Mes souvenirs (Stern)/Deuxième partie/VIII

Daniel Stern ()
Calmann Lévy, éditeurs (Bibliothèque contemporaine) (p. 353-366).




VIII


Les mères et les commères de l’Église. — La princesse Belgiojoso, Madame Récamier et l’Abbaye-au-Bois. — M. Brifaut. — La femme et le salon dans l’État démocratique. 



Dans l’année 1835, je quittai la France. Lorsque j’y revins cinq ans après, je n’allai plus dans le monde et je ne vis que d’un peu loin ce qui s’y passait. Je remarquai que les salons dont on parlait le plus étaient les salons de quatre étrangères : celui de la princesse de Lieven, celui de madame Swetchine, celui de la princesse Belgiojoso et celui de madame de Circourt : trois dames russes et une italienne. Ce n’était pas bien bon signe, à mon avis, pour l’esprit français. Par une suite de causes et d’effets qui m’échappaient, la dévotion aussi était en affiche. Là où l’on s’était contenté, sous la Restauration, malgré l’influence de la Dauphine, d’être, sans en parler, régulière, on affectait, à cette heure, les habitudes dévotes. Dans les antichambres, les laquais ne disaient plus « madame est sortie », mais « madame est à vêpres ; madame est au sermon du père un tel, » etc. Les belles dames, quand elles avaient de la voix, chantaient dans les églises, au mois de Marie. Celles qui se persuadaient savoir écrire publiaient de petits livres d’édification ; celles à qui l’on avait enseigné le latin embrassaient la théologie. Elles étalaient à grand bruit, chez les libraires, des traités sur la Chute, sur la Grâce, sur la Formation des dogmes, etc. Les goguenards appelaient ces dames théologiennes : les Mères de l’Église. Le spirituel curé de la Madeleine, l’abbé Deguerry, impatienté de tout ce zèle, demandait qu’on le délivrât de ces commères de l’Église. Les plus galantes étaient les plus touchées de la grâce. Chacune mettait son grappin, qui sur un prélat, qui sur un déchaux, qui sur un dominicain, qui sur un père. Les hommes du monde se piquaient à ce jeu dévot. Nourris au suc des fleurs du paradis mondain de madame Swetchine, tout un essaim de convertis convertisseurs se répandaient dans le monde et l’emplissaient d’un bourdonnement pieux. Comme ils avaient la grâce congrue, ils se jetaient vivement aux tentations de la chair. On les voyait au bal, au théâtre, poursuivant de leur zèle les belles pécheresses. Ils avaient chacun son œuvre particulière qui voulait les entretiens à deux, les tendres billets, les confidences, les rendez-vous à Saint-Roch, à l’Assomption, à Saint-Thomas d’Aquin, les soupirs et les repentirs, les rosaires et les scapulaires : tout un catholicisme de boudoir, tout un galimatias séraphique dont nos mères auraient bien ri. D’autre part, et comme pour faire contraste, en réaction sans doute contre le « comme il faut » trop monotone du faubourg Saint-Germain, il s’était produit après 1830, parmi les jeunes femmes, un dédain des bienséances de leur sexe, une recherche de l’excentricité tapageuse, qui, se rencontrant avec les premiers essais de clubs et de sport, avec l’invasion du cigare, avaient créé un type nouveau : la lionne. À l’imitation des héroïnes de George Sand, la lionne affecta de dédaigner les grâces féminines. Elle ne voulut ni plaire par sa beauté, ni charmer par son esprit, mais surprendre, étonner par ses audaces. Cavalière et chasseresse, cravache levée, botte éperonnée, fusil à l’épaule, cigare à la bouche, verre en main, toute impertinence et vacarme, la lionne prenait plaisir à défier, à déconcerter en ses extravagances un galant homme. Incompatible avec l’élégance tranquille des salons, elle les quitta. Le vide se fit à la place qu’elle avait dû occuper et personne ne se présenta pour le remplir[1]. Dans la vie retirée que je menais, le rugissement des lionnes arrivait à peine. Mais, vers cette même époque, j’eus occasion de voir d’assez près deux personnes qui, d’une autre manière, occupaient les entretiens : la princesse Belgiojoso et madame Récamier.

