Notice historique sur L’Abord-à-Plouffe/Texte entier

Je n’ai pas la prétention de présenter au public le nouvel ouvrage de M. l’abbé Froment. Je me contenterai de souligner le bon exemple que donne le vicaire de St-Martin. Les labeurs du ministère, l’inaction à laquelle le condamne souvent une santé débile, rien n’a ralenti son zèle à compulser les archives de sa paroisse, interroger les anciens et recueillir des documents. Une première fois il a écrit une brève histoire de Saint-Martin, aujourd’hui il nous fait part de ses recherches sur l’Abord à Plouffe. Puisse son travail inspirer de nombreux imitateurs. Ces monographies constituent un précieux instrument d’étude pour nos historiens. M. l’abbé Froment apporte sa pierre à l’édifice national, et nous ne saurions trop l’en féliciter.

Typographie L’Action populaire (p. Couverture-).

Notice historique
sur
L’Abord-à-Plouffe




Par l’abbé J. Ad. FROMENT.
vicaire à St-Martin de Laval


Notice historique
sur
L’Abord-à-Plouffe




Par l’abbé J. Ad. FROMENT.
vicaire à St-Martin de Laval



À tous ceux qui aiment les choses du terroir
et à tous ceux
qui travaillent à connaître et à
faire connaître la patrie canadienne,
l’auteur dédie humblement ces pages.

PRÉFACE


Il n’est guère d’endroit de la région de Montréal dont la réputation soit plus fameuse que l’Abord-à-Plouffe. C’était, en effet, le lieu favori des cageux, ces anciens dont la vie, dispersée dans de nombreux ouvrages, tentera peut-être quelque historien futur. Qui n’a entendu évoquer leur souvenir et n’a recueilli sur les lèvres des vieillards le récit de leurs exploits ? Les prouesses de plusieurs sont légendaires ; sans parler de ceux qui couraient la chasse-galerie, qui peut oublier Joe Montferrant, et tant d’autres ?

M. Froment évoque, en quelques pages, leur mémoire, et nous donne d’intéressants détails sur la desserte, fille de St-Martin. C’est une étude agréable à bien des égards. Elle nous fait connaître maints renseignements enfouis dans les archives de paroisses et facilite ainsi la tâche du chercheur.

Les habitants de l’Abord à Plouffe liront avec un intérêt particulier tout ce qui concerne les citoyens actuels, ils compulseront avec plaisir les listes que renferme l’histoire du rang où ils ont vécu. Les étrangers eux-mêmes trouveront des détails capables de leur plaire et de leur faire mieux aimer ce petit coin de terre de chez nous.

L’auteur, sans doute, — il le dit lui-même, avec modestie, dans sa lettre au lecteur, — n’a pas tenté d’écrire une œuvre magistrale. Nous pouvons lui rendre le témoignage qu’il a produit une œuvre utile, en faisant mieux connaître aux paroissiens de St-Martin les beautés de leur histoire locale et en donnant à tous un exemple dont il peut être fier.

… Un mot au lecteur…


Cher lecteur,

J’écris de nouveau et toujours avec mon cœur. Je ne prétends pas faire une œuvre magistrale : en aurais-je la prétention que je n’arriverais pas au but. Ce que je veux c’est de raconter très simplement quelques faits historiques sur un joli coin de terre.

Le sujet que j’ai à traiter n’est pas neuf. À Montréal, à Québec, à Ottawa voir même à Pembroke et jusqu’aux Grands Lacs l’Abord-à-Plouffe est réputée.

J’ai fouillé les vieux registres paroissiaux remplis de précieux souvenirs. J’ai consulté les anciens toujours complaisant à nous renseigner. J’ai visité les vieilles maisons et interrogé les vieux objets du passé. J’ai lu plusieurs articles sur l’endroit en question…

À force de travail et de patience mais avec quelle consolation et quel intérêt ! j’ai trouvé des choses inédites et attrayantes qui nous font un peu revivre les coutumes antiques.

Mon histoire de Saint-Martin de Laval a été reçue avec un si bienveillant accueil que je ne crains nullement de jeter dans le public une nouvelle monographie…

Mon mérite littéraire est nul ; mais j’ai observé avec scrupule la plus grande franchise.

L’Histoire de l’Abord-à-Plouffe fourmille de faits et incidents qui prouvent l’action bienfaisante de la Providence chez les peuples qui ont la foi.

Lisez donc cette histoire jusqu’au bout. En retour acceptez, cher lecteur, mon plus cordial merci.





CHAPITRE I



L’ABORD-À-PLOUFFE


Origines — Nom véritable — Site — Étendue — Population — Avantages — Anecdotes —


Ce nom évoque des souvenirs. Il rappelle la mémoire d’une famille nombreuse, les Plouffe, et d’une famille encore plus nombreuse, les Cageux. Pour retracer l’origine de cette région de l’Abord-à-Plouffe il faut remonter à 1740 car ce fut dans cette même année que le premier Plouffe arriva sur l’Île Jésus avec un nommé Taillefer. Les Plouffe, et il y a encore 30 chefs de famille de ce nom aux alentours avaient un morceau de terrain sur le bord de la Rivière des Prairies. Ce terrain occupé aujourd’hui par les Jésuites est placé à l’extrémité sud de l’Île Jésus, en face de Cartierville, et tout à côté du grand Pont qui unit les deux rives. L’Île Jésus s’appelait alors l’Île Montmagny. Les Cageux quand ils venaient des Grands Lacs ou du lointain Missisipi, après avoir navigué sur la Gatineau, la Rivière Ottawa et après avoir traversé le lac des Deux-Montagnes et sauté le Cheval Blanc, devaient s’apprêter à sauter les terribles et dangereux rapides du Crochet. Pour ce faire il leur fallait s’arrêter à l’endroit propice et séparer les énormes cages sur lesquelles ils avaient voyagé. Cet endroit c’était chez les Plouffe… L’Abord-à-Plouffe : tel fut donc le nom qu’on donna naturellement à l’endroit.

D’aucuns prétendent aussi que ce lieu reçut son nom de ce que le GrandBac qui traversait les voyageurs d’une rive à l’autre appartenait à la famille Plouffe. Peu importe ! L’endroit fut baptisé de ce nom et l’appellation s’étendit ensuite à tout le rang qu’on nommait jusqu’alors le Rang du Bord de l’eau.


(N. B.) Nous croyons intéresser nos lecteurs en leur donnant ici deux extraits de nos registres paroissiaux. Ils ont été écrits et signés par le premier curé de St-Martin et ils ont un véritable cachet d’antiquité. Nous les reproduisons avec le respect du texte et de l’orthographe… Les « plouf » et « les leblanc » étaient déjà nombreux à l’Abord-à-Plouffe.

« L’an mil sept cent soixante et quatorze, le vingt et un du mois de Novembre, après la publication de trois bans pendant trois dimanches de suitte aux messes solennelles entre joseph jacques plouf fils de charles plouf et de marie cécile berthiaume les pères et mère de la paroisse de saint Martin d’une part et marie geneviéve taillefer fille de pierre taillefer et de marie marguerite chartrand les père et mère aussi de la même paroisse, de l’autre part, je soussigné curé de la paroisse de saint Martin ai reçu leur mutuel consentement de mariage et leur ai donné la bénédiction nuptiale avec les cérémonies prescrites par la sainte église en présence de charles plouf père de l’époux, laurent plouf son oncle, pierre taillefer père de l’épouse jean taillefer son oncle, françois antoine son frère lesquels ont dit ne savoir ni écrire ni signer.

payet ptrê

« L’an mil sept cent soixante et quatorze les dix huit du mois de mai, je, payet prêtre curé de l’église de St-Martin de l’isle jésus soussigné ai baptisé la fille née d’aujourd’hui de julien leblanc et de marie gaulin les père et mère mariés ensemble à qui on a donné le nom de marie victoire ; le parrain a été Louis Payet de Montréal la marraine marie victoire fortin d’ici lesquels ont déclaré ne savoir écrire ni signer.

payet ptrê »

Mais devra-t-on écrire Bord-à-Plouffe ou l’Abord-à-Plouffe ? Une polémique très amicale que j’eus avec un Père de Ste-Croix me donna gain de cause. Le bureau fédéral des Recherches Historiques m’indiqua l’Abord-à-Plouffe comme le nom véritable et consacré. Plusieurs écriront encore Bord-à-Plouffe : l’habitude devient souvent seconde nature… L’Abord-à-Plouffe qui s’écrivait l’Abord-à-Plouff est agréablement située au sud de l’ile Jésus, nous l’avons dit. Elle est bornée au nord par St-Martin, au sud par la Rivière des Prairies, à l’est par Laval des Rapides autrefois Parc Laval, à l’ouest par le haut du Bord de l’eau.

Elle fait encore partie au point de vue religieux de la paroisse de St-Martin mais au point de vue civil elle en a été démembrée en 1916 par une décision du Conseil de Comté. Elle forme un territoire de 55 arpents de longueur par 20 de profondeur couvrant 1100 arpents de superficie. Elle s’étend du Parc Laval, de la terre de Pierre Gagnon à celle de Hormisdas Pesant et de la Rivière des Prairies à mi-chemin dans la montée de St-Martin avec une addition importante à sa partie sud-est le Parc Cartierville-Nord, formant en tout trois milles de longueur. Sa population est de 180 familles comprenant 763 personnes dont 661 sont des communiantes. Les routes de l’Abord-à-Plouffe sont toutes macadamisées et recouvertes de Tarvia. Elle est munie de l’électricité. À peu près toutes les maisons sont construites sur le bord de l’eau ou à proximité de la Rivière des Prairies. Le Pont communément appelé Pont Lachapelle a 730 pieds de longueur et est tout en fer. Autrefois, il y a trente ans, le Pont était de bois et recouvert. À ce sujet on me pardonnera une digression un peu drôle.

M. Giguère, ancien curé de Ste-Dorothée, allait, un jour, à Montréal. Il faisait un vent de tempête. Obligé de tenir son chapeau à deux mains le pauvre curé n’en pouvait plus. Arrivé au Pont M. Giguère s’écrie : « Bon ! je vais maintenant me reposer. » Oui, mais il n’avait pas calculé avec les petites ouvertures pratiquées dans le Pont les unes vis-à-vis des autres et v’lan ! voilà le chapeau qui part sans dire adieu et passant par l’une des petites fenêtres s’en va tomber au beau milieu de la rivière…

L’hiver il fallait transporter de la neige pour permettre aux charretiers de glisser leurs charges plus facilement. De fréquentes réparations s’imposaient. Il y avait donc des incommodités réelles. La Cie des Chemins alors propriétaire du Pont et des routes décida la construction du beau Pont Lachapelle du nom de son constructeur. En 1908 le gouvernement, fidèle à sa promesse émise par son candidat J. W. Lévesque qui renversa avec cette question Sir Pierre Evariste Leblanc, s’en empara et le mit à la charge des municipalités intéressées. Au prix de plusieurs milliers de dollars on lui fit subir d’importantes réparations et depuis lors, même les pauvres petits vicaires peuvent dire « tout le monde y passe »… et sans délier la bourse.

