Mes paradis/Les Îles d’or/Oui, femmes, notre corps au pourchas de votre âme


XVI


Oui, femmes, notre corps au pourchas de votre âme
Lâche toute sa meute après ce cerf qui brame,
Et la chasse se rue au plus profond du bois ;
Car votre âme a pour fort votre corps aux abois ;
Mais c’est notre âme aussi qui galope et la mène,
Cette chasse où prend part toute la bête humaine,
Où chacun à la fois est gibier et chasseur,
Où l’on se cherche, où l’on se perd, dans l’épaisseur
Des fourrés, à l’assaut des brûlantes collines,
Au creux des ravins, noirs d’ajoncs en javelines.
Par les rocs, les ruisseaux, les landes, les étangs,
Parmi les bonds fougueux des chevaux haletants,
Leurs naseaux enflammés, leur crinière qui vole,
Le hourvari des chiens roulant en trombe folle,

L’appel des cuivres, les taïauts des rabatteurs,
Les jurons, les vents chauds pleins de chaudes senteurs,
Jusqu’à temps que le cerf, dont l’œil sanglant s’effare,
Tombe, tandis qu’enfin sonne à toute fanfare,
Pour servir la curée à l’âme comme au corps.
L’ululant hallali que clangorent les cors.