Menipée de Francion, ou réponse au Manifeste anglais


Menipée de Francion, ou response au Manifeste anglois.

1627



Menipée de Francion, ou response au Manifeste anglois1.
Omne malum ab Aquilone.

Il ne vint jamais d’Angleterre
Bon vent, bonne gent, bonne guerre,
Bonne guerre ny bonne gent ;
Beaucoup plus de plomb que d’argent.
Pour n’estre attaint du vent de bise
Qui souffle du bord de Tamise,
Et de l’infidelle Albion,
Lisez ce qu’escrit Francion.

À Paris, chez Jean Bessin, rue de Reims.
M.DC.XXVII.

Il se porte sous la cape, et se distribuë au coing des rues, à l’escart des commissaires. Ce n’est pas un vieux boucquin, boucquin (inquam)2 comme ces vieux calepins, c’est un livret ; il est de peu de feuillets, doré sur la tranche, couvert de peau de beste rousse, qui sent un peu mal, ou bien le colporteur qui le cachoit sous ses aisselles. Un maistre ès arts le marchandoit, qui, ne pouvant souffrir l’odeur, en recherchant la cause, il s’ecria : Hircum sub alis3. Τετραγμαχαλος. Survint un courtisan qui dissipa la mauvaise odeur avec son colletin parfumé4.

Pastillos Ruffinus olet, Gorgonius hircum5.

