Mes souvenirs (Reiset)/Tome II/09

Plon-Nourrit et Cie (p. 286-315).

CHAPITRE IX

Voyage en Italie. — Luttes religieuses. — La duchesse de Gênes. — Second mariage de la duchesse de Berry. — Note à l’Empereur sur la cour de Savoie. — Origine des Bonaparte..


La guerre de Crimée me laissant des loisirs, je retournai au Lingot au mois d’août 1855. La situation en Piémont s’était encore aggravée. La lutte était de plus en plus vive entre le Saint-Siège et le gouvernement sarde. « La guerre au Piémont et aux institutions représentatives, écrivait d’Azeglio, voilà le grand mot d’ordre des monsignori et le remède à tous les maux de l’Église. » Une sentence d’excommunication avait été prononcée, et les passions se déchaînaient plus que jamais. Depuis la mort des deux reines, Victor-Emmanuel était malheureusement tout à fait abandonné à lui-même. De leur vivant elles lui donnaient du moins de bons conseils : rien ne contre-balançait plus l’influence de Rosine Vercellana. Il l’avait établie dans l’une des résidences royales, le château de Pollenzio. Il n’y avait aucune tenue à la cour. Les ministres ne se gênaient pas avec le Roi, qu’ils traitaient comme le premier venu. Pendant le séjour du roi de Portugal à Turin, un jeune gentilhomme s’était présenté devant son souverain et devant le duc et la duchesse de Brabant un cigare à la bouche ; le rouge en était monté au front de Victor-Emmanuel, qui supporta cependant cette inconvenance sans rien dire. Il ne s’habillait plus ; quoiqu’en deuil, il n’avait même pas d’habit noir. Il portait une sorte d’habit du matin gros vert ou des vestes grises. La duchesse de Brabant lui avait beaucoup plu pendant son court séjour. Il l’invita à faire une partie de campagne à Raconigi ; elle était accompagnée de Mme de Briançon, ancienne dame d’atour de la reine Adèle ; Mmes de la Rocca et d’Aglié s’y trouvaient également.

Victor-Emmanuel m’avait fait l’honneur de m’inviter. Il fut très galant pour la jeune princesse, la regardant comme d’habitude en roulant ses gros yeux. Le duc de Brabant, malade, disait-on, de la poitrine, était alors délicat de santé.

La duchesse de Gênes était revenue de Saxe, ou elle s’était rendue après la mort de son mari. Elle avait amené sa sœur, la princesse Sidonie, à qui elle s’était mis en tête de faire épouser Victor-Emmanuel. Les deux princesses habitaient ensemble le château d’Aglié. « Ma sœur a plus de tête que moi », disait la duchesse de Gênes. Dès leur arrivée, le Roi s’était empressé d’aller leur faire visite. Il avait trouvé la princesse Sidonie fort agréable, quoique un peu forte. Mais, disait-il souvent, j’aime les grosses femmes ! Cependant, en sortant, il avait ajouté : « Je n’aime pas cette maison de Saxe ; ils sont tous sans cœur. »

Pendant mon séjour en Piémont, il vint à Turin dans l’intention de faire une visite à Aglié. Mais il y eut au sujet de ce projet tant de propos qu’il y renonça. De son côté, la Vercellana, craignant qu’il ne lui échappât, arriva en toute hâte pour le ramener à Pollenzio où elle était établie. Il habitait aussi avec les jeunes princes, ses enfants, Cazotto, ancienne chartreuse achetée par Charles-Albert comme lieu de repos. La maison était située au milieu des montagnes. Elle n’avait pas de vue, mais en allant à peu de distance on apercevait la mer. C’était un séjour très salubre : le Roi y dépensait une centaine de mille francs par an pour le rendre confortable. On y avait fait transporter des vieux tableaux et des meubles du garde-meuble de Turin.

Au mois de septembre, Victor-Emmanuel tomba sérieusement malade : il fut saigné sept fois en deux jours. Il était alors à Pollenzio, auprès de Rosine. Ce malheureux prince avait une fièvre violente et se plaignait qu’on le saignât trop, ce dont s’offensa fort le docteur Riberi, qui demanda une consultation, la maladie pouvant s’aggraver d’un instant à l’autre, Le prince de Carignan ne quittait point Pollenzio, ce dont s’impatientait le Roi, qui se mettait dans des rages terribles. En cas de mort du Roi, le prince eût été régent du royaume, et il se préparait à cette éventualité. Quoique éloigné des affaires et se tenant modestement à l’écart, il s’était fait mettre au courant des événements. Il redoutait les tendances du ministère Cavour-Rattazzi, le trouble apporté par les luttes religieuses. Il déplorait le peu de cas qu’on faisait du Roi, son peu d’influence. Victor-Emmanuel se rétablit et put faire au mois de novembre le voyage de Paris et de Londres. Je quittai le Lingot le 2 octobre après y avoir passé près de deux mois. Que de souvenirs évoqués ! Que d’intéressants récits échangés ! C’est pendant mon séjour en Piémont que j’appris, de source certaine, les détails du mariage morganatique de la malheureuse duchesse de Berry.

