Eugène Fasquelle (p. 138-139).



Au commencement du printemps, la fermière m’apprit à traire les vaches et à soigner les porcs. Elle disait qu’elle voulait faire de moi une bonne fermière. Je ne pouvais m’empêcher de penser à la supérieure, quand elle m’avait dit d’un ton méprisant :

— Vous trairez les vaches, et vous soignerez les porcs !

Elle avait l’air de m’infliger une punition en disant cela, et voilà que je n’éprouvais que du contentement à m’occuper des bêtes. Pour me donner de la force, j’appuyais mon front contre le flanc de la vache, et bientôt mon seau s’emplissait. Il se formait au-dessus du lait une écume qui prenait des teintes changeantes, et, quand le soleil passait dessus, elle devenait si merveilleuse que je ne me lassais pas de la regarder.

Je n’éprouvais aucun dégoût à soigner les porcs. Leur nourriture se composait de pommes de terre cuites et de lait caillé. Je plongeais mes mains dans le seau pour bien mélanger le tout, et j’avais un grand plaisir à leur faire attendre un instant leur nourriture. Leurs cris discordants, et les mouvements si vifs de leurs groins m’amusaient toujours.