Avant la construction des Ponts, c’est-à-dire vers 1845, il fallait se servir de la navigation et on me rapporte que pour deux sous les voyageurs étaient transportés à force de rame d’une rive à l’autre. Catierville s’appelait alors la « petite misère » et Bordeaux sa voisine de gauche la « Grande Misère. »


CHAPITRE II



LES CAGEUX


Les cages — Les plus fameux cageux — Leur disparition — La dernière cage.


Il fut un temps, et ce temps n’est pas des plus reculé, où les voies ferrées étaient excessivement rares en notre pays. Les commerçants devaient alors se servir des routes fluviales pour le transport de leurs marchandises. C’est ainsi, qu’à partir de 1775 jusqu’en 1885 à peu près, la Rivière des Prairies qui tient son nom du Sieur des Prairies, contemporain de Champlain, était devenue populaire par le transport du bois des Grands Lacs ou d’Otawa, transport qu’on y faisait en passant par le Lac des Deux Montagnes. Avant de sauter les Rapides du Moulin du Crochet, vis-à-vis la Maison Ste-Damitilde des Sœurs du Bon Pasteur d’aujourd’hui, d’énormes radeaux de madriers, de bois équarri ou de billots venant du Missisipi, du Lac Chat ou de la Gatineau étaient divisés en radeaux plus petits. Avec un radeau on en faisait parfois quatre. Ces radeaux qui étaient solidifiés avec des branches qu’on pliait à la machine s’appelaient des cages et ceux qui les montaient des cageux. Parfois ces cages étaient si nombreuses qu’elles couvraient l’espace qui sépare le Pont actuel de l’Ile Paton et même davantage.

Les dits cageux ne menaient pas toujours une vie bien innocente. Ils s’amusaient, disaient-ils, mais leurs amusements n’étaient souvent pas très chrétiens. Solides gaillards, des forts à bras pour un grand nombre, ils avaient le mot vif parfois et fréquemment après leurs chansons sonores la chicane prenait et quelles chicanes !

Le rang devint si fameux qu’on l’appela partout « le Rang des Batailleurs ». Ajoutons à cela que la misère et le froid en portaient plusieurs à prendre un petit coup et deux aussi. C’était alors le moment de sacres, des jurons et même des blasphèmes. Les anciens en savent quelque chose. Les cageux n’étaient heureusement pas des impies et à la longue ils subirent l’influence de leurs pasteurs qui les transforma avantageusement.

Parmi les plus célèbres cageux nommons : Joe Montferrant, ce héros réel dont la légende parle si souvent comme ayant le bras solide et le pied agile ; un jour ce colosse entre à l’hôtel de l’Abord-à-Plouffe, on lui demande sa carte ; se reculant de quelques pas il fait un bond et imprime ses deux talons sur le plafond au grand étonnement de l’assistance : Martin Plouffe[1] ce guide fameux, dont l’œil était sûr pour connaître les endroits dangereux et qui savait « comme le creux de sa main » toutes les rivières du temps : Martin Pouffe sur une cage c’était l’assurance d’arriver à bon port et en peu de temps : Antoine Plouffe, père et fils, les ancêtres de notre concitoyen le Dr F. X. Plouffe qui possède chez lui de nombreux souvenirs des cageux, les deux Antoine Plouffe, dis-je, qui avaient le talent de la narration et qui donnaient aux confrères l’exemple de la plus franche gaieté. Le premier Antoine qui était marié à Rose Danis et qui établit une nombreuse famille (18) fut enterré à St-Martin le 6 Nov. 1881. Il était alors âgé de 80 ans et avait toujours vécu dans la région.

Le second époux de Angèle Meilleur qui eut 21 enfants, mourût à Hochelaga âgé de 66 ans et fut inhumé dans notre cimetière paroissial le 31 Mai 1888 ; Menuisier de son métier il avait travaillé à la construction de l’église ; Et Calixle Beauchamp qui devint plus tard cordonnier et qui aimait à aller voir à pieds ses bons amis de Ste-Thérèse lorsque les cages arrêtaient à Plouffe et qui vécut jusqu’à l’âge de 92 ans malgré les misères du temps « à coucher sur la paille, à la belle étoile et à manger de la soupe aux pois et des fèves au lard avec un salaire de famine, $10.00 ou $12.00 par mois ; » Félix Milaire, ce grand vieux si droit malgré ses 95 ans, qui avait le poignet bon pour rentrer la hache et la main sûre pour « rejoindre » le cœur d’un animal : on disait de lui qu’il était le roi des saigneurs ; Martin Clermont qui n’était pas le moins vigoureux du temps et qui la « donnaient » chaude aux « têtes de pioche d’Anglais » qui voulaient tout mener ; Auguste Lagacé surnommé Néro ; Hyppolite Jasmin qui ne voulait pas se noyer sans son argent ; Georges Jasmin et Adrien son fils ; Régis Taillefer, Xavier et Emmanuel Bélanger, Félix Meilleur, Joseph, Antoine et Benjamin Trudeau, Charli, Félix et François Clermont, jos. Gérard et son fils Thomas, Bte Bourdeau, Hyppolyte, Moïse, Martin, Jérémie et Mathias Leblanc tous appelés les « Cayen », Félix et Stanislas Vézeau, Louis Boucher, Thomas Jasmin le père de notre vicaire… et nombre d’autres qui n’avaient pas peur des grosses rames et qui les maniaient avec patience et habileté… J’en oublie : avec ces héros il y aurait de quoi faire un gros livre. Le métier de cageux était rude : mais ce métier restait le seul gagne-pain pour plusieurs. « Il fallait nourrir les petits et la femme » et nos braves d’alors ne reculaient pas devant le devoir et le danger.

Quelle belle épopée digne des plus beaux éloges ! « À travailler dur on acquiert de la volonté et on ne meurt pas plus jeune ». Ils disaient vrai.

Et ce fut ainsi pendant un siècle et plus que nos gens gagnèrent leur vie. Mais à mesure que le commerce du bois se fit par les voies ferrées les cages devinrent de moins en moins nombreuses. En 1892 elles étaient devenues si rares que leur passage était un événement extraordinaire auquel toute la population était fière d’accourir. La locomotive à vapeur avait ainsi supplanté l’humble radeau et il n’y eut plus de cageux. La dernière cage qui sillonna la Rivière des Prairies passa en 1908 pour se rendre au Tri-Centenaire de Québec.


Mgr Paul Bruchesi, archevêque de Montréal.

CHAPITRE III



FIGURES ET CHOSES DU PASSÉ


Venant Lemay — Charles Antoine et Martin Clermont — Les vieilles maisons. Les vieux meubles — Souvenirs d’antan.


En ces temps fameux où vivaient la gente des cageux il y avait à l’Abord-à-Plouffe un gentilhomme, aubergiste, charretier et commerçant : je veux parler de M. Venant Lemay. Venant Lemay était l’homme du jour. Il avait un grand nombre de chevaux et de voitures. Son hôtel était le rendez-vous tout désigné des voyageurs et des navigateurs. Au printemps et à l’automne surtout M. Lemay les envoyait chercher ou conduire pour une modique somme jusqu’à Long Sault ou Charlemagne. M. Lemay était d’une charité proverbiale. Les anciens s’accordent à dire de lui qu’il était d’une grande prévenance et d’une exemplaire hospitalité pour tous. Homme de haute et forte stature il savait pourtant et au besoin réprimer les excès et arrêter les chicanes. L’Hôtel Lemay était situé en un endroit propice aux coins des deux routes à la place de l’hôtel Elzéar Lagacé d’aujourd’hui. C’était une immense maison de bois derrière laquelle il y avait de plus immenses bâtiments encore et qui servaient à remiser la marchandise ou bien les 60 chevaux et 30 voitures du propriétaire. Cet hôtel connut bien du monde : tous les soirs il y avait réunion pour entendre la lecture des journaux très rares à cette époque. Le feu le détruisit de fond en comble en même temps que la boulangerie de M. Eusèbe Lorrain qui se trouvait de l’autre côté du chemin en août 1880. M. Lemay reconstruisit : le feu passa de nouveau sans le détruire totalement cette fois. Puis nous avons eu l’hôtel d’aujourd’hui en belles briques et cet hôtel à part l’auberge est devenu depuis l’an dernier le siège principal des Machines Ford.

M. Lemay a élevé une belle famille et acquis une jolie aisance. De son mariage avec une presbytérienne, Christine McLen qui lui survécut jusqu’à l’âge de 92 ans et qui prenait part à toutes ses œuvres de charité, naquirent 4 filles : Madame Learmonth (Clarinthe), Madame King (Maggie), Madame Annie Lemay et Caroline qui mourût relativement jeune : et quatre garçons M. Eustache qui occupe dans le monde de la finance une première place, M. Daniel qui se distingue dans l’armée américaine par sa belle position militaire ; M. William qui seconda son père et qui mourût à l’âge de 47 ans et le petit Johny qui décéda dès l’âge de 7 ans.

M. Lemay mourut lui-même le 1er juin 1883 et fut solennement inhumé dans la crypte de l’église paroissiale, le 4 du même mois, au milieu d’un grand concours de parents et d’amis. M. Leblanc curé actuel présidait aux funérailles.