La princesse Belgiojoso était alors au plus aigu de sa crise théologique. Lorsqu’on lui rendait visite dans son petit hôtel de la rue d’Anjou, on la surprenait d’ordinaire à son prie-dieu, dans son oratoire, sous le rayon orangé d’un vitrail gothique, entre de poudreux in-folio, la tête de mort à ses pieds ; un saint homme la quittait, le prédicateur en vogue, l’abbé Combalot ou l’abbé Cœur.

Avant que d’arriver à l’oratoire, on avait traversé une chambre à coucher tendue de blanc, avec un lit de parade rehaussé d’argent mat, tout semblable au catafalque d’une vierge. Un nègre enturbanné, qui dormait dans l’antichambre, faisait en vous introduisant dans toute cette candeur un effet mélodramatique. Jamais femme, à l’égal de la princesse Belgiojoso, n’exerça l’art de l’effet. Elle le cherchait, elle le trouvait dans tout ; aujourd’hui dans un nègre et dans la théologie ; demain dans un Arabe qu’elle couchait dans sa calèche pour en ébahir les promeneurs du Bois ; hier dans les conspirations, dans l’exil, dans les coquilles d’œufs de l’omelette qu’elle retournait elle-même sur son feu, le jour qu’il lui plaisait de paraître ruinée. Pâle, maigre, osseuse, avec des yeux flamboyants, elle jouait aux effets de spectre ou de fantôme. Volontiers elle accréditait certains bruits qui, pour plus d’effet, lui mettaient à la main la coupe ou le poignard des trahisons italiennes à la cour des Borgia. Quoi qu’il en soit. lorsqu’elle vint me voir, elle ne put cacher son dépit. On m’avait dit mourante, elle accourait à mon chevet ; elle venait me donner des soins, me disputer à la mort, me convertir à la foi : c’eût été un effet de sœur de charité ou de Mère de l’Église. Par malheur, je n’étais qu’enrhumée. Je la reçus debout. Comme elle vit que l’effet n’était ni en moi ni autour de moi, elle cessa de me rechercher, et tout se borna, entre nous, a un rapide échange de politesses.

Quant à madame Récamier, l’occasion de nous voii fut plus simple et plus sérieuse. Nous avions des amis communs. L’un d’eux, M. Brifaut, lui ayant parlé d’un travail sur madame de Staël, que je me proposais de faire, l’amie de Corinne me fit dire obligeamment qu’elle tenait à ma disposition des correspondances qui pour raient, peut-être, me servir. Nous convînmes avec M. Brifaut d’une visite à l’Abbaye-au-Bois. À quelques jours de là — c’était vers la fin du mois de mars 1849 — une après-midi, je montais les degrés humides et nombres de l’escalier en pierre qui conduisait au premier étage d’un corps de logis isolé dans la cour du couvent de la rue de Sèvres, où logeait cette beauté merveilleuse, qui avait ébloui de son éclat plus d’un quart de siècle. Je la trouvai dans un salon assez grand et d’un aspect vieux, assise à l’angle de la cheminée, sur une causeuse en soie bleue qu’enveloppait un paravent de couleur grise. Elle se leva pour venir à ma rencontre et s’avança vers moi avec l’hésitation d’une personne dont la vue est obscurcie. Elle était svelte encore et d’une taille élevée. Elle portait une robe et un mantelet noirs ; son bonnet blanc, orné de rubans gris, encadrait son visage pâle, des traits fins, un tour en faux cluveux bruns, frisés à la mode ancienne. Sa physionomie était douce, sa voix aussi ; son accueil fort gracieux, quoique embarrassé. En murmurant quelques paroles confuses sur le plaisir de me voir, elle me faisait asseoir à ses côtés ; et tout en regardant vers M. Brifaut, comme pour chercher une contenance, elle entama l’entretien sur le sujet qui m’amenait. C’était un bien grand sujet, celui-là, dit-elle ; aucun critique n’y avait encore réussi complètement, pas même M. X. ; cela m’était réservé. Mon talent était à la hauteur d’un tel sujet. Ce talent était grand, bien grand ; M. Brifaut l’avait dit, et aussi M. Ballanche, et M. Ampère encore ; M. de Chateaubriand en avait parlé un jour. Elle avait depuis longtemps le désir de me connaître ; j’avais apprécié son pauvre Ballanche[2] ; ç’avait été entre elle et moi un premier lien. « Les tendances de M. Ballanche étaient en accord avec vos idées, » reprit-elle d’une voix insinuante et hésitante. Je répondais de mon mieux ; elle se disait charmée. Quand je la quittai, elle insista de la manière la plus aimable pour fixer tout de suite l’heure d’une prochaine séance de lecture. Je vins le surlendemain, et cette fois je vins seule. Son valet de chambre m’attendait au bas de l’escalier. Les lettres de madame de Staël, dont je devais prendre connaissance, étaient disposées, par ordre de dates, sur un guéridon ; deux fauteuils auprès. Elle me fit asseoir sur l’un ; je l’aidai à s’asseoir sur l’autre.

