Michel Lévy frères (p. 207-218).



XVIII


À différentes reprises, Thierray, au milieu de ce demi-sommeil qui n’était pas sans charmes, crut entendre quelques bruits inusités dans la maison. Il ne s’en inquiéta pas d’abord. Il n’y avait pas de chien de basse-cour à Mont-Revêche ; la maison était si bien fermée, par sa propre construction, qui n’avait d’issues que sur la cour intérieure ; le mur qui reliait les trois façades était si solide, si élevé et clos d’une porte si massive, qu’il était à peu près impossible de s’y introduire, soit furtivement, soit de vive force. Gervais et Manette, gardiens et serviteurs du manoir, ne s’étaient jamais endormis une seule fois, depuis trente ans, sans donner le tour de clef à la serrure et assujettir avec soin la barre de fer transversale, outre le signe de croix qui devait également les préserver de la visite de madame Hélyette et de celle des voleurs.

Le domestique que Flavien avait confié, c’est-à-dire donné à Thierray, mais dont celui-ci était résolu à se débarrasser comme d’un luxe inutile aussitôt qu’il serait décidé que Flavien ne reviendrait pas, couchait dans une chambre basse attenante à l’écurie. Ce domestique se nommait Forget ; il était fidèle, tranquille et ne croyait pas aux esprits.

Thierray ne croyait ni aux esprits ni aux voleurs. Il prétendait n’avoir jamais eu assez d’imagination pour réussir à évoquer les uns, jamais assez d’argent pour mériter d’attirer les autres.

Néanmoins une sorte de frôlement qu’il crut entendre pour la seconde fois dans les corridors, un bruit vague de portes ouvertes qui pouvait bien n’être que celui d’une jalousie agitée par le vent, mais qui pourtant réveillèrent tout à fait Thierray, firent venir à son esprit la pensée qu’il avait en garde cent billets de banque de mille francs, et que, pour la première fois de sa vie, il ne pourrait rire au nez des voleurs désappointés. Il releva la tête, se frotta les yeux et se trouva dans une quasi-obscurité.

Pendant qu’il s’était assoupi, sa lampe, à bout d’huile, s’était éteinte, et le feu de la cheminée, dont la flamme était épuisée, n’envoyait plus que les vagues et rougeâtres clartés de la braise aux plans les plus rapprochés de l’âtre. Thierray se leva, chercha à tâtons des allumettes, et, n’en trouvant pas, il s’approcha de la cheminée, résolu d’aller explorer la maison aussitôt qu’il se serait muni d’une lumière.

Il venait de se baisser vers le foyer, lorsqu’il entendit frapper à la porte du salon trois coups bien distincts, qui semblaient produits par le pommeau métallique d’une cravache ou d’une canne légère.

— C’est Flavien qui arrive, pensa-t-il.

Et, sans se donner le temps de s’arrêter à cette idée plus qu’à toute autre, il répondit instinctivement et d’une voix assurée : « Entrez ! » tout en continuant d’allumer la bougie qu’il avait prise sur la cheminée.

On ouvrit. On entra sans rien dire, et même avec une certaine précaution. Thierray, enfin muni d’une lumière que l’humidité avait rendue lente à s’enflammer, se releva en disant :

— Qui est là ?

On ne répondit pas, et Thierray, qui, en ce moment, était debout, sa bougie à la main, prêt à se retourner, tenant peut-être à honneur de ne pas trop presser ses mouvements, car il éprouvait, en dépit de lui-même, une certaine émotion, sinon de crainte, du moins d’étonnement et de méfiance ; Thierray, qui se trouvait tourné vers la glace de la cheminée et qui eut l’instinct d’y jeter les yeux, vit derrière lui, vers le milieu de l’appartement, une forme étrange, vague, mais qui semblait être, dans cette glace ternie et faiblement éclairée, le portrait de madame Hélyette détaché de la muraille.

— Oh ! oh ! se dit Thierray presque joyeux du malaise qu’il éprouvait, une hallucination ! Enfin, je saurai donc ce que c’est !

