Mathématiques et mathématiciens/Chp 1 - Section : Système métrique

Librairie Nony & Cie (p. 71-74).


SYSTÈME MÉTRIQUE



La réflexion et l’expérience font connaître les conditions d’un bon ensemble de mesures. Nous allons passer en revue les plus importantes de ces conditions et justifier ainsi l’excellence des mesures métriques.

1o  Unités parfaitement définies et fixes. — Les anciennes mesures de longueur se déduisaient des dimensions du corps humain (toises, coudées, mains, pouces, doigts, etc.) ou des dimensions de certains temples. Ces bases étaient vagues et variables, les modèles n’en étaient point arrêtés. On a pu dire que, sous l’ancien régime, il y avait autant d’arpents et de boisseaux que de villages. Le mètre, fraction déterminée de la circonférence terrestre, est une longueur précise, immuable, indépendante du temps et des nations. « On retrouverait le mètre, dit Arago, quand même des tremblements de terre, des cataclysmes épouvantables viendraient à bouleverser notre planète et à détruire les étalons prototypes religieusement conservés aux Archives. »

2o  Unités d’espèces différentes liées entre elles. — La géométrie ramène la mesure des surfaces et des volumes à la mesure de certaines longueurs, qu’on appelle les dimensions de ces figures. Les règles simples qu’on établit supposent qu’on prend pour unités les carrés et les cubes construits sur l’unité linéaire. — On se servait de la toise carrée et de la toise cube, avant de connaître le mètre carré et le mètre cube. Il y a plus, les unités de poids et de monnaie dérivent aussi du mètre, quoique moins directement. On pourrait, à la rigueur, avec les monnaies, peser les corps et mesurer les longueurs. Nos mesures s’enchaînent ainsi complètement et leur ensemble mérite le nom de système.

3o  Unités assez nombreuses pour chaque espèce de grandeur. — Il convient de rapporter chaque grandeur particulière à une unité proportionnée, parce que l’esprit ne voit clairement et rapidement que les nombres ordinaires, ni trop grands, ni trop petits. De là l’utilité d’unités secondaires, substituées souvent à l’unité principale. — Nous avons actuellement des multiples et des sous-multiples de chaque unité ; la plupart sont des instruments effectifs de mesurage ; tandis que les autres ne sont pas fabriqués (huit règles pour les longueurs, treize vases pour les capacités, vingt-quatre poids et quatorze monnaies).

4o  Unités de même nature liées simplement. — Dans l’ancien système, l’échelle était parfois bizarre et variable d’un genre d’unité à un autre (exemple : les longueurs et les poids). De là le calcul des nombres complexes, assez pénible, malgré les simplifications provenant des diviseurs de douze. — Les unités nouvelles procèdent toutes de dix en dix, comme notre système de numération. Les grandeurs s’expriment par suite en nombres décimaux, aussi faciles à combiner que les entiers. Les changements d’unité se traduisent par un simple déplacement de la virgule. — On comprend pourquoi le système métrique s’appelle aussi système décimal des poids et mesures. (On avait même proposé de diviser décimalement le temps, jour de vingt heures, heure de cent minutes, etc., et le cercle en quatre cents grades de cent minutes chacun, etc.)

5o Nomenclature expressive et ne comprenant qu’un petit nombre de mots. — Les mesures antérieures portaient des noms très variés et n’indiquant pas les rapports, qu’il fallait retenir à part. Nous n’avons maintenant que six mesures principales : le mètre, l’are, le litre, le stère, le gramme et le franc ; à ces six mots il suffit de joindre sept abréviations, tirées du grec ou du latin, pour composer les noms des multiples et des sous-multiples. Déca signifie dix, hecto cent, kilo mille, myria dix-mille ; déci signifie dixième, centi centième et milli millième. Dès qu’on parle du décamètre et du décimètre, chacun se rappelle qu’il s’agit de dix mètres et du dixième du mètre. — Cependant, quelque commode que soit la nomenclature précédente, elle n’est pas essentielle au système métrique, qui réside dans les choses et non dans les mots.

6o  Mesures obligatoires et soigneusement contrôlées. — Depuis 1840, les mesures métriques sont définitivement imposées par la loi, sur tout le territoire français, et les dénominations mêmes des anciennes mesures sont prohibées. Les instruments de mesure sont conformes à des modèles dont les règlements précisent la valeur, les dimensions, la forme et la substance. Sur ces mesures sont inscrits non seulement le nom de la mesure mais encore celui du fabricant responsable, et ces instruments sont soumis à un contrôle au début, puis à un contrôle périodique, faits par des vérificateurs des poids et mesures. — Notre système justifie la qualification de système légal des poids et mesures.

7o  Système offrant un caractère international. — Base ne dépendant d’aucune nationalité particulière, puisqu’elle est prise dans la nature. Organisation par des savants de tous les pays qui ont signé les rapports et se sont distribué cent douze des mètres nouveaux. Mots provenant d’une langue morte, du grec ou du latin. « Si la mémoire des travaux venait à s’effacer, dit Laplace, si les résultats seuls en étaient conservés, ils n’offriraient rien qui pût faire connaître quelle nation en a eu l’idée, en a suivi l’exécution. » — L’adoption par tous les peuples des mêmes mesures faciliterait grandement les relations commerciales et scientifiques. Le système métrique est déjà adopté, entièrement ou partiellement, par les pays suivants : Belgique, Hollande, Espagne, Portugal, Grèce, Allemagne, Danemark, Suède, Mexique, Brésil, Républiques de l’Amérique du Sud, Égypte, etc. Ajoutons que dans les États anglais et dans les États-Unis l’usage de nos mesures est facultatif.