Mathématiques et mathématiciens/Chp 3 - Section : Histoire

Librairie Nony & Cie (p. 372-381).


HISTOIRE



CALCUL MENTAL

Mme  de Lautré, dont parle Mme  de Genlis, faisait dans les salons, des multiplications de nombres de huit chiffres.

Diner, le berger de Stuttgard, devint péniblement maître d’école. N’ont pas percé davantage les autres petits calculateurs prodiges : Annich, Buxton, Colburn, Bidder, Pughiesi, Magiamele, etc. Malgré les meilleures leçons, Henri Mondeux n’a pas pu s’élever au dessus des calculs numériques.

De nos jours, c’est Inaudy, qu’on promène comme une curiosité : il a été présenté à l’Académie des Sciences, comme son prédécesseur. Inaudy n’est pas un visuel, c’est un auditif : il a pu retenir d’un seul coup jusqu’à 42 chiffres. La capacité de sa mémoire est le secret de sa force.

Dans leur enfance, Gauss et Ampère ont calculé très vite, mais cette faculté s’est ralentie chez eux dès qu’ils se sont livrés à la recherche mathématique.

Un de nos amis, lorsqu’il voyageait, décomposait de tête les numéros des wagons en facteurs premiers, en prenait la racine carrée, etc.

TAUTOCHRONE ET BRACHISTOCHRONE

La cycloïde ou roulette, qui a été étudiée par Pascal, jouit de deux propriétés bien curieuses. Un point pesant descendant le long de sa concavité arrive toujours dans le même temps au sommet inférieur, de quelque hauteur qu’il parte. De plus, c’est cette courbe, et non une ligne droite, que doit décrire un point pesant pour descendre dans le moins de temps possible.

QUADRATURE DU CERCLE

Il est dit, dans la Bible, qu’il y avait, dans le Temple de Salomon, un grand bassin hémisphérique dont le diamètre était de dix coudées et la circonférence de trente.

« J’étais semblable à ce géomètre qui s’efforce de quarrer le cercle et cherche en vain dans sa pensée le principe qui lui manque. »

Dante.

Pisthétéros. — Mais, dites-moi, quels instruments avez-vous là ?

Méton. — Ce sont des règles pour mesurer le ciel… J’appliquerai une règle droite et je prendrai si bien mes dimensions, que je ferai d’un cercle un carré.

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Pisthétéros. — … Croyez-moi, retirez-vous au plus vite.

Aristophane.

Plutarque affirme qu’Anaxagore avait trouvé la quadrature du cercle. Roger Bacon parle de la question comme si elle était complètement connue de son temps. Or il est maintenant prouvé qu’on ne peut résoudre le célèbre problème avec la règle et le compas.

LONGUES FORMULES

Dans la Théorie de la lune, de l’astronome Delaunay (qui s’est noyé en se baignant à Cherbourg), il y a une formule dont le second membre occupe 138 pages.

L’œuvre de Delaunay comprend dans le premier volume l’expression de la longitude de la lune et, dans le second, celle de sa latitude.

On m’a parlé d’un mémoire d’Olbers qui se compose d’une seule phrase.

CONCESSION

L’Académie des Sciences de Paris se refusa pendant quelque temps à admettre une doctrine (il s’agit des infiniment petits) qui semblait altérer la pureté géométrique ; elle vit naître d’ardentes discussions dans lesquelles plusieurs de ses membres, s’attachant avec obstination à de fausses idées qu’ils s’étaient formées, et à des locutions qui les choquaient sans qu’ils voulussent considérer le fond des choses, contestèrent non seulement la rigueur des raisonnements, mais encore l’exactitude des règles de Leibniz. Cette opposition fut utile, en forçant les géomètres infinitésimaux à donner une forme nette aux principes contestés, qui peut-être n’avaient été mal compris des uns que pour avoir été jusque-là mal expliqués par les autres. Leibniz lui-même, que les plus grands géomètres de l’Europe avaient enfin admiré et compris, loin de s’envelopper dans sa gloire et de mépriser les critiques, ne dédaigna pas de répliquer avec courtoisie à des adversaires qu’il estimait malgré la faiblesse de leurs arguments. Sa réponse au Journal de Trévoux est restée célèbre par une concession singulière qui semblerait passer condamnation sur le manque de rigueur qu’on lui reprochait ; il assimile en effet les infiniment petits des divers ordres à des grandeurs incomparables à cause de leur extrême inégalité, comme le serait un grain de sable par rapport au globe de la terre. Un tel langage, il faut l’avouer, ne signifie rien de précis et conduirait à confondre l’infiniment petit avec le très petit. Leibniz ressemble dans cette circonstance, dit Fontenelle, à un architecte qui a fait un bâtiment si hardi qu’il n’ose lui-même s’y loger, tandis que d’autres, plus confiants que lui, s’y logent sans crainte, et qui plus est, sans accident. Mais à cette citation, on doit ajouter que, la lettre de Leibniz n’étant pas écrite pour des géomètres, la concession qui semble trop timide n’était peut-être que prudente.