Il posa la bougie sur la cheminée, regarda encore l’apparition, la trouva plus distincte, et, convaincu qu’il était le jouet d’un phénomène d’imagination ou de vision fort curieux à constater sur lui-même, il eut le sang-froid d’allumer une seconde bougie, de la poser à l’autre bout de la cheminée et de se retourner avec beaucoup de lenteur et de calme apparent.

Madame Hélyette était debout et immobile devant lui, à six pas de lui.

— C’est bien cela ! dit tout haut Thierray, immobile aussi et un peu paralysé des jambes, mais encore parfaitement maître de sa volonté, quoiqu’il parlât à son insu.

— L’amazone, le chapeau, la plume, le masque, la cravache, rien n’y manque… les cheveux blonds comme ceux d’Éveline, le menton jeune, le col élégant. Bien ! je vous vois… encore, toujours… Ne vous effacez pas.

En ce moment, Thierray s’aperçut qu’il parlait haut, et le son de sa propre voix l’effraya.

— Cela rend plus malade qu’on ne le pense, se dit-il en faisant un effort pour ne pas articuler sa pensée avec les lèvres. Peut-être que cela rend fou. J’en ai assez.

Il ferma les yeux un instant, jugeant que, lorsqu’il les rouvrirait, le fantôme serait dissipé. En s’abstenant ainsi de sa propre vision, il pensa à ce qu’il ferait si elle persistait, et reprit courage.

— Non, je ne suis pas fou, se dit-il ; je me rends parfaitement compte d’un phénomène dont j’ai beaucoup entendu parler, que j’ai toujours désiré d’éprouver par moi-même, quoique je ne m’en crusse pas capable, et, à présent que je le subis, il serait regrettable de ne pas le subir aussi complet que possible.

Ainsi armé contre sa propre faiblesse, il rouvrit les yeux. La dame au loup était toujours là ; seulement, elle s’était un peu éloignée vers le fond de l’appartement et ne recevait plus autant de lumière.

— Cela tend à se dissiper, pensa Thierray. Voyons, allons vers le spectre !

Il essaya ; mais ses jambes lui refusèrent le service. Autant son cerveau était libre et fort, autant son corps était engourdi et glacé.

— Je ne voudrais pas m’évanouir, pensa encore Thierray, je ne me rendrais plus compte de rien. Voyons, puisque j’ai au moins la parole libre, évoquons ma propre fantaisie par ma propre volonté. Approchez-vous, cria-t-il au fantôme, je vous l’ordonne, et ôtez votre masque, je veux vous voir.

Le spectre fit un signe négatif.

Soit que l’effort de la volonté eût grandi son courage d’une manière peu commune, soit que le geste du fantôme eût pris une apparence de réalité surprenante, Thierray sentit ses pieds se déclouer du marbre du foyer, et il marcha droit au fond du salon, en disant d’un ton presque enjoué :

— Eh bien, je vous l’arracherai, votre masque !

Le spectre recula et fit légèrement le tour du salon poursuivi par Thierray, dont les jambes n’étaient pas parfaitement libres, mais dont la volonté augmentait, en voyant l’apparition tendre à lui échapper. Ce mouvement éveilla le perroquet, qui s’écria d’une voix plus distincte et plus sinistre que de coutume :

Mes bons amis, je vais mourir !

Un cri d’effroi partit du gosier de madame Hélyette, et elle tomba comme défaillante sur un fauteuil.

Thierray, convaincu alors qu’il était mystifié par une personne bien vivante, s’élança vers elle et la saisit par le bras. Il ne croyait plus avoir affaire à un fantôme produit par son cerveau ; cependant il s’était fait un tel combat en lui-même, que si, au lieu d’une créature palpable, il n’eût saisi que le vide, il fût tombé évanoui, peut-être mort.

