Mes mémoires (Groulx), tome IV/vol. 7/Activité sacerdotale

Fides (p. 195-211).

IX

ACTIVITÉ SACERDOTALE

Est-ce Claudel ? Est-ce Henri Massis ? Est-ce Barrès ? — C’est plutôt Barrès, je crois, — qui nous a décrit quelque part les tiraillements intérieurs et même l’angoisse d’un prêtre contraint à choisir ou à ne pas choisir entre son métier d’intellectuel et son activité sacerdotale. Je le confesse sans pudeur : j’ai connu quelque chose de cette angoisse. J’ai toujours gardé une profonde nostalgie de mes années de Valleyfield où, à mon enseignement, je pouvais joindre la direction spirituelle de beaucoup de jeunes gens. Pour une joie pleine et même surabondante, quoi de comparable au spectacle d’une jeune âme qu’on voit s’épanouir, de jour en jour, dans la foi et l’amour du Christ ! J’ai connu là ce que l’on peut appeler la culture des âmes : occupation normale du prêtre. Entré à Montréal en 1915 et pour y accomplir les fonctions que l’on sait, je me suis senti fortement désorienté ; il me semblait qu’on m’arrachait un peu à mes racines. Ma seule consolation fut de m’acquitter en définitive d’un devoir d’état que je n’avais pas choisi : celui-là que m’avaient imposé mes chefs ecclésiastiques. Autant que je l’ai pu, dans mes nouvelles fonctions, je me suis efforcé de ne jamais oublier — hommage qu’on m’a quelquefois rendu — ma qualité de prêtre. Je ne l’ai pas oubliée, même en mes travaux d’historien, bien persuadé que cette qualité n’entrave en rien ni l’objectivité, ni l’impartialité historiques, quoi qu’en ait pensé récemment un religieux qui voudrait bannir les prêtres de ce métier où ils ne pourraient qu’infléchir dangereusement l’histoire, comme si le laïc, l’agnostique, l’athée n’en pourraient faire autant !

En vérité cependant, et je le dis dans toute la sincérité de mon âme, je ne me suis jamais senti si heureux qu’aux rares, trop rares moments de ma vie où l’occasion me fut fournie d’aborder directement le problème religieux, de parler du Bon Dieu, de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de l’Église. Quelques invitations viennent au-devant de mes désirs. J’écris des articles, je prononce des sermons ou conférences ; je prêche quelques retraites. Cette dernière forme de prédication m’enchante : trois jours, huit jours passés à ne prononcer que la parole de Dieu, à ne vivre qu’en pleine atmosphère surnaturelle. Sur la fin de ma vie, souvent ai-je souhaité que, ma carrière achevée à l’Université, je me donnerais enfin à cette forme d’action ; je rachèterais tant d’efforts perdus, tant de pas courus en dehors de la voie sacerdotale. Hélas, le Bon Dieu l’entendait autrement. Des accidents de santé trop vite redoublés m’enlevèrent les moyens et les forces d’un tel ministère.

Articles de caractère religieux

Parmi les écrits ou articles de caractère religieux que je retrouve en cette période de 1940-1950, il en est un du Quartier latin, journal des étudiants de l’Université de Montréal, qui paraît être de l’année 1940. Le croira-t-on ? On m’avait proposé ce sujet : Catholicisme, principe d’avant-garde. Eh oui ! dans ce temps-là, l’on était catholique à l’Université de Montréal, même chez les étudiants. Je citerai quelques parties de cet écrit pour l’accent de modernité qu’à mon sens il a gardé. Pouvais-je d’abord ne pas louer les jeunes gens qui m’avaient assigné tel sujet ?

Je ne chicanerai pas le Quartier Latin pour ce titre d’article qu’il me propose. Voici des étudiants qui n’acceptent point de rapetisser leur catholicisme. En face du monde d’idées et de réalités si considérables et si vivantes qu’étiquette le nationalisme, ils refusent de n’assigner à leur foi, à leur doctrine religieuse, qu’un rôle négatif : celui d’un garde-fou ou celui d’une sentinelle au « Garde à vous ! »

Après ce début, j’en viens à dénoncer une forme d’éducation, forme malheureuse et par trop « négativiste » qui enseigne plutôt à ne pas faire ceci ou cela qu’à faire ceci et cela. Forme d’éducation qui s’allie par trop naturellement à une école d’autres « négativistes » qui, sous prétexte d’épurer notre catholicisme, le draient en divorce total avec tout ce qui est national. « D’aucuns s’étonnent, disais-je, qu’en dépit de notre catholicisme, religion de vie, religion de force, nous soyons un peuple si veule, si dénué de fierté. Quelle méthode plus apte que celle de nos « négativistes », à développer dans l’âme collective, un sentiment national timide, anémique, à nous prostrer dans un dégradant « complexe d’infériorité » ! Être de sa petite patrie, de sa province, de sa nationalité, de sa culture, partout dans le monde, sentiment tenu pour légitime, naturel, auquel on se livre sans scrupule, d’une foi confiante, sentiment qui dilate. Chez nous, sentiment dénoncé, anathématisé par une nuée de faux théologiens et de folliculaires ; sentiment tenu pour une étroitesse d’esprit, pour un élan mesquin, suspect, auquel l’on peut à la rigueur s’abandonner, mais avec d’infinies précautions, comme à une occasion de péché… Jamais à peuple moins national l’on n’aura tant appris à se méfier du national. »

