guénée… combattirent son influence ; vainement les Assemblées du clergé multiplièrent les condamnations : l’Assemblée de 1775 condamna le Sermon des Cinquante, l’Examen impartial attribué à lord Bolingbroke, les Questions sur l’Encyclopédie ; la même, après celle de 1770, publia un Avertissement aux fidèles sur les funestes effets de l’incrédulité ; elle fit appel au bras séculier : ces démarches se heurtèrent à l’indifférence des fidèles ou à la complicité des ministres. Après la mort de Voltaire, quand il fut question de publier ses Œuvres complètes et, donc, à côté de tant de livres et de brochures hostiles, cette Correspondance, où, pendant vingt ans, Voltaire déclare qu’il faut détruire « l’Infâme », les Assemblées de 1780 et de 1785 protestèrent en vain. Si, le 3 juin 1785, un arrêt du conseil royal supprima cette édition, elle n’en circula pas moins. C’était l’édition de Kehl. Cf. Monod, op. cit., p. 459-460 ; Picot, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, t. v, passim.

Ainsi, c’est sous la poussée de Voltaire principalement que s’est réalisé le monde moderne, en préparation depuis le début du siècle, où l’État, affranchi de l’Église et purement laïque, garantit à chaque citoyen les libertés de la personne, de la pensée, de la parole, de la presse, de la conscience et du culte.

Cela commença par l’édit de tolérance du 24 novembre 1787, où il n’est pas exagéré de retrouver l’influence de l’affaire Calas et du Traité de la tolérance. Cela continua par la Déclaration des droits. La plupart des constituants sont les disciples de Voltaire et les

« Principes de 1789 » sont les siens. « Tous les résultats

sont là », aimait à dire de l’œuvre de Voltaire le constituant Sieyès. Cf. J.-R. Carré, Pour le cent cinquantenaire de la Révolution française. La conquête de la liberté spirituelle, dans Revue de métaphysique et de morale, octobre 1939, p. 635-644 ; D. Mornet, Les origines intellectuelles de la Révolution française, 2e édit., in-8°, Paris, 1934, p. 82-89 ; J.-G. Stakemann, Voltaire, Wegbereiter der französischen Revolution, in-8°, Berlin 1936. Ce n’est donc pas sans raison que, le Il juillet 1791, la Constituante décernait à Voltaire les honneurs du Panthéon. Elle réalisa également le programme religieux qu’il avait établi, en attendant le déisme : suppression de ordres religieux, sécularisation des biens ecclésiastiques, Constitution civile réduisant le clergé à un corps de fonctionnaires salariés, dépendant uniquement de l’État, sans partage avec « un étranger ». Voltaire a eu son influence aussi sur les décrets postérieurs concernant le mariage des prêtres, leur abdication, et sinon le culte de la Raison, du moins les cultes de l’Être suprême, de la théophilanthropie, le culte décadaire, sur les lois des 3 ventôse et Il prairial an III, 6 et 7 vendémiaire an IV, établissant la liberté des cultes ou plutôt leur tolérance dans l’État laïcisé et interdisant à chacun de devenir exclusif ou dominant. Cf. ici, Constitution civile du clergé, t. iii, col. 1537-1603.

Mais Voltaire nuisit plus encore à l’Église par le voltairianisme. « J’ai fait plus en mon temps que Luther et Calvin, écrivait-il en 1769, dans l’Épître à l’auteur… des Trois Imposteurs ; ils condamnaient le pape et voulaient l’imiter… J’ai dit : Très sots enfants de Dieu, … ne vous mordez plus pour d’absurdes chimères. » Il s’était efforcé d’établir, en effet, que, pour croire au christianisme, il fallait être un sot et, pour l’enseigner, un malhonnête homme, et il avait eu « l’art funeste, dit Chateaubriand, de mettre l’incrédulité à la mode ». Le voltairianisme est une doctrine, un état d’esprit et une manière. Déiste ou athée, le voltairien professe ces postulats : le surnaturel n’existe pas ; la raison est l’unique lumière ; l’ordre de la nature est immuable et le miracle impossible ; l’homme ne souffre pas d’un péché originel et il est capable de progrès ; le christianisme est l’obscurantisme anti-social : le croyant n’est qu’un pauvre d’esprit ; on ne discute pas ses idées, on en rit. Cf. V. Giraud, Le christianisme de Chateaubriand, 2 in-8°, Paris, 1925, t. i, p. 89-90 ; Nourrisson, Voltaire et le voltairianisme, 2 in-8°, Paris, 1899.

