Manuel pratique de la culture maraîchère de Paris/10/Février

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FÉVRIER.

MELON.

Sous le climat de Paris, la culture des melons a toujours quelque chose de plus ou moins forcé, parce que la chaleur arrive trop tard au printemps et que le froid revient trop tôt à l’automne pour que cette plante puisse produire son fruit avec la perfection convenable à son espèce. Nous sommes donc obligés de donner au melon, pendant sa première croissance et souvent pendant ses cinq ou six mois d’existence, la chaleur et l’abri que notre climat lui refuse.

Le melon est une plante annuelle à fleur monoïque[1], de la famille des cucurbitacées et du genre concombre ; elle a des racines menues qui tracent jusqu’à 2 mètres autour du pied à quelques centimètres au-dessous de la surface de la terre ; sa tige, rameuse, munie de vrille, de feuilles alternes et de fleurs axillaires, rampe sur terre et se ramifié ; son fruit, ovale ou arrondi, lisse, brodé, cannelé et plus ou moins gros selon les variétés, est la seule partie qui se mange.

La culture des melons étant l’une des principales branches de la culture maraîchère à Paris, nous allons entrer dans tous les détails de notre pratique, telle que nous la faisons généralement aujourd’hui, car elle n’a pas toujours été la même, et elle pourra subir des modifications par la suite : ainsi, quand nous ne cultivions que le melon brodé ou maraîcher, la culture de cette variété était assez simple ; à présent que les cantaloups sont, à juste titre, préférés au melon maraîcher, la culture s’est enrichie de nouveaux procédés pour obtenir des cantaloups dans toute leur perfection. Une nouvelle espèce pourra un jour exiger que l’on trouve de nouveaux procédés pour la cultiver avec succès et profit ; car, sans profit, il n’y a pas de culture maraîchère possible.

Il est inutile de prouver que la culture maraîchère ne peut se soutenir sans profit ; mais il n’est pas indifférent, sinon de prouver, du moins de faire voir que nous ne pouvons et ne devons pas cultiver certains melons très-estimés par leur précocité, mais d’une petitesse telle que, seraient-ils d’une qualité supérieure, nous ne pourrions jamais les vendre ce que leur culture nous coûterait ; nous voulons parler du melon ou cantaloup orange et de quelques-unes de ses variétés. Certainement ces melons sont plus précoces que ceux que nous cultivons : on les sème dès les premiers jours de décembre, et on en obtient des fruits mûrs dès les premiers jours d’avril ; mais ces fruits sont gros comme des pommes ou comme le poing, et certes leur vente à la halle ne payerait pas à beaucoup prés leurs frais de culture, en supposant, toutefois, qu’on pût les vendre. Abstraction du prix, le public de Paris ne s’accoutume pas aisément aux nouvelles productions horticoles qu’il ne connaît pas : combien de temps n’a-t-il pas fallu pour l’accoutumer à préférer le cantaloup au melon maraîcher ? En résumé, la culture maraîchère ne peut et ne doit exploiter que les légumes qui ont un cours étain à la halle de Paris, et elle doit attendre que les autres productions horticoles ou agricoles dont les qualités sont préconisées par ceux qui les connaissent, par quelques amateurs de nouveautés, soient recherchées ou cotées à la balle de Paris pour en entreprendre la culture.

Le melon est la plante maraîchère qui a le plus de variétés ; les unes sont estimées dans un pays et les autres dans un autre. À Paris, ce sont quelques variétés de cantaloup qui sont aujourd’hui les plus recherchées, et, bien entendu, ce sont celles-là que les maraîchers cultivent de préférence. La manière et le temps de semer le melon et de l’élever sont assez uniformes chez la plupart des jardiniers ; mais la nécessité et la manière de le tailler sont jugées très-diversement par beaucoup de jardiniers et de théoriciens. Les maraîchers de Paris sont ceux qui font le moins de raisonnements sur la taille du melon ; mais le constant succès de leur pratique est là pour assurer qu’ils sont dans la bonne voie.

Nous divisons la culture du melon en trois saisons, savoir :

1o De primeur,

2o En tranchée,

3o Sur couche.

SEMIS DE PRIMEUR.