En 1832, le comte Lucchesi-Palli était chargé d’affaires de Naples à la Haye et passait toutes ses soirées chez le comte de Waldburg-Truchsess, ministre de Prusse, qui, veuf depuis peu, n’allait pas dans le monde, mais réunissait chez lui presque journellement le corps diplomatique, du reste seule ressource de cette ville, car les personnes de ce pays vivent tout à fait retirées chez elles. Ses quatre filles faisaient les honneurs de ses salons. Le comte Lucchesi était fort occupé de la troisième fille du ministre de Prusse, Mathilde de Waldburg-Truchsess, âgée de dix-neuf ans. Il en parla à la sœur aînée de Mathilde qui se trouvait alors pour quelques mois en visite chez son père ; il déplorait son peu de fortune qui l’empêchait de se marier avant d’avoir une plus grande position. Dans ses fréquentes conversations avec les quatre sœurs, il les entretenait sans cesse de Mme la duchesse de Berry, alors en Vendée. Il témoignait un vif enthousiasme pour l’héroïque sœur de son roi qu’il disait n’avoir vue qu’une fois de loin à la cour de Naples. Elle n’est pas belle, disait-il, mais on voit bien en elle un élan de cœur, un dévouement sans bornes pour ceux qu’elle aime, pour le bonheur de son pays. Plus tard, le ministre de France à la Haye apprit le drame de Blaye et l’annonce du mariage de la duchesse. Si cette union, qui devait remonter à plusieurs mois, paraissait à tous peu croyable, elle était pour la famille de Waldburg-Truchsess tout à fait inadmissible, ayant justement dans ce temps-là vu chaque jour M. de Lucchesi-Palli loin de la France et occupé tout autrement, parlant d’une manière toute différente de celle qui aurait déjà dû être sa femme. Que croire, que penser de cette étonnante histoire ? Chacun faisait des suppositions, toutes au détriment du malheureux Lucchesi. On prétendait qu’il avait accepté deux millions pour couvrir de son nom la faute de la duchesse. Cependant ceux qui l’avaient vu de près et qui avaient apprécié son noble caractère ne l’ont jamais soupçonné ni cru capable d’une semblable conduite. Il leur était impossible de comprendre ce qui pouvait avoir eu lieu. La duchesse de Berry était accouchée dans la citadelle de Blaye d’une fille qu’elle fit baptiser sous le nom de Lucchesi-Palli. Puis elle fut rendue à la liberté et alla rejoindre son mari, ou du moins celui qui devait être cru tel. L’entrevue eut lieu à bord du bâtiment qui conduisait la princesse dans le royaume des Deux-Siciles. Lucchesi s’inclina respectueusement devant elle ; il était d’une pâleur mortelle. Au même moment la nourrice vint lui présenter l’enfant. C’en était trop : il se détourna, et la duchesse, pour mettre fin à une situation intolérable en public, se saisit affectueusement de son bras et l’entraina dans son petit salon. Là, en tête à tête, la plus pénible des explications a du avoir lieu. Une heure après, la duchesse remercia le comte de M…, son chevalier d’honneur, de ses bons services, mais lui dit que désormais, dans sa nouvelle position, elle n’en avait plus besoin.

Une année après ces événements, la comtesse du Cayla vint s’établir à Turin. Elle y rencontra la famille de Waldburg-Truchsess, à qui elle raconta tous les détails de cette triste affaire dans laquelle elle avait joué un grand rôle. Lisant dans les journaux la grossesse de la duchesse de Berry renfermée dans la citadelle de Blaye, Mme du Cayla, depuis de longues années toute dévouée à la branche aînée de la maison de Bourbon, écrivit ces quelques mots à la duchesse : « Votre situation est-elle telle qu’on la dit ? Puis-je sauver votre honneur ? Sinon, je me prosterne à vos pieds pour vous demander pardon de l’impardonnable proposition que mon zèle à toute épreuve a osé vous faire. » Ces lignes furent envoyées par un messager subalterne très adroit qui put s’introduire dans la citadelle. La réponse ne se fit pas attendre « J’accepte le mari que vous m’avez choisi. » Avant de faire cette proposition, Mme du Cayla s’était occupée de la manière de la réaliser. Elle avait vu souvent à la Haye, où elle avait fait un séjour, le comte Lucchesi et l’avait entendu parler avec enthousiasme de la duchesse de Berry. Elle jeta les yeux sur lui et lui fit faire les premières ouvertures par le missionnaire Mary qu’elle apprit être son confesseur. C’était un homme d’un grand zèle et d’une éloquence très persuasive.