Elle semblait plus à l’aise, et comme soulagée de n’avoir pas là un tiers pour l’observer. Elle se plaignit de sa vue très-affaiblie, et caressant de sa petite main effilée mon manchon d’hermine, dont la blancheur attirait sans doute son regard : « J’ai mis mes lunettes pour tâcher de vous voir un peu, me dit-elle ; j’entrevois une ravissante apparition, une figure pleine d’élégance… Voudriez-vous lire haut ? ajouta-t-elle avec un accent affectueux, que j’aie du moins, ne pouvant vous voir à mon gré, le plaisir de vous entendre. » Impossible de mieux dire. Je commençai cette lecture qui ne dura pas moins d’une heure, fréquemment interrompue par de douces paroles sur le charrue de ma voix, sur ses inflexions qui lui rappelaient mademoiselle Mars, etc.

À quelques questions que je lui fis sur les relations de madame de Staël avec M. de Narbonne, avec Benjamin Constant, etc. : « Oh ! me dit-elle, il ne faudrait pas parler de ces choses-là dans un éloge. Il ne faudrait pas toucher à ce côté romanesque de sa vie[3]. Madame Necker de Saussure en a dit tout ce qu’il en faut dire. » Un peu surprise de cette épithète de romanesque appliquée à la vie de madame de Staël, je me rabattis sur les détails de famille. Madame de Broglie aimait et respectait passionnément sa mère, me dit madame Récamier. Elle craignait toujours de ne pas lui plaire assez. Le mariage avec M. de Rocca, déclaré à M. de Broglie dans la dernière maladie, aurait pu l’être beaucoup plus tôt. Il n’eût pas soulevé une objection, etc. Madame Récamier me parla ensuite de personnes et de choses diverses. Elle s’informa de ma fille, obligée d’être une personne distinguée, me dit-elle courtoisement ; de mes travaux. Le nom de Lamartine arriva. Elle m’assura qu’elle l’aimait beaucoup ; qu’elle le défendait constamment auprès de ses amis, trop sévères à son égard. « C’est un artiste, » ajouta-t-elle d’un ton qui signifiait : « il ne faut pas trop le prendre au sérieux. » Quand je pris congé d’elle, elle me fit promettre de venir souvent à l’Abbaye. Je n’y retournai plus qu’une fois. J’avais vu à sa conversation qu’il n’était pas temps de dire la vérité, du moins telle que je la voyais, sur madame de Staël ; qu’il y avait dans le cercle de l’Abbaye-au-Bois une Corinne de convention et selon le monde, très-inférieure à l’autre, à la grande, à la vraie Corinne, mais à laquelle on ne pourrait toucher sans offenser beaucoup de personnes fort respectables. N’ayant aucun motif pour le faire, je renonçai à ce travail[4]. Madame Récamier mourut peu après. Elle me laissait un souvenir agréable. Pourtant je n’avais pu, en la voyant et en l’entendant, m’empêcher de faire cette réflexion qui n’était pas tout à son avantage : c’est qu’il ne fallait rien apparemment de bien extraordinaire pour avoir le salon le mieux fréquenté de Paris et pour charmer les grands hommes. Non-seulement je ne trouvais pas à madame Récamier d’esprit, au sens propre du mot, mais rien de particulier à elle[5], ni de bien intéressant. Pour langage, un petit gazouillement ; pour grâces, la cajolerie ; rien de nature et rien non plus d’un art supérieur ; rien surtout de la grande dame assurée en son maintien et qui porte haut son âge : l’hésitation dans la voix, l’hésitation dans le geste, et tout un embarras de pensionnaire vieillie[6].

