Notice historique sur L’Abord-à-Plouffe/Esprit chrétien

Typographie L’Action populaire (p. 31-35).

CHAPITRE V



ESPRIT CHRÉTIEN


Désordres du passé. — Les croix. — La déserte nouvelle —


Parlons maintenant de notre région au point de vue religieux. Disons tout de suite que l’esprit chrétien règne dans les familles de notre localité. À cause des circonstances et des « cageux » de l’étranger qui y passaient autrefois une grande partie de l’année il y eut de profonds désordres. Obligés de faire la séparation des cages les cageux devaient « stopper » à l’endroit et alors il y avait parfois des scènes regrettables.

La pauvreté, le manque d’éducation, l’éloignement de l’église pendant de longs mois, le voyage au pays des Grands Lacs, les raports avec les « étrangés » et les hommes de chantier : autant de causes qui semaient l’ivraie et un peu la zizanie dans le champ du père de famille. La boisson aussi alors faisait des ravages effrayants et engendrait des querelles dont quelques unes sont restées légendaires. Je sais que cette affirmation est dure mais elle n’est que l’exacte vérité. Grâce à nos braves curés de St-Martin et à l’action bienfaisante de l’école qui fut plus tard organisée, nos gens s’améliorèrent vite et l’esprit chrétien dont ils font preuve actuellement ne tarda pas à se manifester.

Des croix furent érigées ici et là, où ils allaient le soir après le labeur et la fatigue du jour, pendant les mois de Marie et du Rosaire prier tous ensemble sous la présidence du pasteur qui s’y rendait souvent. Le rang tout entier y venait aussi aux grandes fêtes, et après la prière en commun et quelques anciens cantiques, les plus touchants et les plus beaux, tous revenaient meilleurs et plus forts. Ces croix ne sont pas totalement disparues. Il en reste deux : une chez M. Damasse Bertrand et une autre, celle du magnifique calvaire chez M. Alexandre Francœur. Le grand malheur c’est que les réunions d’antan, pourtant si pieuses, et si capables de faire du bien ne reviennent plus. « Il faisait si bon le soir prier aux pieds de la grande croix » Et ces croix sont encore aimées et saluées. Elles ont une âme qui nous parle de Dieu et d’espoir.

En ces temps anciens où la foi était si vive, personne ne manquait la messe. Les voitures étaient plutôt rares mais tout le monde avait bon pied et se rendait à l’église paroissiale, sans craindre la tempête, les froids ou la pluie et malgré les chemins impraticables. On y restait jusqu’après les Vêpres. Quelques heures au bon Dieu ne sont pas de trop et ces heures rapportent toujours profit ! La vie paroissiale existait donc à l’Abord-à-Plouffe. Les prêtres y allaient souvent pour la visite des écoles et la consolation des malades. Mais avec le temps et la population toujours croissante, un plus grand nombre n’ayant pas de voiture, il fallut songer à ouvrir une desserte.

Au mois de mai 1915 une requête, signée de 80 noms, fut adressée à Mgr  Paul Bruchési, archevêque de Montréal. Ce dernier en conféra avec le digne et vénérable M. Leblanc curé de la paroisse. L’année suivante la desserte fut fondée et, le 3 juin 1916, eut lieu la première messe. Un grand nombre d’amis ou d’anciens parmi lesquels le Rév. P. Daignault S. J., MM. J. W. Lévesque M. P. P., E. H. Lemay, le Dr F. X. Plouffe, J. A. Filiaterault, le Maire Grothé de Cartierville, Louis Cléroux Maire de St-Martin, D. Vanier Maire de Parc Laval, le Dr D. A. Plouffe, les membres du cercle Ste-Brigitte au complet et autres rehaussaient la cérémonie qui eut lieu dans le magasin de Mme  Hildège Lagacé ; ce magasin servait déjà de salle Municipale. À l’issue de la Messe pendant laquelle il y eut de beaux chants sous la direction de Mlle  Élodie Boucher, M. le Maire Lorrain lut à M. le curé LeBlanc qui officiait, une belle adresse dans laquelle il disait au bon pasteur la vénération, la reconnaissance et l’attachement de tous.

