Odes (Horace, Leconte de Lisle)/I/15

1er siècle av. J.-C.
Traduction Leconte de Lisle, 1873
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Ode XV. — PRÉDICTION DE NÉREUS
sur la ruine de troja.


Lorsque le Berger, hôte perfide, entraînait Héléna, à travers les mers, sur les nefs Idaeennes, Néreus força au repos les vents rapides, afin de chanter ainsi les destinées terribles :

— « Par malheur, tu conduis dans la demeure de tes aïeux cette femme que réclameront les innombrables soldats Graeciens conjurés pour rompre tes noces et l’antique royaume de Priamus.

Hélas ! combien de sueurs pour les chevaux et pour les guerriers ! Que de funérailles tu prépares à la race Dardanienne ! Déjà, Pallas prépare son casque et l’aegide, et son char, et sa rage.

Vainement, orgueilleux de l’appui de Vénus, tu peigneras ta chevelure et tu tireras de ta molle cithare des chants agréables aux femmes ; vainement, sur ton lit nuptial,

Tu éviteras les lourdes lances et les pointes des roseaux Gnossiens, et le bruissement de la mêlée, et la poursuite du rapide Ajax ; cependant, hélas ! tu traîneras à la fin dans la poussière tes cheveux adultères.

Ne vois-tu pas le Laertiade, fléau de ta race, et le Pylien Nestor ? Ils te pressent, ces braves, le Salaminien Teucer, et Sthénélus

Habile au combat, et bon conducteur de char, quand il faut diriger les chevaux. Tu connaîtras aussi Mérion. Voici qu’il te cherche, furieux, le farouche Tydide, plus brave que son père.

Tel que le cerf qui, ayant vu un loup à l’autre bout de la vallée, ne se souvient plus de l’herbe, devant ce guerrier tu fuiras, épuisé, hors d’haleine, et n’ayant pas promis cela à ta bien-aimée !

La colère d’Achillès et des matrones des Phrygiens reculera le jour d’Ilios, mais, après les temps accomplis, le feu Achaïque brûlera les demeures Iliaques. » —