XII

AGONIE


Telle qu’une reine cruelle serrant sur sa poitrine les butins d’anciennes guerres, les poings couverts de fer et ruisselants de joyaux, telle qu’une reine cruelle dans un jardin tranquille, c’est Florence au-milieu des fleurs. Chaque ville d’Italie est marquée par l’éperon d’un conquérant. Gènes a Doria, Milan a Sforza, Venise : Colleonne, Florence : Médicis. Les maisons serrées, bâties en pierres formidables et grises et d’où saillent des éperons d’acier, des lanternes entourées de lances, les maisons furent asiles aux Guelfes, aux Gibelins. À peine si, près des collines embaumées dont fusent les cyprès et les lauriers roses, on retrouve l’ombre amoureuse de Pétrarque. Tout est Dante. Tout est terrible et raide. Les églises, noires et blanches funèbres, décomposées de chefs-d’œuvre. La statuaire de Michel Ange, la peinture du Titien, les hardiesses du Tintoret font regretter la douceur reposante de Raphaël. Tribune des Uffizzi, charme des yeux, effarement des idées, ô beauté parfaite… mais palais des vieux reitres, ô menaces de feu !

Jacques en arrivant à Florence avait ressenti une impression pareille. Ému surnaturellement par la caline Venise, il ne s’habitua tout d’abord pas à ces murailles rêches, à ces horizons brutes, à cet Arno qu’il pensait si délicieux et qui n’était que désolé, bruyant, et sans barques… les barques, ces oiseaux des fleuves ! Les façades des églises lui paraissaient des catafalques, et les dépouilles précieuses dont elles étaient ornées ne lui inspiraient qu’un regret pour cette splendeur morte. Dans son âme délicate, les traces de violence, apparentes partout, le choquaient. Il avait lu Pétrarque plus que Dante et s’était pénétré de ce lent hymme d’amour, vibrant comme un baiser en souvenir. Vainement il chercha Pétrarque, vainement l’évoqua-t-il marchant à travers les rues, les rues dallées non pas à la façon d’un palais, mais à la façon d’un cimetière. Il ne le trouva point. Un matin, seulement, parti de fort bonne heure, il s’était dirigé vers la Via dei Colli qui entoure florence d’une ceinture de parfum, de fragrance exquise. Il monta, après avoir traversé le fleuve, un escalier gris et rose que l’aurore teintait, bordé de chaque côté par de sveltes cyprès bleus dont les silhouettes s’allongeaient telles que des cierges. On eut dit l’entrée d’une chapelle ardente. Puis il fut sur la place Michel-Ange d’où l’on embrasse l’horizon. Et Jacques crut pour un instant trop court voir apparaître dans l’apothéose du soleil, la douceur florentine dont Pétrarque mourait, parce qu’il en était loin.

Le soleil d’octobre qui là-bas prend des rutilances de fournaise — il est rouge comme nos horizons par les soirs d’été — venait d’eclater hors des nuages et simulait une blessure palpitante au flanc d’un Dieu. La ville était couverte d’une huée et de cette buée légère et grise il ne sortait que la tour du Palais Vieux, dentelée comme une herse, et le campanile du Duomo dont étincelait la croix. Personne, à cette heure enchantée. Les touristes, les hideux Cook qui déshonorent Florence et qu’on voit malgré soi, dormaient. Jacques était seul. Et une haleine de floraison printanière flottait encore ; des campagnes environnantes, un coq chanta. La tour du Palais Vieux se colora en rose vif et des églises çà et là apparurent. Par une lumière inexpliquée, l’Arno luisait tel qu’un serpent mouillé dans l’herbe. Et l’on ne distinguait que ses sinuosités métalliques perçant le brouillard. Des cloches tintèrent. Jacques, douloureusement, se souvint de Venise, de là-bas, où, par les aurores enflammées, la musique du bronze se mariait à la musique des vagues, les cloches et les vagues, les églises et la lagune, pour un alleluia unique, digne de la cathédrale merveilleuse, de Notre-Dame des Mers mortes. Le soleil montait de l’horizon et piqua sur la ville deux ou trois flèches de lumière. Un murmure, le murmure du réveil arrivait jusqu’à l’endroit où Jacques accoudé rêvait. Des coqs à nouveau chantèrent. Une voiture de foin passa, suivant la route que Liéven avait prise pour monter. Tout d’un coup, la brume s’écarta, laissant apercevoir la ville, la place des Seigneurs, le palais Pitti, le Baptistère, l’ancien avec ses portes merveilleuses, le nouveau où le Pensieroso semble en face de l’éternité. Une seule nuée d’argent subsistait sur l’Arno. Et Florence avait l’air transformée, plus jeune, toute alanguie. Les villes, pareillement aux femmes, sont belles surtout par les espoirs qu’elles font naître, par le passé qu’elles laissent entrevoir. Jacques ne vit plus les conquistadores, les aventuriers, les bandes aux étendards déployés mettant à sac les pays vaincus, mais l’immortalité qui plane sur Florence : Pétrarque, Le Dante, Michel Ange, Raphaël. Le triomphe de tous les Amours ! L’assomption de toute Beauté !