J. Bertrand.
PIERRE À AIGUISER

Robert Record (auquel nous devons le signe =, égale) a publié, en 1557, la seconde partie de son arithmétique, sous le titre de Whetstone of wit c’est-à-dire Pierre à aiguiser l’esprit. C’est un dialogue, et, l’élève étant surpris par les deux racines de l’équation du second degré, le maître lui répond : « Cette variété de racines fait voir qu’une seule équation peut servir à deux questions différentes. La nature de la question vous indiquera facilement laquelle de ces deux racines vous devez prendre ; et il est des cas où vous pourrez les prendre toutes les deux. »

CHOSE

Les premiers algébristes italiens appelaient l’inconnue « la chose », de là le nom de cossites donné à ces initiateurs.

CHICANE

Qu’Euclide se donne la peine de démontrer que deux cercles qui se coupent n’ont pas le même centre, qu’un triangle renfermé dans un autre a la somme de ses côtés plus petite que celle des côtés du triangle dans lequel il est renfermé, on n’en sera pas surpris. Ce géomètre avait à combattre des sophistes obstinés, qui se faisaient gloire de se refuser aux vérités les plus évidentes ; il fallait qu’alors la Géométrie eût, comme la logique, le secours des raisonnements en forme, pour fermer la bouche à la chicane.

Clairaut.
QUADRATURES ET RECTIFICATIONS

Je ne cite pas ici comme une véritable quadrature celle que découvrit Hippocrate de Chio d’un espace terminé par des arcs de cercle (lunules), qui retranchent d’un côté d’un espace rectiligne, ce qu’ils y avaient ajouté de l’autre ; cette quadrature, et d’autres semblables que l’on a données depuis, ne sont que des espèces de tours de passe-passe.

Mais la subtilité d’Archimède lui fit trouver un espace curviligne véritable quarrable. C’était l’espace parabolique, dont il détermina exactement la mesure…

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Découvrir, comme a découvert le subtil Bernoulli, que la circonférence du cercle est à son diamètre comme une quantité imaginaire (le logarithme de moins un) est à une autre quantité imaginaire (la racine carrée de moins un), ce n’est qu’un jeu d’esprit qui nous rejette dans des abîmes plus profonds que ceux dont nous voulions sortir…

Descartes, à qui la géométrie doit tant, sut qu’il y avait des courbes dont on déterminait les aires : mais il crut qu’il n’y en avait aucune dont on pût déterminer la longueur ; et assura l’impossibilité de toute rectification. Cependant un géomètre qui n’était pas à lui comparer, rectifia une courbe qui porte encore son nom (la parabole de Neile) ; et bientôt après une infinité d’autres courbes furent rectifiées.

Maupertuis.
AVATAR DU NOMBRE

Voici, d’aprés Ed. Lucas, quelques-unes des transformations curieuses et subtiles du nombre : au début, on fit des marques sur les arbres et des stries sur les os des animaux ; le nombre prit plus tard la forme digitale (Alcuin) ; il devint ensuite successivement mystique (Pythagore), nuptial (Platon) ; magique (Persans), abracadabrant (Zoroastre) ; premier ou composé, entier ou fractionnaire, commensurable ou incommensurable, exact ou approché (Euclide) ; triangulaire, carré, pentagonal, polygonal, pyramidal (Diophante) ; cubo-cubique (Indiens) ; ortho-triangulaire, congruent (Arabes) ; sourd, aveugle (Moyen-Âge) ; plaisant et délectable (Bachet), Récréatif (Ozanam) ; indivisible (Cavalieri) ; différentiel, incrémentiel (Leibniz), fluent (Newton) ; exponentiel, logarithmique, rhabdologique (Neper) ; parfait, amiable, abondant, déficient, aliquotaire (Fermat, Frénicle, etc.) ; congru ou incongru (Gauss) ; complexe, idéal, norme (Kummer) ; réel ou imaginaire, équivalent, anastrophique (Cauchy) ; équipollent (Bellavitis) ; quaternion (Hamilton) ; enfin hypertranscendantal (Hermite).

