Musiciens Anglais Contemporains/Hubert Parry

Traduction par Louis Pennequin.
Le Temps Présent (p. 69-84).

HUBERT PARRY




L’Art moderne a une tendance marquée au cosmopolitisme pendant que la Musique est l’art le plus indépendant des lisières des peuples, car, son langage est généralement compris et chaque émotion qu’elle excite est commune au genre humain. Mais, en dépit de l’universalité de son attrait, la Musique obéit parfois aux exigences des peuples et des races, et, malgré l’impulsion active et constante du cosmopolitisme qui fond en une nation l’élite intellectuelle de chaque pays, certains compositeurs affirment si clairement les traits caractéristiques de leur origine que leur influence sur les auditeurs étrangers — en supposant qu’ils ne s’adresse pas réellement à des sourds — est infiniment moins puissante que sur leurs compatriotes.

Massenet[1] qu’une mort prématurée fait regretter du monde musical entier est l’exemple typique qui prouve la vérité de cette assertion. Durant de nombreuses années il a joui d’une réputation brillamment assurée dans un monde civilisé par l’Art. La plupart de ses opéras ont été applaudis en Allemagne, en Italie et en Angleterre. Manon, Werther, le Jongleur de Notre-Dame, Don Quichotte ont reçu un accueil chaleureux partout où est cultivé l’art de l’opéra. Mais, c’est en France seulement que Jules Massenet a obtenu entière la sympathie qui est nécessaire au génie de l’artiste pour atteindre sa pleine expression. La musique de Massenet est la plus complète personnification du caractère français que le temps moderne puisse offrir, et, seul un Français est capable de sympathiser entièrement avec l’effluve répandu dans chaque œuvre du maître. Si, nous autres Anglais, nous admirons sa psychologie subtile, sa fécondité mélodique et son merveilleux emploi des ressources de son art, au moins son langage ne nous est pas familier. Nous découvrons, pour ainsi dire, la pensée du musicien seulement dans le lointain et notre Manche qui roule ses flots entre nos deux pays fait qu’il sera toujours un étranger dans notre société.

L’Allemagne offre une situation pareille avec la musique de Brahms. Loin des frontières de son pays natal ce maître a reçu un accueil déférent, sinon froid. Son génie sévère a emporté l’admiration de l’Europe entière ; mais, aucun pays n’a éprouvé l’enthousiasme de l’Allemagne pour celui qui était désigné comme le successeur de Beethoven.

Le génie de Hubert Parry se présente comme plus exclusivement national. Sa musique, presque inconnue sur le continent, possède peu d’amis en France, en Italie ou en Allemagne. En Angleterre, à part l’intraitable clan des snobs[2] dont le seul principe en matière d’art est de penser autrement que la majorité, le compositeur et ses œuvres jouissent d’une vénération qui touche à l’idolâtrie, et, l’on découvre facilement l’explication de ce fait dans le caractère essentiellement insulaire de sa musique.

Hubert Parry réalise le type anglais le plus pur par l’extérieur et le tempérament. Si sa musique est la personnification superbe de la nature britannique envisagée sous son aspect le plus noble, notre caractère national ne saurait être mieux recherché dans ses traits qu’en se référant aux œuvres célèbres de Mathieu Arnold[3]. Durant toute sa vie cet écrivain humoriste a souffert de l’impopularité qui est l’apanage ordinaire de ceux qui disent la vérité nue à leurs contemporains ; mais, de nos jours, il est généralement regardé comme le meilleur moraliste de la société et de la littérature anglaise du dix-neuvième siècle. Mathieu Arnold, qui est un poète d’élite, a surtout exercé sa grande influence sur l’esprit de son siècle en Angleterre par ses œuvres en prose où l’on trouve la critique acerbe et d’une impitoyable ironie des principes, des usages et de l’idéal des Anglais de son temps. Il est superflu d’énumérer ici les traits mordants de cet esprit satirique qui souleva une si ardente opposition parmi ses contemporains et il me suffira de rappeler son jugement définitif sur ce qui lui semble être le meilleur côté du caractère anglais. Après avoir signalé ses nombreux défauts il consent à reconnaître à notre nation deux vertus méritoires — l’honnêteté et l’énergie. — Ce sont ces deux qualités primordiales que possède au suprême degré la musique de Parry et qui, à mon sens, justifient l’immense popularité dont elle jouit en Angleterre.

