Napoléon (Quinet) 25-28


XXI - XXIV Napoléon XXIX - XXXII


XXV. MONTEBELLO modifier

 
La terre, en ce temps-là, se noyait dans le sang ;
Comme dans une forge un marteau bondissant,
Maint combat bondissait sur son ardente enclume,
Et les cieux se cachaient sous leur manteau de brume.
Iéna, Friedland, Eylau, comme des fossoyeurs,
Sans se lasser creusaient des tombes d’empereurs.
Ils entassaient les os des peuples dans la plaine,
L’herbe au loin jaunissait sous leur livide haleine.
Les mères, en berçant leurs fils sur leurs genoux,
Pleurant sur leur aîné, pleuraient sur leurs époux.
Les peuples tarissaient, comme une coupe aride
Aux lèvres d’un convive ; et dans sa cité vide,

Chaque état se taisait. Après le laboureur
Le sillon en automne attendait le semeur.
Au temps de la moisson, le roi de l’épouvante
Seul emportait des champs sa gerbe pâlissante.
Comme un héros blessé, le Danube sanglant
Allait laver ses flots aux mers de l’Orient.
Pendant qu’il murmurait sous sa plaintive armure,
Un cheval à son maître, en léchant sa blessure,
Disait : " Levez-vous donc, duc De Montebello !
Le flot en murmurant fait murmurer l’écho.
Votre duché féal est où le clairon sonne ;
Sous son porche venez cueillir votre couronne.
—mon duché n’a ni tour, ni porche, ni blason :
Il est là tout entier sous cet étroit gazon.
Ma couronne à mon front déjà se décolore.
Voici les loups rôdeurs ! Hennis, hennis encore.
Ah ! L’empereur qui passe en un ruisseau de sang
A dès l’aube entendu ce cheval hennissant.
—Duc De Montebello, dormez-vous quand tout veille ?
Les morts combattront-ils quand le vivant sommeille ?
—Sire, venez, voyez et touchez mon brancard.
Vous pouvez, s’il vous plaît, me guérir d’un regard.
—Ah ! Lannes, qu’as-tu fait ? Trop grande est ta blessure,
Et trop de noirs corbeaux attendent leur pâture.
Non, les morts sont trop las pour suivre mon chemin ;
Et leurs jours sans soleil n’ont point de lendemain.
Va m’attendre là-haut dans la nue éclatante ;
Et sous des cieux d’airain prépare-moi ma tente.

Ah ! Les vivants sont las autant que sont les morts,
Sire. Le vase est plein au delà de ses bords.
L’impossible est comblé. Retournez en arrière.
Une fois écoutez une bouche sincère !
Vous n’aimez rien que vous ; et de vos éperons
Toujours vous harcelez le flanc des nations.
Craignez qu’en se câbrant l’indocile cavale
Ne vous fasse vider la selle impériale.
Le monde, croyez-moi, n’est pas ce qu’il paraît.
Quand on dit : il vous aime, on vous trompe ; il vous hait.
Aux peuples harassés leur esclavage pèse :
Ils lèchent votre main pour vous mordre à leur aise.
Trop de rois courtisans vous parlent à genoux.
Vos états dépeuplés ne renferment que vous.
Votre empire est semblable à l’empire des ombres ;
On n’y peut faire un pas qu’à travers des décombres. "
—Mon empire est d’airain sous mon glaive abrité,
Et mon siècle est à moi comme l’éternité.
Ami, de mes trésors, jusqu’en la nuit profonde,
Que veux-tu pour ton lot ? Je possède le monde.
Veux-tu dans ton duché les mers de l’Orient,
Les sables du désert ? Veux-tu le Tibre errant,
Ou l’alhambra d’Espagne, ou les sept pyramides,
Ou les peuples pasteurs des cavales numides ?
—Je ne demande pas les sables du désert,
Ni les flots trop changeants où le Tibre se perd.
Donnez-moi sous ce chêne, en votre vaste empire,
Ce tombeau de gazon où la brise soupire.

