Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences2 (p. 482-483).
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ÉCOLE NORMALE.


Peu de temps après le 9 thermidor, la Convention sentit le besoin de réorganiser l’instruction publique. Les professeurs manquaient dans tous les départements ; elle décida qu’il en serait créé dans le moindre délai possible, et les écoles normales naquirent. J’ai raconté ailleurs en détail les services rendus par l’établissement sans modèle, où il fut permis à Monge de professer publiquement, pour la première fois, la géométrie descriptive. Ses leçons orales, recueillies par des sténographes, forment la partie principale de l’ouvrage dont on est redevable à notre confrère. Cet ouvrage s’est répandu depuis avec un grand avantage dans toutes nos écoles, dans les usines, dans les manufactures, dans les plus humbles ateliers, où il sert de guide sur et invariable à l’art des constructions. Je dirai, comme dans la biographie de Fourier : les écoles normales périrent de froid, de misère et de faim, et non pas à cause de quelques vices dans leurs règlements, qu’on eût pu facilement corriger. On ne se trompe pas moins lorsqu’on prétend que la Convention elle-même hâta de tout son pouvoir la dispersion des quinze cents élèves dont se composait l’École normale de Paris, parce qu’ils étaient imbus d’idées peu démocratiques. Propagateurs de cette calomnie, voulez vous être détrompés, parcourez l’analyse de la séance d’installation ; vous y trouverez qu’au moment de la lecture de la loi conventionnelle qui créait l’établissement, tous les élèves et les spectateurs se découvrirent et se levèrent d’un mouvement spontané en témoignage de respect.

Voyez ensuite la leçon, la seconde, où Daubenton parlait des abus du style pompeux dans l’histoire naturelle ; vous y trouverez cette phrase : « On a appelé le lion le roi des animaux ; il n’y a point de roi dans la nature ; » et les applaudissements, les acclamations que ces mots excitèrent dans le vaste amphithéâtre du Jardin des Plantes, où se réunissaient les élèves de l’École normale, vous diront si les auditeurs qui le remplissaient étaient animés de sentiments républicains. Les mérites des écoles actuelles ne pourraient-ils donc être célébrés sans déverser le mensonge et l’outrage sur les créations analogues qui les ont précédées ? Ne serait-il pas d’ailleurs de toute justice de faire la part des circonstances très difficiles dans lesquelles nos pères essayaient de reconstruire ce que la Révolution avait balayé sur tous les points du territoire.