Est-il possible de passer sous silence le nom de Charli Clermont ? C’était un original, un comique et un plein de plans. Il était partout et de toutes les réunions. Mais l’endroit où il se rendait de préférence pour y jouer ses tours c’était l’Hôtel Lemay. « Ben, m’a dire comme on dit : Ce Venant Lemay là c’est un bon yable et pis chez lui on se dégourdit. » Et Charli se payait souvent la tête de son homme d’ailleurs très bon et très généreux. Un jour Charli prend des rames au bout de la petite montée chez le Docteur F. X. Plouffe d’aujourd’hui. Ces rames étaient des rames de cageux et M. Lemay qui les avaient achetées les avaient fait déposer là pour les revendre. Suivant le Bord de l’eau Charli vint sortir chez Hildège Lagacé puis se rendit à l’hôtel avec son fardeau. « Bonjour Lemay » dit notre gaillard en tendant la main, « veux-tu acheter de belles rames ? » « Combien demandes-tu pour ces rames ? je n’en ai pas besoin mais si çà te rend service. » Et la discussion s’engagea. À la fin M. Lemay prend un gros écu bien brillant : « prend-tu çà ? » en le faisant briller devant son type. « All right : Elles sont à toé, prends les pour ce vil prix « Arroir »… Et tous riaient de l’audace de Charli et M. Lemay tout le premier rigola quand il apprit ce joli tour. Les contemporains racontent aussi comment Charli s’y prenait pour manger… à des prix défiants toute concurrence. « Le cook » fait demander un pain : il vous le remettra » … Charli n’était pas plus méchant pour tout çà.

Et puisque nous avons parlé des Clermont n’oublions pas Antoine, Martin et Marguerite. Les deux premiers étaient des forts à bras, et deux frères s’il en fut. Habitués à manœuvrer la rame, tous les deux étaient aussi capables de donner une taloche. Le premier eut deux prêtres dans ses enfants : ils batailleront pour Dieu, la langue et la religion sur la plage américaine à Richmond ou aux alentours. Le second aimait passionnément les luttes politiques et prenait part à toutes les élections. Libéral ardent il rendait la position difficile et souvent intenable aux orateurs de l’autre parti. Sir P. Evariste LeBlanc qui fut député de Laval pendant 25 ans me disait : « Ce Martin Clermont m’a obligé de descendre de la tribune bien des fois ». Il fallait penser comme lui : autrement c’était la guerre. Les élections finies Martin redevenait l’ami intime de tous ses concitoyens. Et Marguerite Clermont leur sœur ! Quelle femme ! Un jour elle allait à travers champs accompagnée de sa nièce Onésime Clermont (Dame Ovide Sauriol). Sur leur chemin nos deux filles rencontrent un groupe de cageux. L’un d’eux s’écrit : « v’la la mienne » et embrasse la petite. Un second dit : « moé je prends l’autre »… Mais il avait fait un mauvais choix. Notre vigoureuse canadienne, bâtie en Hercule, saisit notre gaillard à la gorge et l’étendant sur la clôture de pierre, « ben embrasse-moi si t’es capable »… L’homme était tout bleui quand elle le lâcha…… Et les cageux rièrent bien fort de l’aventure.

Un événement qui fit beaucoup de bruit ce fut la « Bataille des Sauvages ». Des Indiens de Caughnaivaga étaient de passage à l’Abord-à-Plouffe pour y vendre des souvenirs qu’ils fabriquaient de leurs mains. Des jeunes gens se mirent tôt à rire de leur costume et de leurs manières. Un des Sauvages, ennuyé et pour effrayer la gente écolière saisit un grand couteau qu’il tenait sur lui. Mal lui en prit : car les parents eurent vent de l’affaire. On sortit donc des maisons et on se mit à la poursuite des vendeurs. Ceux-ci voyant le danger et voulant y échapper grimpèrent dans des plaines d’où ils furent délogés avec des cailloux. Ils entrèrent ensuite chez un nommé Chabot et allèrent se cacher au grenier. Les gens les poursuivirent jusque là. En les apercevant les sauvages se jetèrent du second étage et prirent la route conduisant à la grève. Là on leur fit un très mauvais parti. Ils furent cruellement battus et maltraités. L’affaire eut même des échos en cour de justice et on en parle encore aujourd’hui. Les habitants de l’Abord-à-Plouffe ne sont pas pressés de recevoir des races aux goûts et coutumes étrangères : c’est là leur moindre défaut…… !

Nous avons parlé des anciens : parlons maintenant des reliques du passé. Les plus vieilles maisons de l’Abord-à-Plouffe sont celles de Louis Labelle, Pierriche Sauriol, Antoine Plouffe, Georges Lorrain, Janvier Plouffe, Théodore Patry et Martin Plouffe Ces maisons ont ceci de particulier que dans leur construction il n’est pas entré un seul clou. Les différentes pièces qui les composaient, étaient unies entre elles par des chevilles de bois. Toutes les planches qui sont entrées dans leur fabrication ont été sciées avec la scie en long. Monté sur un chevalet de 6 à 8 pieds le billot était mis en planches par deux hommes dont l’un était au bas et l’autre au haut… Ces deux hommes étaient probablement les deux Lagacé, Joseph et Félix, seuls propriétaires alors de ce moulin antique et peu commode……

Et les vieilles horloges grand’père qui sonnaient si bien les heures malgré leurs deux cents ans passés ! Et le vieux berceau en bois d’érable ou en chêne solide qui ne restait jamais vide ! Et les chaises berceuses avec support pour les pieds dont les mères se servaient pour endormir les petits en chantant « c’est la poulette grise » ! Et les rouets des vieilles qui filaient leur laine en songeant à leurs gas partis pour le chantier ou les cages ! Les vieux bancs-lits qu’on appelle aujourd’hui par dérision le « porte-feuille » où les enfants s’entassaient pour la nuit ! Moules à cuillères et à chandelles, fusils à plaque, miroirs sans âge, foulons, pierre à feu ! J’oubliais la huche dans laquelle se fabriquait un pain si appétissant et si nutritif ! Autant de choses qui nous parlent du passé et que l’on rencontre ici et là. Mais les collectionneurs les recherchent et ces choses antiques deviennent rares. Quand à moi j’ai mis la main sur une ceinture « l’Assomption » et le froid ne me fait plus peur……… Comme dans la chanson certain pourrait dire :


« Voici le cas que de mon père »
« Nobles débris qu’il m’a laissé.
« Je le conserverai, j’espère, »
« En souvenir du temps passé. »


Car selon la belle expression de M. Léon Mercier-Gouin, avocat et fils de Sir Lomer : « Comme un firmament tout constellé la nuit du passé nous apparaît toute diamentée d’étoiles souriantes » Regardons dons souvent ce passé : conservons-en le souvenir : soyons de la race de ceux qui ne laissaient rien mourir.

CHAPITRE IV



PROGRÈS CIVIL


Incorporation. — 1er Maire. — 1ers Échevins. — Inventaire. — La culture maraîchère. —


Nous l’avons dit : l’Abord-à-Plouffe jusqu’en 1916 n’était pas une municipalité distincte. Elle faisait partie de St-Martin et était administrée par elle. Une maladministration de son domaine ou une certaine négligence à lui fournir les améliorations qu’elle exigeait mit dans le cerveau de quelques citoyens l’idée de lui obtenir son autonomie. La première tentative en ce sens fut faite le 23 mai 1878 par M. Eusèbe Lorrain, boulanger, le père de notre Maire actuel, mais le Conseil de Comté n’accorda pas la requête. Le plan avait été cadastré par M. I. O. Malsburg de Montréal. Démarches sur démarches furent entreprises par la suite. Le parti des anciens opposés à la mesure d’émancipation et à bon droit, lutta courageusement et obtint la victoire deux autres fois. Dans cette lutte il y eut de fortes chicanes mais jamais de rancune. Chacun cherchait à faire triompher ses intérêts et à cela personne n’a à redire. Toujours est-il qu’un fameux voyage eut lieu à Québec. Devant le Comité des Bills privés de fortes influences se jouèrent. Rien ne fit : le parti des non-incorporants triompha. Les vaincus ne se découragèrent pas. Le 20 oct. 1915 après une séance fameuse ils obtenaient à Ste-Rose l’incorporation. Le nouveau village comprendrait tout le territoire de l’arrondissement scolaire. Le 26 Novembre de la même année le Gouverneur de Québec Sir P. E. LeBlanc ratifia cette décision.

Mais il fallait un Maire et des échevins. Les élections ne se font pas sans activité et discussion. Il y eut bien davantage ! Quel sera donc le premier magistrat ? Quels en seront les premiers conseillers ? Sous la présidence de M. Henri Chapleau secrétaire du Comté Laval, MM. Wilfrid Lorrain, Joseph Plouffe, Alphonse Taillefer, Martin Plouffe, Arthur Hotte, Romain Clermont et Alexandre Francœur furent élus par le vote des électeurs les 17 et 18 décembre. À la première assemblée du nouveau conseil qui se fit avec grande solennité M. Martin Plouffe fut nommé Maire. M. Plouffe fut donc le premier à plus d’un titre. M. Martin Plouffe est le fils de Martin Plouffe et de Candide Taillefer. M. Eusèbe Lorrain fut nommé temporairement secrétaire-trésorier et le 3 janvier 1916 M. Adolphe Francœur lui succéda dans cette fonction. M. Plouffe après une année de sage et économique administration démissionna. Le peuple cette fois, et non plus le conseil, se donna un nouveau Maire dans la personne de M. Wilfrid Lorrain J. P. qui fut élu contre M. Michel Laviolette le 11 janvier 1917. De nouvelles et graves questions surgirent. Les chemins demandaient des réparations : on les fit faire. Des règlements équitables pour la perception de la taxe des chemins s’imposaient : il fallut s’en occuper pour


MGR G. GAUTHIER, évêque auxiliaire de Montréal et recteur de l’Université de Montréal.

donner aux contribuables la juste part dont ils étaient redevables.

La question des rues sur le Parc Cartierville-Nord fut tranchée et les travaux furent entrepris. La question des trottoirs « à venir » fut aussi débattue.

Bref ! le parti des économistes et des anciens qui a le droit de se protéger contre un progrès trop dispendieux lutta ferme. La victoire lui souria plusieurs fois. À l’heure présente ce parti est en minorité mais ne veille pas moins. Il attend avec confiance la bataille des futures élections. Que nous réserve l’avenir ? Dieu seul le sait.

