Mirages (Renée de Brimont)/Par les chemins…

MiragesEmile-Paul Frères (p. 88).

XL

Par les chemins brumeux de la vie et des songes
nos pas n’ont point laissé d’empreintes sur le sable,
et de nos voix d’hier l’accent insaisissable
n’ira plus éveiller les doux échos-mensonges…

Ce soir-là ressemblait à des mots de Verlaine.
C’était un de ces soirs si divinement tendres
que les oiseaux du ciel se taisent pour entendre
le souffle musical de leurs tièdes haleines.

— Autour du bassin calme aux fluidités bleues,
des arbres-parasols et des arceaux magiques,
des gazons mols semés de roses léthargiques,
de graves paons traînant la gloire de leurs queues ;

une langueur éparse, une paix merveilleuse,
une lente fraîcheur tombant, moite et bénigne,
des parfums plus légers que des duvets de cygne,
des vers-luisants dans l’ombre allumés en veilleuse…

Et la lune naissante, et la nuit qui s’apprête.
Or comment n’avoir pas au cœur un émoi vague,
comment ne pas livrer mes mains vierges de bagues,
et ne pas incliner songeusement la tête !…