Mme du Cayla présenta ce mariage au missionnaire comme un acte de la plus sublime charité chrétienne, un sacrifice accompli pour l’amour du prochain, l’engageant à en parler à Lucchesi comme d’un acte d’héroïque chevalerie dans le but de sauver l’honneur d’une femme qui était la sœur de son roi et qui n’avait sans doute succombé que malgré elle au milieu de sa vie aventureuse, bravant tout pour son pays. Cet ecclésiastique était un jeune homme enthousiaste, et Mme du Cayla était une femme aussi spirituelle qu’adroite. Bref, Lucchesi accepta. Mais à peine le oui prononcé et la lettre pour Blaye partie, il fut au désespoir. Il n’y avait plus moyen de reculer. Il fut entouré, persuadé de toutes manières. Néanmoins, plus le temps avançait, plus il avait horreur du sort qui l’attendait, d’autant plus qu’il apprit qu’on soupçonnait le comte de M…, homme déjà d’un certain âge, d’être le père de l’enfant qu’il devait reconnaître par son mariage. Chaque jour cette union lui devenait plus odieuse. Il exigea que du moins M. de M… quitterait le service de la duchesse, car il apprit ce qui confirmait ses soupçons que pendant le séjour de la duchesse en Vendée, son chevalier d’honneur couchait toujours, par mesure de sûreté, en travers de sa porte. Il fut fort mécontent quand il aperçut M. de M… à bord du bâtiment lors de sa première entrevue avec la duchesse, et il exigea son éloignement immédiat. Aussitôt arrivé à terre, il épousa la duchesse de Berry aussi secrètement qu’il fut possible. L’enfant mourut peu de temps après. Par la suite ce mariage fut heureux. Lucchesi eut bien à essuyer de la part de sa royale épouse des scènes de jalousie peu méritées. Il eut d’elle plusieurs enfants qui portèrent hautement et très honorablement le nom de leur père avec le titre ducal della Grazia.

L’Empereur m’avait autorisé à lui adresser mes impressions de voyage sur la situation de la cour de Turin. Je ne manquai pas de le faire en lui envoyant le 4 septembre 1855 une chronique aussi complète que possible.


Rapport à l’Empereur pendant un congé passé en Piémont.


« Atona, le 4 septembre 1855.

« Le Piémont, que j’avais laissé en 1852 hésitant dans le choix de la voie politique qu’il suivrait, s’est laissé entrainer dans l’ornière révolutionnaire sans qu’on sache encore comment il pourra être arrêté sur la fatale pente où il est placé. Une presse outrée et insolente, ne craignant rien et ne respectant personne, un gouvernement et une chambre des députés complices de cette presse ou en subissant l’influence, une guerre acharnée faite au clergé, les sentiments religieux et le principe d’autorité s’affaiblissant de plus en plus, des finances obérées et les populations se débattant sous le poids d’impôts mal assis, toutes les folles espérances de 1848 renaissant à la suite de la guerre avec la Russie et du traité d’alliance conclu avec nous, tel est l’aspect que présentent aujourd’hui les États sardes.

« Pour remédier à cette situation, on avait compté tour à tour sur le Roi, sur le Sénat, sur quelques hommes d’État, d’une capacité et d’une honnêteté reconnues ; mais ils n’ont jusqu’ici répondu, ni les uns ni les autres, aux espérances qu’on avait placées en eux.