Un éclat de rire lui répondit, le masque tomba : c’était Éveline, revêtue d’un costume tout à fait semblable à celui du portrait de la défunte, coiffée de même, et belle à ravir dans cet accoutrement qui semblait avoir été inventé pour elle.

— Je suis contente de vous, brave chevalier ! lui dit-elle en lui tendant la main avec un effort d’assurance qui trahissait une assez vive émotion. C’est affaire à vous d’affronter les choses surnaturelles, et vous pourrez maintenant défier la véritable dame au loup de vous faire reculer d’un pas. À votre place, je n’aurais pas fait si bonne contenance, car il a suffi de votre affreux perroquet, dont je connaissais pourtant bien la monomanie, pour m’effrayer au point de me faire oublier mon rôle.

— Avant de répondre à vos agréables plaisanteries, dit Thierray, dont une sueur froide baignait encore les tempes, et qui se sentait porté à l’humeur beaucoup plus qu’à la joie, voulez-vous bien me permettre de vous demander, mademoiselle, comment il se fait que vous soyez ici ?

— Que vous importe ? répondit Éveline piquée de ce ton glacial. J’y suis, cela ne regarde que moi.

— Pardon ! cela me regarde beaucoup aussi. Je ne veux pas être responsable devant l’opinion et devant vos parents des conséquences d’une démarche aussi étrange de votre part.

— Rassurez-vous, monsieur, dit Éveline tout à fait blessée, votre réputation ne sera pas compromise par ma visite. Personne n’en saura rien.

— Excepté le fidèle Crésus, qui vous a accompagnée ici, et celui des domestiques de Mont-Revêche qui vous a ouvert la porte ?

— Forget, qui est maintenant à votre service, a été naguère au mien. Il connaît la pureté de mes intentions, il m’est dévoué et il est incorruptible. Quant à Crésus, c’est un enfant qui n’entend pas plus de malice que moi à une plaisanterie, et dont je suis assez riche pour payer le silence. Êtes-vous tranquille ?

— Pas le moins du monde. Dans huit jours, tout le pays saura que, pour se donner l’amusement bizarre de faire peur à M. Thierray, sous le masque de la dame au loup, mademoiselle Éveline Dutertre est venue seule le trouver au milieu de la nuit.

— Vous rêvez ; personne ne le saura. Crésus est bavard quand il ne risque rien à l’être ; mais, quand il s’agit de ses intérêts, le paysan morvandiot se laisserait mettre à la torture. D’ailleurs, je nierais effrontément ; vous aussi, je l’espère ; mes parents n’y croiraient jamais, et Crésus passerait pour fou. À présent, voulez-vous avoir l’obligeance de me faire du feu ? Je suis transie de peur et de froid.

Il était bien impossible à Thierray de refuser les soins de l’hospitalité à sa belle visiteuse. Il ralluma le feu, approcha un fauteuil où Éveline s’assit, et lui, tisonnant, les genoux pliés devant l’âtre, regardant malgré lui le joli pied qu’elle allongeait sur les chenets, il continua à la morigéner en l’interrogeant.

— Pourquoi dites-vous que vous avez eu peur, vous qui poussez la hardiesse jusqu’à l’extravagance ?

— Je n’ai peur ni des bois pendant la nuit, ni de la solitude dans la campagne, car c’est être seule que d’être avec Crésus. Je n’ai pas même été effrayée de la folie de mon entreprise. Mais j’ai eu peur dans les corridors de votre manoir fantastique, aussitôt que je me suis trouvée seule dans l’obscurité, tâtonnant les murs et cherchant les portes. Je savais que vous étiez toujours dans ce talon jusqu’à deux ou trois heures du matin. Je m’en étais assurée en envoyant Forget regarder à travers les fentes de la jalousie. Mais, pendant cette exploration, l’idée m’est venue que, comme dans l’histoire de la Nonne sanglante, la véritable Hélyette allait m’apparaître et me montrer sa figure brûlée pour me punir d’avoir osé la contrefaire.

Là-dessus, Éveline se mit à rire avec autant de tranquillité que si elle eût été dans le salon de Puy-Verdon, sous l’œil de ses parents.