Depuis la Révolution, le voltairianisme a connu la fortune du philosophisme, dont il est l’expression la plus populaire. Il cesse d’inspirer la législation à partir du Concordat et surtout pendant la Restauration. Mais, alors même, il a ses partisans : sous l’Empire, les « idéologues », « la queue de Voltaire » dit Sainte-Beuve, qui exposent leurs idées dans la Décade philosophique et à la tribune de l’Institut ; cf. ici Rationalisme, col. 1760-1762 ; sous la Restauration le parti libéra] dont le Constitutionnel est le porte-parole, Paul-Louis Courrier (1772-1815) le grand écrivain et Béranger (1780-1857) le poète. De 1817 à 1824, d’après un rapport du ministre de l’Intérieur de 1825, il parut douze éditions des Œuvres complètes de Voltaire. En 1817, paraîtront un Mandement de MM. les vicaires généraux, administrateurs du diocèse de Paris, contre la nouvelle, édition des Œuvres de Voltaire et de celles de Rousseau, in-8°, et, de Clausel de Montals, des Questions importantes sur les nouvelles éditions de Voltaire et de Rousseau. En 1821, l’édition populaire et tapageuse, par le colonel Touquet devenu libraire, du Voltaire des chaumières, etc., provoqua une Instruction pastorale sur l’impression des mauvais livres et notamment sur les nouvelles Œuvres complètes de Voltaire et de Rousseau, p. 241 sq. des Mandements et instructions, in-8°, 1827. — Trois écrivains, bientôt soutenus par le mouvement romantique et invoquant non seulement le raisonnement mais l’histoire et l’expérience, s’efforçaient en même temps de ruiner l’influence du Maître : Maistre, cf. ici, t. x, col. 1660-1678, dont Sainte-Beuve dit, op. cit., p. 242 :

« Le dix-huitième siècle en masse avait gagné la victoire. Voltaire en tête…, quand un chevalier de la

Rome papale s’est avancé. Il est allé droit au chef, à Voltaire, et l’a insulté avec une insolence égale à son objet. » Cf. Considérations sur la France, Du principe générateur, xlii-xliii ; Du Pape, passim ; Soirées de S.-Pétersbourg, septième entretien. Chateaubriand, cf. ici, t. ii, col. 2331-2339, qui écrit le Génie du christianisme, pour ainsi dire, en fonction fie Voltaire et qui s’efforce « de remettre la religion à la mode », suivant son mot sur Voltaire, repris par J. Lemaître. — Enfin Bonald, cf. ici, t. ii, col. 958-961. dont on vient de lire le jugement sur Voltaire. Cf. F. Baldensperger, Le mouvement des idées dans l’émigration française sous la Restauration, 2 in-12, Paris, 1905 ; A. Nettemont, Histoire de la littérature française sous la Restauration, t. ii, 1874. Lamennais tentera de réconcilier l’Église et les principes de 1789, mais rien ne détournera alors la bourgeoisie française, une grande partie du monde intellectuel, voire le peuple, la politique aidant, de l’esprit voltairien. Voltaire, pour les catholiques, continue à être l’ennemi. « Fils des croisés, dira le 16 avril 1844, à la tribune de la Chambre des pairs, le libéral Montalembert, nous ne reculerons pas devant les fils de Voltaire. » « Une citation de Voltaire, dira plus tard l’ultramontain Veuillot, se place tout naturellement dans la bouche des sots. » Cité par Sainte-Beuve, Nouveaux lundis, t. i, art. M. Louis Veuillot, p. 43.

La vogue du positivisme et du scientisme diminuera quelque peu l’influence de l’esprit voltairien. Le culte de Voltaire résistera cependant. En 1878, un quotidien empruntera le nom de Voltaire. Benan, qui lui a été sévère, voir Études d’histoire religieuse, Paris, 1877, les Apôtres, Paris, 1866, p. {{rom|lvii}, … lui doit plus que la théorie sur la constatation scientifique du miracle. A. Houtin se souviendra de l’Essai sur les mœurs dans sa Courte histoire du christianisme, in-16, Paris, 1924, et telle théorie de J. Turmel, dans son Histoire des dogmes, t. iii, La papauté, in-8°, Paris, 1933, rappelle Voltaire. On lit dans la préface intitulée Voltaire démiurge, qu’a mise P. Souday à son édition des Mémoires de Voltaire : « Joie ! Joie ! Rires de joie ! Grâce à Voltaire, on respire, on vit. » Renan, au début, marqua surtout les différences, il reconnut ensuite que lui-même continuait Voltaire ; et il a dit dans Marc-Aurèle : « Lucien fut la première apparition de cette forme du génie humain, dont Voltaire a été la complète incarnation et qui, à beaucoup d’égards, est la vérité. » Parmi les disciples directs. plus récents, de Voltaire, il faut citer Anatole France.