« Le roi Victor-Emmanuel, disait-on il y a quelques années, lorsque la fougue des passions de la jeunesse sera passée, reviendra sans doute aux choses sérieuses et prendra goût aux affaires publiques ; il sentira combien il importe à sa considération actuelle vis-à-vis de l’Europe et de ses propres sujets, à l’honneur de son nom dans l’histoire et à l’intérêt de sa dynastie, de tenir lui-même les rênes du gouvernement au lieu de les laisser passer successivement entre des mains ou suspectes ou d’une fidélité non encore éprouvée. Ces espérances acquirent une nouvelle force au commencement de cette année, quand la mort visita quatre fois, coup sur coup, la famille royale et enleva au Roi sa mère, sa femme, son frère et un de ses enfants. Il paraissait impossible que ces épouvantables malheurs accumulés en si peu de temps l’un sur l’autre ne fussent pas regardés par Sa Majesté comme un avertissement venu d’en haut pour la ramener par l’adversité aux sentiments de ses devoirs de roi. On assurait déjà qu’elle avait vu le doigt de Dieu dans ces catastrophes et que, bien résolue de briser avec sa vie passée, elle allait non seulement réformer sa conduite, mais encore reprendre l’exercice de son autorité souveraine pour mettre un terme aux funestes tendances de son gouvernement et à la démoralisation du pays qui en est la conséquence. On se confirma dans cette opinion lorsqu’on sut que c’était lui qui avait exigé que la discussion de la loi sur les couvents fut suspendue au Sénat, qu’il était tout disposé à accepter sur cette question les bases de l’arrangement proposé par les évêques du Piémont au nom de la cour de Rome, et qu’il n’avait pas hésité à accepter la démission du cabinet afin de rendre cet arrangement possible. L’illusion fut de courte durée. Le Roi, ennuyé des difficultés que rencontrait la formation d’un nouveau ministère qui eut le concours de la Chambre des députés et n’ayant pas le courage de dissoudre celle-ci, rappela les ministres démissionnaires et leur rendit toute sa confiance. Il leur suffit pour calmer ses scrupules de promettre qu’ils appuieraient les modifications que le Sénat proposerait à la loi sur les couvents et qu’ils représentaient à Sa Majesté comme étant de nature à ôter au Saint-Siège tout prétexte de plaintes. Fatigué de l’effort qu’il venait de faire pour résister à ses ministres, le Roi retomba plus que jamais sous leur tutelle. Il ne prend plus, comme par le passé, d’autre part aux affaires que celle qu’ils veulent bien lui indiquer. Une chose néanmoins le préoccupe beaucoup en ce moment, c’est la guerre de Crimée. Elle a réveillé son ardeur martiale. Il voudrait rafraîchir les lauriers qu’il a conquis sur les champs de bataille de la Lombardie. Son plus grand regret est que son titre de roi ne lui permette point d’aller commander en personne le contingent qu’il a donné. Noble sentiment sans doute, mais que l’on apprécierait bien davantage s’il lui faisait sentir que, faute de pouvoir aller acquérir une nouvelle gloire militaire dans des régions lointaines, il a un autre rôle non moins beau à remplir dans son royaume même, c’est-à-dire de le gouverner, de le rendre heureux et content, sans en compromettre l’avenir. Avec son ancienne indifférence, je dirais presque son aversion pour les affaires publiques, le Roi a repris ses vieilles habitudes comme homme privé. Partageant son affection entre sa double famille, ce n’est pas la partie légitime qui semble en avoir la meilleure part. Son ancienne maîtresse Rosine Vercellana a su garder son empire sur le cœur du Roi au milieu des ébranlements qui auraient dû le détruire. C’est auprès d’elle qu’il passe autant que possible la majeure partie de son temps. Comme elle le suit partout, comme elle a un logement partout où il est, elle n’a pas à craindre les effets de la séparation, et quant aux influences qui lui sont contraires, elles sont annihilées par l’influence bien plus grande qu’elle possède elle-même. À part le lien de deux enfants issus de leurs relations, — un garçon et une fille, âgés de six et sept ans, et qui sont, dit-on, d’une grande beauté, — on ne comprend pas que le Roi, qui a toujours été assez léger et frivole en amour, aimant surtout le changement, se soit ainsi attaché à elle. Fille d’un ancien tambour-major qui a servi dans l’armée française et qui fait aujourd’hui partie de la garde du corps, composée exclusivement de vieux sous-officiers, Rosine (c’est le seul nom qu’on lui donne ici) avait déjà gagné le cœur du Roi longtemps avant qu’il montât sur le trône. Pendant la campagne de Lombardie elle le suivait sur les champs de bataille habillée en homme. Elle a peu d’esprit naturel, aucune grâce dans sa personne, dans son maintien, dans sa voix. Toute sa beauté consiste dans des formes arrondies et bien proportionnées et dans une fraîcheur qui se conserve encore malgré ses trente-cinq ans. Sa figure est commune, mais pleine de vivacité. L’expression de son regard et de ses traits annonce beaucoup de résolution et de volonté. C’est sans doute à la force de son caractère qu’elle doit d’avoir pu prendre de l’empire sur le cœur du Roi et de le conserver à travers les nombreuses infidélités de son royal amant et malgré les efforts incessants de toute la cour pour le détacher d’elle. Avertie par le dédain général dont elle est l’objet qu’elle ne pourra jamais se faire accepter de la bonne compagnie, ni composer sa société de personnes bien nées, elle leur a voué une haine implacable. Elle ne néglige aucune occasion d’indisposer le Roi tantôt contre l’un, tantôt contre l’autre de ses meilleurs serviteurs. La défiance qu’elle sème autour de lui rétrécit de plus en plus le cercle dès personnes très honorables qui vivaient dans son intimité et le jette dans la société des gens sans nom et sans aveu qui entourent habituellement sa maîtresse. Cette femme se croit tellement sûre de son ascendant qu’à l’époque de la mort de la belle et si respectable reine Marie-Adélaïde, elle ne craignait pas de dire : « Il ne me faudra que six mois pour prendre sa place. » Ce propos, révélant l’ambition de la Vercellana, démontre que, si le Roi n’en était pas complice, il n’avait rien fait non plus pour la décourager. Néanmoins personne ne croit ici qu’il soit disposé à la seconder jusqu’au point de contracter avec elle un mariage même morganatique. Pour assurer l’avenir des deux enfants qu’il a eus d’elle, il lui a acheté, il est vrai, une maison de campagne nommée Millefiori, située sur la route de Stupinis, et une maison à Turin. Le bruit du mariage de cette femme avec un employé du gouvernement avait même couru il y a quelques mois ; on est persuadé que le Roi serait heureux de s’en débarrasser en la mariant. Malheureusement il n’en est pas encore tout à fait ainsi, car, bien que depuis la mort des deux reines il semble par moments rougir de conserver les mêmes relations avec sa maîtresse, il n’est pas moins assidu auprès d’elle et ne lui témoigne pas moins d’affection.

