Notes Georgiques/Livre I

Traduction par divers traducteurs sous la direction de Charles Nisard.
Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètesFirmin Didot (p. 469-470).

LIVRE PREMIER.

Mécène avait engagé Virgile à composer les Géorgiques ; il sut faire servir à la gloire de son ami et de son maître les talents de tous les genres ; il fut aussi utile à Auguste par la finesse de sa politique, qu’Agrippa par son courage.

v. 14… Cui pinguia Ceæ. Aristée, fils d’Apollon et de Cyrène, révéré particulièrement des bergers, auxquels il enseigna l’art de recueillir le miel.

v. 19… Uncique puer moderator aratri ; Et teneram ab radice ferens, Silvane, cupressum. Il s’agit dans le premier vers de Triptolème, selon les uns ; d’Osiris, suivant les autres ; dans le second, de Sylvain, par qui le jeune Cyparisse fut changé en cyprès.

v. 22. Quique novas alitis non ullo semine fruges. Quelques éditions portent non nullo : celle leçon me paraît fausse. Il est question ici des plantes qui viennent d’elles-mêmes, et Virgile les distingue des plantes semées, satis, dont il parle dans le vers suivant.

v. 29. An deus immensi venias maris. Les géographes ne s’accordent pas sur la situation de Thulé ; tous les auteurs et tous les poëtes qui en ont fait mention, en parlent comme de la partie la plus reculée vers le monde connu.

v. 32. Anne novum tardis... Par ces mots tardis mensibus on entend généralement les mois d’été, parce-qu’alors les jours sont plus longs. Peut-être ce passage, qui a tant exercé les commentateurs, peut s’expliquer encore plus naturellement, si l’on veut se rappeler que le Lion, la Vierge, le Scorpion, sont en effet plus lents dans leur ascension, que les neuf autres signes du zodiaque.

v. 33. Qua locus Erigonen… Érigone est le même signe que la Vierge.

v. 48. Bis quæ solem, bis frigora sensit. Ce passage est un de ceux qui ont été le plus controversés entre les critiques. Servius, le plus ancien, et peut-être le moins judicieux, entendait par frigora la fraîcheur de la nuit, et par solem la chaleur du jour. Ce vers s’explique naturellement par ce passage de Pline : « Quarto seri sulco Virgilius existimatur voluisse, cum dixit optimam esse segetem bis que solem, bis frigora sensisset. »

v. 56… Nonne vides croceos ut Tmolus odores. Montagne de la grande Phrygie, fertile en vin et en safran.

v. 58… Virosaque Pontus Castorea. Le castoreum est d’un grand usage en médecine ; c’est un soporifique très-efficace.

Lucrèce a dit :

Castoreoque gravi mulier sopita recumbit.

v. 68… Sub ipsum Arcturum tenui… L’Arcture ou le Bouvier, du temps de Columelle et de Pline, se levait pour les Athéniens avec le soleil, quand il était dans le douzième degré un tiers de la Vierge ; et pour les Romains trois jours plus tôt, quand le soleil était dans le neuvième degré un quart de la Vierge ; l’équinoxe d’automne commençant alors le 24 ou le 25 septembre.

v. 71. Alternis idem tonsas cessare novales. Pline entend par le mot novales une terre qu’on ensemence de deux ans l’un.

v. 79. Sed tamen alternis… Virgile, en parlant plus haut du repos des terres, se sert du mot alternis, et c’est sans doute pour cela que les commentateurs l’expliquent ici dans le même sens : mais il faut observer que plus haut il est joint aux mots novales et cessare ; ce qui en détermine le sens dans cet endroit. Je pense qu’ici il ne peut être entendu de même, et que Virgile veut parler seulement du changement de semence.

v. 94. Multum adeo, rastris… Les Romains brisaient d’abord la terre avec des râteaux, et l’aplanissaient ensuite en y traînant des claies ; c’est ce que Columelle exprime par ces mots, qui répondent exactement aux vers de Virgile : glebas sarculis resolvere, et inducta crate coequare.

v. 102. Nullo tantum se Mysia cultu. La Mysie est une partie de l’Asie Mineure ; il y a dans cette province une montagne et une ville appelée Gargare. Comme les peuples de ce pays devaient moins leurs belles moissons à leur industrie qu’à la bonté du sol, Virgile a dit très-bien :

Ipsa suas mirantur Gargara messis.

v. 148. Atque arbuta sacræ. Arbuta signifie ici l’arboisier ; son fruit ressemble beaucoup à la fraise, mais il est plus gros, et n’a point comme elle ses graines en dehors.

v. 151. Esset robigo. La rouille est une maladie à laquelle le blé est très-sujet. Selon Pline, la rouille et le charbon sont la même chose, et nuisent non-seulement aux blés, mais aux vignes, qu’ils brûlent comme le feu. Varron invoque le dieu Robigus, qu’il prie de préserver la vigne de ce que les Latins appelaient robigo.