Il fallut organiser cette nouvelle chapelle. On reçut partout un bienveillant accueil et j’en sais beaucoup à ce sujet. L’autel, les chandeliers et la balustrade nous furent gracieusement fournis par le Dr François Xavier Plouffe, le calice d’argent par M. E. H. Lemay, les fleurs par Mlle  Élodie Boucher, la pierre sacrée et les cartons par M. le curé W. Lagacé de St-Ignace N. B.. On acheta à bon compte le ciboire et les ornements chez les Sœurs de la Congrégation qui en plus nous firent don de plusieurs linges sacrés. Il fallait un harmonium : M. Paton qui n’est pourtant pas de la même religion ni de la même nationalité, nous le procura sans tarder. Plus tard les Dames achetèrent une belle statue de la Sainte Vierge qui fut bénite par l’abbé A. Pineault ; et Mme  J. Desrochers, de St-Joseph dont l’érection fut présidée par le R. P. Hébert. M. le curé de Cartierville nous céda à prix excessivement bas les chaises et les petits prie-Dieu. La sacristine était trouvée dans la personne de Mlle  Élodie Boucher. Le charretier fut choisi, M. Gabriel Taillefer, puis M. Jos Brosseau marchand, puis M. Dorila Gravel pour aller chaque dimanche chercher le prêtre desservant. Il fallait un chauffeur : MM. Jos. Brosseau et Ovide Patry tour à tour, furent appelés à cette fonction. Mesdames Jos. Girouard et Chartrand organisèrent pour le 9 et 10 décembre 1918 un euchre qui rapporta $350.00. Le Euchre fut splendide. Les organisatrices reçurent de chaleureuses félicitations. Le soir du 11 décembre 1918 tous les enfants furent invités gratuitement à une fête… Il y eut foule et quelle foule !… Les bonbons, les noix, le café, les jouets, les habits d’enfants furent largement distribuées… Parmi ces enfants il y en avait de quatre et cinq ans jusqu’à seize ans, c’est-à-dire tous ceux qui n’avaient pu venir à la partie de cartes. La veillée fut charmante : les refrains les plus gais furent entendus : les propos les plus drôles furent tenus. Tous se souviendront de cet événement joyeux…

L’Abord-à-Plouffe commençait une vie nouvelle. Le Dieu-Hostie se communiqua plus facilement aux âmes par la Communion. Le temple où Il viendra habiter et se donner sera pauvre ; mais assez vaste pour répondre aux besoins du moment. Et depuis ce jour des prêtres nombreux et dévoués sont allés célébrer les Saints Mystères sur ce nouvel autel : MM. les abbés Froment, Pineault, Turcot, Vaillancourt, Mallette et Jasmin tour à tour ont eu cet honneur. Puis, entre temps, surtout pendant la maladie du « petit vicaire Froment » ce furent de charitables Pères. Nommons tout particulièrement les Révérends Pères Lemire et Géna C.S.S.C. les Pères Hébert, C.S.C. aujourd’hui curé de St-Laurent Rév. Père Conan, S. M. M., M. Morvan (mort à la guerre,) P. Vanier C.S.V., F.X. Forest C.S.V., A. Groulx C.S.C. etc. La desserte marchait donc et elle marche encore. Ses rouages sont peu compliqués mais pour les tenir en ordre il a fallu de la patience et du dévouement. Elle suffit à l’heure actuelle pour répondre aux exigences des fidèles. Il faudra peut-être un jour agrandir le local. La question est venue sur le tapis. Tant que la desserte sera sous la houlette de son vénérable pasteur les gens de l’Abord-à-Plouffe ne feront aucune instance pour la séparation qui mettraient de nouveaux et lourds fardeaux sur les épaules des contribuables. Avant de s’ériger en paroisse canonique ils considéreront mûrement les désavantages de la chose, Nous sommes fiers de dire à la louange de ceux qui la mérite que la vie chrétienne est en honneur dans cette localité et qu’elle ne pourra que s’intensifier sous la pression de l’Évangile qui lui est annoncé chaque dimanche.