Napoléon et la conquête du monde/II/45

H.-L. Delloye (p. 482-484).

CHAPITRE XLV.

CONSTELLATION.



Au soir de cette journée, après les événements mémorables, les pompes extraordinaires qui l’avaient signalée, et les feux d’artifice merveilleux qui l’avaient terminée, le peuple, encore ébloui, se retirait lentement dans ce tumulte demi-calme, mêlé de fatigue et d’admiration, qui suit les fêtes, et surtout les fêtes flamboyantes du soir, lorsque les illuminations expirent, que les feux d’artifice ont cessé, et que l’atmosphère, un instant troublée par toutes ces petites lumières de la terre, commence à reprendre son calme, à balayer les derniers nuages soulevés jusqu’à elle par les poudres d’artifice, et que, devenue maîtresse de la nature, elle déploie la pureté d’une belle nuit, et fait scintiller ses étoiles dans l’immensité des cieux.

Tout-à-coup un nouveau prodige apparut au firmament.

Était-ce donc que l’univers prenait part à la grandeur de Napoléon et aux fêtes de la terre ?

Était-ce le témoignage de Dieu manifestant sa protection et sa joie ?

Ou était-ce un de ces désordres ordonnés par la main du Seigneur, une catastrophe arrivée en son temps et selon sa pensée ?

On vit le ciel s’enflammer au milieu de la constellation d’Orion ; des masses de feu paraissaient lutter ensemble, et embraser l’espace ; des tonnerres, qui semblaient arriver des extrémités du monde, se faisaient entendre et venaient expirer aux oreilles de la terre. L’incendie dura cinq minutes ; il y avait dans ses flammes et dans ses convulsions quelque chose de si étrange que les peuples de Paris s’arrêtèrent stupéfaits, et contemplèrent avec effroi cet autre feu de la voûte céleste.

Bientôt il cessa aussi, et, lorsque les yeux en cherchaient encore la place dans l’espace devenu sombre, il se trouva qu’un aspect nouveau existait dans le ciel ; une révolution venait d’être accomplie dans les astres ; deux étoiles de la ceinture d’Orion étaient éteintes et avaient disparu, et l’homme, qui les recherchait avec sa vue et ses télescopes, ne put désormais les retrouver au ciel.

Ces deux mondes venaient de finir avec leurs atmosphères, leurs planètes et les êtres qui sans doute vivaient avec eux.

Deux étoiles avaient disparu ; la constellation d’Orion n’existait plus : une nouvelle s’était formée de ses restes, et il fallait la reconnaître et la nommer.

Les peuples voulurent encore voir là quelque chose de Napoléon, et le monarque universel ne fut pas éloigné de prendre ce désordre de l’univers pour l’acte d’alliance de Dieu avec lui.

Et lorsque, quelques jours après, la science vint lui rendre compte de cette catastrophe, et lui demander ce qu’il fallait faire de cette constellation détruite, Napoléon s’arrogea ses débris, et, fier d’avoir quelque chose à démêler aux cieux, il lui donna son nom, Napoléon.