Notes Georgiques/Livre II

Traduction par divers traducteurs sous la direction de Charles Nisard.
Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètesFirmin Didot (p. 470-472).
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LIVRE II.

v. 10. Namque aliæ, nullis… il y a dans le texte nullis hominum cogentibus, ipsæ sponte sua veniunt. Quelques commentateurs ont faussement accusé Virgile en cet endroit d’une erreur de physique. Virgile veut dire qu’il y a des arbres qui viennent, non pas sans semence, mais seulement sans avoir été semés de mains d’hommes.

v. 17. Pullulat ab radice… Le cerisier était un arbre nouveau parmi les Romains du temps de Virgile. Pline nous apprend que Lucullus le transporta du Pont en Italie, après la défaite de Mithridate.

v. 20. Hos natura modos… Virgile a marqué les trois manières naturelles dont les arbres peuvent naître, ou d’une semence que le hasard a fait germer, ou d’une semence déposée par l’homme, ou enfin de rejetons : maintenant il va parler des manières artificielles de multiplier les arbres.

v. 37.… Juvat Ismara Baccho. L’Ismare est une montagne de la Thrace, et le Taburne une montagne de la Campanie. La première était fertile en excellents vins, la seconde en oliviers. On la nomme aujourd’hui Taburo.

v. 63. Sed truncis oleæ… Columelle a dit de même, melius truncis quam plantis olivetum constituitur. Truncus dans ce vers est opposé à propagine.

v. 70. Et steriles platani… Le platane est ainsi appelé de πλατὺς, large à cause de la largeur de ses feuilles. Les anciens avaient pour cet arbre une espèce de vénération, jusqu’à l’arroser de vin.

v. 75. Angustus in ipso. Nos agriculteurs, au lieu de faire l’incision dans le bouton, la font au-dessus et au-dessous.

v. 78. Aut rursum enodes… Columelle a dit de même : « Ea parte quamaxime nitida et sine cicatrice (est arbor). » Virgile ne parle ici que de deux manières d’enter : nous en avons plusieurs autres, qu’on peut lire dans les livres d’agriculture.

v. 83. Præterea genus haud unum… Nous avons vu jusqu’à présent comment la nature et l’art multiplient les arbres. Virgile, dans la seconde partie, traite de la diversité des espèces. Dans cette énumération, il parle 1° des arbres des champs ; 2° de ceux des jardins ; 3° enfin des vignobles.

v. 85. Nec pingues unam… Virgile nomme trois sortes d’olives : Orcades ou orchites, de ὅρχις, testiculus, parce qu’elles étaient rondes ; radios, parce qu’elles avaient la forme d’une navette ; pausia, du mot pavire, qui veut dire broyer ; parce que, si l’on en croit Columelle dernière espèce était celle qu’on broyait pour exprimer l’huile.

v. 88. Crustumiis, Syriisque piris… Comme Virgile a nommé trois sortes d’olives, il nomme trois sortes de poires, 1° Crustumia, de Crustumium, ville de Toscane ; 2° Syria, qu’on nommait autrement Tarentina, parce qu’elles avaient été transportées de Syrie à Tarente ; 3° Volema parce qu’elles remplissent la paume de la main, volam manus.

v. 90. Quam MethymnæoMethymna était une ville de l’île de Lesbos, dans la mer Egée.

Thase était une île de la même mer. Il est probable que le vin Maréotide était du vin d’Égypte, près du lac Maréotis. Horace, en parlant de Cléopâtre, dit :

Mentemque Lymphalam Mareotico redegit in veros timores.

Psithia. On ignore d’où vient ce nom ; on sait seulement que le raisin de cette vigne se séchait au soleil ou au feu, et qu’on en exprimait le vin cuit ; dans quelques-unes de nos provinces méridionales on fait encore de cette sorte de vin. Les Latins appelaient ce raisin passum, du mot pati, parce qu’il souffrait le soleil ou le feu. Lageos vient, dit-on, de λαγωὸς, lièvre, parce que le vin en avait la couleur. Pline nous apprend que c’était chez les Romains un vin étranger, ainsi que le vin de Thase et de Maréotide.

v. 98.… Rex ipse Phanæus. Le vin de Phanée était le même que celui de Chio, île de la mer Egée. Il a eu, comme les autres vins fameux, l’honneur d’être chanté par Horace. L’épithète rex, si l’on en croit Servius, est empruntée de Lucinius, qui dit Χίος τε δυνάστης.

Le mot Argitis, à ce que l’on croit, vient d’Argos, ville du Péloponnèse, aujourd’hui la Morée. La petite espèce était apparemment plus estimée que la grande.

Le vin ou le raisin de Rhodes se présentait au dessert ; c’était le moment où l’on faisait des libations en l’honneur des dieux.