Que le catholicisme fût « principe d’avant-garde », il m’était facile de le démontrer à cette jeunesse :

Assurément le catholicisme est le suprême régulateur. Il règle, dans l’ordre parfait, la justice, le droit entre les hommes et les peuples. Il défend le culte idolâtrique de la nation, le culte de l’État qui refuse les limites de la morale. Il règle, selon le même ordre, jusqu’à la vie intérieure de l’homme, ses idées et ses sentiments les plus intimes. Dans l’ordre national, il pose les bornes du nationalisme, comme il les pose à toute forme de l’activité humaine. Il indique où ne pas aller ; en revanche il dit aussi jusqu’où aller. Et voilà ce qu’on oublie trop.

L’on oublie trop, en effet, jusqu’où s’incarne dans l’histoire et dans chaque vie d’homme, le catholicisme. Qui pourra dire jusqu’à quelle profondeur il atteint l’esprit et quelquefois le cœur des grands acteurs du drame humain et quelle part d’efficience il faut lui attribuer dans les suprêmes décisions ? Je reprends donc :

Catholiques, nous ne sommes point des anges ; faire l’ange, chacun le sait, ne va pas pour l’homme sans un certain risque. Notre salut, nous avons à le faire, non dans un monde imaginaire, abstrait, mais dans un milieu strictement particularisé, délimité par des lignes géographiques et voire par certains graphiques ou signes stellaires. Sur cette portion du globe nous sommes nés, nous avons grandi ; à notre naissance, il n’était point une terra incognita, un espace vierge, vide, dénué de toute empreinte humaine. Nous y avons trouvé des institutions, un état économique, social, politique, une culture, une civilisation, un climat moral. Entre ce milieu et nous, un peu d’observation et de réflexion nous aurait même révélé de puissantes affinités électives… Bref, nous avons des racines terrestres ; nous respirons une atmosphère terrestre. Le milieu national est un lieu de vie humaine, qui importe aux dimensions de notre personnalité.

Or, en présence de ces attaches terrestres de l’homme, quelle attitude prend le catholicisme ? Il accepte les nations, les petites comme les grandes. Il les accepte, non seulement comme des fatalités, ou, si l’on préfère, comme des résultats géographiques et historiques ; il les accepte comme des entités juridiques et morales dont le droit à l’existence ne se discute point. Ce droit, le philosophe le fonde sur un droit éminent de la personnalité humaine : droit à son milieu culturel, éducateur. Le catholicisme, lui, transpose ce droit sur un plan supérieur : le droit du baptisé, du prédestiné à l’éternel, encore et toujours homme, de rester en possession de ses supports humains : milieu, climat ou atmosphère qui, par l’agrandissement de l’homme, facilitent l’agrandissement du chrétien…