Dans les premiers jours de février[2], on fait une couche mère (voir ce mot au chapitre VIII), que l’on charge d’un coffre à un panneau dans lequel on met un lit de terreau épais de 30 centimètres, et on la couvre d’un châssis. Quand le terreau est retombé à la température de 30 degrés centigrades à la profondeur de 8 centimètres, on sème la graine de melon en rayon ou à la volée, et on la recouvre de 15 millimètres de terreau ; on replace le châssis, sur lequel on met un paillasson qu’on laisse jusqu’à ce que la graine soit levée, ce qui a lieu en quatre ou cinq jours ; dès qu’elle est sortie de terre, on ôte le paillasson dans le jour pour que le jeune plant jouisse de la lumière et ne s’étiole pas, et on le remet, chaque soir, à bonne heure ; de plus, si la gelée est à craindre, on s’y oppose par les moyens connus. Quand l’enveloppe qu’ont soulevée les cotylédons est tombée, il est temps de faire une autre couche appelée couche pépinière, de même épaisseur que la précédente, mais assez longue pour recevoir un coffre à deux ou trois panneaux, car il faut bien sept ou huit jours pour que le terreau de cette nouvelle couche soit descendu à la température indiquée ci-dessus, et pendant ce temps le plant a suffisamment grandi pour être en état d’être repiqué en pépinière.

Ce repiquage se fait de deux manières, et, comme chacune a ses partisans, nous allons les exposer toutes deux, en les faisant suivre de notre propre opinion.

Première manière. — Quand le terreau de la couche pépinière est parvenu à la température convenable, on va à la couche mère, on soulève le plant en passant la main ou une houlette au-dessous des racines et faisant une petite pesée ; ensuite on tire le plant de melon de terre en ménageant bien ses cines, et on va le repiquer à la main (ce qui est préférable au plantoir) dans le terreau de la nouvelle couche, en enfonçant la tige jusqu’auprès des cotylédons et plaçant les plants à 12 centimètres les uns des autres. Dès que la largeur d’un panneau est repiquée, on rabat de suite le châssis, qu’on couvre d’un paillasson et qu’on laisse ainsi pendant trois ou quatre jours pour faciliter la reprise du plant ; après ce temps, on lui rend la lumière du jour et on continue de le gouverner en raison de la saison.

Deuxième manière. — Quand la couche pépinière est faite, le coffre placé et le terreau étendu, on n’attend pas que le coup de feu soit passé ; on y enfonce de suite des pots à melon vides (il en tient de soixante-quinze à quatre-vingts par panneau), on les emplit d’une bonne terre douce mélangée de terreau par moitié, on tasse un peu avec la main, et de suite on ferme les châssis, on couvre de paillassons, s’il est nécessaire, pour hâter la fermentation. Quand la terre de ces pots est parvenue à la température requise, on repique dans chacun d’eux un seul plant de melon à la main ou au plantoir avec tout le soin convenable, on ferme les châssis, sur lesquels on met des paillassons comme dans l’autre manière et pour la même raison. À présent, nous allons dire notre pensée sur ces deux méthodes.

Si le melon, ainsi repiqué en pot, pouvait être planté à demeure le premier jour qu’il est en état de l’être, ces deux manières de le repiquer pourraient être à peu près indifférentes ; mais il arrive très-rarement qu’on puisse planter un melon aussitôt qu’il est bon à être planté ; on ne le plante le plus souvent que six, huit ou dix jours après, et quelquefois plus tard encore : or celui repiqué en plein terreau ne souffre pas de ce retard, ses racines s’allongent à leur aise, et, quand on veut le planter à demeure, on l’enlève à deux mains avec une bonne motte et on va le placer dans le trou qui lui est préparé, sans que ses racines soient contournées.

Si, de l’autre côté, un pied de melon repiqué dans un petit pot y reste huit ou dix jours plus qu’il ne faudrait, ses racines sont obligées de se contourner ; ce qui, selon nous, retarde son établissement comme il faut dans le trou où on le plante à demeure. Cette dernière plantation a l’avantage, il est vrai, de pouvoir se faire plus promptement, même par un temps peu favorable, et cependant nous préférons le repiquage en plein terreau.

PLANTATION DES MELONS DE PRIMEUR.

