Mes paradis/Les Îles d’or/Et donc sois d’ici proscrite


XV


Et donc, sois d’ici proscrite,
Jeûneuse qui te repais
De vent, de mots, de respects,
Fausse pudeur hypocrite !

Arrière vos froids ciseaux,
Vous, les platoniques zèles !
Oui, les anges ont des ailes ;
Mais c’est en plumes d’oiseaux.

Les plus suaves corolles,
Au plus idéal carmin,
On les cueille avec sa main
Et non avec des paroles.


On est bien forcé d’oser !
De la caresse démente
Déjà tout le vin fermente
En l’eau du chaste baiser.

Qu’on veuille plus, c’est dans l’ordre.
Le dehors mène au dedans.
Les lèvres sont près des dents.
Les dents sont faites pour mordre.

Le désir qui se cachait
Se montre vite délire.
Peut-on jouer de la lyre
Sans la frapper de l’archet ?

Foin de la face blêmie
Où le sang jamais ne bout !
Il faut aller jusqu’au bout
De l’amoureuse alchimie.

Il faut ne pas avoir peur
Qu’enfin la chaudière éclate.
L’explosion écarlate
Sort du bleu de la vapeur.


Que le platonique triste
Se contente de songer !
Toi, qu’allèche le danger,
Agis, vaillant alchimiste !

Dans l’œuvre qui s’accomplit,
Ta pierre philosophale
A pour soufflet la rafale,
Pour creuset le creux du lit.