Charles Hubert Hastings Parry est né à Bournemouth, dans le comté de Hamps, le 27 février 1848. Son père Thomas Gambier Parry, de Highnam Court près de Gloucester[4], était un peintre de talent. Il consacrait ses loisirs à la peinture d’ornement et les cathédrales d’Ely[5] et de Worcester renferment plusieurs de ses meilleures œuvres. Hubert Parry montra dès l’enfance une disposition précoce pour la musique. Pendant son séjour à Eton[6] pour ses études des classiques il travaille avec un zèle qui lui permet d’être reçu Bachelor of Music, Bachelier en Musique, avant de quitter le collège. Puis, il se fait inscrire à l’Université d’Oxford où il prend les leçons d’art musical de Sterndale Bennett[7] et de Macfarren[8]. Il va passer ensuite plusieurs mois à Stuttgard et continue d’apprendre chez le compositeur anglais Henry Hugo Pierson[9]. En quittant Oxford, en 1870, il renonce pour un temps à toute étude musicale et se rend à Londres où il entre comme associé à l’office d’Assurances Maritimes du Lloyd[10]. Mais, il se dégoûte bientôt de la vie du commerce, et, après trois années passées dans les affaires il prend la résolution de s’adonner entièrement à son art préféré. Parry se décide alors à suivre les leçons d’Edward Dannreuther[11] et le succès de l’élève est tel que plusieurs de ses compositions sont exécutées aux concerts privés offerts par le professeur à l’élite musicale de Londres. L’attention des amateurs de bonne musique se trouvait ainsi attirée sur le compositeur, et, en 1879, une audition privée sous le patronage de M. Arhur Balfour[12], le célèbre homme d’état, vint justifier la haute estime en laquelle les amis de Hubert Parry tenaient son jeune talent.

Parry devait voir bientôt grandir et consacrer par le vrai public sa réputation naissante. Une suite de scènes d’après Prométhée délivré, de Shelley pour soli, chœur et orchestre, exécuté en 188° au Festival de Gloucester, montre déjà le musicien en possession d’un style vigoureux et expressif. Depuis le temps de Haëndel[13] les compositeurs anglais n’avaient réellement réussi que dans la composition de la musique de chœurs. Parry, qui héritait de ses devanciers l’art de manier des masses chorales imposantes, y joignait le sens précieux de la juste déclamation lyrique. Il avait acquis cette rare qualité par l’analyse attentive des œuvres de Wagner dont Dannreuther, qui professait pour le maître allemand un véritable culte, avait été l’un des premiers apôtres. La forte éducation musicale du jeune Parry donnait un intérêt particulier dans le monde de la musique à son Prométhée délivré qui, en cette circonstance, pouvait être considéré comme une leçon nécessaire et profitable aux compositeurs anglais.

Au temps où son œuvre apparut la musique anglaise ne montrait qu’une faible vitalité. Elle ressemblait pour ainsi dire, au cours tranquille d’une étroite rivière que la hauteur de ses rives rend invisible au reste du monde. Les musiciens anglais, à cette époque, semblent n’avoir eu d’autre ambition que de produire des compositions imitées de Mendelssohn[14] et telles que les oratorios de Macfarren nous procurent un exemple choisi. Le trait du dessin musical, mais, hélas ! non l’inspiration d’Élie[15], était reproduit avec une fidélité consciencieuse et le poème n’avait pas une utilité plus grande que de servir de clou d’attache à la partition. La correction de l’accent tonique et l’observance de la cadence métrique étaient considérées comme de peu d’importance. La redondance affectée des mots et des périodes poétiques était pratiquée avec une fréquence qui, de nos jours, produit positivement en effet ridicule. Sous ce rapport Prométhée délivré vint jeter une note nouvelle. Parry, poète plein de charme autant que musicien, a toujours apporté un soin minutieux et raisonné à la mise en musique de ses propres inspirations ou de celles de ses confrères en poésie et son initiative a eu une influence salutaire sur la technique musicale anglaise. Avec lui les expressions ne sont jamais défigurées, comme il en était jusque-là, par une répétition exagérément vaine de mots et l’accentuation syllabique est rétablie avec une exacte mesure. Lorsque sa musique chante les poèmes célèbres de Milton[16] ou de Shelley, l’ingéniosité musicale avec laquelle est reproduite l’exquise subtilité de la cadence poétique fait souvent revêtir à ces vers si connus une beauté rayonnante nouvelle.