AU BRÉSIL

La république a été proclamée au Brésil, le 15 novembre 1889. Le promoteur du mouvement révolutionnaire fut Benjamin Constant Botelho de Magalhâes, né en 1833 d’un père portugais et d’une mère brésilienne. Élève de l’École militaire puis astronome à l’Observatoire, il avait une aptitude distinguée pour les mathématiques. Il avait été classé le premier à la suite d’un concours pour une chaire de calcul infinitésimal.

QUADRATEUR

Au XVIIIe siècle, le chevalier de Caussans, prétendit avoir résolu la quadrature du cercle et déposa mille écus chez un notaire pour celui qui prouverait la fausseté de sa solution. Une dame fit la preuve et actionna Caussans devant le Châtelet. Les juges indulgents déclarèrent le pari nul et le quadrateur mourut dans l’impénitence finale.

« Ceux qui ne savent pas de mathématiques, dit La Caille, n’ont que trop souvent le malheur de trouver la quadrature exacte du cercle refusée aux autres. »

ÉRUDITS

Baïardi avait cherché le point du Ciel où Dieu plaça le soleil, lors de la création. « Il venait de découvrir ce point, dit l’abbé Barthélemy, et il me le montra sur un globe. »

Moreri affirme que : « Adam avait une profonde connaissance des sciences et surtout de l’astronomie dont il apprit plusieurs secrets à ses enfants, et il grava sur deux tables diverses observations qu’il avait faites sur le cours des astres. »

Ils croient savoir bien des choses, les érudits.

MOUJIK

Je ne dois savoir qu’une chose, ma langue et celle de l’Église, avec les lois du calcul ; quant aux autres sciences, si j’en ai besoin, je les apprendrai moi-même.

Tolstoï.
CLUB

À la Société populaire de Colmar, Bach employa presque toute une séance à réfuter un citoyen du Mont-Adour qui avait envoyé un procédé pour évaluer exactement la racine carrée de 2. (Étude, de M. Véron-Réville, sur la Révolution dans le Haut-Rhin.)

CERCLE DE POPILIUS

Popilius, envoyé du peuple romain et porteur d’une sommation du Sénat à l’adresse d’Antiochus, traça un cercle autour de ce roi, en lui prescrivant de répondre, avant de sortir du cercle.

VIEUX COMPTE

Parmi les objets découverts par Lartet dans la célèbre grotte sépulcrale d’Aurignac, appartenant à la période quaternaire et à la fin de l’âge du Mammouth, on remarque une lame de bois de renne « présentant sur l’une de ses faces planes, de nombreuses raies transversales, également distancées, avec une lacune d’interruption qui les divise en deux séries ; sur chacun des bords latéraux ont été entaillées de champ d’autres séries d’encoches plus profondes et régulièrement espacées. On serait tenté, dit Lartet, de voir là des signes de numération exprimant des valeurs diverses ou s’appliquant à des objets distincts. »

MARÉCHAL DE SAXE

Le maréchal est mort à cinquante-cinq ans et l’on s’est amusé à composer ainsi son épitaphe en vers blancs :

Son courage l’a fait admirer de chac . . . . . . 1
Il eut des ennemis mais il triompha. . . . . . . 2
Les rois qu’il défendit sont au nombre de. . . . 3
Pour Louis son grand cœur se serait mis en . . . 4
Des victoires par an il gagna plus de. . . . . . 5
Il fut fort comme Hercule et beau comme Thyr . . 6
Pleurez, braves soldats, ce grand homme hic ja . 7
Il mourut en novembre et de ce mois le . . . . . 8
Strasbourg contient son corps en un tombeau tout 9
Pour tant de te Deum, pas un de profun. . . . . 10
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