Ayant achepté ceste droguerie du Pont-Neuf, ce menu fatras, en la première page il y avoit en taille doulce un oyseau de proye, d’un plumage roux, quasi comme ce grand oyseau que l’on porte à la vollerie pour amasser les jays et agasses6, que l’on appelle duc ou ducquet7 ; il estoit un peu plus petit. Il y avoit un escusson timbré de liseaux comme ceux que les valets de feste estallent pour le bal le jour de la feste de village, des bouffantes jartieres8, et aux entrelas il y avoit en grosses lettres cette devise : Honny soit qui mal y pense. D’un autre costé estoit une grande déesse portant sur le front ces mots : Χαρος αμαλθιας ; elle estoit guirlandée de fleurs blanches trois à trois, qu’un petit bouc voulloit brouter, mais Mercure de son caducée luy donnoit sur les cornes, et luy disoit ce quolibet : Ce n’est pas pasture de capricorne, c’est le moly des Dieux et la Nephante : je dis le moly, et non le mol lis. J’admiray ces figures énigmatiques, et, ayant ouvert le cahier et entamé le discours, je recogneu que c’estoit le ramage d’un oiseau passager que l’on avoit sifflé à la perche, et appris un françois corrompu, tel que le vieil normand que l’on parloit du temps de Guillaume le Conquerant, un langage d’outre mer, qui ne venoit ny du Levant, ny du Midy, mais du Septentrion, de bise ou Soubise9. Cet oyseau s’estoit essoré l’aisle sur une roche, et à ses vervelles10 il y avoit, en grosses lettres : Roche Aisle ; il estoit de la grandeur d’un tiercelet11, se disoit souverain de l’aigle, le pelican des chrestiens, la colombe qui porta le rameau d’olive hors de l’arche de Noé, et se donnoit mille autres fanfares et banderolles de vanité ; hagard neantmoins et mal leurré pour gibier sur terre ; fort bon pecheur, neantmoins il ne valoit rien que sur la marine, car sur terre il estoit tanquam piscis in arido ; il faisoit force bruit du battement de ses aisles, comme un cormorant gorgé de poisson quand il sort de l’eau. Ce livre ne portoit le nom de son père, et toutes fois il s’appeloit Manifeste ; l’on l’impute à un advocat qui de despit quitta le barreau et se mulcta luy mesme, et comme Icare de sa cheute signala la mer de son naufrage, s’etant mulcté luy mesme12, il en a pris son nom. Il fut plus heureux en robbe courte qu’en robbe longue, il se fist ambassadeur volontaire et sans charge, traffiqua de toille de Hollande et de plusieurs negoces, grand zelateur de la cause, si sçavant aux controverses qu’il faisoit la nicque à Tilenus13, jusques à disputer la palme du ministère, messager des grands de son party, furet de cour, passe-partout. Ce livre apologetique estoit brouillé d’un jargon funeste, injurieux, insolent, digne du poinçon de la loy Remnie14, un discours de renegat, d’un denaturé François, d’un parjure à sa nation, qui fait leçon publique en anglois, afin, par le barbarisme d’une langue baltique, de profaner la pureté de la nostre. Ce manifeste thrasonique, libelle de presomption, comme disoit le maistre ès arts, projicit ampullas, etc. Il commence par l’enflure d’une emphase boucquinesque : Quelle part les roys de la grande Bretagne ont tousjours pris des affaires des Eglises reformées de ce royaume de France ? Quelle part, ô manifeste ! Ce n’est pas la part de Marie Magdelaine ny de Marthe, c’est la part d’Esaü, et de ce mauvais voisin, ce laboureur, qui superseminavit zizania, etc. C’est la part des soldats qui jouèrent la robbe sans couture, qui l’ont deschirée ; la part qu’usurpa Henry VIII, la primogeniture de S. Pierre, que lui et ses successeurs ont usurpée, et l’ont faict tomber en quenouille. Mais qui vous a donné l’authorité, homme de delà les mers, de faire le tuteur de ceux qui ne sont ny vos enfants, ny vos pupilles, ny vos sujets ? Pourquoy venez-vous en la maison du père desbaucher ses enfants et les soustraire de leur obeïssance ? Vous respondés que c’est le soing des Eglises reformées. Scilicet hic superis labor est, ea cura quietos sollicitat. Vostre Anglicane est du tout differente de celles de France, elles n’en recognoissent ny le langage ny les ceremonies ; celle de vostre père Jacques estoit contraire à celle des puritains et calviniens, qu’il detestoit, se plaignant de l’avoir voulu estouffer dès le berceau. Vostre Eglise angloise est contraire en habits, mœurs et police ; elle retient une forme exterieure du clergé : ses evesques sont mitrés et crossés, les doyens et chanoines portent bonnets, robbes et aumusses, chantent en vulgaire, solemnisent les festes des apostres et celle de leur sainct George à cheval, avec les banderolles de leur ordre ; et nos ministres de France sont docteurs en robbe courte, portent le castor, sont emmantelés de panne de soye, peignés et godronnés sur la rotonde, equippés à la mode, et qui sortant de la chaise peuvent entrer au bal au mesme habit qu’ils ont presché. Et puis, dites maintenant que le soing des Eglises de France vous a fait descendre en Aulnis15 ? Vous avés, dites-vous, recherché l’alliance de France16. Il est vray, c’estoit le plus glorieux advantage que monarque de l’Europe peust esperer, c’est le surhaussement de vostre Estat, et le solstice de Vostre Majesté. Je louë cette alliance, je blasme et deteste l’infraction de ceux qui, ayant promis un temperament politique aux affaires de la religion, et une souffrance telle quelle aux catholiques, dès le lendemain de l’arrivée de la reyne leur ont deffendu l’entrée de la chapelle à coups de hallebarde, ont chassé son evesque et ses prestres, contre les articles du mariage. Qui a commencé la querelle17 ? « L’on avoit promis de rompre le fort », ce dit l’Anglois18 ; le François respond : « Vous aviés promis de faire ouvrir la Rochelle et la faire obeyr. » Le roy conservoit ses sujects en la seurté des edicts ; ils estoient non seulement gardés, mais amplifiés. Et ainsi, Manifeste, pour vous rendre vos mots, vostre maistre n’estoit eludé, c’est vous qui avés illudé le nostre, et nous faites des illusions ; c’est pourquoy il m’est permis d’alluder sur vostre nom. Vous luy deviez conseiller le voyage du Palatinat, le restablissement de son beau-frère en son Estat, usurpé depuis tant d’années19 ; c’estoit là son Maraton et la glorieuse lice de ses entreprises, et non pas fomenter des rebelles à leur prince : il falloit remettre le Palatin. Je vous en dirois davantage en autre langue, mais vous n’estes pas Latin, moins bon François ; je passe pour Romain, et vous Anglois, comme vous le professés et escrivés en vostre Manifeste, que vostre roy a patienté au delà de la patience. Il n’a point esté moyenneur20 de paix ; elle estoit auparavant vostre alliance, et si elle a esté esbranlée depuis, la cause en est plus manifeste que le nom de vostre satyre. L’on avoit promis la demolition de Fort-Louys, l’on avoit promis à Louys une plaine et absolue obeïssance de ses sujets21, et une entrée en ses villes sans train limité. Qui a deu commencer à accomplir, ou le maistre ou le vallet, ou le prince ou le sujet ? Le Fort-Louys est une hostellerie pour loger ceux qui arrivent tard, les portes fermées, et si l’on ne veut souffrir que le gouverneur de la province loge en ville, au moins que le bourgeois de la Rochelle luy permette de demeurer dans les faux-bourgs, ou en la banlieuë, et le Manifeste est si incongru au langage françois qu’il ne veut souffrir les diminutifs Roche, Rochelle, Rochellete. Chacun peut bastir sur son fond ce qui luy plaist, et aux villes les plus republiquaines à la portée d’un mousquet. Le fort n’est qu’un monceau de gazons, l’on batist tous les jours de nouvelles villes : Nancy, Charleville, Boisbelle22, Orange ; souffrés que les roys facent ce que fait un chacun. Le fort est une petite colonie où le brave Arnault avoit commencé une belle police, que le vaillant et courageux Thoras23 avoit amplifiée ; les bourgeois y entrent librement et seurement, les villageois y viennent au marché ; que si l’artisan quitte sa boutique et fait le mutin, pour luy apprendre le droit civil on luy fait à la volée quelque petite leçon de droict canon, qui faict plus de bruict que de mal : comme quand il fait trop chauld, le temps se rafraischit par un ou deux esclats de tonnerre, mais cela n’est que brutum fulmen. Le fort incommode la ville ; dittes : la ville incommode le fort ; le puissant foulle le foible. La Rochelle fut jadis un second d’Anvers, la retraitte de bons et riches marchands, bons François, bons sujets ; maintenant elle est remplie d’estrangers, de coureurs, de picoreurs, la grotte de Cacus, la tasnière des renegats, le bureau des rançonneurs ; depuis deux ans l’on n’en a peu approcher à plus de vingt lieues à l’entour. Les messagers et ordinaires de Bourdeaux, Perigueux, Limoges, et tout le Poictou, ont esté contraincts de marcher en trouppe avec escorte ; les juges magistrats et conseillers des cours souveraines ont esté pris, destroussez et mis à rançon, et cependant le Manifeste les figure non comme loups, mais comme brebis, comme simples colombes, et non comme sacres et vautour : Introrsum turpes speciosa pelle decori. Mais qui a commencé la querelle, qui le premier a rompu, qui a saisi et arresté les marchands et les vaisseaux, qui a picouré, qui a fourragé, depredé, piratisé et pilatisé ? L’on demandoit à un Lacedemonien comment il avoit esté blessé : Prodente me scuto. Nostre bouclier, c’estoit la paix, on l’a percé à l’improviste ; l’on a plutost frappé que denoncé, contre le droict des gens, contre les loix sacrées des alliances. Il n’y a nation si barbare qui auparavant que d’armer ne denonce : l’on envoyoit des herauts que les Romains appelloient fœciales : Habemus, disoit l’orateur, hominem in fœcialium manibus educatum, in publicis fœderum religionibus sanctum et diligentem ; ils renvoyoient les arres et gages de l’alliance, les roys renvoyent les ordres, et ne font la guerre à pied levé comme les nomades, les Tartares, qui enlevent d’emblée et destroussent sans recognoistre. Il ne faut plus dire que l’on est surpris de Gallico, il faut dire de Anglico.