L’Abord-à-Plouffe est un village actif. À part la culture maraîchère dont nous parlerons à l’instant il y a tout un monde de travailleurs et de commerçants. On y remarque un médecin, un manufacturier, cinq marchands dont deux font le commerce général, un agent de la célèbre machine Ford, deux forgerons, un voiturier, deux bouchers, un commerçant de grains et foin, deux restaurateurs, une maison de pension pour héberger les voyageurs, deux entrepreneurs généraux, plusieurs ouvriers charpentiers ou peintres, trois fabricants d’outils, un grand nombre de tailleurs de pierre et de mouleurs. La Banque Provinciale y a établie une succursale dont M. Horace Brouillette est le gérant. Mais ce qui frappe le plus en visitant l’Abord-à-Plouffe ce sont les beaux jardins qu’on y admire. La culture maraîchère prend des proportions gigantesques. La demande est tellement grande et le marché si fructueux que le grand nombre de nos gens se donnent à la culture des légumes. L’hiver ceux-ci vont en ville chercher les engrais voulus et dès le mois de Mars et même Février ils préparent les grandes boîtes qui feront pousser le plan. Puis en Mai ou Juin c’est la transplantation sur de longues distances. Il y a des maraîchers qui font ainsi 200, 300, 400 couches chaudes. Tous les légumes rapportent beaucoup et on peut dire que cette culture est vraiment pour nos cultivateurs « la poule aux œufs d’or » en même temps que l’école du travail et de la vertu. Un jeune homme propriétaire de 20 arpents de terre me disait en décembre dernier : j’ai fait cette année $13500.00. Un autre, un vieillard admirable le bon M. Janvier Plouffe que la mort vient de nous enlever subitement à l’âge pourtant avancé de 80 ans. « Monsieur, me disait-il, j’ai amassé quelques sous, oui, avec mes fraises (1 arpent à peu près) je crois avoir rentré $1500 ou $1600 cette année. »

C’est presque de la fantaisie mais nous constatons ce fait tous les jours que nos jardiniers autrefois très pauvres s’enrichissent à la course. Espérons que ce sera pour le bonheur des familles.

En terminant ce chapitre nous formulons le vœu que nos braves cultivateurs s’attachent encore davantage à la culture du sol ! Quelques jeunes gens, intelligents, bien doués et suffisamment pourvus, prennent trop souvent la route de la grande ville ! Pourquoi s’en vont-ils, loin de la terre paternelle, loin de leur milieu, dans des bureaux étroits et devant des comptoirs où le bon air est rare, quand ils pourraient vivre si heureux à l’ombre du logis des ancêtres ? N’insistons pas : le fait est déjà trop pénible.

CHAPITRE V



ESPRIT CHRÉTIEN


Désordres du passé. — Les croix. — La déserte nouvelle —


Parlons maintenant de notre région au point de vue religieux. Disons tout de suite que l’esprit chrétien règne dans les familles de notre localité. À cause des circonstances et des « cageux » de l’étranger qui y passaient autrefois une grande partie de l’année il y eut de profonds désordres. Obligés de faire la séparation des cages les cageux devaient « stopper » à l’endroit et alors il y avait parfois des scènes regrettables.

La pauvreté, le manque d’éducation, l’éloignement de l’église pendant de longs mois, le voyage au pays des Grands Lacs, les raports avec les « étrangés » et les hommes de chantier : autant de causes qui semaient l’ivraie et un peu la zizanie dans le champ du père de famille. La boisson aussi alors faisait des ravages effrayants et engendrait des querelles dont quelques unes sont restées légendaires. Je sais que cette affirmation est dure mais elle n’est que l’exacte vérité. Grâce à nos braves curés de St-Martin et à l’action bienfaisante de l’école qui fut plus tard organisée, nos gens s’améliorèrent vite et l’esprit chrétien dont ils font preuve actuellement ne tarda pas à se manifester.

Des croix furent érigées ici et là, où ils allaient le soir après le labeur et la fatigue du jour, pendant les mois de Marie et du Rosaire prier tous ensemble sous la présidence du pasteur qui s’y rendait souvent. Le rang tout entier y venait aussi aux grandes fêtes, et après la prière en commun et quelques anciens cantiques, les plus touchants et les plus beaux, tous revenaient meilleurs et plus forts. Ces croix ne sont pas totalement disparues. Il en reste deux : une chez M. Damasse Bertrand et une autre, celle du magnifique calvaire chez M. Alexandre Francœur. Le grand malheur c’est que les réunions d’antan, pourtant si pieuses, et si capables de faire du bien ne reviennent plus. « Il faisait si bon le soir prier aux pieds de la grande croix » Et ces croix sont encore aimées et saluées. Elles ont une âme qui nous parle de Dieu et d’espoir.

En ces temps anciens où la foi était si vive, personne ne manquait la messe. Les voitures étaient plutôt rares mais tout le monde avait bon pied et se rendait à l’église paroissiale, sans craindre la tempête, les froids ou la pluie et malgré les chemins impraticables. On y restait jusqu’après les Vêpres. Quelques heures au bon Dieu ne sont pas de trop et ces heures rapportent toujours profit ! La vie paroissiale existait donc à l’Abord-à-Plouffe. Les prêtres y allaient souvent pour la visite des écoles et la consolation des malades. Mais avec le temps et la population toujours croissante, un plus grand nombre n’ayant pas de voiture, il fallut songer à ouvrir une desserte.

Au mois de mai 1915 une requête, signée de 80 noms, fut adressée à Mgr Paul Bruchési, archevêque de Montréal. Ce dernier en conféra avec le digne et vénérable M. Leblanc curé de la paroisse. L’année suivante la desserte fut fondée et, le 3 juin 1916, eut lieu la première messe. Un grand nombre d’amis ou d’anciens parmi lesquels le Rév. P. Daignault S. J., MM. J. W. Lévesque M. P. P., E. H. Lemay, le Dr F. X. Plouffe, J. A. Filiaterault, le Maire Grothé de Cartierville, Louis Cléroux Maire de St-Martin, D. Vanier Maire de Parc Laval, le Dr D. A. Plouffe, les membres du cercle Ste-Brigitte au complet et autres rehaussaient la cérémonie qui eut lieu dans le magasin de Mme Hildège Lagacé ; ce magasin servait déjà de salle Municipale. À l’issue de la Messe pendant laquelle il y eut de beaux chants sous la direction de Mlle Élodie Boucher, M. le Maire Lorrain lut à M. le curé LeBlanc qui officiait, une belle adresse dans laquelle il disait au bon pasteur la vénération, la reconnaissance et l’attachement de tous.

Il fallut organiser cette nouvelle chapelle. On reçut partout un bienveillant accueil et j’en sais beaucoup à ce sujet. L’autel, les chandeliers et la balustrade nous furent gracieusement fournis par le Dr François Xavier Plouffe, le calice d’argent par M. E. H. Lemay, les fleurs par Mlle Élodie Boucher, la pierre sacrée et les cartons par M. le curé W. Lagacé de St-Ignace N. B.. On acheta à bon compte le ciboire et les ornements chez les Sœurs de la Congrégation qui en plus nous firent don de plusieurs linges sacrés. Il fallait un harmonium : M. Paton qui n’est pourtant pas de la même religion ni de la même nationalité, nous le procura sans tarder. Plus tard les Dames achetèrent une belle statue de la Sainte Vierge qui fut bénite par l’abbé A. Pineault ; et Mme J. Desrochers, de St-Joseph dont l’érection fut présidée par le R. P. Hébert. M. le curé de Cartierville nous céda à prix excessivement bas les chaises et les petits prie-Dieu. La sacristine était trouvée dans la personne de Mlle Élodie Boucher. Le charretier fut choisi, M. Gabriel Taillefer, puis M. Jos Brosseau marchand, puis M. Dorila Gravel pour aller chaque dimanche chercher le prêtre desservant. Il fallait un chauffeur : MM. Jos. Brosseau et Ovide Patry tour à tour, furent appelés à cette fonction. Mesdames Jos. Girouard et Chartrand organisèrent pour le 9 et 10 décembre 1918 un euchre qui rapporta $350.00. Le Euchre fut splendide. Les organisatrices reçurent de chaleureuses félicitations. Le soir du 11 décembre 1918 tous les enfants furent invités gratuitement à une fête… Il y eut foule et quelle foule !… Les bonbons, les noix, le café, les jouets, les habits d’enfants furent largement distribuées… Parmi ces enfants il y en avait de quatre et cinq ans jusqu’à seize ans, c’est-à-dire tous ceux qui n’avaient pu venir à la partie de cartes. La veillée fut charmante : les refrains les plus gais furent entendus : les propos les plus drôles furent tenus. Tous se souviendront de cet événement joyeux…

L’Abord-à-Plouffe commençait une vie nouvelle. Le Dieu-Hostie se communiqua plus facilement aux âmes par la Communion. Le temple où Il viendra habiter et se donner sera pauvre ; mais assez vaste pour répondre aux besoins du moment. Et depuis ce jour des prêtres nombreux et dévoués sont allés célébrer les Saints Mystères sur ce nouvel autel : MM. les abbés Froment, Pineault, Turcot, Vaillancourt, Mallette et Jasmin tour à tour ont eu cet honneur. Puis, entre temps, surtout pendant la maladie du « petit vicaire Froment » ce furent de charitables Pères. Nommons tout particulièrement les Révérends Pères Lemire et Géna C.S.S.C. les Pères Hébert, C.S.C. aujourd’hui curé de St-Laurent Rév. Père Conan, S. M. M., M. Morvan (mort à la guerre,) P. Vanier C.S.V., F.X. Forest C.S.V., A. Groulx C.S.C. etc. La desserte marchait donc et elle marche encore. Ses rouages sont peu compliqués mais pour les tenir en ordre il a fallu de la patience et du dévouement. Elle suffit à l’heure actuelle pour répondre aux exigences des fidèles. Il faudra peut-être un jour agrandir le local. La question est venue sur le tapis. Tant que la desserte sera sous la houlette de son vénérable pasteur les gens de l’Abord-à-Plouffe ne feront aucune instance pour la séparation qui mettraient de nouveaux et lourds fardeaux sur les épaules des contribuables. Avant de s’ériger en paroisse canonique ils considéreront mûrement les désavantages de la chose, Nous sommes fiers de dire à la louange de ceux qui la mérite que la vie chrétienne est en honneur dans cette localité et qu’elle ne pourra que s’intensifier sous la pression de l’Évangile qui lui est annoncé chaque dimanche.