v. 193. Semina vidi equidem. Quoique le mot semina s’entende généralement de toutes sortes de semences, Virgile parle ici des légumes seulement : cette interprétation est appuyée sur ce passage de Columelle, « Priscis rusticis, nec minus Virgilio, prius amurca, vel nitro macerari fabam, et ita seri placuit. »

v. 212. Cereale papaver. Pourquoi cereale appliqué au pavot ? Les commentateurs se sont tourmentés pour expliquer ce mot. Le pavot se mêlait chez les anciens avec le blé, pour faire le pain ; d’ailleurs on en ornait les statues de Cérès : voilà, je crois, l’explication la plus naturelle du mot cereale.

v. 221. Ante tibi. Par le mot Eoœ, Virgile entend le coucher des Pléiades au matin, c’est-à-dire quand les Pléiades descendent sous l’horizon au couchant, en même temps que le soleil paraît sur l’horizon à l’orient. Columelle, en expliquant ce passage de Virgile, nous apprend que cela arrivait au neuvième jour des kalendes d’octobre.

v. 229. Haud obscura cadens. L’Arcture ou le Bouvier (bootes) se couche, selon Columelle, le 21 d’octobre.

v. 240. Mundus ut ad Scythiam. Virgile parle ici des pôles, et de leur élévation relative à l’horizon de chaque peuple.

v. 247. Illic, ut perhibent… Les anciens imaginaient que le soleil n’éclairait point l’autre hémisphère ; on voit cependant par la suite de ce morceau que Virgile soupçonnait le contraire.

v. 267. Nunc torrete igni... Les Romains séchaient leurs grains avant de les moudre ; et il est probable qu’ils y étaient obligés par une ancienne loi. Nous lisons dans Pline : « Instituit far torrere, quoniam tostum cibo salubrius esset. Id uno consecutum, statuendo non esse purum ad rem divinam, nisi tostum. »

v. 272. Balantumque gregem… Rarement il y a dans Virgile des mots oisifs : ici salubri est essentiel au sens ; car Columelle nous apprend qu’il n’était pas permis de baigner les brebis aux jours de fête pour épurer leur laine, mais seulement pour cause de maladie.

v. 274. … Lapidemque revertens. Lapidem signifie ici, selon Servius, une pierre à moudre ; selon d’autres, un mortier de pierre où l’on broyait le grain, comme on l’apprend par ce passage de Tosinus sur les antiquités romaines : « Ante usum molarum, frumenta in pila comminuebantur. » À l’égard de la poix, les Romains en faisaient grand usage pour goudronner les vases où ils gardaient le miel et le vin.

v. 336. Frigida Saturni sese… Ce qui peut avoir donné lieu à l’épithète frigida, c’est que Saturne est à une plus grande distance du soleil que les autres planètes. D’ailleurs les anciens le regardaient comme le dieu du froid, ainsi qu’on peut le voir par ce vers de Lucain :

Frigida Suturni glacies et zona nivalis
Cessit.

v. 380. … Et bibit ingens. Les anciens croyaient que l’arc-en-ciel pompait les eaux de la mer. On trouve parmi les poëtes plusieurs allusions à ce préjugé. Dans une comédie de Plaute, quelqu’un voyant boire une femme vieille et courbée, dit plaisamment :

Ecce autem bibit arcus : pluet, credo, hodie.

v. 404. Adparet liquido… Nisus avait un cheveu couleur de pourpre, dont dépendait le sort de ses États. Scylla, sa fille, amoureuse de Minos qui assiégeait Nisus dans Mégare, lui coupa le cheveu fatal. Nisus fut métamorphosé en épervier, et Scylla en alouette. Depuis ce temps-là, le père pour se venger de sa fille la poursuit dans les airs.

v. 432. Sin ortu quarto… Il s’agit ici du quatrième jour de la lune. Virgile a suivi l’opinion des astronomes égyptiens : Quartam maxime observat Ægyptus.

v. 498. Di patrii Indigetes… Larue joint ensemble Di patrii Indigetes. Je crois qu’il se trompe. Une foule d’exemples me fait penser que Virgile parle ici de deux sortes de dieux : di patrii, les dieux du pays, les dieux tutélaires, les dieux pénates ; Di indigetes, les hommes déifiés.

v. 509. Hinc movet Euphrates… Cet endroit semble avoir été écrit dans le temps qu’Auguste et Antoine rassemblaient leurs forces pour cette guerre dont le succès fut décidé par la défaite d’Antoine et de Cléopâtre, au promontoire d’Actium. Antoine tirait ses forces de la partie orientale de l’empire ; c’est ce que désigne Virgile par l’Euphrate : Auguste tirait les siennes de la partie septentrionale ; c’est ce qu’exprime Germania.