C’est le petit prescott gris que nous cultivons comme primeur ou de première saison ; mais, quels que soient la saison et le melon, nous lui coupons toujours la tête quatre ou cinq jours avant de le planter, tandis qu’il est encore sur la couche pépinière, parce que, dans cet état, la plaie causée par la suppression de la tête se cicatrise plus vite et bien plus sûrement que quand on remet cette opération à faire après la plantation. Pour effectuer notre première plantation, voici comme nous procédons : en février nous avons ordinairement des couches d’hiver qui ont déjà rapporté de la laitue petite noire ou des radis, et qui se trouvent vides. Alors nous emportons ailleurs le terreau qui les recouvre, et, comme le fumier avec lequel elles sont composées n’est pas encore consommé, nous le brisons, nous y apportons du fumier neuf avec lequel nous le mélangeons bien et refaisons d’autres couches d’hiver à la place des anciennes.

Ces couches se font successivement l’une à côté de l’autre ; quand la première est montée, on y place des coffres, et nous étalons dans ces coffres 13 à 14 centimètres (5 pouces) épais de bonne terre bien meuble et plaçons de suite les châssis ; quand la chaleur est tombée au point convenable (environ 30 degrés centigrades à 10 centimètres de profondeur dans la terre), on y plante les melons que nous avons laissés repiqués sur la couche pépinière en plein terreau ou dans des pots : on fait d’abord un rang de moyens trous au milieu de la couche, à raison de deux par panneau, ou bien on ne fait les trous qu’à mesure que l’on plante. Il faut pourtant que les trous soient faits d’avance pour recevoir les pieds de melon repiqués en plein terreau : nous allons commencer par ceux-ci.

On va à la couche pépinière, on enfonce les deux mains dans le terreau, l’une à droite et l’autre à gauche d’un plant, on le soulève avec une bonne motte de terreau et on vient le placer de suite avec la motte dans le trou qui lui est préparé sur la nouvelle couche ; on étale ses racines convenablement, on les recouvre et on presse légèrement la terre ; ensuite on va chercher un autre plant que l’on plante de même et ainsi de suite. Quand la plantation est finie, ou mieux en la faisant, on répand environ trois quarts de litre d’eau sur chaque pied de melon planté, pour aider à la reprise, et on replace de suite les châssis, pour éviter le vent ou le froid.

Pareille plantation de melons repiqués en pots est moins longue et moins difficile, parce qu’on peut aller à la couche pépinière et prendre d’un coup une brouettée de pots et l’amener où les melons doivent être plantés : là le maître maraîcher prend un pot de la main droite, le renverse dans la main gauche en ouvrant un peu les doigts pour laisser passer la tige du melon, et, en frappant un petit coup sur le fond du pot, le melon et sa motte en sortent aisément ; tenant ensuite cette motte de la main gauche, si le trou n’est pas fait, il le fait de la main droite, y place la motte du melon, la borne convenablement, l’arrose et replace les châssis comme précédemment.

Nous devons faire remarquer ici que, quoique, en repiquant les melons sur la couche pépinière, on les ait enfoncés jusqu’aux cotylédons, la tige a encore grandi souvent de 4 à 7 centimètres, et qu’en les plantant à demeure il faut enterrer cette partie jusque près de la première feuille, parce qu’il doit s’y développer de nouvelles racines qui augmenteront la vigueur de la plante.

Nous ferons encore observer que quelques jardiniers ont soulevé la question de savoir s’il convenait de laisser ou supprimer les cotylédons (coquilletons, en terme de maraîcher) aux melons avant ou après la plantation : ces parties devant naturellement se dessécher sur la plante, les uns ne sont pas dans l’usage de les ôter ; mais ces organes sont quelquefois attaqués de pourriture ; alors ils les suppriment jusqu’au vif et en cautérisent la plaie avec des cendres, du plâtre ou de la chaux en poudre, afin que la pourriture ne gagne pas la tige : quant à la taille, nous en traiterons à la fin des diverses plantations de melons (voir notre opinion sur le retranchement des cotylédons, page 207).

Il ne suffit pas d’avoir planté les melons comme nous venons de le dire ; six ou huit jours après la plantation, il faut établir un bon accot autour des couches, emplir les sentiers de fumier sec bien pressé jusqu’au sommet des coffres, donner un peu d’air aux melons, dans le jour, toutes les fois que le temps le permet, couvrir les châssis toutes les nuits, doubler, tripler même les paillassons si la gelée devient menaçante, découvrir quand le soleil luit afin que les melons se réchauffent à sa lumière au travers du verre, se mettre en garde contre l’humidité, qui n’est guère moins nuisible aux melons que la gelée ; pour la prévenir, nous n’avons d’autre moyen que de donner de l’air chaque fois que le temps le permet, et de veiller à ce que les melons soient toujours propres, en ôtant soigneusement les feuilles qui pourraient s’altérer et occasionner de la pourriture.