Voltaire exerça aussi une influence sur l’Allemagne, non seulement par l’intermédiaire de Frédéric II, son disciple, mais par ses œuvres. L’Aufklärung, si complexe, et Lessing, l’éditeur des Fragments de Wolfenbüttel, 1774-1778, relèvent de lui à plus d’un titre. Cf. W. Gent, Die geistige Kultur um Friedrich den Grossen, in-8°, Berlin, 1936. Évidemment, il a une grande part dans l’échange d’idées qui se fait, au xviiie siècle, entre la France et l’Angleterre nationaliste. Voir col. 3403.

I. Éditions. — On a vii, col. 3400, les trois grandes éditions des Œuvres complètes de Voltaire et les principales éditions critiques de certains de ses ouvrages, auxquelles il faut ajouter : G. Ascoli, Voltaire, poète philosophe, Le Mondain, Discours sur l’homme, 5 in-4°, Paris, 1937. Du vivant de Voltaire parurent un certain nombre d’éditions complètes de ses Œuvres : la première à Amsterdam, 4 in-8°, 1738-1739 ; la dernière, 46 in-4°, commencée à Genève en 1768, ne sera terminée qu’en l’an IV.

Le Recueil nécessaire, in-8°, s. l. (Leipzig), 1765 (1766), comprenait sept libelles de Voltaire, entre autres : Le Catéchisme de l’honnête homme, le Sermon des Cinquante, l’Examen important. Voltaire y donna aussi avec de légères retouches, destinées à le rapprocher de ses idées, le Vicaire savoyard. Cf. R. Naves, Voltaire, éditeur de Rousseau, dans Revue d’histoire littéraire, 1937, p. 245-247, L’édition de Londres, intitulée, Recueil nécessaire ou l’évangile de la raison, 2 in-8°, 1768, comprend, en plus, de Voltaire : le Testament de Jean Meslier.

Un autre recueil, L’Évangile du jour, 18 in-8°, Londres (Amsterdam), 1769-1778, comprend, dans le t. i, uniquement des œuvres de Voltaire ; dans les suivants, des œuvres du même en plus mi moins grand nombre.

Sur la bibliographie de Voltaire, voir Bengesco, Bibliographie des Œuvres de Voltaire, 4 ln-8°, 1882-1890 : t. i, Théâtre, poésies, roman, histoire, Dictionnaire philosophique ; t. ii, Opuscules ; t. iii, Lettres ; t. iv, Éditions des œuvres ; L. Quérard, Bibliographie voltairienne, in-8°, Paris, 1842. De nombreuses lettres ont été publiées depuis l’édition Moland.

II. Travaux et sources.

1° Sur la vie de Voltaire, sources principales : Voltaire, Correspondance, t. xxxm-4 de l’édition Moland ; Condorcet, Vie de Voltaire, 1787, t. I de l’édition de Kehl ; Colini, Mon séjour auprès de Voltaire, in-8°, 1807 ; Longchamp et Wagnière, Mémoire sur Voltaire et ses ouvrages, 2 in-8°, 1825 ; Desnoiresterres, Voltaire et la société française au XVIII’siècle, 8 in-12, 1867-1876 : t. i, La jeunesse de Voltaire ; t. ii, Voltaire en Angleterre ; t. iii, Voltaire à la cour ; t. iv, Voltaire et Frédéric 11 ; t. v, Voltaire aux Délices ; t. vi, Voltaire et Jean-Jacques Rousseau ; t. vii, Voltaire et Genève ; t. viii, Son retour (à Paris) et sa mort ; E. Campardon, Documents inédits sur Voltaire, in-4°, Paris, 1893 ; F.-G. Prodhomme, Voltaire raconté par ceux qui l’ont vii, in-12, Paris, 1929 ; C. Oulmont, Voltaire en robe de chambre, in-8°, Paris, 1936.

