Mathématiques et mathématiciens/Chp 1 - Section : Mathématiques appliquées

Librairie Nony & Cie (p. 63-70).


MATHÉMATIQUES APPLIQUÉES



Le vaste champ des mathématiques embrasse, d’une part, les théories abstraites ; de l’autre, leurs nombreuses applications. Par cette dernière face, ces sciences intéressent au plus haut degré la généralité des hommes ; aussi les voit-on, à toutes les époques, cherchant, suggérant, proposant sans cesse de nouveaux problèmes, puisés dans l’observation des phénomènes naturels ou dans les besoins de la vie commune…

Arago.

L’étude approfondie de la nature est la source la plus féconde des découvertes mathématiques. Non seulement cette étude, en offrant aux recherches un but déterminé, a l’avantage d’exclure les questions vagues et les calculs sans issue, elle est encore un moyen assuré de former l’Analyse elle-même, et d’en découvrir les éléments qu’il nous importe le plus de connaître et que cette science doit toujours conserver : ces éléments fondamentaux sont ceux qui se reproduisent dans tous les effets naturels.

J. Fourier.

La géométrie et surtout l’algèbre, sont la clef de toutes les recherches sur la grandeur. Ces sciences qui ne s’occupent que de rapports abstraits et d’idées simples, peuvent paraître infructueuses tant qu’elles ne sortent point, pour ainsi dire, du monde intellectuel ; mais les mathématiques mixtes, qui descendent à la matière et qui considèrent les mouvements des astres, l’augmentation des forces mouvantes,…… en un mot toutes les sciences qui découvrent des rapports particuliers de grandeurs sensibles, vont d’autant plus loin et plus sûrement, que l’art de découvrir des rapports en général est plus parfait. L’instrument universel ne peut devenir trop étendu, trop maniable, trop aisé à appliquer à tout ce qu’on voudra.

Fontenelle.

L’artillerie est mise ordinairement au nombre des branches des mathématiques…… On y considère principalement le chemin décrit par le projectile que lance le canon, et l’on conclut les règles suivant lesquelles il faut diriger le canon pour que le boulet frappe un lieu donné. Or on suppose, dans cette recherche, que le projectile décrit une parabole, ainsi que Galilée l’a démontré. Mais cela n’est pas conforme à la vérité dès que le mouvement n’a pas lieu dans le vide. On est donc induit grandement en erreur par les règles et les Tables fondées sur cette hypothèse, leurs auteurs mêmes l’avouent ; ils rejettent l’erreur sur le compte de la théorie, et s’imaginent qu’elle n’a de valeur que lorsque la pratique la corrige. Or l’air nous parait être un fluide trop subtil pour produire une résistance sensible ; et pourtant dans les mouvements très rapides tels que ceux des boulets et des bombes, la résistance de l’air est assez grande pour que les projectiles décrivent une courbe très différente de la parabole. Pour corriger cette erreur notable, pour suppléer à l’emploi inopportun de la parabole, il faut introduire la courbe véritable suivant laquelle le projectile se meut dans l’air. Newton parait avoir fait beaucoup d’efforts pour la découvrir, et cependant son extrême habileté dans l’analyse supérieure ne lui suffit pas pour résoudre ce problème. Il laissa l’honneur de cette découverte au célèbre Jean Bernoulli. Nous voyons par là combien doit être versé dans les mathématiques supérieures celui qui veut résoudre les questions d’artillerie.

Euler.

Les Mathématiques pures se bornent à spéculer sur les grandeurs abstraites. Elles forment une science de raisonnement qui se déduit de notions primitives, d’axiomes, sans rien emprunter à l’expérience. Ses branches sont l’arithmétique, la géométrie et l’analyse (algèbre et calcul infinitésimal).

La mécanique et l’astronomie forment ce qu’on appelle les Sciences physico-mathématiques.

Viennent ensuite les nombreuses Applications des mathématiques. Nous allons rapidement énumérer les principales.

Calcul des probabilités. — La théorie des probabilités a dit Laplace, n’est que le bon sens, réduit en calcul : elle fait apprécier avec exactitude, ce que les esprits justes sentent par une sorte d’instinct.

Le calcul des probabilités est utile dans toutes les sciences et aussi dans la vie sociale.