« L’éloignement dans lequel le Roi se tient des affaires, bien qu’à chaque instant on lise dans les journaux qu’il a présidé le conseil des ministres, est d’autant plus déplorable que l’intervention de son autorité souveraine pourrait guérir immédiatement les plaies morales qui affligent son royaume et qui, si l’on n’y met promptement remède, menacent de s’élargir et de se multiplier de plus en plus. Pour longtemps encore le Roi sera en Piémont le maître de la situation. Il lui suffirait de vouloir pour donner à son gouvernement telle forme qui lui semblerait plus adaptée à l’état général du pays et pour faire à ses institutions les changements que commandent les circonstances et l’expérience. Le renversement même complet du statuto n’amènerait ici aucun désordre. On pourrait faire un coup d’État sans avoir besoin de tirer l’épée. À plus forte raison le pays resterait-il tranquille si le Roi usait enfin de l’autorité que la constitution même lui donne pour mettre un terme à des abus que la grande majorité de la nation, toujours si noble et honnête, condamne et maudit. Pour obtenir ce résultat il suffirait que le Roi le voulût, mais, à moins de quelque événement inattendu, Victor-Emmanuel n’aura pas la force de vouloir et laissera faire.

« Après le Roi, c’est le Sénat qui pourrait le plus facilement mettre un frein aux tendances révolutionnaires du gouvernement. Composé de grands propriétaires et d’hommes éminents dans toutes les branches de l’administration, il réunit dans son sein les plus grands noms, les plus grandes fortunes et les plus grandes capacités du pays. Il semblerait donc devoir être entièrement conservateur par sa nature et avoir l’indépendance nécessaire pour remplir le rôle indiqué par son institution même. Je suis loin de prétendre que ce corps n’ait pas rendu des services, mais en général il a le défaut de viser toujours aux termes moyens. Au lieu de rejeter dans leur ensemble telle et telle loi que la Chambre des députés a votées sous l’influence du parti révolutionnaire, il ne s’attache qu’à en atténuer la force ou la signification. Il n’ose pas porter la cognée à la racine même du mal et se contente d’employer des palliatifs quand il devrait appliquer les spécifiques. Cette timidité a plusieurs causes. Parmi les sénateurs, ceux qui, par leur nom, leur fortune, leurs antécédents, pourraient acquérir une influence prépondérante auprès de leurs collègues, se tiennent généralement à l’écart ou participent bien peu aux travaux de la Chambre. Les uns sont affaiblis par l’âge, d’autres sont trop compromis vis-à-vis de tel ou tel parti pour pouvoir les dominer tous. Ceux-ci sont fonctionnaires publics et craignent de compromettre leur position par des actes d’indépendance ; ceux-là sont arrêtés dans leurs bonnes intentions par la frayeur que leur inspirent les sarcasmes de la presse aujourd’hui libre de tout dire. Enfin, dans les cas où toutes ces causes réunies d’affaiblissement ne semblent pas au gouvernement une garantie suffisante de la docilité et de la complaisance du Sénat, il fait une fournée de sénateurs. Cela a lieu infailliblement toutes les fois qu’il s’agit de faire passer une loi qu’on sait d’avance devoir rencontrer une opposition sérieuse. Par ces fournées le ministère obtient le double but qu’il a en vue, c’est-à-dire de se rendre le maître des délibérations de la haute Chambre et de la placer dans une position secondaire par rapport à la Chambre des députés. Quant à celle-ci, pour comprendre comment il se fait que depuis la proclamation du statuto l’élément révolutionnaire s’y est toujours trouvé en majorité, il suffit de jeter les yeux sur la loi électorale piémontaise. Cette loi a été faite sur le modèle de celle qui existait en France avant la révolution de 1848. Elle en a reproduit tous les défauts. En créant des chefs-lieux électoraux en nombre égal à celui des députés, elle a favorisé les électeurs des villes au détriment de ceux des campagnes et laisse ainsi les élections à la merci des meneurs toujours plus nombreux dans les grands centres de population. En effet, dans les provinces, la plupart des électeurs, obligés de faire plusieurs lieues pour pouvoir user de leur droit, préfèrent s’en abstenir, retenus qu’ils sont par leurs affaires, par la crainte de la dépense et aussi par l’apathie qu’ont généralement les habitants des petites localités pour tout ce qui ne se rattache pas aux intérêts de leur clocher. Il s’ensuit que la partie la plus saine, la plus tranquille de la population, prenant peu de part aux élections et laissant le champ libre à la partie corrompue et turbulente, celle-ci reste maîtresse de la composition de la Chambre des députés, qui se trouve ainsi représenter, non la nation entière, mais un seul parti, et celui-là même qui a le moins de sympathie et de racines dans le pays. Néanmoins, depuis quelque temps, on paraît se raviser. La plupart des élections partielles qui ont eu lieu dans le cours de la présente session ont été contraires au cabinet et ont fait entrer quelques-uns de ses plus irréconciliables ennemis dans la Chambre des députés. Mais ce changement de dispositions provient bien moins d’un retour au sentiment de l’ordre que du dépit occasionné par les derniers impôts, dont il est pourtant injuste de faire retomber l’odieux sur l’administration actuelle.