Depuis son départ de Venise, Jacques de Liéven n’avait pas osé s’interroger et consulter ses voix intérieures. Ayant quitté la ville, très en ébullition intellectuelle et amoureuse, Jacques craignait de ressusciter le passé. Il ressemblait à ce jeune Athénien qui, d’un sourire, cachait le renard lui dévorant la poitrine ; lui, c’était son cœur déchiré. Parfois il éprouvait un poids douloureux dans la tête et le rythme de son sang s’accélérait. Des bruits étranges bourdonnaient à ses oreilles, des bruits funèbres comme un glas des morts, des bruits lourds comme un cercueil qu’on apporte. Certains croient aux pressentiments. D’y croire, mène, selon des personnes, l’esprit à la recherche d’une science obscure et remplie de ténébres par laquelle, si l’étude s’en poursuit, on arriverait à sonder l’Avenir. Jacques, fataliste autant qu’un oriental, possédait une sensibilité nerveuse très aiguë. Et ses mélancolies soudaines avaient toujours eu des causes vaguement réalisées. Mais par ce matin de claire automne, devant la ville reposée, ses soucis l’abandonnaient. Il restait tout entier à la joie de vivre Sans pour cela appeler le souvenir, il ne le craignait plus. Il y avait tant de soleil qu’il oubliait l’aveugle. Il y avait tant de chansons qu’il en oubliait ses larmes ! Et puis à vingt ans, même dans les plus sombres romans d’amour, la sève éclate dans les veines enfantines, et aux désespoirs avoués succèdent des joies sans but. Qui de nous à certaines heures n’aurait voulu tenir le monde entre ses bras ! Jacques était poète : La beauté la transportait. L’image de Ninette l’avait ravi par sa splendeur naissante. Cette virginité aux regards éteints, éteints avant le moindre blasphème l’avait transformé en ardent adorateur. Florence à l’aurore valait Ninette endormie. Et de la place immense d’où la ville entière était dominée, il tendit les bras vers la divinité libératrice, celle grâce à qui s’étancherait la blessure ; il célébra la messe enthousiaste. Avec une ferveur idéale il offrit à la nature le plus pur de son âme. Et le soleil altier étincelait en lui.