Le salon de madame Récamier allait bientôt se fermer. Elle mourut dans cette même année 1849, d’une atteinte de choléra[7]. Déjà la révolution de 1848 avait eu son effet sur la vie du monde, et cet effet n’était pas, comme on peut croire, très-favorable.

Après la proclamation de la république démocratique , les salons du juste milieu prirent l’attitude qu’avaient eue les salons du faubourg Saint-Germain après la proclamation de la royauté bourgeoise. On bouda ; on eut peur ; on resserra les dépenses. Les hommes du gouvernement nouveau n’avaient ni le loisir ni la faculté d’improviser des salons. Madame de Lamartine, qui seule l’aurait pu, n’en avait pas le désir. À supposer qu’elle l’eût eu, elle était entourée d’un cercle de dames légitimistes qui lamentaient chez elle sur le malheur des temps, et ne l’auraient point aidée à reprendre les allures de la belle conversation. Quand vint le coup d’État, il n’y avait plus grand’chose à faire pour achever de déconcerter et de disperser la bonne compagnie.

Lorsque, au bout de quelques années, l’empire ramena le luxe et les fêtes, on s’aperçut que nos mœurs avaient entièrement changé, et que rien ne serait plus impossible que de faire revivre en France l’ancien esprit français.

Le monde d’autrefois n’existait plus. Se formerait-il un monde nouveau ? il n’y avait guère apparence. Sans parler des circonstances particulières à l’empire, qui s’opposaient à la formation des salons : la vie politique très-amoindrie, une cour sans ancienneté et plutôt cosmopolite que française[8] ; la condition générale des mœurs, l’instabilité des fortunes, le triompha des parvenus, le milieu ne donnait plus cette fleur délicate des loisirs aristocratiques, sans laquelle point de compagnies exquises : la grande dame.

Ni la bourgeoisie privilégiée du règne de Louis-Philippe, ni la démocratie égalitaire qui, à partir de la république, envahit et absorbe chez nous toutes choses, n’avaient le secret, le don inné, qui avaient fait de la grande dame française, pendant deux siècles, la reine des élégances européennes.

Sous le règne de Louis-Philippe, la bourgeoisie parvenue l’imita, mais gauchement ; l’importation des habitudes anglo-américaines : le club, le sport, le cigare, la lionne, hâtèrent la déconvenue des salons. Sous l’empire, dans le bouleversement des traditions, dans la déroute de toutes les anciennes fiertés, la femme qu’on ne sait comment qualifier, la femme qu’on appelle du demi-monde entra brusquement en scène, avec fracas. Ce fut elle qui donna le ton ; et quel ton ! À la place des intimités discrètes et des fines galanteries, elle apporta une familiarité brusque et criarde ; à la place du langage choisi, un argot ; à la place des élégances, les tapages de la richesse ; à la place des raffinements de l’esprit, les grossièretés de la chair !

Quand un tel monde prendra fin, et il ne saurait durer si la décadence de l’esprit français n’est pas chose fatale, on sera stupéfait du néant qu’il laissera après lui. Les habitudes sérieuses d’une saine démocratie remplaceront un jour ces déviations, ces dérèglements de notre goût national ; elles seront à leur tour en honneur, je n’en fais pas doute ; mais les grâces de la vie aristocratique, l’élégance des châteaux et des salons ne refleuriront point, telles que je les ai vues.