« Les hommes d’État sur lesquels le pays comptait le plus pour l’avenir se sont rendus impossibles par leur opposition à l’accession de la Sardaigne au traité d’alliance. Sans cette opposition le ministère Cavour-Rattazzi aurait pu faire place à un ministère Revel. Maintenant, tant que la guerre durera, le sentiment national ne permettra pas que les hommes qui s’y sont opposés prennent les rênes du gouvernement. La France, de son côté, ne pourrait voir ce changement de bon œil. Ce n’est pas, néanmoins, que notre influence se soit accrue ici à la suite du traité d’alliance. Loin de là. Tout ce que j’ai vu et entendu depuis mon retour en Piémont m’a donné la certitude que, si nous avions été seuls à faire la guerre à la Russie, nous n’aurions pas obtenu un seul homme du gouvernement sarde. C’est à l’Angleterre et non à nous que le contingent de quinze mille hommes a été donné. Cela est si vrai que depuis le traité d’alliance le cabinet de Turin ne nous a montré ni plus de confiance, ni plus d’amitié que par le passé. Il est toujours aussi récalcitrant à satisfaire nos plus justes réclamations. Nos nationaux ne jouissent pas de plus de faveurs auprès de lui ; bien au contraire, la qualité de Français semble appeler les rebuffades et les vexations. Je pourrais citer à l’appui de ce que j’avance une foule de faits récents. Votre Majesté me permettra de lui en indiquer quelques-uns. M. Darondeau, Ingénieur en chef du département de la Seine, chargé d’une mission scientifique en Italie et porteur d’un passeport diplomatique délivré par le ministère des affaires étrangères, traverse le Piémont pour se rendre en Lombardie. Il avait oublié de faire viser son passeport par le ministère des affaires étrangères de Turin ; voilà que, arrivé à Novare, c’est-à-dire à quelques pas de la frontière et sur le point de sortir du royaume, la police lui barre le chemin et le force à suspendre son voyage jusqu’à ce que son passeport soit revenu de Turin où il a du le renvoyer.

« Le gouvernement sarde, qui est si indulgent pour les réfugies français et qui montre tant de répugnance à prendre les mesures que nous avons occasion de lui demander à leur égard, est par contre fort sévère vis-à-vis des autres Français qui habitent ses domaines. Pour le moindre soupçon, pour la moindre peccadille, ils sont expulsés sans pitié. C’est ainsi qu’il y a peu de jours on a renvoyé de Chambéry un homme fort paisible, fort honorable, M. Gault, dont le seul tort était de contribuer à la rédaction du Courrier des Alpes, journal qui passe pour être le principal organe du clergé de la Savoie et du parti conservateur. Le recrutement militaire, le service de la garde nationale, l’obligation de demander l’autorisation pour exercer certaines professions, l’impôt sur les patentes, l’application des lois de douane et de celles de la santé maritime, tout devient entre les mains des autorités sardes un moyen de tyranniser nos nationaux. Aussi nos agents sont-ils continuellement assaillis de plaintes et doivent-ils à chaque instant s’interposer auprès du gouvernement pour obtenir justice.

« Un ancien ministre de ce pays, à qui je témoignais mon étonnement d’un tel état de choses, me répondit par des observations que je demande la permission de répéter à Votre Majesté. — Votre gouvernement, me disait-il, s’est attaché à dompter la révolution ; le nôtre, au contraire, la suit et la seconde. La diversité des principes qui existe entre eux a naturellement produit l’opposition dans les sentiments. Le parti libéral ne vous aime pas parce qu’il vous craint, le parti rétrograde se méfie de vous et place dans l’Autriche seule toute sa confiance. Quant à l’accession de la Sardaigne au traité d’alliance, tenez pour certain que les ministres y ont consenti non parce que vous étiez, mais bien quoique vous fussiez l’une des parties contractantes. D’ailleurs, cette accession a rencontré peu de sympathie dans les masses, qui ne comprennent point le but de la guerre et qui craignent surtout qu’elle n’amène un nouvel accroissement d’impôts. Dans les classes éclairées les avis étaient partagés, mais en général ils étaient contraires à l’accession. On se demandait s’il ne valait pas mieux, même au point de vue des intérêts de la France, attendre que l’Autriche se fut prononcée et laisser l’armée sarde intacte chez elle tant que cette puissance aurait tenu la même conduite équivoque. On se disait aussi que l’accession du Piémont au traité d’alliance pourrait avoir pour effet d’en éloigner le cabinet de Vienne au moment même où l’on avait le plus d’espoir de l’y faire entrer. Ce qui est certain, c’est que l’Autriche a aujourd’hui un prétexte de plus pour ne pas s’unir à vous ; c’est sa répugnance naturelle à combattre côte à côte avec une armée qu’elle sait avoir été formée contre elle et à voir se mêler aux négociations de ses plénipotentiaires les envoyés d’un roi qui convoite les plus belles de ses provinces et dont le voisinage l’oblige, bien plus que la crainte d’une révolte, à entretenir à grands frais dans le royaume lombardo-vénitien une grosse armée presque toujours sur le pied de guerre. Ne croyez pas cependant que vous n’ayez pas aussi votre parti en Piémont. Ce pays a gardé précieusement le souvenir de votre administration quand il vous appartenait, et encore aujourd’hui il n’est pas rare, chez le peuple, d’entendre dire avec un ton de regret : Du temps des Français les choses allaient bien autrement. L’italianisme n’a point pénétré dans les masses, et, si l’occasion s’en présentait soyez sûr qu’elles se jetteraient avec empressement dans vos bras. On le sait, et de là viennent en partie les craintes que vous inspirez.