Entre [le] naturel et le surnaturel, quels rapports impérieux l’on commence déjà d’entrevoir ! Dans son Incarnation, le Verbe a assumé tout l’humain. Nul n’a le droit de limiter son humanisation, pas même sous prétexte de ménager la transcendance de Dieu. Rappelons-nous le mot si absolu de saint Jean : Le Verbe s’est fait chair. De même, le catholique, fils de Dieu par la grâce, n’a-t-il le droit de rejeter aucun de ses éléments constitutifs, de ravir à l’influence de la vie divine aucune part de sa structure d’homme. Le catholicisme ne dissocie point l’humain et le divin, le naturel et le surnaturel ; il les dispose dans une hiérarchie. Or hiérarchiser, c’est placer les êtres selon une ligne, selon l’échelle de leurs valeurs, ligne ascendante, sans doute, mais non ligne coupée, disjointe, mais ligne continue où tout s’attache, se soutient, dans la loi d’une harmonieuse unité. En regard de la sanctification de l’homme, ou, si l’on veut, de son élévation au plan surnaturel, le devoir du catholique ne saurait donc consister à s’évader de l’homme, mais, à l’exemple de l’Incarnation, de permettre à la grâce d’assumer l’homme. Et, par homme, il faut entendre, cela va de soi, non seulement l’individu, mais bien tout ce qui conditionne son être, sa personnalité, son progrès. Et l’on aperçoit jusqu’où cela s’étend. Nous y avons assez appuyé : l’homme ne vit pas à l’état d’individu, sur une terre anonyme. Être social de par nature, il vit dans un milieu social et national, où, quoi qu’il fasse, son être, sa perfection sont fortement engagés. C’est un axiome de philosophie rudimentaire : la perfection de l’homme se conquiert socialement. Nulle nécessité d’être si grand clerc pour discerner, par exemple, jusqu’à quel point notre manque d’assises économiques, certain état social et politique désagrègent, à l’heure actuelle, chez nous, non seulement notre personnalité nationale de Canadiens français, mais tout d’abord notre personnalité humaine… Plaignons ces pauvres esprits qui se montrent incapables de faire la synthèse du naturel et du surnaturel, du temporel et de l’éternel. Parce qu’ils prétendent se cantonner dans la transcendance de la foi, ils se croient de grands théologiens ; ils ne savent même pas leur petit catéchisme. Parce qu’ils s’évadent de l’humain, ils se croient des catholiques plus purs ; ils ne sont que des catholiques infirmes. Nier la patrie, le milieu national, ou simplement se comporter comme s’ils étaient choses indifférentes, négligeables, ce n’est pas seulement acte d’ignorance, vaine sottise ; c’est ravir à l’action de la grâce tout un ordre de valeurs morales, rejeter en dehors de la loi de l’Incarnation, toute une tranche de l’humanité ; c’est prétendre sauver l’homme, sans, en même temps, sauver son milieu, abandonner ce milieu comme une proie fatalement vouée à l’infection païenne. Peut-on, de façon plus déplorable, manquer de foi en sa foi, assumer, à l’égard de sa vocation de chrétien, pire rôle de fuyard ?…

Que pouvais-je ajouter d’autre que ces lignes ? Ceci peut-être :

Au surplus, il n’y a pas tout à fait de notre faute si le patriotisme serein, bourgeois, ne saurait être pour nous un état de tout repos. Infime minorité sur ce continent, aux prises avec un destin exceptionnel, notre peuple n’aura jamais chance de survie, à ce qu’il semble bien, qu’au prix d’un patriotisme sans cesse en éveil, souvent militant : ce qui est la définition même du nationalisme. Qu’y pouvons-nous ? Retenons l’essentiel : nous ne sommes ni des Russes, ni des Allemands, ni des Anglais, ni des Américains. Par origine, par histoire, par culture, par droits politiques, nous sommes des Canadiens français. Admettre ces réalités indiscutables n’implique nullement, de notre part, le noir dessein de nous diminuer, de nous isoler, comme s’évertuent à le crier tant d’inconscients. En cet univers si lié, de facture si communautaire, quel peuple, au reste, a bien les moyens de s’isoler ? Nous ne dynamitons les ponts avec personne, ni avec notre pays, ni avec l’Amérique, ni avec le monde. Tout uniment restons-nous ce que nous sommes, parce que nous n’avons ni le pouvoir ni le devoir d’être autre chose. Canadien français, chacun de nous peut l’être et peut l’être intégralement, intrépidement, sans péché. Il y aurait plutôt péché à ne pas l’être.

D’avoir retrouvé ces lignes que j’avais complètement oubliées, me rend aujourd’hui heureux. C’est pour s’être appuyées sur cette philosophie, et j’oserais dire sur cette théologie, sur cette dimension sociale de la morale, à mon sens orthodoxe, que mes convictions nationales se sont toujours senties à l’aise dans ma foi religieuse.

Accent de modernité, ai-je écrit plus haut, en cet article au Quartier latin. Le même accent, m’est-il défendu de le retrouver et même de plus forte résonance, sept ans plus tard, en un autre article paru dans Notre Temps (hebdomadaire de Montréal), le 21 juin 1947 ? Notre problème religieux, avec tout ce qu’il traîne de trouble, une jeunesse d’aujourd’hui qui ne doute de rien, surtout pas de soi-même, croit l’avoir découvert. Hélas, on en dissertait déjà, il y a plus de quinze ans ! Qui m’avait demandé cet article ? Le directeur du journal, mon ami Léopold Richer ? Peut-être… Tout ce que je sais, par sa correspondance, c’est qu’il en fut très content. On en parla dans les milieux de jeunesse catholique. Vais-je reproduire cet article au complet ? J’hésite. Mais je cède à ce que je crois en être la valeur documentaire, sinon même la vivante actualité.

Notre problème religieux

Notre problème religieux ! Problème d’adaptation, pourrait-on dire, comme de tous les problèmes des Canadiens français. Problème de tous les peuples jetés trop brusquement dans un internationalisme à l’échelle de la planisphère. Tout se mélange et ne peut éviter de se confronter : doctrines, philosophies, croyances ; et, ce qui est peut-être pis, mélange de toutes les mœurs. C’en est fait du mur de Chine et de bien d’autres. La foi du charbonnier ne suffit plus, si tant est qu’elle ait jamais suffi. Les croyants du vrai Dieu ne garderont eux-mêmes l’intégrité de leur foi que s’ils revisent leurs attitudes devant la question religieuse.