Le melon petit prescott, semé et planté en février, peut, si l’année n’est pas trop défavorable, donner des fruits mûrs du 10 au 15 mai.

MELONS DE SECONDE SAISON.

Les maraîchers de Paris choisissent de préférence le cantaloup gros prescott fond noir et le cantaloup gros prescott fond blanc pour cultiver dans cette seconde saison en tranchée, c’est-à-dire qu’ils cultivent ces melons sur des couches faites en tranchées (voir ce mot, chapitre VIII), recouvertes de terre au lieu de terreau.

On sème ces melons du 20 au 25 février, sur une couche mère, et on les repique sur une couche pépinière absolument comme le petit prescott dont nous venons de parler : on les étête également en pépinière cinq ou six jours avant de les planter.

Quand le temps approche de planter à demeure ce plant de melon, on fait des tranchées dans le carré qui lui est destiné, et qui doit toujours être exposé au soleil. On dirige ces tranchées, tant que l’on peut, de l’est à l’ouest, afin que le verre des châssis reçoive directement le soleil du midi. Voici comme nous faisons ces tranchées : on ouvre la première sur le bord du carré, on lui donne 1 mètre de largeur et 33 centimètres de profondeur, et on en porte la terre à l’endroit où doit se faire la dernière tranchée. Quand cette première tranchée est faite, on monte dedans une couche avec moitié de fumier neuf et moitié de fumier vieux bien mélangés, et que l’on mouille, s’il est nécessaire, pour y développer la chaleur convenable ; cette couche doit avoir 66 centimètres d’épaisseur ou s’élever de 33 centimètres au-dessus du sol ; dès qu’elle est faite, on ouvre une seconde tranchée à 66 centimètres de la première et qui lui soit bien parallèle, et la terre qu’on en tire, après l’avoir bien divisée, se jette sur la couche de la première tranchée, et on fait une couche dans cette seconde tranchée semblable à la première, que l’on couvrira avec la terre d’une troisième tranchée, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’on soit arrivé à la dernière tranchée, où l’on trouvera la terre de la première tranchée pour charger la dernière couche.

Mais revenons aux deux premières couches montées, car il y a ici une observation importante à faire : ces deux couches s’élèvent à 33 centimètres au-dessus du sol, et il y a entre elles un sentier large de 66 centimètres, qui se trouvera réduit à 33 centimètres quand les coffres seront placés sur les couches ; les couches elles-mêmes, en s’affaissant, se trouveront au niveau du sol, et, comme les racines de melon courent au loin près de la superficie de la terre, on doit présumer qu’elles s’étendront jusque dans les sentiers en passant sous les planches des coffres : dans cette prévision, on doit labourer la terre des sentiers pour la rendre douce et perméable, et de suite emplir ces sentiers de fumier semblable à celui des couches, bien foulé aux pieds et jusqu’à la hauteur des couches mêmes. Il va sans dire qu’il faut faire un accot le long du côté extérieur de la première couche avant de poser les coffres, afin qu’ils trouvent un appui de ce côté, puisqu’ils sont de 33 centimètres plus larges que les couches, et doivent déborder de 16 centimètres (6 pouces) de chaque côté.

Quand une couche est chargée de terre, on y place les coffres en les alignant au cordeau, on brise la terre qui est dedans et on l’étend de manière qu’il y en ait partout l’épaisseur de 12 à 14 centimètres, et on place les châssis ; quand il y en a deux de faites et que les coffres et les châssis sont dessus, on remet encore du fumier dans le sentier qui est entre les deux couches, et qui alors n’a plus que 33 centimètres de largeur, jusqu’au bord supérieur des coffres, en le tassant bien avec les pieds comme la première fois. Le fumier placé ainsi dans les sentiers s’appelle réchaud, tandis que nous appelons accot celui placé autour des couches ; à mesure qu’il s’affaisse, nous le rechargeons avec du fumier neuf ou mélangé, mais nous ne le remanions jamais ; c’est-à-dire que nous ne réchauffons jamais nos couches comme on le fait dans plusieurs jardins potagers.