« Quelque déplorable que soit la situation morale du Piémont, il ne faut pas néanmoins désespérer de son avenir. Peut-être même pour le ramener dans la voie de l’ordre se forme-t-il en ce moment les éléments nécessaires. On m’assure que le chef du cabinet, le comte de Cavour, qui est aujourd’hui la plus haute puissance parlementaire du pays, commence à se repentir de s’être associé un ancien membre du ministère démocratique, l’avocat Rattazzi, le promoteur principal de la loi sur les biens du clergé. Dans le cas d’une scission entre ces deux hommes, la victoire resterait nécessairement au comte de Cavour et serait le signal d’un rapprochement de celui-ci vers la droite constitutionnelle. Si cette éventualité s’accomplissait, le nouveau cabinet serait le plus fort de tous ceux qui ont existé depuis 1848, et il pourrait par conséquent opérer successivement, sans avoir à surmonter trop d’obstacles, les réformes législatives et réglementaires les plus indispensables pour arrêter le pays sur la pente révolutionnaire. La cour de Rome, dès qu’elle saurait que les hommes du gouvernement sarde ne lui sont plus hostiles par système, deviendrait sans doute plus traitable, et le clergé ne montrerait plus la même répugnance à faire les sacrifices pécuniaires qu’on lui impose. On se rapprocherait de part et d’autre, et les bases d’un concordat seraient bientôt jetées, surtout si le Piémont demandait à la France le bienfait de sa médiation et de son arbitrage. La France aurait plus que toute autre puissance l’influence nécessaire pour faire accorder au Piémont ce qu’elle a obtenu elle-même au commencement de ce siècle.

« L’envoi du contingent sarde en Crimée peut aussi, dans un avenir peu éloigné, produire d’excellents effets pour le Piémont, en dehors des autres avantages qui en résulteront pour lui. Les fatigues et les dangers que le contingent est allé braver, les succès qu’il partagera avec nous effaceront la tache de Novare et rendront à l’armée sarde le prestige moral qui ennoblit la force matérielle. Son général Alphonse de La Marmora, qui jouit déjà de l’estime générale dans son pays et qui ne s’est pas encore compromis avec aucun parti, pourra aspirer à jouer le premier rôle près de son souverain et l’aider au besoin à rétablir son autorité et à la faire respecter.

« Pour aider les éventualités favorables qui se présentent dans un avenir encore incertain, il serait fort utile, je crois, que le roi Victor-Emmanuel mît à exécution le projet qu’il avait formé de faire un voyage à Paris. La considération qui le retient d’exécuter ce projet est la crainte de ne pas recevoir le même accueil que la reine d’Angleterre. Bien que Victor-Emmanuel soit plus à l’aise dans une partie de chasse que dans les pompes d’une réception, il a néanmoins à un trop haut degré le sentiment de la fierté de sa maison et de son rang pour ne pas être jaloux des honneurs plus grands qui auraient été faits à une autre tête couronnée, quelle que soit la différence de puissance. C’est ainsi qu’il raisonne. Allié à la France comme la reine d’Angleterre, il serait profondément blessé s’il n’était pas reçu avec les mêmes marques d’empressement et avec la même solennité. La tranquillité profonde dont notre immense capitale et toute la France jouissent aujourd’hui, comparée aux secousses auxquelles elle était naguère en proie ; le développement et l’essor qu’ont pris notre industrie et notre commerce depuis le retour de l’ordre ; la solidité acquise en si peu d’années par le gouvernement le respect qu’il inspire aux populations, tout cela ne pourrait manquer d’agir sur l’esprit du Roi et de le faire réfléchir sur les causes qui ont créé ces résultats. Ses conversations avec l’Empereur et nos hommes d’État feraient le reste.