* * *

C’est dire que chez nous, comme ailleurs, le mal nous paraît d’abord dans l’esprit. Notre intention n’est pas de faire ici le procès de la foi canadienne. Essayons plutôt d’en saisir les faiblesses ou les périls. La foi catholique apporte des certitudes et une vie. Le malheur de nos compatriotes aura été, semble-t-il, d’avoir encaissé les certitudes et de faire bon marché de la vie. Et encore, dans les certitudes, aura-t-on moins cherché la possession solide et joyeuse de la vérité transcendante, de la vérité pleine et pure, que le confort bourgeois où l’on se dispense de l’inquiétude et de la recherche laborieuse.

Au Canada français, la foi n’est pas assez, dans la mesure où elle peut l’être, une conquête individuelle ; elle est par trop une vérité traditionnelle, un héritage de tout repos, transmis presque automatiquement. On ne s’explique pas d’autre façon la ferveur médiocre de nos étudiants et de nos étudiantes de collège ou d’université pour la doctrine religieuse, non plus que la tiédeur encore plus prononcée, pour ces mêmes études, de nos classes professionnelles et de notre intelligentzia. Dans ce monde où l’on se passionne facilement pour toute manifestation de l’esprit, il semble que l’on ne se sente ni saisi ni attiré, ne serait-ce que par la grandeur de l’architecture intellectuelle que représente la synthèse des dogmes catholiques. Il y a là un édifice impressionnant, une construction de génie, fruit des plus hautes intelligences humaines, et qui, à ce seul titre, eût si vivement ému, s’ils l’avaient pu entrevoir, des païens comme Platon ou Aristote, ou les plus modestes disciples de Socrate. La majestueuse construction n’émeut point nos beaux esprits pourtant élevés dans le culte de la scolastique.

Dans le peuple qui aime tant écouter parler, et qui écoute si souvent de si vides parleurs, tout aussi inexplicables l’indifférence grandissante envers la prédication des églises, la course aux messes les plus courtes, aux sermons les plus courts, la popularité des prédicateurs aux sermons en comprimés, et parfois les distances parcourues pour attraper les messes sans sermon. On parlera, tant que l’on voudra, de légèreté ou d’irréflexion. Une bourgeoisie, un peuple ne traitent point, avec cette désinvolture, une doctrine tenue pour essentielle et à qui l’on confère, dans son esprit et sa vie, une incontestable primauté.

Qui s’étonnera, dès lors, qu’une possession si incomplète et si superficielle de la vérité n’ait pu révéler les sources, les puissances de vie du catholicisme ? Que dis-je ? Entre certitude et vie comment saisir l’étroite relation ? Aussi est-il arrivé que, dans la liturgie, dans les offices religieux, dans l’usage des sacrements, dans tout ce que l’on appelle, avec plus ou moins de propriété, la pratique religieuse, bien loin de discerner des moyens pour transmission ou accroissement de vie spirituelle, le catholique n’a voulu voir trop souvent qu’un mécanisme tournant dans le vide, une routine bonne à garder pour s’accorder au milieu, une prime d’assurance contre les terribles aléas de la mort.

Ici encore, il resterait à expliquer, par d’autres raisons, et si tôt après le collège ou le couvent, la rupture partielle et souvent plus que partielle, avec la pratique religieuse ? Il faudrait rendre raison de ces propos désolants d’anciens collégiens ou collégiennes qui, pour justifier le rationnement spirituel auquel ils se laissent aller, invoquent l’indigeste gavage de messes et de prières qu’ils auraient subi dans leur jeunesse ? Nous verrons une autre énigme et tout aussi déconcertante, dans la funeste coupure entre les actes proprement dits de la pratique religieuse et le reste de l’existence. Combien rares aujourd’hui ces vies chrétiennes organiques où tout s’inspire du même esprit, de la même fin, où les moindres actes, les plus profanes en apparence, prennent une valeur surnaturelle, et s’enrichissent par la part d’influence de la vie de prière sur la vie d’action et de la vie d’action sur la vie de prière. Au lieu de cette féconde unité de la vie humaine, l’habitude s’établit d’un dualisme désastreux où la zone neutre de l’existence occupe le plus de place.