Prométhée délivré fut suivi de plusieurs œuvres chorales de moindres proportions parmi lesquelles l’ode funèbre The Glories of our Blood and State, la Gloire de notre Sang et de notre Pays, de James Shirley (1883) et l’ode Blest Pair of Sirens, Sirènes sacrées, Musique et Poésie, de Milton, (1887) qui est regardée généralement comme le chef-d’œuvre de Parry. Malgré son développement peu étendu cette composition fait admirer un style large et vigoureux. Écrite en chœur à huit parties l’élévation de la pensée musicale et la richesse de l’harmonie rappellent en maint endroit la grandeur imposante des chœurs de l’oratorio de Handel Israël en Égypte[17]. Le succès encourageait Parry à des efforts plus audacieux, et, en 1889, il écrit un grand oratorio Judith ou la Régénération de Manassès[18] suivi de deux autres d’une inspiration aussi grandiose, Job (1892) et le Roi Saül (1894). Ces trois œuvres renferment d’admirable musique et ont permis au compositeur de dévoiler à la fois sa force et sa faiblesse. La fermeté de son style apparaît à sa plus haute qualité dans la partie chorale ; mais, il réussit moins lorsqu’il écrit pour voix soli. Parry, il faut l’avouer a peu de puissance dramatique ; il ne possède pas à un degré suffisant le don de caractérisation des personnages et ses oratorios plutôt monotones manquent du contraste et de la variété nécessaires au chant et à la mélodie. Il convient toutefois de faire une juste exception en faveur de Job où, dans un monologue émouvant, le patriarche épanche sa douleur en accents pathétiques et prouve par sa résignation une inaltérable grandeur d’âme. Mais, la partie vocale de cet oratorio est souvent affaiblie par une orchestration à laquelle, avec tout le respect dû au talent du compositeur, on peut reprocher une importance dénuée d’intérêt.

Contrairement à la plupart des maîtres modernes Parry est beaucoup plus à l’aise dans la composition de la musique de chœurs que dans le maniement de l’orchestre. Le monde merveilleux de beauté dont Berlioz et Wagner ont ouvert l’accès a exercé sur lui peu de fascination et le progrès moderne qui a favorisé l’éclosion d’un si superbe développement du rôle orchestral ne l’a pas rencontré sur sa route. Par là, Parry ressemble beaucoup à Brahms dont la musique, remarquable par la pureté du dessin, offre peu de charme de coloris. Son orchestration est trop souvent d’une épaisseur massive et ce défaut, comme on l’a dit, contribue à donner à ses oratorios une teinte de demi-caractère et un peu archaïque. Toutefois, malgré cette absence d’éclat on est obligé d’admirer beaucoup dans des œuvres comme Judith, Job et le Roi Saül.

Parry n’est pas un mélodique brillant et, dans les passages purement lyriques, l’expression de sa pensée atteint rarement la splendeur ; mais, les scènes plus déclamatoires de ses oratorios sont souvent pleines d’énergie et produisent un grand effet comme le monologue de Job qui est, en réalité, une étude psychologique d’un ordre supérieur. Le Roi Saül renferme un passage d’une égale puissance où le despote parjure et en proie à d’horribles visions répand les gémissements d’une âme meurtrie par la lutte de passions ennemies. La vigueur de pensée du compositeur ne se manifeste nulle part à sa plus haute valeur que dans les scènes chorales de ses oratorios, et, s’il fallait citer dans tout son œuvre un passage remarquable parmi d’autres par la grandeur de l’inspiration et la sublimité du style, le choix se porterait, sans conteste, sur le grand chœur de Job où la lamentation de l’infortuné patriarche monte déchirante jusqu’au Tout-Puissant qui fait entendre sa voix au sein de la tempête. Nul compositeur anglais n’a écrit une musique d’une animation plus belle, d’une exaltation plus pure que ce chœur admirable qui suffit seul à assigner à Hubert Parry un rang éminent parmi les musiciens contemporains.

