Mes paradis/Dans les remous/Ballade antimétaphysique


XCI

BALLADE ANTIMÉTAPHYSIQUE


Pourquoi tenter le ciel immense
Dont nul jamais n’est revenu ?
Pourquoi ce désir de démence,
D’absorber en toi, contenu,
Le contenant ? C’est saugrenu.
Tu te crois aigle et n’es qu’une oie.
Reste à terre, trotte-menu.
Dans son propre cœur on se noie.

De ton toi, lamentable manse
Où tu vis comme un détenu,
À peine as-tu l’accoutumance,
Et tu fais ce rêve cornu
De voguer, lourd esprit charnu,

Au gouffre où l’infini tournoie
Éternellement continu !
Dans son propre cœur on se noie.

Tenir le fruit et la semence
De tout dans ton poing si ténu,
Voilà ton espoir. Mais commence
Par toi-même, pauvre ingénu.
À s’étudier, soi, tout nu,
Que de jours en vain l’on journoie !
Et de quoi s’est-on souvenu ?
Dans son propre cœur on se noie.

ENVOI

Prince, alchimiste au front chenu,
L’or du ciel point ne se monnoie.
Tu veux plonger dans l’inconnu ?
Dans son propre cœur on se noie.