Il ne falloit point qu’un Achitofel commist deux grands roys, et prendre le faux pretexte de l’oppression des Eglises reformées. C’est une fueille blafarde que l’on met sous une hapelourde pour la faire passer pour diamant24. Ce que vous appellez Eglise, c’est un ramas de mutins, de libertins, qui tendent à l’anarchie, qui pour un maistre en veulent plusieurs. Au reste c’est un blasphème insolent, que l’on a mis l’honneur du roy très-chrestien à couvert. Blasphème que le papier ne peut souffrir, dont il rougit de honte, que l’honneur du plus grand monarque de la chrestienté soit mis à couvert sous l’authorité d’un inferieur. Quand on parle des roys, des images de Dieu, il faut user de paroles de soye, il ne les faut approcher qu’avec des parfums et de l’encens. Nul n’ignore la grandeur du roy de la Grande-Bretagne ; en mon particulier j’ay de l’obligation à l’auguste memoire de son ayeul, et à celle du roy Jacques, qui me defendit de la supercherie que me voulut faire un sien ambassadeur puritain. Vous parlez des roys, ô Manifeste, comme nostre maistre ès arts expliquant l’oraison Pro rege Dejotaro. Vos comparaisons ne sont pas comme celles que fait Plutarque des empereurs grees et romains ; vous estes un mauvais géomètre d’egaller un angle de terre à un grand cercle auquel il n’y a commencement ny bout. Ne parlons point de nos maistres, nous ne serons jamais leurs arbitres : le maistre aux arts disoit que non tutum est scribere in eos qui possunt proscribere, et moy, à qui il a appris le latin, je le traduisois : Il ne faut point honnir contre celuy qui peut bannir. Au reste, vous faites un partage des elements : vous vous attribuez le trident, les ondes ne sont que pour vous, vous estes les Jasons, les Tiphis et les Argonautes ; Neptune, Eole et les Tritons sont vos vassaux. Je ne veux desrober la gloire de vostre nation ; vous estes bons pilotes, et nous surmontez en l’œconomie de la marine et au soin de bien freter, mais non en l’adresse ny en la dexterité : nos Normans, Maillouins, Bretons et Olonnois ont fait des routes plus loing que vous, et Jean Ribault, Dieppois25, a montré le chemin à vostre Drach, qui n’a fait que retracer ces pas. Vostre equipage est bien lesté et calfeutré, mais il n’est pas temps de sonner le triomphe, l’Automne sera le correcteur de son insolence par le doux poison de ses raisins et de son moust ; l’Hyver, avec ses bourrasques, en sera l’executeur. Tandis que le secours de la terre se prepare, l’on attend celuy du ciel avec cette allegresse et le péan d’acclamation :

