Oeuvres de Walter Scott, trad Defauconpret/Tome I/1/2.2

Traduction par Auguste-Jean-Baptiste Defauconpret.
Furne, Libraire-éditeur (Tome I. — Ballades, etcp. 48-50).

I.

Lorsque sept années se furent écoulées, un jour que le soleil brillait sur le lac et la rivière, Thomas se retrouva sur les bords de l’Huntlie, comme s’il se réveillait après un songe.

II.

Il entendit les pas bruyans d’un coursier ; il vit étinceler une armure ; un vaillant chevalier se dirigeait d’une course rapide vers l’arbre d’Eildon.

III.

C’était un chevalier de grande taille et qui semblait de la race des géans ; il piquait les flancs de son palefroi avec des éperons d’or d’une forme élégante.

IV.

— Sois le bienvenu, dit-il à Thomas, sois le bienvenu ; révèle-moi quelque étrange merveille.

Thomas répond : — Que le Christ veille sur toi, brave Corspatrick, généreux comte de Dunbar ; sois trois fois le bienvenu)

V.

Descends près de moi, brave Corspatrick, et je te découvrirai trois grands malheurs qui menacent la belle Écosse, et qui doivent changer ses habits de fête en habits de deuil.

VI.

Un orage gronde en ce moment depuis les collines de Ross jusqu’à la mer de Solway.

— Tu mens, tu mens, vieux magicien ! car le soleil brille sur la terre et sur les flots.

VII.

Thomas mit la main sur la tête du comte, et lui fit voir un rocher du côté de la mer, où un monarque était étendu sans vie sous son coursier, et ses nobles chevaliers essuyaient leurs yeux humides.

VIII.

— La seconde malédiction que je t’annonce s’accomplira sur les collines de Branxton : au milieu des fougères de Flodden flottera une bannière rouge comme le sang, sous laquelle marcheront des Chefs valeureux.

IX.

— Un roi d’Écosse viendra à leur rencontre ; il porte le lion sur son écu ; une flèche empennée, lancée par une main ennemie, le renversera sur le champ de bataille.

X.

En voyant couler le sang de la blessure, il dit encore à ses guerriers : — Pour l’amour du ciel, faites face à ces soldats du Sud, et forcez la victoire à vous suivre ! Pourquoi perdrais-je aujourd’hui mes droits ? Ce n’est pas aujourd’hui que je dois mourir.

XI.

— Maintenant, comte, tourne les yeux du côté de l’orient, et tu verras un spectacle de malheur : quarante mille soldats armés de lances sont rangés en bataille près du lieu où la rivière se perd dans la mer.

XII.

— C’est là que le lion perdra sa dorure, entièrement effacée par les léopards. Que de noble sang sera versé ce jour-là auprès de Pinkyn !

XIII.

— C’est assez, dit le comte, me montrer de revers ; fais-moi voir maintenant quelque heureux événement, ou sur ma foi, tu maudiras le jour où tu rencontras Corspatrick.

XIV.

— La première des bénédictions que je te vais révéler s’accomplira près du ruisseau de Bannock-Burn[1]; c’est là que les Saxons maudiront leurs arcs, en voyant leurs flèches tromper leur adresse.


XIV.

— Non loin d’un pont qui n’existe pas encore, au lieu où l’onde du ruisseau est limpide et brillante, maint coursier roulera sur le sable et maint chevalier recevra le trépas.


XVI.

— Au pied d’une croix de pierre, les léopards verront échapper leur proie ; les corbeaux viendront se désaltérer dans le sang des Saxons, la croix de pierre disparaîtra sous les cadavres amoncelés.


XVII.

— Mais dis-moi, demanda le vaillant Dunbar, dis-moi, véridique Thomas, qui gouvernera alors l’île de la Grande-Bretagne, depuis le nord jusqu’aux mers du sud ?


XVIII.

— C’est d’une reine française que doit naître celui qui régnera sur la Grande-Bretagne. Il appartiendra au sang de Bruce jusqu’au neuvième degré.


XIX.

— Les mers les plus éloignées respecteront sa race ; les habitans de nos îles parcourront l’immense plaine de l’Océan avec des rênes de chanvre et des coursiers de bois.

  1. The burn of Breid
    Shall run fow reid.
    (Thoma’s Rhymes)