La démocratie française, en eût-elle un jour le loisir, ne chercherait point à les retrouver. Dans notre pays, tout ce qui est du passé semble très-vite absurde ou ridicule. À nos générations révolutionnaires, les nobles traditions sont suspectes, la courtoisie semble une gène, la politesse une hypocrisie, l’influence des femmes dans un salon paraîtrait un renversement des lois. Le démocrate français honore, en principe et dans ses écrits, la mère et l’épouse, mais, en réalité, dans sa maison, il la veut subalterne, et sans autre contenance que celle de ménagère. La femme du démocrate ne sait à cette heure ni ce qu’elle pourrait ni ce qu’elle devrait être et vouloir.

Trop humble ou trop roide, trop soumise ou trop guindée, un peu apprêtée toujours, la bourgeoise n’a point encore l’allure simple et gracieuse que donne le sentiment héréditaire d’une valeur et d’une liberté incontestées. Il faudrait beaucoup de choses que l’on n’entrevoit pas encore pour qu’elle prît à son tour une importance dans la société nouvelle, pour qu’elle y exerçât son ascendant et qu’elle ramenât en nos mœurs l’aménité. Elle le souhaite tout bas, bien qu’elle ose à peine le dire. La femme a le sentiment inné des délicatesses sociales. Même inculte, elle devine la coquetterie de l’esprit, elle inventerait le salon si on la laissait faire. J’ai vu, même au village, des finesses d’instinct, des grâces naturelles qui m’ont charmée. L’Éternel-féminin du poëte germanique ne disparaîtra jamais entièrement du milieu de nous ; mais combien il sera lent, n’y étant point aidé par un esprit chevaleresque, à pénétrer la rudesse de nos mœurs industrielles et la pesanteur de nos calculs !



FIN.

    Quant à l’impératrice Eugénie, elle avait dans sa tenue et dans sa conversation le mouvement et la familiarité des dames espagnoles, mais non du tout la manière d’être et de dire de la grande dame française

  1. Qui leur donna, où prirent-elles ce nom de lionnes ? Je ne sais. Vers la fin du xvie siècle, une demoiselle Paulet, dont parle Tallemant des Réaux, l’avait porté, « à cause, dit-il, de l’ardeur avec laquelle elle aimait, de son courage, de sa fierté, de ses yeux vifs, et de ses cheveux trop dorés. »
  2. Chateaubriand disait, lui aussi, « mon pauvre Ballanche », (Alfred de Vigny, Journal d’un poëte).
  3. M. Brifaut me dit plus tard que des lettres de madame de Staël à madame Récamier, très-intimes, très-confidentielles, avaient été déposées entre les mains de madame X. La famille, paraît-il, s’en inquiéta, les réclama. M. Brifaut les croyait détruites ; il le regrettait infiniment.
  4. On m’a conté récemment une particularité assez piquante touchant ce travail projeté et abandonné. Quand les Éloges de madame de Staël (1849) furent soumis aux académiciens, il y en eut un, le n° 12, qui parut supérieur aux autres. On allait lui décerner le prix, lorsque Alfred de Vigny crut reconnaître que ce travail était de moi ; il le dit et vanta mon style avec une très-grande vivacité. Aussitôt les immortels se ravisèrent ; et, dans la crainte de donner le prix à Daniel Stern, ils en privèrent très-injustement un excellent écrivain, et le plus académique du monde : M. Caro.
  5. Un mot me revient qui me donnerait tort. « Madame Récamier est arrivée à faire de la coquetterie une vertu », dit un jour un homme d’esprit. C’est à coup sûr une originalité curieuse et que j’aurais dû étudier avec plus de soin.
  6. Je demeurai touchée néanmoins d’un mot, le seul, qu’elle me dit très-simplement. Comme elle cherchait à se rappeler je ne sais plus quelle circonstance de sa vie d’autrefois : « C’est triste de vieillir, me dit-elle en s’interrompant ; les souvenirs deviennent confus ; mais ils restent aussi douloureux », ajouta-t-elle avec un accent profond de vérité.
  7. Elle était âgée de soixante et onze ans.
  8. Sans vouloir donner aux bruits de ville plus d’importance qu’ils n’en méritent, il faut bien dire que l’aspect de Napoléon lll n’avait absolument rien de français, et que ses manières tenaient de l’Angleterre ou de la Hollande beaucoup plus que de la France.