Non pas ce gazon vil que foulent les troupeaux ;
La brise en s’éveillant disperserait tes os.
Mais de canons de bronze une haute colonne.
Ton front m’y sourira sous sa lourde couronne.
Et le mort a souri : le héros a pleuré.
Sous sa tente, à pas lents, muet il est rentré.
Sa lampe s’éteignait sous la tremblante voûte.
Le jour a lui, le vent se tait, la terre écoute.



XXVI. LA LETTRE modifier

 
Grand maréchal, voici le jour !
Avec la plume d’un vautour,
Avant que l’aube ne blanchisse,
Écrivez en lettres de sang :
Du bourg de Wagram, en son camp,
L’empereur à l’impératrice.
" Dieu, madame, a veillé sur nous.
Qu’il vous ait en sa sainte garde !
Par tous nos peuples à genoux,
Quand le ciel jaloux nous regarde,
Faites chanter en notre nom
Un te deum à notre-dame.
Au loin, sous mes pas de lion,
L’herbe se dessèche et s’enflamme.
Les états, ainsi qu’un limon,
Dans le torrent de ma victoire

Passent et ne reviennent plus ;
Et tous les vieux rois chevelus,
Comme des ombres sans mémoire,
La nuit, au bruit de cent échos,
Rentrent vivants dans leurs tombeaux.
Dans mon bivac au toit de neige,
Les empereurs font mon cortége.
D’un monde vieux, trop jeune encor,
J’ai clos le blason séculaire ;
Et César à la bulle d’or,
De mes pieds baisant la poussière,
Sous l’étrier de mon cheval
A mis son globe féodal.
D’hier la bataille est gagnée ;
La vieille Europe est enchaînée,
Et la paix du monde signée.
Armes, cuirasses, étendards,
Canons muselés sur leurs chars,
Drapeaux qu’avaient brodés les reines,
Aigle aux deux têtes souveraines,
Villes, hameaux et châteaux-forts,
Et la terre de sang trempée,
Et les vivants comme les morts,
Tout appartient à notre épée.
Les étendards et les drapeaux
Sous le dôme des invalides
Seront suspendus en faisceaux,
Du sang de Lanne encore humides ;
Puis aux mille cris du clairon,
Pour tous les morts de mon royaume,
Demain sur ma place Vendôme,
Avec le bronze du canon
Vous ferez fondre une colonne

Aussi pesante que mon nom.
Vous y mettrez, sous ma couronne,
D’avance au fond de mon tombeau
Les cendres de Montebello.
Là, toujours vêtus de leurs armes,
Comme en la tour de mes combats,
D’airain seront tous mes soldats,
D’airain leurs yeux, d’airain leurs larmes,
D’airain le front des généraux,
D’airain les pieds de leurs chevaux.
S’ils ont faim du pain des héros,
Ils mangeront l’épi de gloire
Qui croît dans mon sillon de fer ;
Et, s’ils ont soif, ils viendront boire
Au bord de la nue en hiver.
La ville aux cent portes d’ivoire,
Où les conduira mon chemin,
Est plus loin que le vieux Kremlin,
Plus loin que les flots du Jourdain,
Plus loin que les sables arides
Où rampent les sept pyramides.
Elle s’appelle éternité.
Haut est son mur de citadelle,
Son champ de lances est planté,
Sous son manteau la sentinelle
Ses nuits de bronze passera,
Et mille siècles veillera.
Et moi, debout sur sa tourelle,
Je verrai par mon escalier
Monter jusqu’à moi mes batailles,
Comme une vigne de murailles
Monte et grandit sur l’espalier.
De cette cime, sans rien dire,

Je foulerai, dans sa saison,
Sous mes pieds comme un vigneron
La grappe mûre de l’empire.
Et si quelqu’un passe et respire,
Je veillerai comme un lion ;
C’est dit. Signé Napoléon. "
—Halte ! Dormez-vous, sentinelle ?
Il est minuit. Qui vive ? Holà !
Un cheval a passé par là
Avec son cavalier en selle.
Une lettre close il portait,
Et la terre au loin sanglotait.



