Nostradamus (Bonnellier)/Tome 2/… Prise laissée…

Abel Ledoux (2p. 277-281).


XVIII.

… PRISE LAISSÉE…


… Pas un homme en la cour de France, pourvu qu’il ait eu au cœur un peu de cette chaleur motrice de l’amour et des belles actions, pas un qui, le soir du 18 avril 1558, n’ait jeté sur Marie Stuart, mariée le matin de ce jour à François dauphin, un de ces regards où l’audacieuse concupiscence exprime l’ardeur de ses désirs ; et, en ce cas, le péché trouvoit vraiment son excuse, car Marie étoit bien alors, avec ses seize ans, la plus ravissante créature que le ciel ait formée. Son époux avoit quinze ans. Lorsque l’un et l’autre quittèrent la salle du bal pour entrer en la chambre d’hyménée, — il n’y eût vieillard qui ne se sentît rajeunir, jeune fille qui ne se sentît frissonner, voyant si jolie miniature d’amoureux aller timidement prendre des ébats pour lesquels leur délicatesse de formes et la jeunesse de leur âge devoient à peine employer assez de forces !

Lorsqu’en 1559, Henri II vint à trépasser, toute la France pensa que si jeune roi et si jeune reine alloient affermir la tranquillité de l’état par une durée de règne florissant, par une lignée belle et imposante ; mais le 3 décembre 1560, la cour étant à Orléans, Marie se réveille, glisse son bras flexible sous la tête de François II, l’attire doucement pour la poser sur son sein si blanc ; — la tête du roi cède machinalement à ce mouvement et roule, lourd morceau de marbre, sur la délicate poitrine de la reine.

Ce n’étoit pas le sommeil, c’étoit la mort.

— J’étois bien jeune, lorsque j’ai entendu dire sur moi ces paroles : Prise trop tôt laissée, disoit la veuve de François II, en faisant ses adieux au cadavre de son époux.

Un des ensevelisseurs, étant à embaumer le corps, examina avec soin la fistule que le roi enfant avoit à l’oreille ; il distingua des parcelles d’une poudre rouge, en partie dissoute au foyer de la tumeur.