Mais ce qui serait le plus important serait de trouver me moyen de placer auprès du Roi une personne digne de sa confiance et capable de la gagner. Si la défunte reine avait joint aux grâces de sa personne et à ses vertus un peu d’énergie dans le caractère, elle aurait eu sur l’esprit et le cœur de son mari l’ascendant qu’elle a laissé prendre à l’une de ses maîtresses. Elle se serait attachée à le ramener sans cesse à la pensée de ses devoirs de roi et n’aurait point souffert auprès de lui d’influence égale à la sienne. Malheureusement ce rôle était au-dessus des forces de la sainte reine Marie-Adélaïde, qui ne savait que se résigner et gémir en secret. Aujourd’hui il se présente une circonstance favorable pour engager le Roi à contracter un second mariage et à briser ainsi avec sa maîtresse. La duchesse de Gênes, Élisabeth de Saxe, de retour de son voyage à Dresde, a amené avec elle la princesse Marie-Sidonie, née le 16 août 1834, sa sœur, et fille comme elle de l’excellent roi de Saxe actuellement régnant. Cette princesse avait été un moment recherchée par l’empereur d’Autriche. Ayant reçu l’éducation la plus complète, elle a beaucoup d’instruction. Son intelligence est élevée et son esprit solide. Mais ce qui la distingue surtout, c’est une grande fermeté dans le caractère. Elle a en outre le genre de beauté qui plaît au Roi ; toutes ces qualités réunies et sa présence ici semblent la désigner à son choix et font désirer à ses vrais amis qu’elles appellent son attention sur elle. La maison de Saxe ayant fait preuve dans un autre temps d’un grand attachement pour la France, ne serait-il point d’une bonne politique de raviver ces souvenirs en contribuant à la réussite d’un projet qui pourrait lui être agréable ? Je le souhaite bien personnellement pour l’honneur du Roi auquel je suis resté profondément attaché. On pourrait espérer que la nouvelle reine ferait passer dans l’âme de son mari l’énergie et la force qui lui manquent, dirigerait les bonnes inspirations de son cœur, marquerait un meilleur but à sa loyauté. Les choses changeraient alors de face, car pour longtemps encore, je le répète, la volonté du Roi sera toute-puissante dans les États sardes, surtout s’il est le premier enfin dans ses États à donner le bon exemple du respect chrétien des mœurs en famille.

Ces projets de mariage me rappellent que sur la demande de Massimo d’Azeglio, alors président du conseil, j’ai eu l’occasion autrefois, pendant que j’étais chargé d’affaires à Turin, de rendre un grand service au Roi qui s’était compromis pendant la guerre avec une dame française, son alliée, qui avait gardé sa correspondance la plus désordonnée. Je n’ai jamais voulu la lire ; mais je l’ai connue par Massimo d’Azeglio qui me remit le billet par lequel Victor-Emmanuel avait fait appel à son dévouement[1]. Je fus assez heureux pour lui faire rendre toutes ses lettres, en l’engageant toutefois à ne plus recommencer ce scandale, attendu qu’en portant le collier de l’Annonciade où se trouve le mot F.E.R.T., qu’on traduit en latin en l’honneur de la prise de Rhodes par un de ses valeureux ancêtres : Fortitudo Ejus Rhodum Tenuit, on ne manquerait pas, en ce moment où il fait tant parler de ses maîtresses, de rappeler comme avertissement l’autre sens que les méchants lui donnent aussi si souvent Fæmina Erit Ruina Tua. »

C’est également pendant mon séjour à Turin que je trouvai la confirmation de la tradition d’après laquelle la famille Bonaparte serait d’origine toscane. Son berceau serait la petite ville de San Miniano, dans une belle campagne où croissent d’eux-mêmes les myrtes et les lauriers, ce qui a inspiré bien des flatteries aux généalogistes complaisants du premier empereur. Cette famille de gentilshommes aisés y vivait depuis deux cents ans environ, lorsque l’un d’eux vendit sa maison pour s’établir en Corse. Cette maison est devenue le palais Pini. Une autre branche qui continua à résider à San Miniano possédait également une maison où mourut en 1804 le dernier des Bonaparte toscans, chanoine régulier, très honoré de ses compatriotes pour ses lumières et sa probité. Il avait reçu la visite de Joseph Bonaparte, son cousin corse, qui l’appelait mon oncle, quoiqu’on ne sût pas exactement quel était le degré de parenté des deux branches.

  1. Lettre de Victor-Emmanuel, à l’occasion de l’incident de Mme de Boisgarin :

    « Carissimo Massimo,
    « Faccia il piacere di venire alle 6 1/2 pe notte ; cose importanti da dire. Confido sembre nell’amicizia infallible.
    « Vostro affezionato
    Vittorio-Emanuele. »


    Très cher Massimo,

    Faites-moi le plaisir de venir ce soir à six heures et demie pour choses importantes à vous dire. Je me confie toujours dans votre amitié infaillible.

    Votre affectionné
    Victor-Emmanuel.