Ces attitudes religieuses, n’eût-ce pas été miracle de ne les point transporter dans notre vie sociale ? Hélas ! le grand scandale de notre prochaine histoire, ce sera bien que nos classes ouvrières, c’est-à-dire, à l’heure actuelle, presque les deux-tiers de la nation, aient pu se laisser embrigader dans un syndicalisme à peu près étranger à leur idéal religieux. Et le malheur, ce n’est pas seulement que notre prolétariat en arrive à constituer ainsi, dans la vie nationale, une structure d’une singulière faiblesse, extrêmement compromettante pour tout l’édifice ; c’est que, pour la conquête de ses droits et pour le redressement de sa misère, l’ouvrier canadien-français ne fasse confiance ni à sa foi, ni à la sociologie catholique. Et le scandale s’aggrave de cette autre tristesse qu’il aura pu commettre cette erreur, sans s’en rendre compte trop souvent, sans avoir été prévenu ou averti par les classes dirigeantes qui avaient charge de l’éclairer. Ces classes dirigeantes lui donnaient d’ailleurs le mauvais exemple, s’enrôlant elles-mêmes, avec une légèreté morbide, dans des sociétés ou des clubs dits « sociaux », dont la moindre malfaisance est d’afficher la neutralité religieuse. En l’espèce rien ne sert de se leurrer : le péché bourgeois n’est pas moins grave que le péché ouvrier.

Chacun peut d’ailleurs mesurer les conséquences du divorce entre la doctrine et la vie : dédoublements de conscience, dissonances trop fréquentes et complètes entre la vie privée et la vie publique ; existences de catholiques qui se déroulent pareilles presque en tout à des existences d’incroyants ou d’agnostiques ; mœurs de chrétiens qui ne font que reproduire le paganisme ambiant. Le catholique incline à devenir dans le monde, un sel affadi. Le rôle exceptionnel que lui confèrent son caractère de baptisé, son appartenance à l’Église, on pourrait croire qu’il n’en veut plus ou ne s’en soucie guère. Et de prétentieux docteurs pourront même affirmer qu’une race catholique n’a pas plus de mission qu’une autre.

* * *

Dans ce diagnostic moral, je ne relève, faut-il le répéter, que les déficiences. Et ces déficiences, bien d’autres catholiques les pourraient partager avec nous. Le clergé y cherchera quand même loyalement sa part de responsabilités. Il doit être plus que le sel incorruptible. Le peuple fidèle attend de lui qu’il soit le ferment au sein de la pâte, la cellule vivante qui travaille énergiquement la masse. Sa tâche ne s’arrête pas à empêcher ou à circonscrire la corruption humaine. On exige qu’il soit un semeur de vie, et que, pour semer la vie, il la porte en lui. Sa prédication, toujours la même en sa substance, il la voudra renouveler dans la forme, l’adapter si exactement aux besoins, aux exigences de l’âme contemporaine, lui donner un tel sens de l’actualité qu’elle atteigne à un empire irrésistible sur les auditoires chrétiens. Peut-être faudrait-il une prédication pour l’élite, de vrais carêmes de Notre-Dame, où la parole de Dieu, solide, éloquente sans doute, prendrait la couleur, l’accent de chez nous, foncerait droit sur nos problèmes et nos misères à nous, pour les embrasser, les saisir corps à corps, apaiser nos doutes et nos fièvres. Peut-être aussi faudra-t-il créer ce que l’on a déjà appelé un « nouveau style » de vie religieuse, faire un effort continu vers la beauté dans le chant, la musique, l’architecture, la parure des temples, ne rien négliger, en somme, de ce qui peut accroître les prises de la foi sur l’homme. Car enfin il n’y a pas de raisons pour que des catholiques s’ennuient à l’église, pas plus qu’il n’y a de raisons pour certains offices, d’être nécessairement ennuyeux.

Insisterons-nous pour que le peuple catholique retrouve surtout le sens de la vie, la notion de la vie chrétienne ? Si haut que soit l’idéal de vie qu’on lui propose, sait-il assez que des moyens proportionnés existent de l’atteindre ? Sait-il que le Christ, cause exemplaire de la perfection chrétienne, en est aussi, comme disent les théologiens, la cause efficiente, c’est-à-dire, en d’autres termes, que celui-là qui assigne l’idéal à conquérir est aussi celui qui peut y porter de sa main toute-puissante ? Alors que, dans la misère contemporaine, l’on parle tant de la dégradation du type humain, comme il importe de faire voir, en toute sa beauté et grandeur, le type chrétien : l’homme rectifié dans son être et ses facultés, dans sa structure morale et intellectuelle, plus que décuplé en ses énergies natives, atteignant à une plénitude de vie inespérée qui est littéralement l’aube de la vie de l’au-delà dans la possession de Dieu.

Vie chrétienne ! Vie qui produit les grands vivants, les personnalités puissantes, riches en capacités créatrices ; qui peut faire, du plus modeste, du plus petit des hommes, un héros de volonté ; vie que l’on peut vivre enfant, adolescent, aussi pleinement que jeune homme ou homme fait, où il n’y a coupure ni entre les âges, ni entre les actes de l’existence. Vie aussi puissante dans le corps social que dans l’individu, qui pourrait régler la société, les États comme elle règle l’homme, qui y introduirait l’esprit de fraternité, l’esprit de justice, la paix tant cherchée et si peu trouvée, parce qu’on la cherche où elle n’est point.

