Ornithologie du Canada, 1ère partie/L’Étourneau ordinaire


Atelier typographique de J. T. Brousseau (p. 230-233).

L’ÉTOURNEAU ORDINAIRE.[1]
(Cow-pen Bird. — Cow Bunting.)


Cette espèce semble destinée à jouer dans le nouveau monde, le rôle scandaleux que le Coucou d’Europe remplit dans l’ancien.

L’Étourneau paraît se croire trop grand seigneur pour se construire un nid et pour se charger des soins de la famille. Il dépose ses œufs un à un dans le nid de l’Oiseau Gris ordinaire (Chipping Bunting), de la Fauvette bleue et rousse, de l’Oiseau Jaune, de la Grive à tête dorée, quoique ces nids divers, chose singulière, soient tous différemment construits ; l’œuf de l’Étourneau est supérieur en volume aux œufs des divers oiseaux auxquels il confie l’avenir de sa postérité. Si l’œuf étranger a été déposé dans un nid nouvellement achevé et où il n’y a pas encore d’autres œufs, les propriétaires du nid fort souvent le désertent. On a tout lieu de croire qu’ils ne sont pas dupes de la fraude commise par l’Étourneau. L’Étourneau ne dépose qu’un seul œuf dans chaque nid ; pour effectuer cela, il épie le moment de l’absence des propriétaires et s’acquitte de sa tâche comme s’il connaissait toute la méchanceté de son fait. Dès que la femelle a remarqué l’œuf étranger, elle quitte son nid en murmurant, appelle le mâle qui ne se fait pas attendre ; le couple désolé manifeste son mécontentement, par un caquetage bruyant et long. L’œuf n’en demeure pas moins dans le nid et l’incubation a lieu. Cet œuf est de forme ovale régulière, d’un bleu pâle et grisâtre, recouvert de points bruns, plus nombreux au gros bout. Après quinze jours d’incubation, le jeune Étourneau sort de la coquille avant que les œufs de l’oiseau nourricier soient éclos, lesquels disparaissent, car le père et la mère nourriciers voyant un jeune oiseau, se hâtent de lui procurer de la nourriture, et négligent leurs propres œufs dont l’embryon meurt. La nature paraît avoir doué les oiseaux de la faculté de distinguer les œufs féconds de ceux qui ont cessé de l’être, car tous les œufs clairs sont jetés hors du nid sans délai.

Le jeune Étourneau est l’objet d’une sollicitude continuelle de la part de ses parents nourriciers qui le soignent et le chérissent comme si c’était un des leurs ; même longtemps après avoir quitté le nid, ses gardiens continuent de le nourrir jusqu’à ce qu’il puisse se nourrir lui-même. L’Étourneau diffère des autres oiseaux ; chez la plupart des autres espèces, les mâles, pendant la saison des amours, sont pleins d’assiduité, de tendresse pour leurs compagnes ; il n’en est pas ainsi chez l’Étourneau. Chez lui peu ou point d’attachement pour la sienne ; le désir est court et rare ; le sentiment nécessaire pour le bien-être des enfants, n’existe pas chez un individu qui confie à d’autres le sort de sa famille. Nous avons remarqué que les Étourneaux étaient beaucoup plus nombreux en certaines années. C’est en septembre qu’on les voit réunis en grandes bandes sur les clôtures ou sur les arbres, le long des ruisseaux et des endroits humides ; les habitants de la côte de Beaupré, comté de Montmorency, les immolent alors par douzaines et les exposent en vente sur les marchés. Gras et succulents en cette saison, ce sont de véritables éprouvrettes gastronomiques, que le prince de la bonne chère, Brillat-Savarin, eut sans aucun doute appréciées convenablement. Ils nous quittent à la fin de septembre et hivernent dans le sud de l’Amérique, où leurs innombrables cohortes se mêlent aux Goglus et aux Étourneaux à ailes rouges, nourriture saine et ardemment convoitée par des populations entières. Leur nom anglais vient de l’attachement qu’on leur remarque pour le parc aux vaches, dans les excréments desquelles ils découvrent des vers et des larves, dont ils se nourrissent. En Canada on leur connaît peu ou point de chant.

Le mâle a le corps entier d’un brun noirâtre, à reflets bleus sur le devant de la poitrine et à reflets verts et bleus sur le haut de la poitrine. Le bec et les pieds sont d’un brun noirâtre ; l’iris couleur de noisette ; le cou et la tête d’un brun de suie ; les ailes sont longues, recourbées ; la seconde penne la plus longue ; la queue est courte, arrondie et composée de douze plumes droites et arrondies à l’extrémité ; le cou est court, le corps robuste.

Longueur du mâle, 7, envergure, 11 .

La femelle, d’une taille moindre que le mâle, lui ressemble fort. Le brun foncé prédomine chez elle, ainsi que sur la tête et sur le cou du mâle ; les parties inférieures sont plus claires, ainsi que le bout des plumes et des couvertures alaires supérieures.


  1. No. 400. — Molothrus pecoris. — Baird.
    Molothrus pecoris.Audubon.