XXVII. LES SŒURS modifier

 
Sur sa rive de Corse un aigle a dit aux flots,
Le flot a dit au mont, et le mont aux échos :
" Dona Létitia, savez-vous des nouvelles ?
L’aiglon de Rivoli, que fait-il de ses ailes ?
Tout son duvet est-il par l’orage emporté ?
Au nid de sa vaillance où s’est-il abrité ?
Pourquoi ne vient-il plus sur ce haut promontoire
Ouvrir ses yeux de bronze et m’envier ma gloire ?
Ah ! Fille des ursins, lève-toi ! Lève-toi !
Et va chercher ton fils sur son trône de roi.
On dit qu’il est monté sur le roc du naufrage ;
Ramène-le demain au paternel rivage.


Quand elle a reconnu l’aigle aux ailes d’airain,
Celle qui mit au monde et berça de sa main
Le grand Napoléon pleurant à la mamelle,
A quitté son fuseau. Puis elle a derrière elle
Sur ses deux gonds fermé sa porte de noyer,
Comme fait l’exilé, sans couvrir le foyer.
Dans une brigantine, où la vague se joue,
Elle entre sans rien dire, et s’assied à la proue.
L’ouragan se soulève et l’emporte en ses bras,
Comme sa fille aînée. Au pied noueux des mâts,
Que de flots sur la mer, que d’écueils sur la grève,
Ont passé devant elle, ainsi que dans un rêve !
Plus loin, toujours plus loin ! Elle entre en un palais
Où le grand empereur l’attendait sous un dais.
Ainsi qu’un laboureur qui suit son attelage,
Il comptait ses canons sur leurs chars de carnage ;
Et, comme une faucille au temps de la moisson,
Il couchait son épée au bout de son sillon.
Cent rois découronnés essayaient de sourire ;
Lui seul ne sourit pas dans son immense empire.
—Mon fils Napoléon, est-ce un songe ? Est-ce vous,
Que j’ai vu si petit dormir sur mes genoux,
Qui bâtissiez enfant, tout seul sur le rivage,
Tant de palais de sable à l’heure du naufrage,
Qu’au milieu d’un combat, ainsi qu’un bon dessein,
J’ai senti s’éveiller et bondir dans mon sein ?
Qui donc vous a conduit sous ce toit de lumière ?
Qui vous a fait si grand, vous si petit naguère ?

Qui vous a mis au front ce bandeau d’empereur ?
Ce qu’on dit est-il vrai, que vous êtes seigneur,
Seigneur de tout un monde, et que votre royaume
Partout à l’horizon grandit comme un fantôme ?
Vous souvient-il du bois penché sur le coteau,
De notre vigne en fleurs et de votre berceau ?
Vous souvient-il de l’île, et du bruit de l’orage,
Et du flot qui grondait quand vous fouliez la plage ?
—Ma mère, il m’en souvient, et que j’ai vu du bord
Plus d’un vaisseau royal échouer dans le port.
—Vous souvient-il aussi, mon fils, sous la couronne,
De vos sœurs qui filaient au foyer dans l’automne ?
De votre frère aîné, qui, sur le haut des monts,
Avec le pâtre allait dénicher les aiglons ?
Vous leur aviez promis de riches fiançailles.
Que leur donnerez-vous ? -le nom de mes batailles.
Oui, je veux leur donner, pour monter jusqu’à moi,
À tous un diadème et des manteaux de roi ;
Aux filles sur leurs fronts les couronnes légères ;
Les sceptres tout sanglants, faits de plomb, à mes frères,
Ainsi qu’un métayer donne à ses serviteurs
La charrue et le soc tout trempés de sueurs.
Ah ! Quand il eut parlé, les canons répondirent.
Que de rois sans aïeux sur le pavois surgirent,
Qui l’appelaient mon frère et baisaient ses habits !
Que de reines d’un jour mirent tous leurs rubis,
Qui la veille filaient, au foyer, dans l’automne !
Et leur mère disait, en nouant leur couronne :


