Odor di femina/La Blanche Hermine

G. Lebaucher, libraire-Éditeur (p. 140-153).

LA BLANCHE HERMINE


Vers la mi-octobre, je dus tenir une promesse que j’avais faite à la baronne Hermine de K…, à laquelle j’avais fait un doigt de cour à Paris. La baronne était restée veuve sans enfants à l’âge de vingt-trois ans. Elle avait par conséquent passé peu d’années avec son mari, qu’elle paraissait avoir assez bien oublié, car elle était décidée à convoler en secondes noces, à la fin de son veuvage.

C’était d’ailleurs un peu pour ce motif que je lui devais une visite. Elle avait mis une bizarre condition à mon acceptation pour époux. Je devais passer un mois auprès d’elle, dans une intimité absolue et dans l’isolement le plus complet, sans essayer de l’induire en tentation, soit en paroles, soit en gestes.

Depuis que m’étais mis à fouiller la nature par tous les bouts, j’avais un peu oublié mon engagement pris à la légère, mais elle eut soin de me le rappeler par une lettre qui vint me réclamer au milieu de mes aimables pratiques et dans laquelle elle me marquait qu’elle m’attendait vers le 20 du courant, dans son château situé sur les bords de la Loire, un vrai voyage pour un méridional.

Les attraits de la charmante baronne Hermine me revinrent en mémoire, je n’étais pas fâché de les revoir de près ; puis je n’étais pas engagé par serment, et je verrais bien si un mois passé dans l’intimité de la jeune veuve m’engagerait à me couvrir de chaînes. Je partis donc pour la Touraine, où j’arrivai au jour fixé. Je fus accueilli comme un indifférent par la châtelaine, qui vivait là au milieu d’un nombreux personnel de serviteurs des deux sexes.

Je retrouvai en arrivant les désirs charnels que m’insufflait le charme piquant de cette jolie brune, grande, élancée, spirituelle jusqu’au bout de ses ongles roses. Deux grands yeux de velours noir, toujours un peu bistrés comme par une fatigue qu’on voudrait avoir causée, un nez droit et pur, qui prenait part à la conversation avec ses ailes transparentes toujours en mouvement, une coupe très fine de figure, où l’on devinait la race, un teint mat, des perles fines et serrées, dans un tout petit écrin aux lèvres carminées, si peu fendues, que dans son enfance elle devait avoir eu de la difficulté à sucer un sucre d’orge, des hanches dont la saillie ne doit rien au corset, un corsage timidement garni, mais qu’on devinait naturel à la gymnastique que faisaient les petits seins menus quand elle était essoufflée par une marche précipitée, les jupes qu’on s’étonnait de voir si audacieusement ballonnées, car la nature l’avait abondamment pourvue à l’endroit du séant, qui aurait fait le bonheur d’un de nos joyeux conteurs français qui raffole de ces exubérances, ce dont je suis loin de le blâmer, tout cela faisait de la jolie veuve une épouse très sortable, mais surtout une maîtresse désirable.

Elle me renouvela la bizarre condition de l’épreuve imposée. Je sentis dès la première entrevue qu’il me serait difficile de prendre des acomptes, l’envie de mordre au fruit défendu ne me laissait pas un instant de repos. Elle se suspendait à mon bras, dans la promenade que nous faisions dans le grand parc qui entoure le château, en compagnie de Mirza, une grande levrette jaune, qui m’avait montré ses crocs aigus à mon arrivée, et qui, après huit jours, me manifestait toujours la plus vive antipathie. Flairait-elle un rival qui allait lui disputer le cœur de sa maîtresse ? La vilaine bête ne changea pas d’attitude à mon égard jusqu’à la fin de mon séjour au château.

Ce joli bras rond, qui me serrait, cette taille souple, cette gorge de jeune fille que je sentais battre contre mon bras, la fine odeur qui montait de ses jupes remuées, et qui me renseignait sur le parfum qu’elle employait à sa toilette intime, me tenaient tout le temps dans un état de surexcitation fatigante, n’ayant pas d’éteignoir à ma disposition. On aurait dit qu’elle se frottait à moi, cette beauté troublante, pour m’électriser, dans ces tête-à-tête de tous les instants, à la promenade, dans la salle à manger, au salon, jusque dans son boudoir, partout enfin, excepté là où j’aurais voulu la tenir. Puis le soir, vers dix heures, on me tendait des doigts qu’on me permettait de baiser.