Pendant qu’il écrivait ses oratorios et ses autres compositions chorales, Parry ne négligeait pas la musique symphonique, bien que dans ce genre il ait obtenu relativement peu de succès. Ses symphonies et ouverture témoignent d’une virtuosité de savoir-faire ; mais, en général, elles sont d’une faible inspiration et on pourrait croire que Parry est un de ces musiciens qui, pour stimuler la flamme de leur génie, ont besoin souvent de l’aide aimable de la Poésie. Il n’est pas nécessaire d’analyser ici ses quatre Symphonies (Symphonie anglaise en ut, Symphonie en fa (Cambridge), etc.) qui sont maintenant exécutées rarement dans les concerts de Londres. Ses Symphonic Variations, Variations Symphoniques, exécutées en 1897, ont une valeur plus grande et sont aussi les plus connues de ses compositions instrumentales. Outre leur ingéniosité technique ces variations originales possèdent un réel attrait poétique et l’idée de les présenter en groupe correspondant aux quatre mouvements de la symphonie rend à la composition une unité que le plus souvent l’on recherche en vain dans les variations musicales.

Parry est certainement l’exemple du compositeur qui sait déterminer les bornes de son propre génie. Il n’a jamais écrit un opéra, et, à une époque encore peu avancée de sa carrière il s’est résolu à abandonner même l’oratorio. De là, et sans témérité, on peut conclure que de bonne heure il a reconnu que son tempérament musical ne se prêtait pas avec aisance à l’expression dramatique. Il montra dans cette circonstance un sens raisonné, et, en réservant désormais son talent pour traiter par son art les sujets purement abstraits il fit preuve d’une réelle sagacité.

Le succès éclatant obtenu par l’ode Blest pair of Sirens ouvrait à Parry l’accès de la voie que depuis il a parcourue par étapes triomphantes. Je ne citerai qu’un petit nombre parmi ses superbes compositions chorales qui ont délecté pendant un quart de siècle les amateurs de musique anglais. L’Ode on Saint Cecilia’s Day, Ode pour la fête de Sainte Cécile, de Pope[19] (1888) est une composition pleine d’élan mystique et d’énergie vibrante. L’Allegro ed il Pensieroso[20], Gaieté et Tristesse, d’après Milton (1890) est un tableau pittoresque de la vie champêtre orné de ravissantes vignettes musicales. De Profundis (Psaume 130) (1891), chœur à douze parties d’une massive sonorité est écrit dans un style qui se retrouve entier dans le Magnificat (1897) et le Te Deum (1900). The Choric Song from the Lotos eaters, Chant choral des Lotophages[21] (1892), sur un poème de Tennyson[22], produit un grand effet dû à la couleur de la composition. Dans l’Invocation to Music, Invocation à la Musique (1895) en l’honneur de Purcell, et A Song of Darkness and Light, Chant de la Nuit et du Jour (1898) on sent que le musicien a éprouvé une émotion sincère et que sa pensée musicale a partagé l’inspiration de Robert Bridges[23], un de nos meilleurs poètes contemporains dont les strophes sublimes rappellent la grandeur sonore de Milton.

Dans ces dernières années Parry, profitant de son succès comme poète, a préféré mettre en musique ses propres vers plutôt que de recourir à l’aide de modernes Tyrtées. L’ode symphonique War and Peace, la Guerre et la Paix (1903) ; Voces clamantium ou the Voices of them that cry, Lamentations (1903), motet ; le psaume The Soul’s Ransom, l’Âme rachetée (1906), psaume du pauvre ; The Vision of Life, la Vision de la Vie (1907), poème symphonique et le motet Beyond these voices there is Peace[24], la Paix d’Outre-tombe (1908) sont des sujets abstraits qui ont permis au musicien de traduire dans un magnifique langage des sentiments de pur idéalisme. Ces compositions qui offrent une ligne sévère et souvent une grande énergie d’expression sont surtout remarquables par la noblesse de l’idée et la dignité incomparable du style. Malgré leurs qualités elles n’ont pas réussi jusqu’à présent à obtenir l’immense popularité des premières œuvres de Parry ; car, sans contredit, elles sont d’une compréhension difficile et leur inspiration domine de si haut le sens de l’humanité vulgaire qu’elles ne peuvent être jugées encore que par de rares privilégiés. Toutefois, elles font emporter une impression plus haute du génie du compositeur et il est sage de prévoir que, dans un avenir peu éloigné, elles parviendront à acquérir une faveur plus grande que les compositions de style clair et un peu hâtives de la jeunesse du maître.