On peut planter, sur ces couches en tranchées, le cantaloup petit prescott dont nous avons parlé page 192 ; mais nous préférons pour cette seconde saison le cantaloup gros prescott fond blanc, et celui à fond noir ou gris, parce qu’ils sont constamment meilleurs que beaucoup d’autres et d’une défaite plus assurée : nous les élevons, comme il est dit ci-dessus, sur une couche mère et sur une couche pépinière, et, quand la chaleur de la terre des couches en tranchée est descendue au point convenable, nous les y plantons à deux plants par panneau, avec les soins et les précautions déjà indiqués, et ne négligeons rien pour les préserver du froid pendant la mauvaise saison. Quant à la taille, nous l’expliquerons ci-après ; mais nous devons dire de suite que ces melons, semés du 20 au 25 février, repiqués vers le 2 ou 4 de mars, plantés vers le 25 du même mois, donnent des fruits mûrs dans la dernière quinzaine de juin.

MELON DE TROISIÈME SAISON.

On sème les melons de cette troisième saison depuis la fin de mars jusqu’aux premiers jours de mai, et toujours de la même manière, c’est-à-dire sur couche mère et repiqués sur couche pépinière, où ils subissent l’opération de l’étêtement : on choisit pour cette saison le cantaloup gros prescott fond blanc, le cantaloup gros galeux vert et autres.

Et, au lieu de les planter sous châssis, on les plante sous cloches sur couches sourdes (voir ce mot, article VIII) : en culture maraîchère, les couches sourdes se font ainsi.

On les fait successivement dans un carré bien exposé ; on creuse une tranchée large de 65 centimètres et profonde de 40 centimètres, et on en porte la terre où l’on doit finir la dernière couche ; on emplit cette tranchée de fumier moitié neuf, moitié vieux, bien mélangé, bien étalé et bien pressé avec es pieds, et de façon que le milieu de la couche soit élevé de 33 centimètres au-dessus du sol, et que les côtés descendent en dos de bahut presque à son niveau ; quand cette première couche convexe est faite, on ouvre une seconde tranchée à 66 centimètres de la première, on en divise bien la terre et on la dépose sur la première couche en lui conservant la forme bombée d’un dos de bahut donnée au fumier, et on finit, avec la fourche et le râteau, de lui donner une surface unie sous la forme bombée ; ensuite on place sur l’endroit le plus haut ou sur son milieu une ligne de cloches à 66 centimètres l’une de l’autre, et on laisse la couche s’échauffer ; la seconde tranchée se traite de même, et ainsi de suite jusqu’à la dernière.

Quand on ne craint plus le coup de feu, on plante un pied de melon sous chaque cloche, on l’arrose de suite et on couvre la cloche de litière ou d’un paillasson le jour, pour le garantir du soleil jusqu’à ce qu’il soit repris, ce qui doit arriver après trois ou quatre jours.

Lorsque les branches des melons demandent à sortir des cloches, il faut étendre un bon paillis sur toute l’étendue des couches pour que la terre ne se dessèche pas et que les racines des melons, qui vont bientôt s’étendre près de sa superficie, la trouvent douce et fraîche ; en même temps ou peu de jours après, on labourera les sentiers et on les couvrira aussi d’un bon paillis, parce que les racines des melons, après avoir traversé la terre de leur couche, s’étendent jusque dans les sentiers, et même jusque dans la couche voisine. Les melons plantés ainsi dans le commencement de mai mûrissent leur fruit dans le courant du mois d’aout.

MELON DE QUATRIÈME SAISON.

C’est le cantaloup gros noir galeux que nous faisons dans cette quatrième et dernière saison ; nous y joignons aussi quelques melons brodés ou maraîchers, quoique cette ancienne espèce soit très-inférieure aux cantaloups, quant au prix et à la qualité ; sa culture étant aussi différente de celle des cantaloups, nous la traiterons à part.

Les melons de cette saison se sèment et se repiquent absolument comme les précédents, mais plus tard, parce que leur plant ne peut être planté à demeure qu’à la fin d’avril et dans le courant de mai, la place qui leur est destinée étant occupée jusqu’à ces époques ; en effet, ils doivent succéder aux laitues, aux romaines, aux choux-fleurs, aux radis et aux carottes plantés ou semés sur couches, et ces couches ne se vident successivement que du commencement d’avril jusqu’en mai.