Puissent enfin les catholiques de chez nous retrouver le sens de l’histoire telle qu’elle se déroule depuis deux mille ans. Ils ne savent pas ou savent trop peu dans quel drame transcendant ils sont engagés. Ont-ils appris à voir, dans l’Incarnation du Verbe, la suprême tentative de Dieu pour ressaisir le cours de l’histoire, redresser l’homme, redresser la ligne d’une civilisation criminellement fracassée par le premier chef de l’humanité ? Et pourtant l’histoire du Christ, l’histoire de l’Église ont ce sens ou elles n’en ont point. Quel sera le sort de cette autre intervention de Dieu dans la vie du monde ? Finira-t-elle par un triomphe ou par un autre échec ? Notre univers était-il fatalement condamné à cette régression vers la barbarie, à ce crépuscule de civilisation vers lequel il semble qu’il s’en aille, tête baissée ? La réponse, Dieu l’a laissée à la liberté humaine. Mais qui voudra croire que le Fils de Dieu soit mort sur la croix pour une faillite ? Les peuples catholiques ont donc une mission. Et leur mission, c’est d’assurer l’avenir de la Rédemption. Ils ont à décider du dénouement de ce drame souverain de l’histoire. Et c’est pourquoi nous sommes tentés de conclure que le peuple canadien-français a peut-être besoin de demander humblement l’intelligence de sa foi.

Lionel Groulx

Retraites prêchées

Écrasé souvent par ma besogne, je ne me refuse point, tant l’attrait est puissant, à d’autres formes d’activité sacerdotale. On trouvera dans mes manuscrits bien des textes ou des plans de sermons. J’aurai prêché aux jeunes des collèges de la région de Montréal, je ne sais combien de retraites de vocation. J’aime surtout, et l’on devine pourquoi, parler à des séminaristes, à des prêtres. Je prêche une retraite aux séminaristes du Grand Séminaire de Sherbrooke, aux jeunes ordinands du Grand Séminaire de Rimouski. De passage au Manitoba, l’Archevêque de Saint-Boniface m’invite à parler aux prêtres de son diocèse ; il me faut faire de même au Collège d’Amos. La plus marquante de mes conférences à des prêtres pourrait bien être celle prononcée en 1950, le 30 janvier au soir, à l’ouverture de Journées d’études sacerdotales, sous le patronage de la Commission épiscopale d’Action catholique. J’avais, devant moi, des représentants de vingt-deux diocèses. J’y notais en mon début l’accent mélancolique du prologue de l’Évangile de saint Jean : « Les ténèbres n’ont point voulu de la lumière… Il est venu parmi les siens, et les siens ne l’ont point reçu… » Puis, j’entreprenais d’exposer, en ses traits majeurs, la révolution déjà en cours au Canada français : évolution d’une civilisation de type rural en civilisation de type urbain, évolution de la famille canadienne-française, de l’école, de la paroisse. Conclusion : fini notre petit monde clos, à l’abri des mauvais courants d’air, heurt des doctrines et des mœurs dans le rapprochement des peuples et des continents, mêlée des philosophies, des religions, des nouveaux moyens de propagande qui se disputent les esprits et dans tous les milieux sociaux ; donc naissance d’un homme nouveau, surtout dans les milieux ouvriers, naissance d’un homme proprement déshumanisé. Comment réadapter le clergé à ce temps nouveau et à ce peuple lui-même nouveau ? J’indiquais quelques moyens. Relations de mars 1950 reproduit quelques parties de cette conférence. Les Pères du Saint-Sacrement en publient le texte intégral dans leurs Annales. On me reprocha, dans le temps, de n’avoir vu que le paysage de Montréal et de m’être arrêté au milieu urbain, comme si le milieu urbain n’envahissait pas le milieu rural jusqu’à se confondre avec lui.

Mes meilleurs souvenirs de cet apostolat me viennent pourtant de mes retraites aux prêtres-éducateurs. Là je me sens davantage sur mon terrain. À Valleyfield, j’ai acquis quelque expérience de l’éducation des collégiens ; je me flatte même d’avoir pu me forger une doctrine de formation intégrale de l’homme. Il m’est agréable d’en faire part à mes confrères éducateurs. Je prêche une de ces retraites à Sherbrooke, d’autres à Montréal, à Valleyfield, à Rimouski, cette dernière en août 1942. Neuf ans plus tard, de l’un de mes retraitants, l’abbé Pierre Bélanger, du Séminaire de Rimouski, une confidence m’arrive qui me cause joie et surprise. « Le soussigné, entre autres faveurs spirituelles de ces jours, a gardé un attachement à la grande âme de saint Paul que vous nous aviez si bien montrée. » Avais-je si chaudement parlé de saint Paul qui fut toujours, il est vrai, le grand maître spirituel pour moi ? Un autre, l’abbé Gérard Lalonde, de Montréal, un soir, à la télévision, me fera l’amabilité de compter ma retraite de Montréal parmi celles « qui l’ont marqué ». Mystère de ces paroles qui tombent, en bonne terre, sans que nous y soyons pour grand-chose, comme ces graines emportées par le vent et qui trouvent, comme par hasard, la terre féconde.