Je passai, comme on peut le penser, des nuits désastreuses, n’ayant pas de position, rêvant de croupes rebondies qui me narguaient en me lorgnant de leur œil noir clignotant, comme un sourcil froncé, de cons satinés et parfumés, grands ouverts, qui fuyaient devant moi, à deux pouces de mon nez, qui augmentaient mon érection. Je crois que si j’avais eu sous la main la vieille fée Carabosse, j’aurais été dans le cas de la violer. Cette torture physique et morale dura trois jours et trois nuits, sans que le moindre soulagement vint s’offrir à moi.

Il y avait dans le personnel féminin qui servait la baronne, une gentille femme de chambre, qui paraissait avoir de vingt-cinq à vingt-six ans. C’était la favorite de la maîtresse, qui l’employait à sa toilette intime, elle couchait isolée des autres filles de service, dans une chambre séparée de celle de sa maîtresse, par le boudoir, les trois pièces en enfilade, communiquant ensemble par le dit boudoir, pour l’avoir toujours sous la main à toute heure de jour et de nuit.

Gracieuse, c’était son nom, bien porté, ma foi, était la plus gentille soubrette qu’on pût voir, avec son bonnet blanc, coquettement posé sur le sommet de la tête, et ses deux grandes brides, qui voltigeaient dans le dos, quand elle courait répondre à sa maîtresse trottinant d’un pied leste.

Elle était toute rondelette, une vraie boulotte, garnie d’appas développés ; un joli rire bon enfant fendait sa jolie bouche ronde ; comme pour montrer à tout venant ses jolies perles fines d’un émail éblouissant, rangées dans une grenade coupée, saignante : un joli minois futé, éveillé, éclairé par deux grands yeux bleus longs comme ça, pétillants de malice, ses joues rondes et fraîches, ses lèvres rouges, luisantes, sensuelles, ses beaux cheveux blond cendré, ses épais sourcils noirs, et ses longs cils soyeux qui ombrageaient ses joues, contrastant avec sa perruque blonde, en faisaient un morceau bien appétissant pour un gavé, jugez donc pour un affamé de mon acabit ; et j’aurais volontiers supporté le jeûne imposé par sa maîtresse, si la soubrette avait consenti à m’indemniser par quelques bons soupers fins.

Quand elle passait auprès de moi dans l’ombre d’un corridor, je lui prenais la taille, une taille fine et souple, qui se tordait dans mes bras, lui pinçant les joues, lui mettant un baiser où je pouvais, sur cette figure rose, qui se détournait ; mes lèvres rencontraient toujours un coin, l’œil, la joue, l’oreille, quelquefois la nuque dans les frisons qui voltigeaient, jamais la bouche qui fuyait la mienne, et qu’elle avait le talent de dérober. Elle me glissait entre les doigts comme une anguille, et s’enfuyait comme une biche effarée.

Cependant elle ne paraissait pas trop farouche, et en dehors de la bouche qu’elle me refusait, se figurant sans doute que la bouche était le dernier retranchement, elle ne se défendait pas trop, et pendant que je l’embrassais dans les coins mal défendus, je me rendais compte d’une main pressante de la quantité des trésors qu’emprisonnait son corsage adorablement bombé et dont la constitution me faisait le plus grand éloge des deux prisonniers.

Le quatrième soir, après avoir baisé le bout des doigts de la baronne, j’attendis, blotti dans le corridor, que la soubrette sonnée, qui était en bas avec les autres serviteurs, passât devant moi, allant déshabiller sa maîtresse. Je l’attrapai au vol, et cette fois je l’embrassai longuement sur la bouche. Était-ce parce qu’il faisait nuit, et qu’elle ne voyait pas ce que je lui faisais, elle ne détourna pas la tête, et je sentis que ses deux lèvres s’appuyaient doucement sur les miennes. Avant de la lâcher je lui dis :

— Je vais t’attendre chez toi.

— Oh ! non, monsieur, madame n’aurait qu’à nous entendre, nous serions dans de jolis draps.

Elle s’échappa, courant à son devoir. Ce non me donnait à penser, mais me semblait vouloir dire qu’elle ne se refuserait pas à venir me retrouver ailleurs. Oui, mais dans ma chambre, si sa maîtresse la sonnait pendant la nuit, elle n’entendrait pas, ou si elle s’avisait de vouloir savoir où était sa soubrette, la fête serait tôt finie. Je me décidai à aller l’attendre chez elle. La porte s’ouvrit sans bruit, j’entrai, je me trouvai plongé dans l’obscurité. Je la refermai doucement, et me tins coi, écoutant un murmure de voix, dans la pièce en face, qui était le boudoir.