Au fur et à mesure que ces couches se vident, on retire le terreau qui est dessus : à cette époque, leur fumier n’est pas consommé ; alors on brise la couche, on divise et on secoue le fumier, on y en mêle du neuf au tiers ou par moitié, et on reconstruit les couches à la même place, l’une contre l’autre, en leur donnant toujours 1 mètre 66 centimètres (5 pieds) de largeur, mais seulement 40 centimètres (15 pouces) de hauteur, ainsi que nous le pratiquons pour nos couches de printemps qui, vu la saison, n’ont pas besoin d’être aussi épaisses que celles d’hiver. Quand une couche est montée, comme il est dit chapitre VIII, on la couvre de terreau, et, après que ce terreau est bordé, il faut qu’il y ait 1 mètre 32 centimètres de largeur et 12 ou 15 d’épaisseur sur toute la couche ; le terreau laissant 16 centimètres vides sur chaque côté de la couche, il en résulte que deux couches accolées l’une contre l’autre laissent entre elles un espace large de 32 centimètres où il n’y a pas de terreau, et cet espace forme un sentier nécessaire et commun à deux couches.

Quant au coup de feu, il n’est guère à craindre dans des couches montées comme celles-ci avec au moins moitié de fumier qui a déjà servi, et qui n’ont que 40 centimètres d’épaisseur ; cependant il est toujours prudent de s’assurer du degré de chaleur qu’elles peuvent avoir dans le terreau quatre à cinq jours après qu’elles sont chargées, et de ne les planter que quand on ne craint plus que la chaleur du terreau s’élève au-dessus de 30 degrés centigrades, à 8 ou 9 centimètres de profondeur dans le terreau.

Mais, dès que le terreau est bordé, rempli et nivelé, on trace une ligne au milieu ; on y place un rang de cloches distantes l’une de l’autre de 66 centimètres de centre à centre, et, quand la chaleur sous les cloches est au point convenable, on plante un pied de melon sous chacune d’elles, on l’arrose de suite et on ombre avec de la litière flexible que l’on pose sur chaque cloche.

Quelques maraîchers emplissent les sentiers de fumier neuf bien pilé aussitôt qu’ils ont bordé le terreau de leurs couches, dans la crainte de le faire ébouler en marchant dans les sentiers ; mais la plupart attendent que les melons soient plantés pour faire cette opération, dans la crainte d’augmenter la chaleur de la couche, dans ce premier moment où elle est suffisamment chaude : à mesure que les sentiers se creusent, on les remplit de nouveaux fumiers pour les maintenir aussi hauts que le terreau des couches, et toujours on couvre les couches avec des paillassons toutes les fois qu’on apporte du fumier dans les sentiers, afin qu’il n’en tombe pas sur les plantes, et on entoure le carré de couches d’un accot.

MELON BRODÉ OU MARAÎCHER.

Depuis l’introduction des cantaloups dans la culture maraîchère, le melon brodé est beaucoup moins estimé et sa culture est grandement diminuée, parce qu’il leur est inférieur en qualité, et que même il n’a pas toujours celle inhérente à son espèce. On n’oserait plus aujourd’hui présenter un melon brodé sur une table tant soit peu distinguée, et beaucoup de maraîchers en ont abandonné la culture ; si quelques-uns d’entre eux en font encore, c’est parce que sa culture est plus simple, qu’on lui fait rapporter plus de fruits, et que ces fruits sont plus accessibles à la petite fortune que les cantaloups.

En culture maraîchère, le melon brodé se sème au commencement de mai, se repique vers le 10 ou 12, et se plante en place vers la fin du mois, c’est-à-dire le dernier des melons, sur des couches faites comme celles des cantaloups de quatrième saison ; mais, au lieu de n’en mettre qu’un rang au milieu de la couche, on en plante deux rangs à 33 centimètres des bords et à 66 centimètres de distance dans les rangs[3].

Quoique nous venions d’assigner la fin de mai pour la plantation du melon brodé, il y a pourtant quelques maraîchers qui le sèment dès les premiers jours d’avril et le plantent vers la fin du même mois ; alors ils obtiennent des fruits mûrs dans la dernière quinzaine de juillet, tandis que ceux qui le plantent fin de mai n’en obtiennent qu’en août et jusqu’au 15 septembre, époque où la police défend de manger des melons, parce qu’elle croit qu’à cette saison les melons brodés ou maraîchers peuvent donner la fièvre à ceux qui en mangent.

DE LA TAILLE DES MELONS.