CHAPITRE VI



« LA VILLA ST-MARTIN »


Ce nom est désormais connu aux quatre coins du pays. De nombreux retraitants venus de toutes les parties de la province l’ont habitée. La Villa St-Martin est une vaste maison de 130 pieds par 50, agréablement située sur les bords de la Rivière des Prairies en un endroit très pittoresque. Placée sur une petite élévation, elle domine… La maison est de belles briques rouges avec une immense vérandah qui la contourne, une salle immense, 40 chambres, de beaux réfectoires, une pieuse chapelle la composent. Elle est pourvue de toutes les améliorations modernes. Aqueduc, système de chauffage, électricité, planchers en bois franc et huilés, cuisine et buanderie perfectionnée : rien ne lui manque. Le terrain sur laquelle elle a été construite comprend 20 arpents et était la propriété de Martin Plouffe père, mort en 1914 âgé de 88 ans. M. Ed. Gohier en fit don aux Jésuites pour l’œuvre des Retraites fermées. Dès 1910, c’est-à-dire à l’ouverture de la Broquerie à Boucherville il était évident qu’il fallait songer à mieux et à plus grand. Les Retraitants devaient s’y rendre en été seulement et encore la maison trop étroite ne pouvait répondre aux exigences futures. En 1912,


MAISON DES RETRAITES FERMÉES [Villa St-Martin]

inspiré par le Ciel au cours d’une retraite, M. Ed. Gohier

dont les œuvres charitables ou philantropiques sont nombreuses, offrit un terrain mieux situé et plus facile d’accès. L’offre fut acceptée et on commença à construire. Dès novembre 1913 la maison spacieuse et convenable était finie. On la baptisa du nom choisi par son généreux donateur : Villa St-Martin.

Disons ici que la Villa St-Martin est située au Sud de l’Île Jésus presqu’au milieu de l’Abord-à-Plouffe en la paroisse de St-Martin de Laval où M. Gohier a eu le bonheur de voir le jour et d’habiter pendant plusieurs années. M. Gohier naquit sur la terre des Sœurs de Ste Croix en face de l’église. De Montréal à la Villa St-Martin l’accès est facile et le voyage des plus agréables. Les tramways aux mêmes prix de la ville c’est-à-dire pour un billet de six sous, nous y conduisent en 40 minutes. On y vient par la ligne Windsor-Snowdon ou encore par celle de Cartierville dont le point de départ est situé à l’encoignure des rues Bleury et M. Royal. Sur notre route nous rencontrons les belles demeures d’Ouremont bâties comme des palais au flanc de la montagne : on y voit à la Côte des Neiges l’Oratoire St-Joseph, à Notre-Dame de Grâces le Monastère du Précieux Sang et l’hopital des Incurables, et à St-Laurent son église et son beau collège Puis c’est la campagne ou plutôt ce sont les jardins de Montréal que nous admirons ensuite.

De Cartierville en cinq minutes nous sommes à l’Abord-à-Plouffe et après avoir fait trente pas sur son territoire, par une grille en fer que nous apercevons à gauche, nous pénétrons dans l’immense et sinueuse allée qui mène à la Villa… Et dire que par cette grille, image de la Porte du Ciel, des hommes et de toutes les classes de la société sont venus chercher dans cet asile de la prière, de la réflexion et du silence, c’est-à-dire dans cette maison du Bon Dieu, la paix de l’âme et l’esprit d’apostolat ! Mais ils ne sont pas encore assez nombreux et Monseigneur l’archevêque de Montréal écrivant une lettre à ce sujet disait : « C’est avec les plus vives instances Nos Très chers frères, du plus profond de notre âme et persuadé d’accomplir un des actes les plus féconds de notre carrière épiscopale, que nous vous exhortons à profiter de cet admirable moyen de sanctification », et un peu plus loin : « Chaque paroisse, chaque profession, chaque association de notre diocèse devrait inscrire la retraite fermée parmi ses pratiques annuelles ». Ces belles paroles se passent de commentaires et méritent d’être méditées.


La maison fut bénite le 2 novembre 1913 par le premier Pasteur du diocèse. On y remarquait un grand nombre de prêtres et de laïques. Les citoyens de l’Abord-à-Plouffe y étaient largement représentés. Les Retraites s’ouvrirent le 12 janvier 1914. La première, celle des prêtres, avait l’insigne honneur d’être présidée par le représentant du Pape Son Excellence Monseigneur Stagni et depuis lors, des retraitants, parfois trop nombreux pour le local, y viennent puiser les miséricordes de Dieu et le zèle des âmes…

Disons ici que les Jésuites dont la réputation n’est plus à faire, sont les directeurs de cette œuvre éminemment chrétienne, des Retraites fermées et que sous l’impulsion intelligente et admirable du dévoué Père Pépin Archambault, cette œuvre ne peut que se développer d’une manière grandiose.

La Villa St-Martin est devenue le siège de toutes les œuvres sociales. C’est là qu’on y a fondé l’Action française, la Vie nouvelle, l’Almanach de la langue française, la distribution des tracts, les Semaines sociales. C’est encore là que les Voyageurs de commerce ont décidé de former leur union si belle qui fait tant de bien à travers le pays. Enfin c’est là que par la prière, la parole et l’action, les âmes généreuses sont venues se retremper pour la grande cause du bien.

Un jour, qu’on me permette cette anecdote, un homme riche et puissant, le roi d’une paroisse florissante de Montréal se présente à la maison des Retraites fermées. Depuis trente ou quarante ans cet homme a gêné son curé dans ses œuvres paroissiales. Il a fait sa religion mais aussi il a créé à son vénérable pasteur des ennuis sans nombre. Il est venu à la Retraite des hommes de profession attiré par un ami. « Viens te reposer trois ou quatre jours ». On le reçut avec joie et courtoisie. Aux premières heures il sembla s’ennuyer. À la première récréation du midi, après avoir remarquer la gaieté de bon aloi de ses confrères, il est resté songeur. Aux conférences il assiste plutôt par curiosité. Mais Dieu fait son travail dans ce cœur un peu bouleversé… Enfin la retraite est finie et les retraitants retournent dans leur logis.

Au soir de ce jour mémorable dans un presbytère souvent isolé, un homme veille avec son curé. On parle, on rit, on fume… Cet homme c’est notre homme en question. Conscient de son devoir désormais il est venu réparer ses fautes en se jetant aux genoux de celui à qui il avait causé tant l’embarras dans le passé. Et pour donner un témoignage de sa réelle bonne foi : « tiens M. le curé, cet argent ($3000, ou $4000) c’est pour votre église et priez pour moi ». Cette transformation opérée, notre homme devint le meilleur ami de toutes les œuvres paroissiales par la suite. La Maison des Retraites fermées a transformé ainsi un si grand nombre de personnes, parfois haut placées, qu’il serait inutile de chercher à les compter.

Honneur insigne donc pour l’Abord-à-Plouffe que d’avoir dans son sein une œuvre semblable. Et d’ailleurs en y venant s’établir les Jésuites venaient chez eux. En 1637 le sieur Huaut de Montmagny, digne successeur de Champlain, prit possession de l’île au nord de la Rivière des Prairies, écrit le Père Le Jeune, et l’île « Montmagny » fut ensuite, par lui, cédée aux Jésuites, on l’appela alors île Jésus. En 1672, l’intendant Talon voyant que les Jésuites n’avaient pas fait les défrichements voulus par la loi, reprit l’île Jésus et après avoir fait une réserve d’une lieue en faveur des mêmes Jésuites il la céda à Monseigneur de Laval en échange




L’ÉGLISE DE ST-MARTIN, extérieur et intérieur.

de l’Île d’Orléans. D’où nous pouvons conclure que les Jésuites sont parfaitement dans leur domaine puisque l’histoire

l’atteste.

Le Révérend Père Archambault est le directeur actuel de la Maison et occupe cette charge depuis 1914. Il a comme collaborateurs les Révérends Pères F. Maynard. Ed. Lecompte, A. Bellerose. J. Sheehy, L. Héroux. Les statistiques de cette œuvre sont intéressantes. En 1914 il y eut 840 retraitants ; en 1915, 998 ; en 1916 1045, en 1917, 1175, en 1918, 1337 et en 1916, 1734… Combien y en aura-t-il en 1920 ? Nous voudrions et nous souhaiterions que le nombre en soit doublé, triplé… Ce que nous savons c’est que l’œuvre augmente pour le bien de la religion et de la société et nous en bénissons le Seigneur.[2]

CHAPITRE VII



QUELQUES NOMS


M. Hugh Paton. — E. H. Lemay. — W. Lorrain. — Jeanne D’Arc. — Les belles demeures. — Les écoles. —


Des vivants il ne faut rien ou peu dire. Tous d’ailleurs mériteraient d’être nommées. Cette monographie pourtant serait incomplète si nous ne mentionnions certains personnages… Et d’abord Monsieur Hugh Paton. Monsieur Hugh Paton est un homme de marque. Écossais de naissance, étant né en 1852 dans cette partie de l’Empire Britannique, il vint au pays canadien en 1871, avec le désir de s’y faire un séjour digne de lui. En 1884, il épousa Mlle Isabella Roberton, fille de feu Monsieur Andrew Roberton, marchand de Montréal. À cette occasion, les habitants de l’Abord-à-Plouffe lui présentèrent un témoignage, non équivoque de leurs sentiments respectueux. C’est en 1871 que M. Paton acheta de Olivier Lamer l’île qu’il occupe aujourd’hui. Les années suivantes il acquit de nouvelles terres et il possède actuellement 300 arpents sur le territoire de « Bord-à-Plouffe » comme il appelle l’endroit.

Cette île appartenait aux Bourdeau depuis de nombreuses générations. Depuis son arrivée dans nos parages et toujours, Monsieur Paton s’est montré l’ami et le protecteur des Canadiens-Français. Monsieur Paton est d’une charité proverbiale, et sa digne épouse seconde, de tout son pouvoir, son philanthropique époux. — Petit, trapu, avec figure souriante et enrichie d’une belle barbe, vêtu d’habits modestes, qui n’a vu passer Monsieur Paton dans son joli carrosse ou sa magnifique limousine ? Qui ne l’a vu saluant le pauvre comme le riche ? Et pourtant M. Paton n’est pas des nôtres par la langue et la religion. De plus il est un des plus forts financiers du pays. N’est-il pas propriétaire d’immenses terrains à Cartiervile, à St-Laurent et à Dorval ? N’est-il pas le Président de la Sheddren Forwarding Company, membre du Canadian Cartage and Storage, directeur ou actionnaire du C. P. R., de la Montréal Tramways, etc ? M. Paton, malgré et avec tous ces titres, reste bon et charitable pour tous. Chaque année il encourage les élèves des écoles en leur distribuant de riches prix. Il soutient de ses deniers tous les malheureux qu’on lui recommande. Il contribue même à la fondation ou à l’entretien d’œuvres religieuses. Son but c’est d’être utile à tout le monde et il y réussit. Y a-t-il dans la région une amélioration qui s’impose, les contribuables vont le voir et reçoivent son appui et son concours pratiques. Monsieur Paton a droit qu’on le nomme : sa modestie en souffrira mais la reconnaissance guide notre plume.

