Mirages (Renée de Brimont)/Je te crains, Amour…

XXXIX

Je te crains, Amour qui viens à l’improviste
comme un voleur,
avec cette âme folle, ardente et triste,
et ce grand espoir égoïste !
Je te crains, Amour, et j’aime ma peur…
Car de toi peut-elle encore se défendre
ta faible proie aux rires tendres ?
Ton seul regard est sur elle penché,
tu n’as point rompu le silence,
et cette seule muette vigilance
a déjà le visage trouble du péché !
Amour, Amour qui nous ravages
nous laissant tels qu’un jardin desséché,
tes yeux sont beaux, tes yeux sauvages…
Mais, flux et reflux,
ce regard séduit, ce regard irrite
ma quiétude mise en fuite,
car puisque je crains, puisque j’hésite,
n’est-ce que déjà je ne m’appartiens plus ?…