Ô Roy cheri de Dieu, pour lequel fait la guerre
L’air d’orages esmeu, et Æole desserre
Ses tourbillons armés ; pour lequel icy bas,
Au bruit de ses clairons, les vents font leurs combats.

Vous ferez comme les mousches, qui voltigent pendant la tiedeur de l’automne, succotent la douceur des fruicts, et aux premiers frimas tombent de faim et de froid. La vendange de l’isle de Ré, avec ce grand curateur des successions vacquantes, avec ses Mores sous le pampre et sa compagne la dissenterie, et le moust, donneront leurs premières escarmouches ; vous ne vous abstiendrez jamais de la grappe ny de son jus, car vous estes de l’humeur de l’un de vos princes qui, condamné par son frère impiteux, choisit le doux supplice en une pipe de malvoisie26 ; et desjà se commence l’eschet,

Appetit Autumnus, Libicito præterit æstas.
Appetit Autumnus, Libitinæ quæstus acerbæ.

Pour vous faire dire vray, que ce que vous avez amené n’est qu’une poignée de gens, au moins le sera-elle dans trois mois, si tant vous durez, une poignée sine pugna d’un couteau secret, et d’une allumelle27 cachée dans le sein de la Providence ; car, quant à ces troupes sur pied, à ces levées que vous marquez en la charte de vostre manifeste pour l’Allemagne, le maistre ès arts, qui est un peu boucquin et satirique, dum vellicat aurem, me disoit : Hic fingit pietas acies, simulataque castra. Mais j’approuve autant cet armement, comme je condamne vostre invasion en Aunis : là vous appelle Frederic et vostre sœur Elizabeth, et ses bambins avec leurs maillots et berceaux ; là vous appellent les reliques de Bohême, les riches despouilles de l’Electorat.

Dulces exuviæ, dum fata Deusque sinebant ;
Eia, age, rumpe moras, etc.