L’île Paton sur laquelle M. et Madame Paton ont fixé leur demeure d’été, mais dans laquelle ils viennent durant toute l’année, est une île superbe. Elle est située à quelques arpents du Pont Lachapelle au beau milieu de la Rivière des Prairies. Tous les terrains du voisinage sont entourés de palissades en pierre ou en cèdre et ornés d’arbres gigantesques qui donnent à tout l’endroit l’aspect d’un Parc magnifique. Le chemin qui conduit le visiteur de la route publique à l’île, est tout macadamisé. M. Paton a relié la terre ferme à l’île par un pont splendide en 1886. Sur l’île il y a un terrain des plus riches et des mieux agencés pour le Golf, une serre admirable où on peut cueillir en toutes saisons les fleurs les plus rares et les légumes les plus recherchés ; des écuries des plus modernes avec des chevaux et des équipages de première valeur : mais surtout une maison vraiment princière qui rappelle les vieux châteaux du moyen-âge. Et combien d’autres choses le visiteur ne contemple-t-il pas quand il a l’avantage d’entrer sur ces riches domaines ?

M. Paton a toujours donné de l’ouvrage à de nombreux employés et les nôtres en ont largement bénéficié. Pendant 20 ans les membres du Hunt Club furent reçus au château avec la plus grande courtoisie. Avec le consentement généreux des habitants on y faisait la chasse au gibier… Après la course dans les bois voisins tous les membres du club se reposaient au manoir. M. Paton est encore relativement jeune : 68 ans. Espérons que la Providence les conservera lui et sa noble compagne longtemps encore pour le bonheur de tous ceux qui ont eu ou qui auront l’avantage de les connaître et de vivre avec eux.


M. WILFRID LORRAIN, maire de l’Abord-à-Plouffe


M. EUSÈBE LORRAIN, père


Parc Cartierville-Nord, statue Jeanne D’Arc, Bord-à-Plouffe
Parc Cartierville-Nord
statue Jeanne D’Arc
Bord-à-Plouffe

Un autre personnage que je ne veux pas laisser inaperçu et pour cause, c’est M. Eustache Lemay, marchand de bois de Montréal. On peut dire de lui qu’il est un  “self-made man” M. Lemay a commencé au bas de l’échelle. D’une grande activité et d’un esprit ouvert il a su, par son travail et son énergie, se créer une première place dans le monde des affaires et de la finance. Directeur de la Banque d’Hochelaga et de l’hôpital général, membre de plusieurs clubs choisis, actionnaire dans de nombreuses compagnies, ancien commissaire du Port de Montréal, ami intime de Sir Wilfrid Laurier, Sir Rodolphe Lemieux, Sir Pierre Évariste LeBlanc, bienfaiteur insigne de sa paroisse natale et de plusieurs institutions d’éducation ou de charité, V. G. l’Université de Montréal à laquelle il vient de donner $25000.00 M. Lemay se distingue surtout par son amour du pays qui l’a vu naître, et des anciens avec qui il a vécu. Aussi très souvent on le voit, malgré ses 73 ans bien sonnés, (né le 1 janvier 1845) revenir à l’église paroissiale ou apparaître dans le vieux cimetière où dorment ceux qu’il a connus et estimés : en particulier son épouse bien-aimée Mary Gilchen et son enfant.


Si les cadres de ce petit volume me le permettaient je parlerais volontiers très longuement du Docteur F. Xavier Plouffe médecin de Montréal qui aime son « Bord-à-Plouffe » au point d’en avoir fait son principal séjour en y construisant une superbe villa des mieux placées et qui encourage la grande cause de l’instruction en distribuant chaque année de riches et nombreux prix aux élèves des écoles ; de son fils Adrien, médecin comme lui, qui a fait de brillantes études à Paris et dans les divers hôpitaux d’Europe, et qui est devenu spécialiste reconnu dans les maladies des yeux ; de Damase Lagacé, entrepreneur-général qui a confectionné toutes les routes de la paroisse de St-Martin et qui s’intéresse activement au progrès de sa place natale ; de C. Réal Blache, courtier, qui possède d’immenses terrains et qui est de toutes les bonnes causes ; de Cyrille Taillefer, cultivateur, le doyen d’âge des anciens de l’Abord-à-Plouffe ; de Isidore Valiquette qui a construit à lui seul plusieurs maisons dans la municipalité et qui a cinq fils mariés sur le territoire ; de J.-Bte Bourdeau dit Lamer dit Rapidieux qui a le souvenir des choses passées et qui en parle avec tant d’âme et de talent. Mais ce serait abuser vraiment et je passe.


Sur le Parc Cartierville-Nord qui a été fondé en 1912 par le Maire de l’Abord-à-Plouffe et qui était auparavant la propriété de M. Romain Clermont, avez-vous remarqué la belle statue de Jeanne d’Arc, la Sainte que l’église vient de placer sur nos autels ? L’inauguration de ce monument eut lieu le 16 juillet 1916. L’abbé Richard P. S. S. aumônier militaire de retour du front, fit le sermon. Il y avait foule. Des orateurs aimés chantèrent aussi les louanges de la Pucelle d’Orléans. Cette statue est le don de M. Wilfrid Lorrain qui se glorifie d’être un descendant des habitants de la Lorraine, patrie de la Sainte qui sauva la France. Ce fut donc pour honorer ses ancêtres que M. Lorrain fit ériger ce splendide monument. À cette première pensée il ajouta l’idée d’immortaliser dans le marbre la mémoire de nos soldats canadiens tombés sur le champ de bataille.


Jeanne D’Arc est debout et porte le costume militaire. La nuit, cette héroine de la France est visible, car elle tient dans sa main une brillante et vive lumière. Cette lumière est généreusement fournie par la « Montréal Public Service Corporation » à la demande de son donateur.


M. Lorrain est un actif et un débrouillard. Il est de tous les mouvements. Il possède une immense manufacture de tomates où il emploie 35 femmes et 40 hommes et dans laquelle il fabrique chaque année, en moyenne, 13,000 boites représentant 150,000 livres de tomates. Cette manufacture a été fondée en 1891 par son père Monsieur Eusèbe Lorrain. Elle a aujourd’hui 116 pieds de longueur par 50 de largeur avec deux annexes de 112 par 24.


Malgré cette occupation Monsieur Wilfrid Lorrain ne trouve pas moins le temps de faire de l’immeuble, de l’assurance et d’être membre de toutes les sociétés possibles.


Le gouvernement provincial le nomma Juge de Paix en 1917. Directeur des Forestiers, agent de la Nationale, administrateur de la desserte qui lui doit sa naissance, préfet du Comté Laval en 1917 et 1918, membre de plusieurs clubs choisis, organisateur des Maraîchers dont il fut le secrétaire pendant 3 ans, secrétaire de la Commission Scolaire, propriétaire du Parc « Cartierville Nord », protecteur des conscrits avec M. Louis Cléroux Maire de St-Martin, etc, etc, tel nous apparait Monsieur le Maire Lorrain de l’Abord-à-Plouffe…… M. Lorrain est un ancien élève des Collèges de Montréal et de St-Laurent. Quoi que relativement jeune (M. Lorrain est né le 4 novembre 1869), il est arrivé à force d’activité à se créer une solide et enviable position dans le monde. Pour moi qui le connus si bien et qui eus même à combattre pour le bien général certains de ses projets j’ajouterai que M. Lorrain est toujours d’une grande délicatesse et d’une profonde bienveillance. Je laisse à d’autres le soin de critiquer ses ambitions et son administration… ! M. Lorrain a beaucoup de mérites et j’ai le devoir de le dire.


Quelqu’un me demandait : Avez-vous à l’Abord-à-Plouffe de belles résidences ? Je lui répondis : Sans parler des châteaux (car ce sont de véritables palais) de Monsieur Hugh Paton et du Docteur F. X. Plouffe je puis vous apprendre que nous avons en fait de très jolies demeures même chez nos jardiniers. Pour vous en convaincre allez-y voir les habitations propres et splendides de MM. Réal Blache, de Alphonse Taillefer, Damase Lagacé, Aimé et Paul Boudrias, Joseph Plouffe, Paul Lagacé, Arthur Hotte, Napoléon Clermont, William Jolicœur, Alexandre Francœur, Romain Clermont, Wilfrid Lorain, de Mesdames Gédéon Plouffe, et Hildège Lagacé, Messieurs Georges Lorrain, Horace Brouillette, Jérôme Desrochers, Joseph et Maxime Leblanc, Cyrille Taillefer, etc etc…… Et si mon interlocuteur ne m’eut pas arrêté je les aurais toutes nommées….. Elles sont si coquettes et si propres nos maisons de « chez nous » !


Parmi ces maisons il en est deux que je remarque plus que les autres et pour cause. Ce sont les écoles. L’École de la Commission Scolaire est toute de bois, bien convenable et très spacieuse. Elle date de 1866, trois classes et le logement des institutrices la composent. Elle est située sur la grande route, presque vis-à-vis l’église paroissiale, sur la terre de feu Maximin Mercier. 116 enfants des deux sexes, sous la direction de Mesdemoiselles Catherine et Alice Martin, la fréquentent. Il faut dire que l’instruction est en honneur à l’Abord-à-Plouffe. Les parents comprennent l’importance de l’éducation et s’efforcent de la fournir à leurs enfants.


Il y a aussi l’Académie Jeanne D’Arc fondée et dirigée par Mademoiselle Élodie Boucher et dans laquelle 25 élèves reçoivent des cours spéciaux. 18 vont au collège ou au couvent de Cartierville et 5 aux différents collèges classiques des alentours : Ste-Thérèse, St-Laurent, l’Assomption et Montréal. Les examens, que les Messieurs de la cure ou de la Commission Scolaire, font subir aux élèves, en décembre et en juin de chaque année prouvent bien avec quel zèle et quel dévouement on développe chez nous l’intelligence des jeunes. Ceux-ci d’ailleurs répondent bien à l’appel de leurs Maitresses. Les cahiers de rapports sont très élogieux. L’assiduité, l’application, la politesse, l’instruction religieuse sont en honneur. Les écoles de l’Abord-à-Plouffe sont de véritables écoles modèles et font un bien immense à notre population. L’école est une maison de formation intellectuelle et morale. Aussi Messieurs les Commissaires ont toujours eu à cœur d’engager des maîtres ou maîtresses de premier ordre. Citons : MM. Duplessis, Jos Jasmin, aujourd’hui professeur à Montréal, les Delles Taillefer qui entrèrent plus tard chez les Sœurs de Ste-Croix et Madame Veuve Martin, la mère des institutrices actuelles, qui pendant 18 ans se dévoua à la grande cause de l’éducation de nos petits enfants. Madame Martin mourrait l’an dernier à l’Hôtel-Dieu au mois d’avril et fut inhumée dans sa paroisse natale.


