Monrose ou le Libertin par fatalité/II/07

Lécrivain et Briard (p. 36-38).
Deuxième partie, chapitre VII


CHAPITRE VII

COURT, MAIS PEUT-ÊTRE ENCORE TROP LONG


« Avouez, ma chère comtesse, qu’il y avait quelque chose de bien piquant dans les tournures dont Mimi s’était avisée ? Elle achevait de m’ensorceler par sa bonne mine, son aisance et son adresse à cheval. Il faut que le goût soit quelque chose de bien naturel aux femmes, puisque deux mois de séjour à Paris y avaient complétement naturalisé mon adorable provinciale. Ainsi, sans plus de convention, il est décidé que nous nous arrangeons.

« Je ne fus plus étonné que Colombine fût si bien au fait de tout ce qui me concernait, lorsque, retournant au petit pas au-devant de la société, notre entretien m’apprit en premier lieu que M. de Moisimont, parent du président Blandin, était reçu chez madame de Folaise, et puis que, par l’entremise du laquais de louage, une sœur de la femme de chambre qui sert mes amies de la chaussée d’Antin, était entrée au service de madame de Moisimont dès le lendemain du fameux souper. De là toute la matière, soit de l’intrigue du bal, soit du persiffleur couplet où Mimi m’expliquait si gaiement et ses vues et ses raisons délicates pour que notre amoureuse alliance souffrît un retard.

« Cette explication nous conduisit jusqu’au peloton équitant. On y était complétement dupe du stratagème : les remercîments me furent prodigués. M. de Moisimont, pâle comme un mort, balbutia les siens avec distraction, saisi du pommeau de sa selle, où le ballottait une rude jument de cabriolet donnée par le loueur de chevaux pour une monture tout à fait agréable, mais qui, la bouche usée et conservant quelque ardeur, n’avait pu, sans de grands efforts, être dissuadée de courir après son ami particulier, l’isabelle de l’ingénieuse amazone. »

Admirons pourtant, cher lecteur, comment le sort tend parfois aux pauvres humains des piéges diaboliques ! Si le bon génie qui sans doute excitait la jument, avait été le plus fort, M. de Moisimont, accourant, faisait avorter, du moins pour cette fois, le complot dirigé contre son honneur marital ; mais le mauvais génie prévaut, la jument est retenue, et tandis que le pauvre mari s’écorche le derrière, on fixe les moyens d’enrichir d’une haute plume son panache de cocu ! Et l’on ne voudra pas croire à l’étoile !