Mais oyez la chamade en rime du bonhomme Artus Désiré28 :

Bouté selle, boutés bas ;
Au choc, au choc et aux combats !
À l’assaut, à l’assaut, gensdarmes !
Prenés vos lances et vos armes,
Vos halcrets et vos bombardes,
Et vous tenés dessus vos gardes.
Quittés le rivage marin
Et la Tamise, allez au Rein.
D’estoc, de pistollet, de dague,
Allez vanger le tort de Prague,
Rendez luy le Palatinat
Et l’aneau de l’electorat,
Et retrouvez en la Bohême,
Pour Frederic, un diadème.

Je vous le dis et predis, auxiliaires des Eglises, volontaires des oppressés, milords protecteurs des bourgeois, et neantmoins cette rousse pelée, et, comme disoit ce maistre ès arts excoriateur, Rupe pellée, ne meritoit que vous vinsiez en ce curieux arroy, in navibus atque phasellis. Les Espagnols, aussi glorieux que vous, viennent in curribus et equis, et, pour rimer, in mulabus et asellis, et, certes, encores certes, pour jurer à la reforme, ceste bourgeoise reformée ne meritoit un secours en si bel arroy, car, comme rechantoit le maistre aux arts avec sa Penelope :

Vix Priamus tanti totaque Troja fuit.

C’est assez pour un petit Manifeste. Vacations sont données, je m’en vais manger des raisins doux dans ma coste, salutairement, innocemment, et les defendray mieux que ceux de l’isle de Ré ; et si quelqu’un passe dessus ma haye, je luy feray souffrir la peine que fit le bon père Denis à cet animal petulque et ennemy de ses presents.

Celui qui a fait cet ouvrage
Fut Francion de haut courage,
Qui pour Romain se fait nommer,
Qui n’ayme le vent d’outre mer,
De galerne ny de Soubize,
Ny ce faux pretexte d’Eglise.




1. Ce manifeste est celui que le duc de Buckingham avoit daté de son bord, le 21 juillet 1627, veille de son débarquement à l’île de Ré. Il y expliquoit les raisons qui avoient déterminé le roi Charles à l’envoyer avec une flotte au secours de La Rochelle, « par pur zèle de religion ». (Leclerc, La Vie de Richelieu, 1724, in-12, t. I, p. 301.) — On verra tout à l’heure que, malgré l’exacte police de Richelieu, des exemplaires de ce manifeste s’étoient glissés jusque dans Paris, et se vendoient sous le manteau. Le cardinal prit alors le parti d’y faire répondre, et choisit une des bonnes plumes qui fussent à son service. Nous connoissons en effet peu de livrets de ce temps où il se trouve autant d’esprit et de verve. Il est probable que Richelieu fut pour beaucoup dans l’inspiration de ce pasquil, peut-être même dans sa rédaction, et j’assurerois qu’il en fut content. L’auteur, que nous ne connoissons pas, avoit pris avec intention le pseudonyme de Francion, qui accusoit bien sa qualité de François et le but tout patriotique de sa réponse. C’étoit du reste un nom aimé de Richelieu. Nous le trouvons porté par le personnage qui parle pour la France dans la tragédie d’Europe, qu’il fit en collaboration avec Desmarets.

2. Notre Francion joue ici sur le nom du duc de Buckingham, que l’on prononçoit alors partout en France Boucingant.

3. Encore une allusion au nom du duc, dont, je viens de le dire, la première syllabe, telle qu’on la prononçoit, était bouc.

4. Il étoit toujours à la mode, parmi les courtisans, de porter de ces collets « de peau de daim parfumé », coleto de ambar, dont parle Cervantes (D. Quichotte, ch. 23), et qui s’appeloient chez nous collet de fleurs ou collet de senteur. « Mon collet de fleurs, dit Montaigne (liv. I. ch. 22), sert à mon nez ; mais, aprez que je m’en suis vestu trois jours de suite, il ne sert qu’au nez assistant. »

5. Horace, liv. I, sat. 2, v. 27. Au lieu de Ruffinus il faut lire Rufillus.

6. On sait que c’est l’ancien nom de la pie.

7. Allusion au titre de Buckingham.

8. Allusion à la jarretière qui entoure l’écusson d’Angleterre.

9. Allusion par équivoque au duc de Soubise, qui, avec son frère ainé le duc de Rohan, avoit fait alliance avec l’Anglois et s’étoit mis en guerre ouverte contre le roi. Richelieu n’ignoroit rien de ses menées ; il savoit notamment qu’il avoit fait main basse sur plusieurs vaisseaux français. Pour toute réponse à cet acte de rebelle, il s’étoit contenté d’écrire, vers le milieu de juillet de cette année, à M. de Maillezais, « fera venir un commissaire pour raser Soubise. » C’étoit la demeure seigneuriale du duc sur la Charente, près de Marennes. (Avenel, Lettres, instruct. diplomat. et papiers d’État du Card. de Richelieu, t. II, p. 506.)