Deuxième entrevue avec le Délégué apostolique

Serait-ce le lieu de consigner ici le souvenir d’une entrevue qui m’échut, à l’été de 1945, avec le délégué apostolique, Son Excellence Mgr Ildebrando Antoniutti ? Occasion fortuite où j’aurai pu peut-être rendre quelque petit service à mes compatriotes, dans le domaine religieux. C’est la seconde fois[NdÉ 1] que je me présente chez le diplomate romain. On se rappelle cette autre entrevue sollicitée par le même en 1940 à propos de réformes dans notre enseignement. Cette seconde entrevue, je la sollicite de mon propre chef. Son Excellence avait coutume de m’accueillir avec la plus souriante figure. Deux ou trois fois, en ces derniers temps, lors de nos rencontres, le diplomate m’avait montré son visage le plus glacial. Changement soudain. Pourquoi ? Sur ce, Son Excellence fait savoir à Mgr Perrier, grand vicaire de Montréal, qu’il ne peut renouveler mon privilège d’oratoire personnel, privilège dont on m’a gratifié depuis 1939, soit depuis mon arrivée à Outremont. Refus qui me laisse plus que songeur. Son Excellence me croirait-elle mêlé à une récente démarche de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal ? J’en étais alors, par autorisation hasardeuse de Mgr Charbonneau, vice-président : vice-président malgré moi, et par intérim, m’avait-on assuré, le temps de barrer le chemin à un autre personnage peu désiré de la part de ces Messieurs de la Société. Or la Saint-Jean-Baptiste avait fort mal accueilli la nomination d’un évêque irlandais, à Montréal, à titre d’auxiliaire de Mgr Charbonneau. On avait même rédigé un mémoire à l’adresse de l’épiscopat canadien-français et du Délégué. Respectueusement la Société exprimait sa surprise d’une telle nomination et osait formuler l’espoir qu’à Rome les autorités manifesteraient autant de générosité pour les minorités canadiennes-françaises, plus importantes que la minorité catholique anglaise de Montréal, et qui, d’un bout à l’autre du pays, avaient à subir la politique anglicisatrice d’évêques irlandais. Je dois toutefois rappeler qu’en la rédaction de ce mémoire les directeurs de la Société Saint-Jean-Baptiste n’avaient consulté ni l’aumônier général, Mgr Olivier Maurault, ni le vice-président. « Nous ne voulons compromettre aucun ecclésiastique », me dit-on dans le temps ; le mémoire serait affaire de laïcs. Mgr Charbonneau et surtout le Délégué prirent très mal la chose. Entre ce mémoire et le refus de mon privilège, y aurait-il relation de causalité ? J’ai quelque raison de le penser. Cette privation de mon oratoire, ai-je besoin de le dire, me cause de graves ennuis. Que faire ? Solliciter une entrevue du Délégué ? Lui demander et lui fournir des explications ? Un soir qu’en séjour à Ottawa j’en cause avec Mgr Myrand, il me dit dans son langage pittoresque : « Si j’étais toi, je demanderais une entrevue au Délégué et je descendrais à pic chez lui. Et tu aurais la plus belle occasion du monde d’aborder toute notre question religieuse et nationale. » Le conseil me paraît bon. Son Excellence me reçoit — c’est au début de l’été de 1945 — de la façon la plus charmante. Après les propos banals, j’en viens sans tarder à la raison de ma visite. Je dis mon regret de la perte de mon précieux privilège et j’exprime mes soupçons sur les motifs qui m’auraient attiré ce désagrément. J’évite de me prononcer sur l’opportunité du mémoire de la Société Saint-Jean-Baptiste, puis j’affirme avec force à Son Excellence : « Je n’ai rien eu à faire avec ce mémoire ; on ne m’a pas consulté, on n’a sollicité de ma part, aucun conseil ni assentiment ; et on a procédé ainsi, délibérément, déterminé à ne faire, de ce document, qu’une démarche de laïcs. » Le Délégué me répond gentiment : « Le mémoire n’est pour rien en l’affaire. Mais il arrive que les motifs invoqués par Mgr Perrier au sujet de votre privilège ne sont plus recevables à Rome. » (Je dois noter en passant, qu’en sa réponse à Mgr Perrier, le Délégué s’était gardé de fournir la moindre raison de son refus.) Et comme je lui fais observer qu’il y a pour moi des raisons de santé et que je lui apporte une attestation de mon propre médecin, le Dr René Dandurand, il refuse de prendre connaissance de l’attestation et continue, toujours charmant : « Dites simplement à Mgr Perrier de changer les motifs de votre supplique ; pour des raisons de santé, Rome ne refuse jamais ce privilège. »

— Et en attendant ? lui dis-je.