Mes filles, hâtez-vous d’attacher vos bandeaux.
Bientôt vous reprendrez l’aiguille et les fuseaux.
Avant que l’infortune ait pâli vos visages,
Cherchez-vous des époux qui soient vaillants et sages.
Sur vos trônes d’un jour, ménagez pour demain
Le pain de votre exil, et le sel et le vin.
Vous, mon fils, prenez garde à ce faîte où vous êtes ;
Plus qu’en la mer de Corse on y voit des tempêtes.
Faites-vous un trésor de jours sans repentir
Que vous puissiez garder dans votre souvenir,
Comme un bon économe, au temps des hirondelles,
Dans ses bras pour l’hiver emporte ses javelles.
Maintenez votre état sans le trop agrandir,
Et pour mieux posséder, bornez votre désir.
Cherchez dans votre empire un empire céleste ;
Quand le premier n’est plus, c’est le second qui reste.
Le trône est fait de bois, et se brise aisément.
Bâtissez-vous ailleurs un meilleur fondement.
Que ferez-vous, mon fils, si le monde se lasse ?
Où mettrez-vous le pied, si votre empire passe ?
Qui sait avant demain, au lieu d’un empereur,
Si vous n’aimeriez pas mieux être le pêcheur
Qui près d’Ajaccio, sous sa hutte de paille,
Emporte son filet sans en rompre une maille ?
Votre filet, à vous, au vent des passions
Se rompt sous le fardeau de trop de nations.
Il le faut alléger de cette vaste proie,
Ou vous n’emporterez, au fond de votre joie,

Que lie et sable impur par les vents rejeté,
Et l’algue et le limon de votre adversité.

Et, quand elle parlait, pour lui fermer la bouche,
Comme un canon qui roule et sur l’affût se couche,
L’empire, sur son char de prodige et de bruit,
Se couchait à son tour, et grondait jour et nuit ;
Et cette noble femme, en pleurant, semblait dire :
Dieu, protégez mon fils, et gardez son empire !

Ah ! Qu’ils sont grands, ces jours ! Comment sont-ils perdus ?
Géants devenus nains, ne vous verrons-nous plus ?
Où sont-ils enfouis ? Dans l’ombre ou la fumée ?
Dans le casque, ou la rouille, ou la tombe fermée ?
Dans le repli d’un cœur, dans le vase de fiel,
Ou dans le puits des jours qu’a comblé l’éternel ?



XXVIII. LE VERTIGE modifier

 
Poëte, dis-le-moi, si ton vers peut le dire,
Pourquoi cet empereur penché sur son empire
A-t-il le front si pâle ; et quand son trône est d’or
Comment est fait son rêve, et que veut-il encor ?
—Peuples qui m’appelez, venez, faites silence,
Et pleurez ! Car voici ce qu’en son cœur il pense :
" Sur le sommet désert de ma prospérité,
Je tente le sentier de mon adversité.
Que d’États à mes pieds ! Et c’est là mon empire !
Que d’hommes rassemblés qui vivent d’un sourire !

Comme un aigle en son gîte, entré dans les hasards,
Je couve ici des yeux les royaumes épars.
Penchons-nous davantage au bord du précipice
Où chaque homme à son tour pose le pied et glisse.
Ah ! Je le vois, le gouffre ; il est à mon côté,
Pour dévorer mon ombre et ma félicité.
Il se creuse, il s’abaisse, il tournoie, il chancelle,
Et par mon nom de roi le vertige m’appelle.
Attends-moi ! Je descends dans mon aveuglement.
Laisse-moi sur mon faîte une heure seulement,
Dieu, qui mets le bandeau comme on met les couronnes
Aux yeux des empereurs quand tu les abandonnes.
Une heure, en cet endroit, affranchi de tous soins !
Un insecte vit plus ; et tu le presses moins !
Quoi ! Pas une heure ici (tant la pente est glissante)
Pour écrire mon nom et déployer ma tente !
J’arrive à mon sommet ; c’est pour y chanceler.
Mon empire à son but se hâte pour crouler ;
Où monte mon orgueil, ma fortune s’arrête ;
Et ma chute commence à l’endroit de mon faîte.
Donc, que d’un même mot ma fortune, en ce lieu,
Reçoive en même temps le salut et l’adieu !
Quand là-bas, sous mes pieds, l’univers imbécile
Crie : " Il est au pinacle ! Adorons son argile, "
De l’étroit fondement de ma prospérité
Un seul point me sépare, et c’est l’éternité !
Adieu, soleil luisant aux cieux de mes batailles.
Je t’ajourne en ta nuit jusqu’à mes funérailles.