Puis il redescendit par le même escalier gris bordé de cyprès comme des cierges…

Il avait des pensées d’extase et de bonheur. Les moindres passants rencontrés prenaient à sa vue des mines sympathiques. Jacques éprouvait un besoin avide de fraternité. Et il évoqua les crises d’enfance, les crises de cette époque vibrante où les garçons deviennent des jeunes gens et où dans leur intelligence bourdonnent confusément de larges espoirs. Il avait été une année avant sa philosophie envoyé à Saint-Germain dans le collège nouveau qu’on y avait construit. La rhétorique formée à peine ne comptait que très peu d’élèves. Et le professeur, un rêveur aux grands yeux timides, de suite, par l’habileté de sa parole, par la persuasion de son cœur, l’avait charmé. Jacques curieux bien plus des choses futures que des choses actuelles, interrogeait discrètement le professeur entre ses classes sur ces vérités éternelles qu’en philosophie on lui dévoilait. D’ailleurs au hasard des traductions latines et grecques les textes des vieux sages l’avaient éclairé. Alors, comme la classe était plutôt une causerie qu’un enseignement de dogmes, le professeur entrainait Jacques près d’une fenêtre d’où on découvrait divinement la campagne. En bas des murs un jardin serpentait, un jardin bourgeon dont quelque rentier devait tirer ses délices. Un cerisier abritait un bassin minuscule au centre duquel un cygne de plàtre faisait jaillir de minces gouttes d’eau. En face du bassin un banc et une table de fer. Et l’allée soigneust-ment ratissée et nettoyée des feuiles mortes, aboutissait à un pigeonnier. Chaque semaine, un vieux en manches de chemise, large chapeau de paille l’été, un gros paletot à cache nez l’hiver, un vieux arrivait, dissimulant dans sa poche un couteau de cuisine et saignait un pigeon pour dimanche. De la classe on entendait le gravier bruire, la porte basse grincer. Et l’on disait :

— Encore un pigeon d’saigné ! V’la le père Mathieu qui passe…

Car il s’appelait Mathieu, cet homme. On entendait la porte grincer, des battements d’ailes, des bruits effarés, un roucoulement douloureux puis un tout petit cri, si aigu, si frôle ! Et c’était tout :

Madame Mathieu aurait demain son pigeon aux petits pois.

Donc en face de ce jardin s’ouvrait la fenêtre ; Plus loin quelques maisons aux toits en tuiles rosés. Après les maisons, la lisière sombre de la forêt. Et là, le jeune professeur découvrait la vérité à Liéven ébloui ; très simplement, sans phrases, prenant pour exemples les choses les plus ordinaires qu’ils avaient sous les yeux ; Jacques se rappelait ses enthousiasmes, ses ferveurs inexprimées jusque-là. Seul avec la paix souveraine du ciel et de la terre, il lui semblait qu’il demeurait le héros des victoires prochaines. Dans sa tête fiévreuse, des projets, des départs, des conquêtes, des élans infinis, des adorations étranges se mêlaient, s’étouffaient.

Par instants il écoutait la sagesse couler en lui comme une source. D’autres fois son naturel insoucieux et gai reprenait le dessus, des flammes mystiques s’unissaient aux feux d’amour, et cet amour même se transformait sensuellement. Les conceptions généreuses d’altruisme, il les confondait avec un baiser universel. Et son corps juvénile frissonnait sous une miraculeuse caresse.

Toute la journée il demeura dans cet état de quiétude. Il se promena encore aux environs de Florence, longeant les chemins calleux dont les pierres sont bossues et dont les oliviers bercent les fossés. Il vint dans les vignes déjà dépouillées de leurs grappes et demeura des instants à songer à Virgile.

Lorsque le soir enveloppa la campagne d’ombre, il rentra, pris soudain de mélancolie. De même qu’au collège, après ses lièvres, il était étreint d’un grand désir d’amour.

Il fut hanté par Ninette et l’amour, de rechef, tinta en lui.

Il l’imaginait demeurée, après son départ, hautaine et cruelle comme il l’avait sentie. Qu’importait à la dogaresse l’émotion d’un poète. Ne vivait-elle pas dans la ville ou tout composait un vivant poème ? Poème qu’elle ne voyait pas… Jacques eut un espoir secret, une joie indicible.