Le bumaste était un gros raisin qui lire son nom du mot grec qui signifie mamelle de vache. On connaît encore en Italie et surtout à Florence un gros raisin rouge qui se présente au dessert.

v. 120. Quid nemora Æthiopum… Le cotonnier dont il s’agit ici est un arbuste qui s’élève à la hauteur de huit à neuf pieds : son fruit arrondi intérieurement, et divise en quatre ou cinq loges, s’ouvre par le haut pour laisser sortir les semences enveloppées d’une espèce de laine propre à être filée, et qu’on nomme coton, du nom de la plante.

v. 122. Aut quos Oceano… Il y a dans le texte : Extremi sinus orbis : c’est le golfe du Gange ; c’était l’extrémité du monde connu.

v. 126. Media fert tristes. L’arbre que décrit Virgile n’est autre chose que le citronnier : les Grecs l’appelaient medicum, et les Latins citrium.

v. 153. Nec rapit immensos orbes… Virgile ne dit pas qu’il n’y a point de serpent en Italie, mais seulement qu’on n’y en trouve point de monstrueux.

v. 156. Tot congesta manu… Il y a encore en Italie une multitude de villes situées sur des rochers ; dans la route de Rome à Naples on en voit quatre d’un seul coup d’œil.

v. 158. An mare quod supra… L’Italie est entre deux mers ; la mer Adriatique au septentrion, qu’on appelle aujourd’hui le golfe de Venise, et la mer Tyrrhénienne au midi. — Ces deux mers s’appelaient mare superum et mare inferum.

v. 159… Te, Lari maxime… Le Lare est un grand lac au pied des Alpes dans le Milanais : on le nomme aujourd’hui Lago di Compo.

v. 160. Fluctibus et fremitu adsurgens, Benace, marino. Le Benace est un grand lac dans le Véronais ; on l’appelle Lago di Garda.

v. 193. Inflavit quum pinguis ebur… C’était ordinairement des Toscans qui jouaient de la flûte dans les sacrifices ; ils étaient fameux par leur gloutonnerie ; ce qui a fait dire à Virgile pinguis Tyrrhenus, comme Catulle avait dit obesus Etruscus.

v. 217. Quæ tenuem exhalat… Ces vers peignent très-fidèlement le territoire de la Campanie, qui pendant une partie du jour est toujours couvert d’un léger brouillard.

v. 277… Nec secius omnis in unguem. Larue et quelques autres commentateurs ont cru que Virgile exigeait ici qu’on plantât en quinconce ; je croirais plus volontiers qu’il parle de planter en carré. Le quinconce tire son nom du chiffre romain V. Trois arbres plantés en cette forme sont appelés le quinconce simple ; le quinconce double, c’est le chiffre V doublé qui forme un X étant composé de quatre arbres qui composent un carré, avec un cinquième au centre : or il est clair que, puisque Virgile compare la disposition d’un plant à celle d’une armée, il ne parle que de la forme carrée.

v. 298. Neve tibi ad solem… Columelle, en parlant de l’aspect qu’on doit donner aux vignobles, dit que les anciens étaient fort partagés là-dessus : pour lui, il veut que dans les lieux froids on les expose au midi ; dans les lieux chauds, à l’orient.

v. 320. Candida venit avis… Pline nous apprend que dans la Thessalie c’était un crime capital de tuer une cigogne, parce qu’on avait besoin de cet oiseau pour détruire les serpents.

v. 325. Tum pater omnipotens… Cette grande et magnifique idée du mariage de l’air avec la terre semble empruntée de ces deux vers de Lucrèce :

… Pereunt imbres, ubi eos pater Æther
Os gremium matris Terrai præcipitavit.

v. 348… Squalentis infode conchas. Ceci est encore pratiqué près de Trani dans la Pouille, où l’on fait d’excellent vin muscat.

v. 357. Flectere luctantis inter… Les anciens labouraient souvent les vignes, et cet usage subsiste encore dans quelques provinces ; mais alors on en écarte davantage les rangs.

v. 381 … Veteres ineunt proscenium ludi. Le proscenium était un endroit qui allait d’une aile du théâtre à l’autre, entre l’orchestre et la scène ; il était plus bas que la scène et plus élevé que l’orchestre. C’est là que déclamaient les acteurs.

v. 389. Oscilla ex alta… Quelques commentateurs ont cru que le mot oscilla signifiait des escarpolettes. C’étaient de petites têtes de Bacchus que les vignerons suspendaient à des arbres, persuadés que, dans tous les endroits vers lesquels se serait tournée cette image, les vignes deviendraient fécondes. Un voyageur anglais, M. Holdsworlh, dit avoir vu le dieu de la vendange ainsi représenté sur une pierre antique de la collection du grand duc, à Florence.

v. 402. Atque in se sua… On représentait l’année par un serpent roulé en cercle, avec sa queue dans la bouche.

v. 412… Laudato ingentia rura. Columelle a dit à propos de cette maxime : « Præclaram nostri poetæ sententiam ! » et il ajoute immédiatement après : « Nec dubium, quin minus reddat laxus ager non recte cullus, quam angustus, eximie. »

v. 437. Et juvat undantem… On est partagé sur la situation du mont Cytorus. Si l’on en croit Strabon, il est dans la Paphlagonie. Naryce était une ville des Locriens.

v. 463. Nec varios inhiant… Les Romains ornaient leurs portes d’écailles de tortues, qu’ils incrustaient encore de pierres précieuses. Varios peut signifier que ces ornements étaient placés de distance en distance.

v. 490. Felix qui potuit… Il est clair que c’est de Lucrèce que veut parler ici Virgile. Ces vers expriment l’objet que ce poëte s’était proposé. Il oppose à celui qui sonde les secrets de la nature celui qui sait jouir de ses richesses. Il semble que ceci est une comparaison indirecte entre le poëme de Lucrèce, sur la nature des choses, et celui de Virgile, sur la culture des terres.

v. 496… Et infidos agitans… Virgile écrivait ses Géorgiques dans le temps que Phraate et Tiridate se disputaient le trône de Perse ; c’est à quoi sans doute ce vers fait allusion.

v. 505… Sarrano dormiat ostro. Sarrano ostro signifie la pourpre de Tyr ; cette ville était nommée anciennement Sara.