Nous n’avons jusqu’ici parlé des melons que jusqu’à l’époque de leur plantation ; mais ils réclament encore d’autres soins jusqu’à celle où leurs fruits mûrissent pour nous dédommager de nos peines, et, parmi tous ces soins, celui de la taille est le plus important et celui sur lequel il y a des opinions très-diverses qui peuvent se résumer en ces deux questions : Faut-il tailler peu ? faut-il tailler beaucoup ? La culture maraîchère de Paris répond oui à la seconde question, parce que, la culture du melon étant tout artificielle sous notre climat, il faut continuer d’employer des procédés contre nature, pour forcer cette plante à nous donner des fruits et plus gros et plus tôt qu’elle ne ferait naturellement.

Les trois ou quatre sortes de cantaloup que nous cultivons, soit sous châssis, soit sous cloche, se taillant de la même manière, ce que nous allons dire est applicable à toutes : nous parlerons à part de la taille du melon brodé.

CANTALOUP.
Première taille.

Nous comptons pour première taille l’étêtement que nous avons fait subir à nos melons avant de les planter lorsqu’ils étaient encore en pépinière. Plusieurs jardiniers ne font cette opération que quand les melons sont plantés ; mais alors l’humidité est plus à craindre, et la pourriture peut se mettre sur la plaie, tandis qu’elle se cicatrise bien plus aisément et plus promptement quand les melons sont encore en pépinière. Cette première taille, tous les jardiniers la pratiquent à peu près de la même manière en coupant la jeune plante de melon à environ 12 millimètres (6 lignes) au-dessus de la deuxième feuille.

Quant au retranchement des cotylédons, oreillettes ou coquilletons, en terme de maraîcher, c’est différent, tous les jardiniers ne sont pas d’accord ; les uns les laissent ou ne les suppriment qu’au cas qu’ils y voient de la pourriture ; pour nous, nous supprimons toujours les deux cotylédons et les boutons qu’ils peuvent avoir dans leur aisselle en même temps que nous les étêtons sur la couche pépinière, et nous faisons cette double opération, autant que possible, par un jour de soleil, et donnons en même temps un peu d’air, afin que les plaies se cicatrisent plus promptement.

Depuis que les melons sont plantés et repris jusqu’à ce qu’il soit nécessaire de les tailler une seconde fois, il n’y a autre chose à faire qu’à les préserver du froid par tous les moyens déjà indiqués, de les préserver des coups de soleil s’il a déjà de la force, et de leur donner de l’air toutes les fois que la température le permettra.


Deuxième taille.

La première taille a fait développer deux branches opposées qui s’étendent naturellement sur la terre ; quand elles sont longues d’environ 33 centimètres, on les taille au-dessus de la quatrième feuille ; c’est le temps de tapisser les melons plantés sous châssis, parce qu’après la seconde taille leurs branches vont s’allonger de tout côté, et plus tard il ne serait pas aussi facile d’étendre un paillis sous leurs branches pour les éloigner de la terre et les tenir plus au sec. L’époque de donner la seconde taille aux melons plantés sous cloche coïncide avec celle où ces plantes ont besoin d’étendre leurs deux bras au dehors de la cloche ; quand ces deux bras seront aussi taillés à quatre feuilles, on étendra un paillis sur toute la couche, on soulèvera les cloches avec une, deux ou trois crémaillères, afin que les branches du melon puissent sortir et s’étendre sur les paillis ; mais, si à cette époque il y a du froid à craindre, on ne négligera pas de dérouler des paillassons sur les cloches pendant la nuit.


Troisième taille.

Les deux bras coupés au-dessus de la quatrième feuille à la seconde taille ont dû se ramifier et produire chacun de trois à quatre branches, ce qui fait de six à huit branches en tout ; quand les plus grandes de ces huit branches se sont allongées d’environ 33 centimètres, on les taille toutes au-dessus de leur troisième feuille, et on les étend convenablement autour du pied, de manière à ce qu’elles ne se croisent pas et ne fassent pas confusion. Déjà on a pu voir quelques fausses fleurs, peut-être une maille ou deux ; mais ce n’est qu’après la troisième taille que les mailles se montrent en quantité suffisante pour faire un choix.

