Maison d’éditions et d’impressions Anct AD. Hoste, S. A. (p. 192-193).

LI.

VEILLÉE.

L’heure dernière
De l’an mourant, pâle d’émoi,
J’ai joint les mains pour la prière,
Car je voulais prier pour toi.
Pour implorer l’amour du Père
Je n’ai trouvé que des sanglots.
J’ai prié pour ton âme chère
Avec des pleurs au lieu de mots.

— « Dieu, si tu veux que je renonce
À mon suprême espoir d’amour et de bonheur,
Dis ta réponse,
Que je l’entende au fond du cœur.
Si tu le veux je me résigne,
Je m’en irai, triste mais digne,
Mon cœur dira son chant du cygne
Et noblement mourra mon cœur. »


Et, sur ma prière sublime,
Soufflant un souffle amer et froid,
Je sentis le vent de l’abîme
Dans mes cheveux dressés d’effroi.

Au dehors les gars du village,
Suivant l’usage,
Tiraient des coups de pistolet,
Tuant brutalement l’année
Et le silence qui planait
Sur la terre pâle et fanée,
Où la lune, à travers la brume,
Versait du lait.

Le coup joyeux éclate et fume…
Oh par pitié, s’il me tuait !