Adieu, sommet de gloire, où rien ne peut mûrir,
Hormis un fruit d’orgueil qui brûle et fait mourir,
Quand on le veut goûter. Adieu, mes destinées,
Si vite sur leur char en arrière entraînées !
Hier encore, hier le cœur du genre humain
Battait dans ma poitrine et conduisait ma main.
Combien de temps encor, dans sa poudreuse ornière,
Faut-il que le hasard me mène à sa lisière ?
Esclave d’un esclave, et le mal et le bien,
J’ai fait ce qu’il voulait, sans lui marchander rien.
J’ai fermé le chaos ; j’ai clos sa nuit profonde.
Sur son essieu brisé j’ai replacé le monde ;
J’ai fait, défait les rois pour son amusement ;
Je me croyais le maître, et j’étais l’instrument.
Vers un autre que moi s’inclinait ma puissance,
Et j’étais le hasard qu’on nomme providence.
Hors du large sentier où passe l’avenir,
Mon âme, à notre tour contentons mon désir !
Que notre volonté soit notre loi suprême ;
Donnons-nous le plaisir de vivre pour nous-même,
Et soyons-nous un jour notre divinité.
Tout encens est à nous. Le reste est vanité.
Mon âme, amuse-moi de ton rêve d’une heure…
Au sein de l’impossible établis ta demeure ;
Toi-même, si tu peux, essaye en te jouant
De renverser sur moi mon œuvre de géant.
Mon bonheur monotone à la fin m’importune,
Et je voudrais savoir le goût de l’infortune.

Est-il amer autant que l’ont dit les vaincus,
Et la foule qu’on brise, et qu’on ne revoit plus ?
N’a-t-il pas sa douceur dans son poison mêlée ?
Plus on la doit payer, plus elle est emmiellée.
Ce grand mot de malheur, que je sache, il le faut,
S’il tient ce qu’il promet, ou s’il parle trop haut.
Autant que j’ai monté, je voudrais redescendre,
Pour connaître au retour en marchant dans ma cendre,
Comme un dieu qui mesure un monde sous ses pas,
Et le mal, et le pire, et le haut et le bas.
Qui sait lequel vaut mieux, quand on touche à la cime,
Le monter, le descendre, ou le faîte ou l’abîme ?
Si je n’étais plus là, que ferait l’univers ?
Comme un enfant sans guide, il crierait : je me perds.
Pourrait-il un seul jour, sans ma main tutélaire,
Marcher dans son orbite et gagner son salaire ?
Et de leurs robes d’or les peuples orphelins,
Sauraient-ils se vêtir et trouver leurs destins ?
Je régnerais ici rien que par mon absence,
Plus que je n’ai régné par ma toute-puissance.
Mieux que n’ont fait ma gloire et ma prospérité,
Mon néant remplirait la vide immensité.
Ma chute, en un moment, de bruit et de fumée
Comblerait de mes jours l’étroite renommée.
Oui, c’en est fait ! J’ai bu le vin de mon orgueil ;
J’habite mon vertige, et j’en franchis le seuil.
Je veux jouer d’un coup le jeu de mon empire.
L’éternel tient les dés. Croix ou pile ? Que dire ?

Ou tout ou rien, seigneur ! Le sort en est jeté !
Dieu !… j’ai perdu mes jours. Rends-moi l’éternité. "

XXI - XXIV Napoléon XXIX - XXXII