Thierray fut stupéfait de tant d’audace. Était-ce excès de candeur et d’ignorance, ou habitude de dévergondage ? Résolu de s’en assurer, bien qu’également résolu à ne pas en profiter, Thierray, la regardant fixement, lui demanda où était Crésus.

— Dans le bois le plus proche, avec mes chevaux, répondit-elle, et parfaitement caché dans le fourré.

— Et Forget ?

— Dans sa chambre ; je lui ai ordonné de se recoucher, et, quand je vais sortir, c’est vous qui, sans bruit, refermerez vos portes.

— Mais comment êtes-vous sortie de Puy-Verdon ?

— Oh ! cela, rien de plus facile. Dans une habitation si vaste, et où rien ne me résiste, il suffisait que Crésus fût averti, que les chevaux fussent prêts et conduits dehors à une certaine heure, que j’eusse certaines clefs, et que tout le monde fût endormi. Je suis partie à une heure du matin… et, tenez, il n’est pas deux heures : nous sommes venus vite, malgré les ténèbres.

— Et comment rentrerez-vous ?

— À dix heures, comme à l’ordinaire. Je sors souvent avec le jour, et je ne m’afflige pas toujours de la société d’Amédée. Crésus ou tout autre laquais m’accompagne souvent le matin ; les premiers palefreniers qui se lèveront se diront que je suis sortie apparemment un peu plus tôt que de coutume. J’ai tant de fantaisies, qu’ils ne s’étonnent jamais de rien. Les premiers bûcherons qui me rencontreront dans les bois à l’aube du jour se diront que je viens de me lever. Ce ne sera pas la première fois que j’aurai été debout aussitôt qu’eux, et ceux qui me verront rentrer ne sauront pas si je suis dehors depuis deux heures ou depuis douze. Mon père, qui commence à devenir féroce, me dira peut-être que je me fatigue trop, et qu’il ne veut plus que je sorte sans lui ou sans son neveu, qui est une véritable bonne d’enfants. Qu’est-ce que cela me fera, du moment que j’aurai réalisé ma fantaisie d’aujourd’hui ? Demain, j’en aurai quelque autre qu’il n’aura pu prévoir.

— Ainsi, mademoiselle, dit Thierray toujours assez froid et attentif, vous allez, pour satisfaire la fantaisie de m’effrayer par l’apparition d’un spectre, errer dans les bois, par une nuit très-froide, depuis deux heures du matin jusqu’au lever du soleil ? Et, encore après, en dépit d’une nuit sans sommeil et sans abri, vous continuerez à chevaucher jusqu’à dix heures, pour ne pas éveiller de soupçons ? C’est payer un peu cher un si court et si fade amusement.

— Il se peut que le plaisir ait été médiocre pour vous, répondit-elle ; mais, pour moi, il a été complet. D’abord, j’ai eu un peu peur moi-même, émotion sur laquelle je ne comptais pas ; car je suis aussi sceptique que vous prétendez l’être. Mais je crois que nous ne le sommes ni l’un ni l’autre ; car, si vous n’avez pas eu peur, vous avouez du moins que vous avez cru voir un revenant. C’est d’autant plus brave de votre part. Ne vous en défendez donc pas ; car cela vous élève beaucoup dans mon estime.

— J’en suis très-flatté, mademoiselle, mais je ne mérite peut-être pas votre admiration. Il se peut bien que je vous aie reconnue tout de suite. Il se pourrait aussi qu’après avoir causé avec l’habile Crésus dans la matinée, j’eusse pressenti vos projets et attendu votre visite.

Éveline fut un instant confuse, inquiète surtout de la discrétion de son page ; mais elle se remit par la moquerie et la coquetterie, comme elle faisait toujours.

— Je n’en crois rien, répondit-elle. Si vous m’eussiez attendue, j’aime à croire que je n’eusse pas trouvé la porte fermée et que vous eussiez dispensé Forget de veiller pour être prêt à me l’ouvrir.