Mais (je termine par là,) ce qu’il faut davantage admirer, ce qui saute le plus aux yeux des visiteurs ou des touristes, ce sont les belles fermes de nos cultivateurs. Autrefois, et il n’y a pas très longtemps, les terres qui ont été vendues pour l’immeuble nous font constater le fait, ces fermes n’avaient pas l’apparence d’aujourd’hui. Elles étaient toutes couvertes de cailloux et remplies de roches. Elles avaient un sol plutôt pauvre. Nos gens sont des actifs et des courageux. Ils ont travaillé à l’amélioration de leurs domaines. Ils comprenaient que l’agriculture est la source de la richesse et la plus indépendante de toutes les carrières. De nos jours la culture maraîchère, la plus lucrative et la plus intéressante, est générale.

Si je ne résistais pas à la tentation je citerais plusieurs jardiniers modèles dont l’Abord-à-Plouffe est fière ! Travaillons le sol car il est l’avenir ! tel est le cri de ralliement auquel nos braves citoyens répondent avec empressement et profit.


CURÉS DE ST-MARTIN


  1. M. Louis Payette ( 1774-1782)
  2. M. Antoine Lemaire (1782-1802)
  3. M. Michel Brunette (1802-1835)
  4. M. Romuald Mercier (1835-1839)
  5. M. Arthur Caron (1839-1847)
  6. M. J.-Bte Bourassa (1847-1851)
  7. M. P. C. Dubé (1852-1880)
  8. M. Urgel Archambault (1880-1881)
  9. M. M. LeBlanc (1801- ? )


VICAIRES DE ST-MARTIN


  1. M. J. B. Drolet (1883)
  2. M. J. Leclerc (1833-35)
  3. M. J. Boisvert (1844-45)
  4. M. J. Guinguet (1845-47)
  5. M. J. L. Lionel (1847-48)
  6. M. A. Maréchal[3] (1848-49)
  7. M. P. Guihomert (1849-51)
  8. M. P. C. Dubé[4] (1851-52)
  9. M. P. Malo (1858-59)
  10. M. A. P. Tassé (1860-66)
  11. M. J. A. C. Larose (1866-68) # M. H. Germain (1868-80)
  12. M. E. F. Boudreau (1880-81)
  13. M. C. C. Forest (1881-83)
  14. M. Louis Gravel (1883-84)
  15. M. C. Beaudoin (1884)
  16. M. O. Laferrière (1884-88)
  17. M. O. Forest (1888-1894)
  18. M. G. Melançon (1894-1900)
  19. M. J. Lévesque (1900-01)
  20. M. A. Perreault (1901-02)
  21. M. F. E. L’Heureux (1902)
  22. M. A. Giguère (1903-1904)
  23. M. H. Deslongchamps (1904-09)
  24. M. A. Deschênes (1909-10)
  25. M. H. Leclerc (1910-11)
  26. M. Adalbert Froment (1911- ? )
  27. M. L. Jasmin (1918- ? )
  28. M. J. Mallette (1919- ? )


CHAPITRE VIII

PRÊTRES NÉS DANS LE RANG DU BORD DE L’EAU


M. Césaire Hotte, ancien curé de N.-Dame du Richelieu décédé.
M. Louis Clermont décédé.
M. Antoine Clermont curé actuel de Richmond Vt.
M. Z. Gravel, ancien médecin, ex-curé de Ste-Lucie.
M. Esdras Plouffe, décédé, ancien curé de St-Émile.
Rév. P. O. Desrochers C. S. C. missionnaire au Bengal.
Rév. P. E. Vanier C. S. C. supérieur à la côte des Neiges.
M. Wilfrid Lagacé, curé de St-Ignace, N. B.


SIR P. E. LEBLANC, ancien gouverneur de Québec et député de Laval de 1883 à 1908.

RELIGIEUSES :


Marie de St-Isidore, Edwidge Valiquette.
Marie de St-Luc, Adèle Taillefer.
Marie de François Régis, Philomène Taillefer.
Marie de François Régis, Marie Taillefer.
Marie de St-Ives, Rachel Clermont,
Marie de St-Opportune, Adèle Hotte.
Marie de St-Praxède, Georgianna Trudeau.
Marie de St-Luc, Exilda Taillefer.
Marie de Ste-Émilienne, Marguerite Taillefer.
Marie Zacharie, Anna Valiquette.
St-Azélie, Émilienne Taillefer.
St-Raoûl, Régina Berthiaume.
Ste-Eugénie, Reine Lavoie.
St-Pierre D’Osma, Eugénie Berthiaume.
Marie Alfréda, Alfréda Lavoie.


ÉCHEVINS DEPUIS 1915, 1916, 1917.


Wilfrid Lorrain, Jos. Plouffe, Alphonse Taillefer, Martin Plouffe (1er Maire), Arthur Hotte, Romain Clermont, Alex. Francœur.


ÉCHEVINS DEPUIS 1917-18.


Isidore Valiquette, Alfred Sigouin, Stanislas Sauriol, Dr E. A. Lorrain, Régis Jasmin,


ÉCHEVINS DEPUIS 1918.


William Jolicœur, Alex. Joly.


ÉCHEVINS DEPUIS 1919.


J.-Bte Lamer, Moïse Clermont.

MEMBRES DU CONSEIL MUNICIPAL ACTUEL.

Wilfrid Lorrain J. P. Maire.


ÉCHEVINS :

Moïse Clermont
J.-Bte Lamer, père
Stanislas Sauriol
Damase Lagacé
Joseph Plouffe
J.-Bte Chartrand, fils.
Napoléon Bigras Sec. Très.


SECRÉTAIRES TRÉSORIERS DEPUIS 1915.

Dr E. A. Lorrain, 1915
Adolphe Francœur, 1916-1917
Horace Brouillette, 1918
Nap. Bigras, 1919
P.-Émile Durocher, 1920


Anciens députés du Comté Laval dans lequel se trouve l’Abord-à-Plouffe :

Sir L. H. Lafontaine, 1830-1848
L’hon. L. N. Viger, 1848-1857
L’hon. A. N. Morin, 1851-1854
L’hon. Chapleau
L’hon. Masson
L’hon. Juge Ouimet
L’hon. Mantel
L’hon. Juge Fortin
L’hon. Sir P. E. Leblanc qui devint plus tard gouverneur de Québec, 1883-1908
W. Lévesque, 1908-1919

Les députés actuels sont O. Renaud pour la législature et J. C. A. Éthier pour le Parlement fédéral.

PREMIERS COLONS :

Charles Plouff, (Blouff)
Louis Tailfer, (Taillefer)
Louis Rapidieux dit Lamer
Julien LeBlanc, en breton Leguen
Joseph Tailfer (Taillefer)
Amable Pontus dit Clermont
Pacifique Turcot
Ambroise Lagassé dit Lagacé.

Les deux premiers arrivèrent en 1740

INSTITUTEURS ET MEMBRES DE LA COMMISSION SCOLAIRE DEPUIS LA FONDATION DE L’ÉCOLE EN 1866.


INSTITUTEURS ET INSTITUTRICES

Le premier Instituteur fut M. Venance Lemay, mais on ne peut dire au juste le nombre d’années qu’il s’est dévoué à l’enseignement.

RELEVÉ DES AUTRES INSTITUTEURS QUI Y ONT ENSEIGNÉ :


Mlles Virginie et Vitaline Beauchamp, 1869 à 1872
M. C. M. Duplessis et son épouse, 1872 à 1877
M. L. C. Joseph Jasmin, 1877 à 1889
M. J. Germain et Mademoiselle Maggie Laurin (son institutrice). 1889 à 1890


M. François Xavier Debien, 1890 à 1891

M. C. Thumas, 1891 à 1893

Mlles Alice et Maria Taillefer, 1893 à 1897

M. Eusèbe Lorrain, (aujourd’hui Dr E. A. Lorrain) 1897 à 1901

M. Edmond Delorme, 1901 à 1903

Madame Vve Martin 1903 à 1919

Mlles Catherine et Alice Martin 1903 à 1920

COMMISSAIRES DE 1869 À 1886 :

M. François Corbeil, Président de la Commission Scolaire

Louis Sauriol, Sec. Trés.

M. Eusèbe Lorrain (père)

M. Pierre Bertrand

M. Richard Lavoie

COMMISSAIRES DE 1886 à 1890 :

M. Gédéon Plouffe, Président.

M. Alphonse Taillefer, Sec. Trés.

M. J.-Bte Lamer.

M. H. Sans-Cartier.

M. Michel Couvrette.

M. J.-Bte Demers.

COMMISSAIRES DE 1890 À 1892 :

M. Pierre Patry, Président.

M. Maxime Francœur, Sec. Trés.

M. Joseph Sauriol.

M. Edouard Gérard dit Jolicœur.

M. Ovila Piché.

M. Zotique Francœur.

COMMISSAIRES DE 1892 À 1894 :

M. Avila Piché, Président.

M. Maxime Francœur, reélu Sec. Très.

M. Isidore Valiquette.

M. Cyrille Taillefer.

M. L. Sauriol.

M. L. Couvrette.

Ont successivement été nommés présidents et commissaires d’écoles, de 1894 à 1903 :

M. Romain Clermont.

M. Aldéric Véseau.

M. Alexandre Francœur.

M. Régis Jasmin.

M. Dalbert Clermont.

M. Stanislas Sauriol.

M. Arthur Hotte.

M. Isidore Valiquette (fils).

M. Joseph Plouffe.

M. Honoré Major.

M. Wilfrid Valade.

M. William Jolicœur.


MEMBRES ACTUELS DE LA COMMISSION SCOLAIRE

M. Gustave Landerman, Président.
M. Wilfrid Lorrain, Sec. Très.
M. Dr E. A. Lorrain, Commissaire.
M. Joseph Brosseau.
M. Dorilla Gravel.
M. Olivas Valiquette.