Poème qu’elle ne lisait pas !… À l’accueil de ses paroles, au trouble de ses gestes, à la pâleur de son visage. Jacques avait compris que Ninette l’aimait, l’avait aimé. Lui avait pu chasser de son esprit et de son cœur cet autrefois là, cette minute là, momentanément par le spectacle des diversités extérieures. Mais elle, l’aveugle ? Elle restait impitoyablement en face d’elle-même. Qu’elle ne t’aimât plus ; qu’elle le détestât même… n’importe. Elle restait en face de cet instant d’émoi. Et Jacques l’en plaignit d’une âme involontaire. Car, lorsqu’on est sous l’impression perpétuelle d’un souvenir on finit toujours par en souffrir. Que le souvenir soit triste, le temps n’adoucit pas la douleur. Que le souvenir soit doux, on regrette qu’il n’existe plus qu’en souvenir, et l’on pleure. Voici pourquoi la vie a un fond de mélancolie tragique : Les uns regrettent de ne pas avoir, les autres regrettent d’avoir eu. Le problème, l’énigme, les tenailles, c’est que le présent n’existe pas, et qu’il est des natures tellement malheureuses qu’elles ne sont jamais parvenues à se faire illusion. Et Jacques plaignit Ninette et la soupçonna de posséder une nature pareille. Jacques plaignit Ninette et à cet instant là, il aurait bien voulu souffrir à sa place. Jacques plaignit Ninette et il sentit alors la profondeur de sa passion. Et pareil au cri des mouettes blesséeses dans un orage, Jacques laissa échapper un mot de prière et d’ironie, de désenchantement et d’extase, un mot vibrant de tous les départs, de tous les mystères… Mourir !…

La chambre de Jacques ouvrait deux larges fenêtres à balcon sur le Lung-Arno. La pièce était petite et claire. Liéven avait cet amour presque maladif des espaces restreints et des espaces lumineux pour y rêver plus intimement. Autant il était avide d’immensité quand il se trouvait dehors, autant il préférait les retraites paisibles, les endroits comme recroquevillés sur eux-mêmes. De ces chambres dont il semble qu’on va toucher les murs, en étendant les bras. Lorsque Jacques y rentra, la nuit était venue. Jacques eut une sensation exquise, parce qu’elle est rare en voyage, de home, de confortable. On ne distinguait que les deux baies ouvertes, par lesquelles la nuit tombait sur les choses familières. Le lit, la table, les chaises prenaient des formes plus enveloppées, plus caressantes, on aurait cru d’ouate bleue Et se dirigeant à tâtons, Jacques arriva près du balcon. Son âme frémissait de l’appel angoissé qu’elle avait faite à la mort. Vraiment, il lui avait paru tout à l’heure que ses espérances ruinées, son désir de mysticisme, ces élans vers un départ inconnu se résumaient dans ce mot : Mourir !… Mais voici que la nuit religieuse planait et qu’avec le silence, une poésie infinie descendait du firmament. En bas, l’Arno apaisé mirait les maisons sur ses rives et les collines qui bordent l’horizon. Une étoile tremblait dans l’eau. La seule rumeur du barrage, près du Ponte Nuovo, altérait la sérénité du paysage. Jacques, en regardant les collines lointaines, sentit la joie lui caresser les yeux. Du soleil disparu, subsistait une étroite barre sanglante sur laquelle des cyprès, toujours des cyprès, et des pins parasol et une maison de paysant se profilaient. Une odeur de myrthe et de laurier venait des jardins. Et Jacques qui, devant l’angoisse du crépuscule, s’était abandonné à une tristesse immense, Jacques renaquit à la vie. Chose curieuse : par cette nuit italienne, toute calme, toute endormie, il discernait mieux la germination ardente de la nature qu’aux instants le plus bruyants du jour. Il songea à la légende grecque de Narcisse, Narcisse transformé en fleur près d’une lontaine ; il rêva de se sentir des racines avec la terre comme pour mieux étreindre et pour mieux aimer. Et la nuit d’étoiles coulait dans ses yeux.

