Éditions Prima (Collection gauloise ; no 63p. 40-43).
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Au bout du long corridor apparaît une femme, puis une autre femme, puis une autre encore… toute une troupe féminine qui s’aventure avec circonspection. Allons, le chef des eunuques qui veillait devant la porte de la chambre de Michette a disparu… On peut y aller sans crainte, mais sans bruit… Et les formes voilées glissent, les yeux brillants…


— Beau chef, prends moi ! (page 42).

Il s’agit d’aller voir par une fente de la porte des appartements de la Parisienne, comme elles disent, ce que peut bien faire le maharajah, leur maître qui depuis de longues années ne leur a pas donné le plus petit signe de… vie. Quel événement s’il parvenait à… prouver sa flamme à la nouvelle venue ! Il faut aller voir ça !!! Et la première en tête colle son œil à la fente, mais elle pousse aussitôt une exclamation étouffée.

— Le… le… l’eunuque, bégaie-t-elle en hindoustani, l’ennuque qui…

Mais ses compagnes ne l’écoutent pas… Chacune veut voir… et chaque fois ce sont des exclamations, des étonnements sans borne… une effervescence inouïe règne dans le groupe parfumé,

— Il faut y aller ! décide enfin la plus hardie, j’en veux aussi, moi !!

— Moi aussi ! moi aussi ! il faut y aller, répondent-elles toutes en se ruant sur la porte qui cède, et les voici tournant, déchaînées autour de Michette et l’eunuque sans souci du maharajah étendu sur le tapis.

— À moi ! À moi, maintenant !! crient-elles toutes, assez assez pour la Parisienne, à mon tour !

— Non, c’est à mon tour !

— Non, non ! À moi d’abord !

— Beau chef, prends-moi !

— Laisse tomber cette bique de Pourgagha…

— Une bique… Moi ! Répète un peu, vieille guenon !

— Si tu ne me laisses pas passer, je t’arrache les yeux ! etc., etc… Ces aménités se croisent avec grâce et bientôt la mêlée devient furieuse et générale, les chevelures restées longues sont malmenées avec une férocité qui n’a d’égale que les vociférations des combattantes. Cet intermède laisse à Michette et à l’ennuque Salim une tranquillité relative qui leur permet de revêtir promptement leurs vêtements. Puis l’homme de bronze souffle à l’oreille de Michette :

— Si on filait ? ! Je suis brûlé ici maintenant et je ne veux plus te voir dans ce b…c là ! ! Regagnons Panam.

— Ah ! mon chéri, qu’est-ce que tu dis là ! s’exclame Michette, tremblante de joie. Vite, trottons-nous, j’en ai par-dessus la tête du harem !!

Les forcenées sont tellement occupées à s’exterminer qu’elles ne s’aperçoivent même pas de la sortie des deux objets de leur dispute. L’eunuque entraîne rapidement Michette à travers des corridors et des grandes salles. Partout on salue avec respect le chef qui passe avec la favorite… Salim, dans la chambre de son maître, rafle un peu d’argent et, dans les appartements des femmes, il ramasse quelques magnifiques pierres précieuses non encore montées. Il faut bien vivre ! Enfin ils arrivent près d’une porte formidable gardée par des hommes à l’air féroce, qui aussitôt s’inclinent devant eux, soumis.

— Ouvrez ! ordonne Salim.

Ils se précipitent, les battants tournent sur leurs gonds, lentement… Le ciel bleu apparaît, la route blanche… La liberté !!!