2° Sur Voltaire et son œuvre en général. — Il est impossible d’être tant soit peu complet ; citons au moins parmi les travaux qui nous ont le plus servi : Maynard, Voltaire, sa vie, ses œuvres, 2 in-8°, Paris, 1868 ; Nourrisson, Voltaire et le voltairianisme, 2 in-8°, Paris, 1899 ; G. Lanson, Voltaire, in-12, Paris, 1906 ; Bellessort, Essai sur Voltaire, 8e éd., Paris, 1926 ; Ascoli, Série d’articles parus dans la Revue des cours et conférences, 1924 et 1925 ; F. Carré, Voltaire philosophe, série d’articles, même revue, 1938 ; du même, Consistance de Voltaire, in-8°, Paris, 1938. — Puis P. Morley, Voltaire, in-8°, Londres, 1871 ; L. Crouslé, La vie et les œuvres de Voltaire, 2 in-8°, Paris, 1899 ; O. F. Strauss, Voltaire, traduit de l’allemand par E. Lesigne, in-8°, Paris, 1913 ; F. Champion, Voltaire. Études critiques, in-8°, Paris, 1921 ; J. Bertaut, Voltaire, in-12, Paris, 1911 ; G. Brandes, Voltaire, 2 in-8°, New— York, 1930 ; A. Maurel, Voltaire, in-12, Paris, 1926 ; J. Charpentier, VoZtaire, in-8°, Paris, 1938 ; A. Maurel, VoMaire, in-12, Paris, s. d. (1942) ; B. Naves, Voltaire. L’homme et l’œuvre, in-12, Paris, s. d. (1942) ; O.-A. Fillirsen, Voltaire als Denker, in-8°, Leipzig, 1924 ; Norman L. Torrey, The spirit of Voltaire, in-8°, New-York, 1938.

Ouvrages plus généraux. — Après les ouvrages de Monod, De Pascal à Chateaubriand, Paris, 1916, et de Monnet, Les origines intellectuelles de la Révolution, Paris, 1934, les travaux déjà anciens de Bersot, Études sur le XVIIIe siècle, 2 in-8°, Paris, 1855 ; Barni, Histoire des idées morales et politiques en France au XVIIIe siècle, 2 in-12, Paris, 1865 ; Lanfrey, L’Église et les philosophes au XVIIIe siècle, in-16, Paris, 1855 ; L. Brunel, Les philosophes et l’Académie française au XVIIIe siècle, in-8°, Paris, 1884 ; Aubertin, L’esprit public au XVIII’siècle (1715-1780), in16, Paris, 1873 ; F. Vigouroux, Les Livres saints et la critique rationaliste, 4 in-8°, Paris 1886 ; É. Faguet, Études sur le XVIIIe siècle, 1e édit., in-12, Paris, 1890 ; les ouvrages plus récents de Brunetière, Études sur le XVII l’siècle, in-12, Paris, 1911 ; M. Boustan, Les philosophes et la société française au XVIII’siècle, in-8°, Paris, 1911 ; M. Pellisson, Les hommes de lettres au XVIIIe siècle, in-8°, Paris, 1911 ; J.-P. Belin, Le mouvement philosophique de 1748 à 1789, in-8°, Paris, 1913, et Le commerce des livres prohibés à Paris de 1750 à 1789, in-8°, Paris, 1913 ; Ira-O Wade, The clandestine Organisation and Diffusion of Philosophie Ideas in France from 1700 to 1750, in-8°, Princeton, 1938 ; A. Chérel, L’esprit religieux de Voltaire, Mémoire lu à l’Académie des sciences morales et politiques, 1939 ; cf. Les Débats, 23 avril 1939.

Avec le livre de Sée, Les idées politiques en France au XVIIIe siècle, voir A. Bayet, Les écrivains politiques en France au XVIIIe siècle, Paris, 1904 ; Trahart, Les maîtres de la sensibilité française au XVIIIe siècle, t. i, in-8°, Paris ; et en général les histoires du mouvement philosophique, de la littérature française et de la France au xviiie siècle.

