Traduction par anonyme.
Hachette et Cie (p. 112-114).


XVIII

LES FUNÉRAILLES DU CHEVALIER


DÈS que la mort d’Huldbrand fut connue, le Père Heilmann se présenta au château. Il croisa sur le seuil un moine qui s’enfuyait éperdu : c’était celui qui avait béni cette funeste union.

— Les choses sont bien ainsi, dit le saint homme aux habitants du château. C’est maintenant à mon tour de diriger la cérémonie. J’agirai seul.

Il s’efforça d’abord de calmer le désespoir de la jeune épousée si tôt veuve, mais ses paroles n’eurent pas de prise sur cette âme ardente et désespérée. Bertalda ne cessait d’accuser Ondine, la traitant d’odieuse sorcière, de meurtrière, tandis que le vieux pêcheur, résigné, disait simplement :

— La main de Dieu se montre en tous ces événements. Personne n’a pu souffrir davantage de la mort d’Huldbrand que la malheureuse Ondine qui la lui a donnée.

Le moine ordonna les funérailles du chevalier selon les rites habituels. Huldbrand devait être enterré dans un cimetière où se trouvaient les tombes de ses aïeux. Comme il était le dernier de sa race, ses armes étaient posées sur le cercueil pour être descendues dans le sépulcre.

Le cortège se mit en marche sous un ciel pur, au bruit du triste chant des morts. Le Père Heilmann marchait en tête, Bertalda, défaillante, suivait, soutenue par son père. Au milieu des pleureuses vêtues de noir, une forme blanche s’était glissée ; elle levait les bras au ciel, en poussant de sourds gémissements, au grand effroi des assistants qui s’écartaient d’elle, causant du désordre dans le cortège. Les écuyers lui adressèrent la parole, cherchèrent à l’éloigner, mais elle glissait entre leurs mains et se retrouvait toujours à la même place. La forme voilée avançait lentement et finit par se trouver immédiatement derrière Bertalda qui ne s’était point encore aperçue de sa présence.

On arriva ainsi au cimetière où le cortège se rangea en cercle autour de la tombe. Alors seulement, la jeune veuve vit l’étrangère. Effrayée, elle ordonna que l’on fît partir cette femme qui n’avait point été conviée aux funérailles, mais la blanche apparition secoua doucement la taille en tendant la main d’un geste humble qui rappela soudain à Bertalda le geste d’Ondine offrant le collier de corail. Des larmes emplirent ses yeux, elle se tut ; et, sur un signe du Père Heilmann, tous les gens du cortège tombèrent à genoux.

Lorsqu’ils se relevèrent, l’étrangère avait disparu. À l’endroit où elle s’était agenouillée, un limpide ruisseau d’argent jaillissait de la prairie, se dirigeant vers la tombe du chevalier ; là, il se partagea en deux ruisselets qui entourèrent la dalle funéraire, puis allèrent se perdre dans un petit lac voisin.

Les gens du pays ont cru longtemps que ce petit ruisseau n’était autre que la pauvre Ondine qui entourait tendrement de ses bras son bien-aimé.


Ainsi finit l’histoire d’Ondine et du chevalier Huldbrand.