Le génie de Parry montre une aptitude naturelle à traiter les sujets sérieux. Mais, il faut se garder de croire que l’artiste lui-même ne possède pas d’affinité avec le côté plaisant et léger de la vie. La tournure aimable et l’enjouement d’un caractère qui l’a fait aimer de tue ceux qui ont eu le privilège de l’approcher se retrouvent dans des œuvres du genre fantaisiste dont l’une des plus foncièrement populaires est la musique composée sur un conte en vers de Robert Browning[25] The Pied Piper of Hamelin, le Flûteur bigarré de Hamelin[26] (1905), pleine de verve et de franche gaieté. Il a écrit aussi une exquise musique de scène pour des comédies d’Aristophane[27] The Birds, les Oiseaux (1883) ; The Frogs, les Grenouilles (1892) et The Clouds, les Nuées (1906) représentées à diverses solennités par les étudiants des Universités d’Oxford et de Cambridge. Ces compositions révèlent une légèreté de touche, un sens humoristique et une sûreté de goût pour la parodie tels que ceux qui connaissent seulement le musicien par ses œuvres sérieuses hésiteraient à lui attribuer la paternité des autres.

Parry a composé une grande quantité de musique vocale ; mais, ses plus fidèles admirateurs peuvent difficilement prétendre que ces productions fassent valoir son talent sous son aspect le plus caractéristique. Les meilleures sont des poésies du seizième et du dix-septième siècle qui font revivre d’une manière aimable par la musique la grâce et le charme d’un temps déjà lointain. Les compositions chorales de Parry pour voix non accompagnées ont une importance plus grande et il faut remarquer qu’en Angleterre ces chant ont toujours été populaires. Au temps de la reine Élisabeth les madrigalistes anglais étaient généralement réputés d’une valeur égale, sinon supérieure, à ceux d’Italie et des Pays-bas et, du reste, depuis ce temps, nos compositeurs ont toujours montré une prédilection marquée pour la musique de chœurs sans accompagnement. Les chants à plusieurs parties de Parry sont sans rival en Angleterre et, depuis Brahms, on ne peut citer un compositeur du continent qui ait produit dans ce genre avec autant de richesse et de supériorité. Malgré leur proportion restreinte ils sont tous des petits chefs-d’œuvre. Un dessin magistral, un style impeccable et une délicate justesse d’expression donnent à cette musique de chant une distinction rarement rencontrée de nos jours dans cette catégorie.

Je n’aurais garde de passer sous silence les nombreux ouvrages didactiques que Parry a écrits sur la musique ; car, ils sont tous marqués au coin d’une science solide et attestent des vues élevées chez leur auteur. Son beau livre sur Jean Sébastien Bach[28] est le plus pur hommage qu’un musicien puisse rendre à cet artisan de la Musique. D’une non moindre valeur est The Art of Music, l’Art de la Musique, esquisse du progrès musical analysé avec une docte compétence. Sa série de conférences sur Style in Musical Art, le Style de la Musique, présente aussi un très vif intérêt de recherche et d’étude artistiques. L’History of Music, Histoire de la Musique, publiée par l’Université d’Oxford[29], a été augmentée par Parry d’un volume savant sur la musique au dix-septième siècle.

Ses articles de critique musicale jouissent d’une parfaite autorité due à sa qualité incontestée d’aristarque de sorte que, et pour mieux dire, si Parry occupe chez nous une haute position il en est surtout redevable à la Musique. La fortune lui a souri et le succès l’a suivi à chaque pas. Il est parvenu à presque toutes les situations importantes auxquelles un musicien peut prétendre en Angleterre. Après avoir professé la musique à l’Université d’Oxford, il est devenu Directeur du Collège Royal de Musique de Londres qui le possède encore. En 1902, Parry a été élevé à la dignité de baronnet. Durant sa longue carrière il n’a jamais sacrifié ses principes artistiques pour acquérir la faveur populaire. L’idéal le plus pur a toujours été son seul but et il a fait don au monde musical du fruit de ses meilleurs efforts. Sa récompense méritée est l’estime, l’admiration et l’affection de ses compatriotes qui, depuis plus d’une génération, ont élu sa musique comme l’expression des plus nobles qualités du caractère anglais.