C. Constantin.

VORILONGUS Guillaume, frère mineur, † 1464. — Les érudits ne sont pas d’accord sur l’orthographe du surnom sous lequel ce théologien est passé à la postérité. On le trouve avec des variantes assez notables chez les divers témoins qui parlent de lui. Ces divergences elles-mêmes (Vorlion, Forleo, Vurillon) ont leur cause dans l’obscurité dont s’entoure l’origine du surnom. Enfin il est difficile de fixer avec certitude la date et le lieu précis de sa naissance. Autant dire que nous connaissons peu de chose du personnage. Il semble cependant qu’on puisse placer sa naissance aux environs de 1400 et en Bretagne (Vaurouant, dans les Côtes-du-Nord). A deux reprises, en 1429 et 1448, il vint enseigner à Paris, comme bachelier d’abord, puis comme licencié.

Il prit part à la célèbre controverse qui, sous le pontificat de Pie II, mit aux prises dominicains et franciscains, sur la question de savoir si, pendant l’intervalle entre la mort et la résurrection du Seigneur, le sang du Christ resta uni hypostatiquement à la personne du Verbe, comme le corps. Voir ici Sang du Christ, t. xiv, col. 1094. Vorilongus défendit la position de ses frères avec tant de force qu’après trois jours de discussion le pape, sans rien décider sur le fond du débat, interdit aux dominicains de traiter d’hérétiques ceux qui continueraient à nier que le sang soit demeuré hypostatiquement uni au Verbe pendant le Triduum sacré.

De Vorilongus on ne connaît que deux écrits : le Commentaire des Sentences, plusieurs fois imprimé, Lyon, 1489 et 1499, Venise, 1496 et 1502, Bâle, 1519, auquel est joint un traité des Principes et un autre livre intitulé : Vademecum ou Collectarium. commentaire critique et littéraire de l’Opus Oxoniense de Duns Scot, Padoue, 1482, 1487, Strasbourg, 1501. Quelques érudits émettent l’opinion que ce dernier ouvrage n’est pas de la main de Vorilongus, mais a été rédigé par un de ces disciples.

Le Commentaire des Sentences n’est autre chose qu’un manuel scolaire. Il ne faut donc pas y chercher un appareil scientifique et des opinions très personnelles. L’auteur n’y vise qu’à expliquer les opinions de Scot, son maître, à les défendre en leur donnant un fondement solide. Mais l’ouvrage mérite d’être signalé à l’attention de l’historien, parce que d’abord il nous reste peu de témoins de cette époque, et aussi parce que Vorilongus paraît avoir été un des types les plus représentatifs de l’enseignement de son temps. Son travail n’est pas sans défauts. Il manifeste un goût trop exclusif pour la division tripartite, tout artificielle. Mais il y a chez lui un effort très méritoire pour être concis, clair, et une tendance vers les vues d’ensemble ; ce qui marque un progrès sensible sur les productions du même genre de l’époque précédente.

Sbaralea, Scriptores ord. minorum ; Hurter, Nomenclator, 3e éd., t. ii, col. 878 ; E. Pelster, dans Franziskanische Studien, t. viii, 1921, p. 48-66 ; du même, l’art. Wilhelm von Vorillon, dans Buchberger, Lexikon, t. x, col. 910.

P. Apollinaire.

VRIE Théodoric, ermite de Saint-Augustin, lecteur de théologie dans un couvent de son ordre à Osnabrück, mort en 1448. Sous le titre De consolatione Ecclesiæ libri VIII, dédiés à l’empereur Sigismond et publiés l’année de sa mort (1437), Théodoric Vrie a écrit une sorte d’histoire du concile de Constance. Elle a été imprimée à Cologne en 1484 et dans Van der Hardt, Magnum œcumenicum Constantiense concilium, t. i, pars 1a. Cet ouvrage n’est pas un modèle de composition historique : il est plein de considérations philosophiques et religieuses qui rebutent le lecteur ; c’est sans doute la raison pour laquelle Vrie a été souvent dédaigné par les historiens du concile de Constance (des ouvrages récents, telle l’Histoire des conciles, de Hefele, ne le citent même pas) ; on y trouve cependant d’assez nombreux détails qui ont leur intérêt.

Allgemeine deutsche Biographie, t. xl, p. 373 ; Lexikon für Theologie und Kirche, t. x, 1938, col. 702-703 ; Catholic Encyclopedia (New-York), t. xv, p. 515 ; Ossinger, Bibliotheca augustiniana, 1768, p. 951-952 ; Fabricius, Bibliotheca medii ævi, t. vi, p. 644-645 ; Oudin, Commentarius