10. C’étoient les anneaux ou plaques que l’on attachoit aux pieds de l’oiseau de proie, avec l’empreinte des armes du seigneur auquel il appartenoit.

11. On appeloit tiercelet le mâle des oiseaux de proie : faucons, autours, gerfauts, éperviers.

12. Malgré cette allusion assez transparente au nom de l’avocat à qui le Manifeste anglois étoit attribué, nous n’avons pu découvrir qui il étoit au juste.

13. C’est le grand controversiste protestant, le Silésien Daniel Tilenus, qui vivoit encore à cette époque. On l’accusoit d’avoir fait l’Anti-Coton, libelle alors fameux. V. le Borboniana, à la suite des Mémoires de Bruys, t. II, p. 271.

14. Encore un jeu de mots ; cette loi Remnie n’est invoquée que parce que l’auteur du manifeste avoit renié notre cause.

15. Nous avons déjà dit plus haut que le principal prétexte allégué par le manifeste au sujet de la descente des Anglois à l’île de Ré étoit la défense des réformés.

16. Le manifeste déclaroit, en effet, que le roi de la Grande-Bretagne avoit recherché la sœur du roi de France, mais il ajoutoit que le mariage avoit eu lieu surtout pour que le roi fût mieux en état d’appuyer les François réformés.

17. V. à ce sujet une des pièces précédentes, p. 165–166. — Au chapitre VI des Mémoires du comte Leveneur de Tillières, qui étoit alors notre ambassadeur à Londres, il est aussi parlé fort en détail de la mesure qui força les prêtres françois de s’éloigner du service de la reine femme de Charles Ier, et cette proscription y est en partie attribuée au duc de Buckingham. On conçoit d’autant mieux qu’il en soit fait ici mention. (Mém. inéd. du Cte Leveneur de Tillières, publiés par C. Hippeau, 1862, in-18, p. 88–150.)

18. Le manifeste se plaignoit de ce qu’au mépris des paroles données pour les réformés de La Rochelle, et des promesses faites au sujet de la démolition du fort Saint-Louis, dans l’île de Ré, non-seulement on l’avoit conservé, mais de plus qu’on avoit augmenté sa force, et même bâti d’autres forts dans l’île.

19. Frédéric V, électeur palatin, s’étant laissé faire roi de Bohême, avoit attiré contre lui toute la puissance des Impériaux, et dans une courte lutte, qui fut la première phase de la guerre de Trente Ans, il avoit perdu ses deux couronnes d’électeur et de roi. Retiré en Hollande, puis à Mayence, avec sa femme Élisabeth d’Angleterre, sœur de Charles Ier, il mourut dans cette dernière ville, le 29 nov. 1632, peu de temps après la mort de Gustave-Adolphe, qui avoit entrepris pour son rétablissement ce que Francien conseille ici au roi d’Angleterre, et qui eût tenu complétement sa promesse sans le coup mortel dont il fut frappé à Lutzen.

20. Ce mot étoit depuis fort longtemps dans notre langue avec le sens de négociateur, et, moins noblement, d’entremetteur. On lit dans Commines (liv. III, ch. 8) : « Le connestable de Saint-Pol vouloit tousjours estre moyenneur de ce mariage. » Et dans la traduction du Gusman d’Alfarache, par Chapelain (2e part., liv. III) : « Sa bonne amie la moyenneuse de leurs plaisirs secrets. »

21. Le manifeste prétendoit que cette obéissance et complète soumission étoit obtenue, et par là les réformés s’étoient rendus dignes d’obtenir à leur tour ce qu’on leur avoit promis, notamment la démolition du fort Louis.