  1. Massenet (Jules), compositeur de musique français, né à Montaud, près Saint-Étienne, Loire, le 12 mai 1842 ; mort à Paris, le 13 août 1912, inhumé à Egreville, Seine-et-Marne. Élève de Reber et d’Ambroise Thomas.
  2. Snob, qualité du parvenu ou du poseur qui fait parade dans la société d’un goût grossier ou frondeur.
  3. Arnold (Mathieu). Poète et écrivain humoriste anglais. Né à Lalcham, Middlesex, le 24 décembre 1822 ; mort à Londres, le 15 avril 1888.
  4. Chef-lieu du comté du même nom, sur la Severn.
  5. Ely, vieille cité dans le comté de Cambridge.
  6. Eton. Le Collège d’Eton est situé au milieu de prairies sur la rive gauche de la Tamise en face de Windsor, comté de Buckingham. Il fut fondé en 1440 par le roi d’Angleterre Henri vi.
  7. Bennett (William Sterndale). Compositeur de musique anglais. Né à Sheffield, le 13 avril 1816 ; mort à Londres, le 1er février 1875.
  8. Macfarren (Georges Alexandre). Compositeur de musique anglais. Né à Londres, le 2 mars 1813 ; mort à Londres le 2 novembre 1887.
  9. Pierson (Henry Hugo). (Edgard Mannfeld). Compositeur de musique anglais. Né à Oxford, le 12 avril 1815 ; mort à Leipzig, le 28 janvier 1873.
  10. Lloyd. Nom du propriétaire d’un café qui existait au commencement du 18e siècle près de la Bourse de Londres et où se réunissaient les gens du commerce maritime.
  11. Dannreuther (Edward). Écrivain musical et pianiste allemand. Né à Strasbourg le 4 novembre 1844.
  12. Balfour (Arhur). Député de la Cité de Londres et chef du parti conservateur anglais. Né en Écosse, le 25 juillet 1848.
  13. Haëndel (Georges-Frédéric). Compositeur de musique allemand (1685-1759).
  14. Mendelssohn-Bartholdy (Félix). Compositeur de musique allemand (1809-1847).
  15. Élie, oratorio de Mendelssohn, 1846. — Élie, prophète hébreu (900 avant J.-C.), selon la Bible, fut enlevé vivant au ciel dans un char de feu et abandonna son manteau à son disciple Élisée qui hérita de son esprit prophétique.
  16. Milton (John). Poète épique anglais (1608-1674). Milton, auteur du Paradis Perdu, fut secrétaire d’Olivier Cromwell et défendit avec talent la liberté religieuse. Il devint aveugle dans sa vieillesse et mourut dans la misère.
  17. Israël en Égypte, oratorio écrit en 1738.
  18. Manassès, roi de Juda (706-639 avant J.-C.), qui fit périr le prophète Isaïe pour le punir de ses remontrances, et se convertit à la fin de son règne pour réparer ses fautes.
  19. Pope (Alexander). Poète anglais (1688-1744).
  20. En italien, l’Homme gai et l’Homme triste.
  21. Lotophages, peuple mythologique des côtes de la Petite Sorte, Afrique septentrionale, qui se nourrissait des fruits du lotus ou lotos, espèce de jujubier, qui avaient la propriété de faire oublier leur patrie aux étrangers.
  22. Tennyson (Alfred, lord). Poète lyrique anglais (1810-1892).
  23. Bridges (Robert). Poète anglais. Né à Walmer, comté de Kent, le 23 octobre 1844.
  24. Derniers vers d’un poème de Tennyson dont le titre a été emprunté par Parry.
  25. Browning (Rober). Poète anglais. Né à Londres, le 7 mai 1812 ; mort à Venise, le 12 décembre 1889.
  26. Pied, bigarré ou habillé de noir et blanc comme une pie. — Hamelin ou Hameln, ville du Duché de Brunswick, en Allemagne.
  27. Aristophane. Poète comique athénien d’une famille originaire de Rhodes (vers 400 avant J.-C.). Ses pièces généralement politiques sont remplies de personnalités blessantes comme les Nuées qui sont dirigées contre Socrate. Les Grenouilles ont été représentées en 406, à Athènes ; les Oiseaux en 414, et les Nuées en 424 (avant J.-C.).
  28. Bach (Jean Sébastien). Compositeur de musique et organiste allemand. Né à Eisenach, en 1685 ; mort à Leipzig, en 1750.
  29. 6 volumes in-8o