Il s’accouda sur la rampe de pierre et demeura longtemps, jusqu’à ce que la bande sanglante disparaisse. Alors, quand les derniers oiseaux se furent apaisés et que la dernière lueur se fut éteinte, Jacques ferma ses croiséées. Tout à l’heure la pensée de Ninette l’effleurait encore. Le recueillement des soirs invite a la prière. Et c’est prier un peu que d’évoquer l’amour. Leur amour, blanc et pur comme un ruisseau d’avril, frais comme lui, murmurant comme elle. Il écoutait dans son âme cette chanson mouillée et les caresses évanouies avaient la douceur des herbes que le courant entraine. Oh Ninette ! Tout à l’heure aussi, ses bras s’étaient tendus vers la plaie éparse au ciel et mentalement il souhaitait que sa blessure se ferme en même temps que ce reflet du soieil.

Ninette… Ninette… Les appels d’oiseaux, la brise dans les branches, le grondement du fleuve lui disaient Ninette… Ninette… S’il avait eu des remords, si leur histoire ne s’était pas trouvée liliale il aurait pu calmer sa peine par ce remords, car rien ne tue, ou rien n’exalte l’amour comme un passé douloureux. Ninette… Ninette ! Jacques ferma les croisées. Il fit de la lumière, Alors, sur la table, il aperçut une lettre dont l’écriture lui était inconnue ou presque. Elle était timbrée de Venise. Il l’ouvrit et tout à coup devint pâle. Ses poings se crispèrent et jusqu’aux plus petites veines son sang bourdonna fébrilement. C’était du grand-père de Ninette. Ah, mon Dieu !

Et il comprit, lors de la promenade sous les oliviers et sous les vignes, lors de son retour par le crépuscule, sa metancolie vaguement prophétique… Ninette malade… Ninette très malade… Revenir à Venise… La voir une fois encore… Peut-être la dernière. Une souffrance atroce le secoua misérablement. Ses yeux convulsés ne trouvaient pas les larmes. Il avait deviné tout jusqu’aux détails les plus précis. Il la trouverait morte, mourante, ensevelie. Il fallait partir, partir de suite. Il se parlait à voix basse et qu’il ne criât pas, que de sa gorge ne sortissent pas des plaintes désespérées, cela paraissait une chose extraordinaire et non humaine. La voir une fois encore. Oh ! les senteurs étouffées de fleurs, de larme, de cantiques. Mais elle n’allait pas mourir, mais elle ne pouvait pas mourir ! Il eut choisi la torture la plus effroyable, un feu brûlant pour lui tenailler les muscles. Jacques se dressait en tumulte contre des ennemis imaginaires, contre les ennemis sous lesquels Contarinetta succombait. La vie, la vie ! Le soleil l’illuminait de sa gloire. Des vestiges l’assaillirent. Alors il se laissa tomber sur son lit plus faible qu’un enfant. Il sentait la nécessité de partir, de partir vers cette Venise qui, maintenant, lui faisait l’effet d’un gouffre plein de supplices. Et il était incapable de mouvement, brisé par l’affreuse nouvelle, anéanti par toute la douleur inavouée de ses pressentiments, pareil à ces visions dans lesquelles, poursuivi par un monstre, on sent subitement les jambes se dérober. Un frisson le secoua. Des griffes lui déchiraient les entrailles et, par instants, le cœur se ralentissait jusque douter qu’il battit encore… « Ninette m’a montré des feuilles et des fleurs, et les feuilles étaient jaunes et les fleurs étaient sèches, mais elle les avait eues sur son cœur. Ce sont les vôtres, Monsieur, celles que vous lui avez données. Vous voyez bien que vous n’avez pas cessé d’être près d’elle et c’est à cause de cela que je vous demande de venir ». Ainsi elle l’aimait encore, puisqu’elle avait gardé ces fleurs et ces feuilles. Oh ! bonheur, elle l’aimait donc, elle n’allait pas mourir ! Il la réchaufferait entre ses bras, la chérie, il la bercerait, il ouvrirait ses veines et elle boirait son sang, et leurs souffles mêlés défieraient l’Agonie. Allons, partir, il faut partir !…

Et lorsque Jacques, en pleine nuit, eut atteint à la gare l’express de Bologne et qu’il fut seul dans le wagon où des lueurs vacillaient, qu’il se sentit transporté à travers les campagnes, il crut être victime d’un rêve d’épouvanté que l’aurore allait transfigurer.