22. Sully ayant acheté, en 1597, du prince Charles de Gonzague, la principauté de Bois-Belle, en Berry, qui étoit totalement indépendante, y avoit fait construire une ville toute neuve, qui conserve encore aujourd’hui la physionomie de son époque, et que le vieil ami d’Henri IV avoit appelée Henrichemont, en l’honneur de son bien-aimé maître. Ce franc-fief ne fut réuni à la couronne qu’en 1766.

23. Thoiras, gouverneur pour le roi au pays d’Aunis, rendit alors de très-grands services. Il ne put s’opposer au débarquement des Anglois dans l’île de Ré, et perdit même un de ses frères dans le combat qui leur fut livré à la descente ; mais, s’étant retiré dans le fort Louis, il y fit une si belle défense qu’il donna le temps à MM. de Schomberg et de Marillac de débarquer dans l’île six mille fantassins et trois cents chevaux, qui culbutèrent les Anglois et les forcèrent de repartir à toutes voiles pour l’Angleterre. « Sa Majesté, écrivit Richelieu le 9 nov. 1627, surlendemain de cette victoire, a receu en cette occasion ce qu’elle attendoit de la bonne conduite et du courage de M. le mareschal de Schomberg et des sieurs de Marillac et de Thoirax (sic), qui sortit de la citadelle avec six cents hommes du régiment de Champagne. Toute la noblesse y a si bien fait, qu’il est impossible d’en remarquer un seul aux actions duquel on puisse trouver à redire. » (Lettres de Richelieu, t. II, p. 707.) — Dans les Œuvres poétiques de Jean Auvray, 1631, p. 5, se trouve un sonnet sur la Descente des Anglois dans l’Isle de Ré, et sur leur fuite.

24. Pour savoir qu’on disoit happelourde pour pierrerie fausse, il suffit de se rappeler ces vers de La Fontaine :

Tout est fin diamant aux mains d’un habile homme,
Tout devient happelourde entre les mains d’un sot.

Plus tard, vers 1657, quand le sieur d’Arce se fut enrichi, dans l’enclos du Temple, à contrefaire d’une façon merveilleuse « les diamants, émeraudes, topazes et rubis, etc. » (Journal d’un Voy. à Paris en 1657, p. 45), on n’appela plus les fausses pierreries que diamants du Temple. (V. notre Paris démoli, p. 45.) Comme les marchands du Palais en vendoient aussi, on disoit encore bijoux du Palais. V. Œuvres de Montreuil, p. 165, 234.

25. J. de Ribault, qui fut envoyé dans la Floride par Coligny pour y fonder une colonie, et qui y fut massacré par les Espagnols. Ses voyages précédèrent de dix ans ceux de Drach.

26. Tout le monde sait que le duc de Clarence, frère d’Édouard IV, condamné à mort pour rébellion aux ordres de son frère, demanda qu’on le noyât dans un tonneau de Malvoisie. Ce fait est aujourd’hui contesté. V. L’Esprit dans l’histoire, p. 16.

27. Petite lame d’épée ou de dague. On lit dans les comptes royaux de 1458 : « Pour une dague à deux taillants d’un pié et demi d’alumelle. » On saluoit avec l’alumelle dégaînée, et de là est venue une singulière erreur de l’auteur du Glossaire de l’Histoire de Paris. Ayant lu dans les registres du Parlement pour 1419 : « Charles mist tantôt la main à son allumée, faisant semblant de saluer nostre dict cousin, etc. », il crut que Charles l’avoit salué du bonnet, et il mit en note : « allumée, bonnet. » (De Laborde, Glossaire des émaux, p. 126.)

28. Le grand ennemi des protestants, dont les nombreux écrits, plus empreints de fanatisme que de poésie, sont catalogués au long dans le tome 35, p. 286 et suiv., des Mémoires du P. Niceron. La Chamade en rime, citée ici, n’est pas indiquée dans ce catalogue, et comme elle est de beaucoup postérieure à l’année 1577, date du Désordre et scandale de France, que l’on croit être son dernier livre, elle permet de croire qu’il vécut beaucoup plus tard qu’on ne le suppose. V. encore, sur lui, l’abbé d’Artigny, Nouv. Mém. de Littérat., t. II, p. 49 ; Viollet Le Duc, Biblioth. poét., p. 262–264 ; et notre t. VI, p. 39.