Un filet de lumière, qui filtrait par le trou de la serrure de la porte de communication, attira mon attention. Je retirai ma chaussure, et guidé par le point lumineux, je vins coller mon œil à l’huis éclairé. Tout d’abord, je ne vis rien, puis j’aperçus la baronne debout, que la soubrette déshabillait, lui retirant son dernier jupon, la laissant en chemise brodée dont la batiste transparente se rosait des tons de la peau, éclairée par la vive lumière de deux flambeaux posés sur une table en laque du Japon.

La baronne s’assit dans un fauteuil en face de mon observation. Gracieuse vint lui retirer les souliers, puis les jarretières, découvrant la chair blanche jusqu’à mi-cuisses, elle retira le bas de soie noire, m’offrant toujours les plus riantes perspectives. Puis à ma grande surprise, avant de chausser les petits pieds des mignonnes mules, qui les attendent, la soubrette les souleva, les porta à ses lèvres et les embrassa, découvrant dans ce mouvement élévatoire, le joli con vermeil avec ses lèvres tordues entre les cuisses.

Parbleu, sans chercher plus loin, la baronne, qui est évidemment une tribade raffinée, devait avoir dans son aimable fille de chambre, une artiste consommée dans cette spécialité. Cependant la soubrette s’en tint là pour le quart d’heure. Si mon Hermine est blanche comme la jolie bête dont elle porte le nom, là s’arrête la ressemblance, la jolie veuve ne mourrait pas pour une tache.

Je les vis se diriger de mon côté, Gracieuse portant un flambeau. Je me demandais assez calme cependant, si elles n’allaient pas découvrir ma présence ; j’aurais préféré voir la fin de la séance, comptant bien assister à des scènes émoustillantes. Elles obliquèrent à gauche et entrèrent dans le cabinet de toilette, qui est à côté de la chambre que j’occupais. Un éclair me montra une seconde serrure, par conséquent un second observatoire.

J’allai y coller mon œil, la femme de chambre garnissait un bidet d’eau, y jetant quelques gouttes de parfum qui venait jusqu’à moi, et dans lequel je reconnus la violette qu’employait la baronne pour ses dessous.

Mme de K…, la chemise troussée très haut, enjamba l’ustensile, me tournant le dos, exhibant dans le bas des reins fièrement cambrés, un superbe postérieur de la blancheur de la neige, éblouissant, et tel que le ballonnement des jupes le faisait prévoir, qui s’arrondit en descendant sur le vase. Elle le plongea à demi dans l’eau, baignant une partie des fesses, tandis que la soubrette lavait les appas disparus.

Quand le bain et le lavage eurent pris fin, la baronne s’enleva, balançant sa croupe au-dessus de la bassine, dans laquelle l’eau retombait avec un petit bruit de cascade, tandis que je voyais une main courir sur la fente, promenant une fine éponge, qu’elle passait délicatement entre les bords vermeils, partant de la petite rosette, s’arrêtant complaisamment à l’extrémité de la fente sous la toison.

— Tu me chatouilles, Graciosa, tu vas me faire partir avant l’heure.

— N’ayez crainte, madame la baronne, vous savez bien que je m’arrête toujours à temps.

La soubrette prit un linge fin, essuya les parties mouillées, allant des fesses au bijou, doucement, comme si elle craignait d’abîmer ce satin délicat. La baronne se releva, s’écarta du bidet, laissant tomber sa chemise qui recouvrait imparfaitement ses adorables nudités. La soubrette dénoua les cordons, la chemise glissa jusqu’aux pieds de la jeune femme, la laissant toute nue, et superbe d’impudeur, elle regagna le boudoir suivie de la soubrette, qui portait le flambeau et une chemise de satin noir qu’elle avait prise dans une commode.

Je ne vis qu’un moment le corps svelte st gracieux, qui se déhanchait de la façon la plus lascive, la fille de chambre lui passa la chemise noire, et la maîtresse alla s’asseoir dans le fauteuil en face de moi, car j’avais changé d’observatoire, y prenant une pose savamment lubrique, en même temps que très favorable pour le divertissement, qui se préparait sans doute.