— En attendant, usez de votre privilège.

— À Vaudreuil comme à Outremont ?

— À Vaudreuil comme à Outremont.

Et il continue :

« Pour ce qui est de la nomination de Mgr Whelan à Montréal, voici qui la justifie. L’on compte près de 100,000 catholiques anglophones dans la province de Québec. Or, dans les réunions des évêques de la province, ces catholiques ne possèdent aucun porte-parole. Vous ne pouvez pas vous plaindre du même grief dans les autres provinces. Dans l’Ontario, vous avez l’archevêque d’Ottawa, l’évêque d’Alexandria ; au Manitoba, le vicaire apostolique de Le Pas, au Keewatin, l’archevêque de Saint-Boniface ; en Saskatchewan, Gravelbourg et Prince-Albert, d’autres évêques ; et dans l’Alberta, encore l’un des vôtres à Rivière-à-la-Paix. Il n’est que juste qu’on accorde aux 100,000 catholiques anglophones de votre province un évêque auxiliaire à Montréal, alors que l’Archevêque a déjà pour l’aider en sa tâche, un auxiliaire de langue française. »

Là-dessus je ne peux m’empêcher de faire observer à Son Excellence :

— Si Rome avait toujours traité les minorités canadiennes-françaises avec la même justice, sinon avec la même générosité ; si partout où la chose s’imposait, on leur avait accordé des évêques auxiliaires ; et si l’on avait toujours vu, en ces minorités, non seulement des minorités religieuses, mais des minorités possédant, en leur pays, des droits politiques et constitutionnels, croyez-m’en, Excellence, beaucoup de malaises n’existeraient pas au Canada. Et j’ajoutai : Pour ne citer qu’un exemple, si nos minorités de l’Ontario et de l’Ouest canadien avaient eu en partage les heureuses faveurs dont Rome a comblé la minorité acadienne, que d’injustices auraient pu être réparées !

Son Excellence reprend :

— Bien, en Acadie, il y avait là plus qu’une minorité, il y avait un peuple qui méritait de vivre. Et nous avons voulu lui donner les moyens de vivre : ce qui lui manquait affreusement.

— Serait-ce à dire, Excellence, que le droit à vivre des minorités canadiennes-françaises vous paraîtrait moindre ?…

Avec un petit grain de malice, il me fait cette première réponse :

— Je crois que vous avez moins à vous plaindre des évêques d’origine anglaise ou écossaise, que d’autre origine.

Et il continue :

— Voici d’ailleurs, à l’égard des minorités, ce que sera désormais la politique de Rome : dans les diocèses où les catholiques seront en majorité de langue anglaise, ne serait-ce que de quelques unités, nous nommerons un évêque de langue anglaise, mais nous exigerons qu’il soit bilingue. Et vice versa : dans les diocèses où les catholiques seront en majorité de langue française, ne serait-ce que de quelques unités, nous nommerons un évêque de langue française, mais nous exigerons qu’il soit bilingue.

Une question me vient, malgré moi, à l’esprit :

— La décision de Rome est-elle entrée en ligne de compte dans la récente nomination à l’évêché de Pembroke ?

— Voici : j’inclinerais fort à penser que les catholiques d’origine française forment la majorité dans le diocèse de Pembroke ; mais il nous faut nous en tenir aux recensements officiels. Or les catholiques parlant le français forment une minorité… Mais, reprend encore Son Excellence, avez-vous lu mon discours au sacre de Mgr Smith ? Au banquet, et devant tous les collègues de langue anglaise, j’ai dit au nouvel évêque : « N’oubliez pas, Mgr Smith, que si vous n’étiez pas un bilingue, vous ne seriez pas évêque de Pembroke. »

Et l’entretien se clôt par ces autres paroles du Délégué : « Dans vingt-cinq ou cinquante ans, M. le Chanoine, les archives de la Délégation seront ouvertes aux historiens. Vous y constaterez que Rome et la Délégation apostolique se sont toujours montrées généreuses à l’égard de vos compatriotes canadiens-français. »

Pourquoi Son Excellence, à propos de la nomination des évêques au Canada, m’a-t-il mis au courant de la récente décision de Rome ? Quelques jours plus tard, je causai de la chose avec Mgr Courchesne, Mgr Langlois de Valleyfield, Mgr Chaumont, Mgr Perrier. Personne n’en savait rien.


Note de l’éditeur
  1. Voir pages 68-69 de ce volume.