— Non, mademoiselle, reprit Thierray toujours plus sévère à mesure qu’il se croyait plus provoqué, j’espérais que vous n’auriez pas le cœur de mener à bout une pareille absurdité.

— Moi, monsieur, j’espérais, dit Éveline en se levant avec une dédaigneuse insouciance, que l’aventure tournerait autrement, que vous auriez moins de courage, que je traverserais ce salon sans vous arracher une parole, que je sortirais masquée et inconnue comme j’étais entrée, et qu’un de ces jours vous viendriez nous raconter votre aventure avec un peu d’embellissement, comme les poètes en mettent toujours dans leurs narrations. Au lieu de cela, vous avez été téméraire et moi stupide. Le cri d’un perroquet m’a fait crier, vous avez reconnu ma voix ; vous menaciez de m’ôter mon masque : je ne laisse pas volontiers porter la main sur moi, et j’ai dû paralyser la vôtre en vous montrant mon visage. À présent, tout est dit ; bonsoir. Ouvrez-moi les portes.

— Vous croyez, dit Thierray, que je vais vous laisser passer la nuit dehors, à la belle étoile ?

— Vous parlez d’étoiles ? C’est une métaphore ! dit-elle en riant : il pleut à verse !

En effet, on entendait les gouttières s’épancher à flots sur les pavés de la cour.

— Vous voyez donc bien, dit Thierray, que vous êtes forcée d’attendre ici que le départ soit possible, que la nuit touche à sa fin. Ce ne sera pas avant trois heures d’ici, je vous en avertis. Vous voilà forcée d’avaler la coupe d’imprudence et de danger que vous avez remplie. Je vous déclare que ce n’est pas ma faute. Si on vient à le savoir, je me battrai pour vous ; mais je jurerai sur l’honneur à votre père que je ne sais pas du tout pourquoi vous m’avez mis dans cette agréable situation.

Et, en parlant ainsi, Thierray alla fermer aux verrous la porte du salon.

— Que faites-vous donc là ? dit Éveline déconcertée.

— Je ne veux pas vous exposer à être surprise par ceux de mes domestiques qui ne sont pas, dans votre confidence, et, si vos parents, s’apercevant de votre absence, s’avisaient de venir vous chercher ici, je veux pouvoir parlementer avec eux avant de vous livrer à leur juste indignation.

Éveline devint pâle, et la peur s’empara d’elle sérieusement.

— Mais non, mais non ! s’écria-t-elle. Il faudrait me cacher !

— Non pas. Je sortirais, j’irais au-devant d’eux, et vous ne reparaîtriez à leurs yeux que couverte de ma protection et portant le titre de ma fiancée.

— Vraiment ? Les résultats de mon équipée seraient-ils si graves ? dit Éveline rougissante, à demi satisfaite, à demi honteuse. Je comprends alors pourquoi vous êtes si effrayé des suites de l’aventure

Et elle lança à Thierray un regard timide et brûlant qui faillit lui ôter le sang-froid dont il s’était armé.

— Oui, j’en suis effrayé, dit-il en évitant ce dangereux regard : je sais à quoi le soin de mon honneur me déciderait sans hésitation, plutôt que de passer pour avoir séduit une jeune fille et pour lui avoir refusé la réparation de l’honneur. Mais, en vous donnant mon nom, je serais pris d’une mortelle haine pour vos richesses et peut-être pour vous-même, qui m’auriez forcé de les accepter malgré moi, et qui ne m’auriez pas laissé le choix entre mon penchant à ma liberté, et la honte d’un rôle coupable ou ridicule.

Éveline, terrifiée de ce discours, se sentit brisée. Elle retomba sur le fauteuil et fondit en larmes en s’écriant :

— Ah ! vous ne m’avez jamais aimée, et, à présent, je ne vous inspire que de la haine !

Thierray fut vaincu. L’amour lui revint au cœur. Il n’est point d’homme assez fort pour de telles épreuves.