Physique mathématique. — La physique, enfin maîtresse de ses principes, tend à s’absorber dans les mathématiques. On fait la théorie analytique de la chaleur, de l’électricité, de la lumière, de l’élasticité, de l’acoustique, etc.

La chimie commence à suivre le bon exemple, grâce à la thermochimie.

Statistique et économie politique. — Quelques lois ont été découvertes, il y a tendance à plus de précision dans ces utiles études. Cependant Cournot et Walras se sont trop pressés d’appliquer l’Algèbre à des données encore un peu flottantes ; on dit assez heureusement que la monnaie sert de dénominateur commun aux diverses valeurs.

Loterie ; jeux. — On peut raisonner les chances de la loterie et du jeu, mais on ne corrige guère les amateurs. La Science a obtenu la suppression de la loterie d’État, mais il nous reste d’autres loteries, les valeurs à lots, etc.

Quant aux jeux de combinaisons, ils se rattachent à la géométrie et à l’analyse indéterminée.

Arithmétique appliquée et commerciale. — Il faut considérer, non comme théorie, mais comme applications, les règles de trois, d’alliage, de partage, etc., et le système métrique.

D’autre part, la tenue des livres de commerce a une grande importance pratique.

Finances. — Intérêts simples et composés ; annuités ; banques, établissements de crédit et de prévoyance ; assurances sur les choses et sur la vie ; rentes viagères.

La Bourse.

Répartition des impôts ; budget, etc.

Calcul mental. — Il est bon d’acquérir une certaine habileté à calculer de tête, sans chiffrer hors de propos. Il y a quelques méthodes, mais c’est surtout affaire d’exercice.

Géométrie et trigonométrie pratiques. — Comme en arithmétique, on mêle trop, en géométrie, les applications à la théorie.

Instruments pour les tracés sur le papier et sur le terrain.

Arpentage, levé des plans, nivellement ; le cadastre ; partage des terrains, etc.

Les divers mesurages ; métrage, cubage ; fûts, troncs d’arbre, tas de pierres, etc.

Application de la trigonométrie au levé des plans.

Géométrie descriptive. — Par la méthode des projections, on peut représenter rigoureusement par un tracé plan les figures et les constructions dans l’espace.

Application aux ombres, à la perspective, à la charpente, à la coupe des pierres, etc.

Dessin. — Les divers dessins constituent une langue très étendue et très expressive.

Le dessin dit géométrique l’emporte sur les autres par sa précision.

Les graphiques. — Une courbe, parlant aux yeux, résume de nombreuses observations numériques. Aussi, se sert-on, dans toutes les études, de ces tracés commodes.

Par exemple, les Guides de chemins de fer donnent bien des résultats isolés, mais les employés s’aident de graphiques pour se rendre compte des rapports entre les divers trains.

Arts mécaniques. — Il convient que l’ouvrier sache raisonner ses mesures et ses tracés, au lieu de se servir de règles empiriques et de patrons.

Ferblantiers, menuisiers, tourneurs, etc.

Les machines. — Quelle variété, quelle délicatesse et quelle puissance, depuis les machines à coudre, à calculer, à écrire, jusqu’aux machines qui soulèvent les cuirassés ou creuseront le Panama !

Constructions civiles et militaires. — C’est aux ingénieurs et aux architectes que nous devons surtout notre civilisation matérielle. Ponts et chaussées, chemins de fer, canaux, construction des monuments, etc.

Géographie. — Cartes géographiques, surtout celle de l’État-Major, que tout le monde devrait savoir lire.

Topographie, géodésie, etc.

De nos jours, la géographie devient enfin une science. « Ici, dit Drapeyron, le corps c’est la topographie, l’âme c’est la géographie mathématique. »

Navigation. — Constructions navales, conduite du navire (déterminera un moment quelconque la position et la route) ; tables astronomiques, etc.

Chronologie, horlogerie, gnomonique. — Calendrier, comput ecclésiastique ; montres, horloges, chronomètres ; cadrans solaires.

Arts militaires. — Le fusil et le canon perfectionnés ; balistique ou questions du tir.

Stratégie, dont le problème dépend d’éléments si variés.

Après trente ans de travail, le regretté M. Sonnet a publié sous le titre de Dictionnaire des Mathématiques appliquées, en un seul volume, le plus riche et le plus précis des répertoires connus sur ces matières.