CHAPITRE IX


LE RÉVEREND M. LEBLANC CURÉ DE ST-MARTIN, 1881-1920


BIOGRAPHIE — ŒUVRES

Il nous est impossible de passer sous silence, en écrivant ce modeste volume, la belle figure de M. Maxime LeBlanc, curé de St-Martin. Sa vie est si intimement liée à la vie de l’Abord-à-Plouffe, son séjour parmi nous a été si avantageux, son nom si connu et aimé que nous serions incomplet sans lui. Mgr Fabre en 1881, appelait ce digne prêtre à la succession de M. Urgel Archambault, qui n’avait fait que passer, et le 14 mars de la même année M. LeBlanc nous arrivait avec le désir « de se faire tout à tous » pour gagner les âmes à Jésus-Christ. Monsieur Leblanc administre donc la paroisse, à laquelle les fidèles de l’Abord-à-Plouffe ont le plaisir et le bonheur d’appartenir, depuis 39 ans. 39 ans à la tête d’une paroisse : quelle mission et quelle couronne d’œuvres et de mérites !

Le Révérend Maxime Leblanc est né à St-Jacques de l’Achigan — cette pépinière de prêtres, de religieux et de religieuses — le 13 mars 1840. Son père, un brave et bon cultivateur, avait nom Pierre LeBlanc, et sa mère Josephte Majeau. Il fréquenta d’abord l’école du Ruisseau St-Georges où il se fit déjà remarquer par sa bonté de cœur et sa piété. En 1853 après avoir fait sa première communion à l’église paroissiale et sous M. Paré le Saint Curé d’alors, il partait pour le collège l’Assomption. Il y fit partie du 20e Cours et eut pour condisciples feu Sir Wilfrid Laurier et le Notaire Elie Marsolais seul survivant avec lui, d’une classe qui fournit des hommes illustres à la Religion et à la Patrie. En 1860 il entrait au Grand Séminaire de Montréal. En 1863 il devenait professeur et en 1864 le 12 mars Monseigneur Bourget l’élevait au sacerdoce.

Une fois prêtre, M. LeBlanc fut nommé vicaire à St-Philippe de Laprairie (1864 — 66), puis à Berthier (1866 — 68), il revint de nouveau vicaire à Berthier (1869). La même année il fut nommé curé (le deuxième) de Ste-Agathe des Monts. Il y demeura 7 ans (1869 — 1876). Compagnon de Monseigneur Labelle, curé de St-Jérôme, il fut son collaborateur précieux et zélé. Avec lui il aida à peupler le Nord. L’humble Se-Agathe comprenait autrefois La Rondelle Ste-Jovite et St-Faustin.

M. Leblanc aimait ses gens de là-bas : il en parle souvent et répète avec âme : « j’y ai vécu les plus belles années de ma vie. » Tous les bonheurs sont éphémères et Mgr Bourget le nomma en 1876 à la cure de St-Félix de Valois. C’est là à quelques lieues de Joliette et en relations directes et fréquentes avec eux que Monsieur LeBlanc devint l’ami et le confident des Clercs de St-Viateur qui surent toujours trouver en lui un bienfaiteur solide et généreux. Enfin en 1881 il fut appelé à la cure de St-Martin, comme nous le disions au début de ce chapitre


L’administration de M. Dubé avait laissé la paroisse presque en pleine crise. Les temps étaient durs et les esprits montés. La dette énorme $39,000,00, l’église inachevée, le presbytère à construire, les écoles à améliorer : autant de choses qui rendaient la position difficile. Le départ précipité de M. Archambault n’était pas de nature à attirer le nouveau curé. Homme de foi et ne comptant que sur Dieu, M. LeBlanc accepta le poste. On raconte dans les familles comment il s’y prit pour calmer les esprits : il fut patient et pria avec les fidèles. « Allons, mettons-nous sous la protection de St-Joseph et tout ira bien » (19 mars 1881). La question d’argent était secondaire. De fait tout alla bien. Lentement mais sûrement il se concilia les esprits et les cœurs : il adoucit les difficultés, il réorganisa les finances. Contents de lui et fidèles à suivre ses conseils sages et prudents, les paroissiens firent terminer l’église (1883), construire le nouveau presbytère, agrandir le cimetière. L’ornementation du lieu saint lui était chère. Ce fut sous son inspiration que le Chemin de Croix fut érigé avec ses belles stations, que le sanctuaire fut enrichi et que le plancher de bois franc fut construit. En


M. l’abbé MAXIME LEBLANC, curé de St-Martin depuis le 31 mars 1881.

1914, lors de ses noces d’or, la dette était totalement éteinte,

les écoles étaient agrandies et améliorées, la Maison des Retraites fermées était construite et fréquentée, la Maison Mère des Sœurs du Bon Pasteur était fondée, le pensionnat des Sœurs de Ste-Croix considérablement augmenté.

Auparavant (1900) il avait permis la division de St-Elzéar (109 familles furent prises sur St-Martin). Plus tard il accordera 54 familles au nouveau curé du Pont-Viau (1915) et 150 au fondateur de Laval des Rapides. (1917) M. LeBlanc veut le bien de ses ouailles et ne cherche qu’une chose : leur faire plaisir en leur étant utile. Aussi en 1916 il se rendit à la demande des citoyens de l’Abord-à-Plouffe et leur accorda une desserte. Il voulut lui-même y dire la première messe le 3 juin de la même année.

M. Leblanc dirige encore sa paroisse et avec succès. Le 12 mars, il célébrait son 56e anniversaire d’ordination, les 13 et 14 son 80e d’âge et son 39e d’arrivée à St-Martin.

Souhaitons que le Bon Dieu nous garde encore longtemps ce prêtre si paternel, si prudent et si dévoué !

C’est le vœu que nous formulons en finissant notre tâche.

CHAPITRE X

MENUS FAITS QUI MÉRITENT D’ÊTRE SIGNALÉS


Lors des noces d’or de M. le Curé Maxime LeBlanc, le 28 mai 1914, deux enfants de l’Abord-à-Plouffe, M. l’abbé Antoine Clermont curé de Richmond, Vermont, États-Unis, et le Docteur Daniel Plouffe pratiquant aujourd’hui à St-Martin, firent de jolis et solides discours pour répondre à la santé de la paroisse.

* * *

La première grande réunion de l’Association des Maraîchers de la Province de Québec eut lieu dans le Parc Cartierville-Nord le samedi 19 juillet 1913. À cette occasion il y eut discours sur des sujets d’agriculture par M. J. W. Lévesque M. P. P., l’abbé Ad. Froment vicaire à St-Martin, G. Maynard et P. Vandelac échevins de Montréal, W. Lorrain secrétaire de l’Association, M. le Président d’alors, Albert Monette de St-Vincent de Paul se déclara satisfait du résultat de cette réunion qui avait pour but de recruter de nouveaux membres. Cette fête champêtre qui avait attiré 2000 personnes au bas mot, se clôtura par un grand concours de jeux.


Quelques vues de l’Abord-à-Plouffe

Le tribunal pour juger les cas d’exemptions de St-Martin et l’Abord-à-Plouffe siéga dans notre région à la demeure du Maire de l’Abord-à-Plouffe pendant tout le mois de décembre 1917.

* * *

Le 4 avril 1920, soir de Pâques, eut lieu à l’Abord-à-Plouffe le tirage d’un cadre à la peinture. Il y eut discours par MM. les abbés Adalbert Froment et Ludger Jasmin vicaires à St-Martin et par M. le Maire de l’endroit. Madame Girouard qui avait organisé la fête remercia vivement tous ceux et toutes celles qui l’avaient aidée.

M. Jos. Bélanger de Mégantic fut l’Heureux gagnant. Un magnifique coussin à la peinture et un $5.00 d’or furent donnés à Madame Zotique Chartrand et à Mademoiselle Marie-Anne Lagacé. Elles étaient arrivées respectivement première et seconde dans la vente des billets.

* * *

Le Conseil municipal, aux fins de tenir ses réunions, a loué la salle de Madame Gédéon Plouffe (1919.)

* * *

À la dernière retraite générale qui eut lieu à la Villa St-Martin et à laquelle 39 personnes de toutes les classes de la société assistaient, il faisait bon remarquer la présence de M. le Juge Dorval du Nord-Dakota, États-Unis.

Aux noces d’or de M. le Curé Leblanc (28 mai 1914) le rang du Bord de l’eau était richement et magnifiquement décoré. L’illumination fut splendide. Le héros de la fête accompagné de plusieurs invités s’y rendit et fut vivement touché de cette marque d’attachement que lui manifestaient les citoyens de l’Abord-à-Plouffe.

* * *

Les gouvernements, Fédéral et Provincial, viennent de décider la confection de la route Montréal-Ottawa. L’Abord-à-Plouffe sera l’une des municipalités privilégiées : c’est peut-être l’unique raison pourquoi ses chemins sont actuellement mauvais : elle attend sans doute que l’autorité gouvernementale y mette la main …!

* * *

M. le Dr F. X. Plouffe et le Maire Wilfrid Lorrain sont à faire faire des plans pour construire des nombreux logements à l’Abord-à-Plouffe. En avant le progrès !

* * *

La « coupe » de la glace procure à un grand nombre des nôtres durant la froide saison le moyen de soutenir leur famille. Un citoyen de l’Abord-à-Plouffe, à lui seul, a réalisé la jolie somme de $250.00 durant l’hiver dernier. « 2500 morceaux de glace qu’est-ce-que c’est pour de bons bras comme les miens » ? me disait l’un de ces habiles artisans.

* * *

La desserte a $538.90 en banque et $25.00 entre les mains de Monsieur Wilfrid Lorrain.

A. M. D. G.



St-Martin, au mois de mars 1920.

Table des Matières



 
Page
  
Un mot au lecteur 
 7
  
Portrait de Mgr Paul Bruchési 
 17
  
Portrait de Mgr Gauthier 
 27
  
Maison des retraites fermées 
 37
  
L’église de St-Martin 
 43
  
Statue de Jeanne d’Arc 
 49
  
Portrait de Sir P. E. Leblanc 
 59
  
Portrait de M. l’abbé M. Leblanc 
 69
  
Quelques vues de l’Abord-à-Plouffe 
 73


Typ. L’Action Populaire, Joliette, P. Q.

  1. Martin Plouffe était le père de M. Esdras Plouffe père des Docteurs Daniel et de Martin Plouffe premier Maire de l’endroit et de William Plouffe entrepreneur général.
  2. « À la dernière retraite dus cultivateurs j’eus le plaisir de causer avec un ancien cageux M. J.-Bte Delay qui était venu du lointain Témiscamingue se retremper pour les bons combats de l’avenir. »
  3. M. Maréchal devint plus tard Grand-Vicaire de Montréal.
  4. M. Dubé fut curé de St-Martin de 1852 à 1880.