Elle avait mis ses deux cuisses sur les bras du fauteuil, pendantes des deux côtés, le bassin très élargi, offrant le con dans l’écartement le plus indécent et le plus favorable pour l’inspection et pour l’exploration de la cavité satinée, exhibant dans le haut à l’entrée, au-dessous d’une fine toison noire, un vrai clitoris de tribade, gros, luisant, et d’un rouge vif, que je voyais très bien de ma cachette éloignée. Le bas des fesses reposait sur le bord du fauteuil, larges, épanouies, le dos renversé, la chemise retroussée jusqu’au nombril.

J’aurais volontiers pris la place de la langue qui allait venir labourer cette chair ouverte, des lèvres qui allaient se coller là, des dents qui allaient croquer cette praline rose parfumée. Une furieuse démangeaison fouettait mon sang incendié par cette exhibition luxurieuse de chairs nues étalées dans la plus lubrique indécence, mais je devais rester simple spectateur.

je comprenais maintenant que cette jeune veuve, si voluptueuse, put commander à ses sens, quand elle se frottait lascivement à moi, comme une chatte amoureuse, en m’imposant un carême prolongé. Elle cherchait tout simplement des excitants. L’épouse disparaissait, la maîtresse tout au plus pourrait la remplacer.

Mais déjà la soubrette agenouillée devant le vermeil sanctuaire, me cachait l’objectif, et priait avec une aimable ferveur, qui se manifestait sur le visage ému de la maîtresse, et sur la petite gorge menue, que la chemise très ouverte laissait toute entière à découvert les petits seins blancs et ronds se soulevaient berçant la pointe vermeille ; ses lèvres s’entr’ouvrirent, et elle soupira tendrement, la tête penchée sur l’épaule, les yeux mi-clos.

La soubrette se releva, tandis que la maîtresse restait dans la même posture, plus indécente encore, avec la chair plus ouverte, et la mousse qui luisait sur son bouton rutilant, et dans les poils noirs d’alentour, comme dans l’attente d’une seconde fête.

Gracieuse avait disparu. Elle rentra presque aussitôt avec… Mirza la levrette choyée. Merci de la rivale, je ne veux pas la disputer, même comme maîtresse, à une chienne. Décidément la tribade est complète. Parbleu, voilà pourquoi elle me montre ses crocs, la vilaine bête, Pouah ! la vilaine maîtresse aussi.

La levrette bien éduquée savait ce qu’on attendait d’elle ; en deux bonds, avec un happement joyeux, elle sauta sur la chair ouverte, plongea son vilain museau entre les cuisses de sa maîtresse, et fit courir son épaisse langue, longue et large, sur les chairs palpitantes. La jouissance dut être atroce, la baronne cria et se tordit sur son fauteuil, la bouche baveuse ; tandis que la soubrette lui frottait rudement le bout des seins.

La séance était finie sans doute, Gracieuse se disposait à ramener l’aimable levrette dans sa niche, mais Mirza résistait. Parbleu, elle n’avait pas eu tout son compte la pauvre chienne, car sa maîtresse vint s’agenouiller sur le bord du fauteuil, le corps penché en avant, levant très haut sa chemise noire qui rendait plus éclatante encore l’éblouissante blancheur de son cul arrondi, qu’elle offrait à la langue de la levrette. Mirza se dressa sur ses pattes de derrière, mit ses pattes de devant sur le velours du meuble, et lécha deux ou trois fois la raie du cul de sa maîtresse, s’arrêtant dans le bas, puis, comme si elle ne trouvait pas dans ces parages trop bien nettoyés son régal habituel, elle abandonna la partie.

— Ma pauvre Mirza, dit la maîtresse compatissante, avec un cynisme tranquille, là où il n’y a rien, le roi perd ses droits.

Je n’eus pas de grands efforts à faire pour deviner quels étaient ces droits ; c’était bien là le comble de la dépravation. D’ailleurs je saurai bien tirer les vers du nez de l’aimable soubrette. La levrette était rentrée de fort bonne grâce, après ses recherches infructueuses.

Gracieuse, prenant un flambeau, conduisit sa maîtresse dans sa chambre à coucher, qui s’ouvrait en face, à l’autre extrémité du boudoir. Elle en sortit aussitôt, refermant la porte, revenant trop vite pour que sa maîtresse ait eu le temps de la payer de retour.

Elle prit sur la table le flambeau qui restait et se dirigea vers sa chambre.

  1. Aurait été imprimé en réalité à Paris, mais inscrit Montréal en contrefaçon. Voir Histoire du livre et de l’imprimé au Canada