Nous devons avertir que l’humidité de la couche est suffisante pour tenir la terre ou le terreau qui la recouvre dans un état de fraîcheur convenable à la végétation du melon, et que ce n’est guère qu’après que les fruits ont pris une certaine grosseur que les arrosements deviennent nécessaires : pourtant, si par quelques circonstances la terre se trouvait sèche avant cette époque, il faudrait avancer les arrosements : nous devons avertir aussi qu’il ne faut pas négliger de donner de l’air aux melons qui sont sous châssis tous les jours en levant les panneaux de 2, 4, 6 et 12 centimètres en raison de la température ; quant aux melons sous cloches, l’air ne leur manque pas, puisqu’à la troisième taille les cloches qui les couvrent ont dû être soulevées et soutenues à 6 ou 7 centimètres d’élévation au moyen de trois crémaillères.


Quatrième taille.

Les branches qui ont poussé après la troisième taille ont la plupart des mailles quand on exécute la quatrième taille : en général, on fait cette taille au-dessus de la seconde feuille, mais la présence des mailles oblige quelquefois d’apporter certaine modification à cette règle ; ainsi, s’il y a une maille dans l’aisselle d’une seconde feuille, nous sommes obligés de tailler la branche au-dessus de la troisième feuille, parce qu’il faut toujours laisser un œil au-dessus du jeune fruit pour attirer la sève.


Cinquième taille.

Toutes les branches qui naissent après la quatrième taille sont coupées au-dessus de leur première feuille, et cette cinquième taille peut être répétée trois ou quatre fois, afin que les branches du melon sous châssis ne dépassent pas la largeur du coffre et que celles du melon sous cloche ne dépassent pas la largeur de la couche, et aussi pour entretenir la végétation dans le corps de toute la plante.

Maintenant revenons aux mailles : nous venons de dire que c’était après la troisième taille qu’elles se montraient en plus grand nombre ; maintenant il nous faut dire que, dans la culture maraîchère de Paris, nous ne laissons généralement qu’un seul fruit sur chaque pied de melon, parce que nous tenons à l’obtenir le mieux fait et le plus gros possible, et que, quand il en vient deux en même temps, ni l’un ni l’autre n’atteint le volume qu’un seul aurait obtenu ; et c’est après la troisième taille, quand les mailles se présentent en grand nombre, que nous choisissons celle de ces mailles qui nous semble la mieux placée et la mieux conformée pour se convertir en beau fruit : quand cette maille ou une autre a atteint la grosseur d’un œuf de pigeon, nous disons, telle maille noue ; quand elle est grosse comme un œuf de poule, nous disons, telle maille est nouée ; alors nous supprimons les autres mailles, et c’est cette opération que nous appelons émailler.

Mais il faut un tact qui ne peut s’acquérir que par la pratique, pour reconnaître si une maille qui noue ou qui est nouée produira un beau fruit ; la rapidité de la croissance de la maille, le ton frais de son vert sont de bon augure ; quant à la forme, si le bout qui tient à la queue est plus gros que l’autre bout, ce signe n’annonce rien de mauvais ; mais, si c’est le bout opposé à la queue qui est le plus gros, que la maille ait tant soit peu la forme d’une bouteille, alors elle est de mauvais augure, et nous reportons notre espoir sur une autre maille. Il nous arrive même de supprimer des melons déjà assez gros qui ne croissent pas avec la rapidité convenable ou qui ne nous paraissent pas bien conformés, et on les remplace par des mailles de belle apparence.

Quoique, généralement, nous ne conservions qu’un melon sur chaque pied, nous en laissons cependant croître quelquefois un second, s’il se présente, quand le premier a atteint les trois quarts au moins de sa grosseur.

Toutes les tailles des melons s’exécutent de huit à quinze jours l’une de l’autre, en raison de la température et du progrès de la végétation ; mais, pendant cette période, les melons réclament encore d’autres soins depuis la première taille jusqu’à la dernière ; d’abord, quand ils sont sous châssis ou sous cloche, il faut leur donner de l’air toutes les fois que la température extérieure le permet, et le leur ôter pendant la nuit, tant que la gelée est à craindre, et ne pas les arroser avant qu’ils aient des fruits noués. Nous ne recommandons pas de les tenir propres de mauvaises herbes, cela va sans dire ; mais nous recommandons d’être soigneux dès la troisième taille, d’ôter les vieilles feuilles grises ou jaunâtres qui ne remplissent plus de fonctions utiles, qui ne produisent plus que de la confusion et une ombre nuisible ; de bien espacer les branches et faire de la place aux jeunes fruits. Quand les fruits sont noués, la terre sous les châssis doit avoir besoin d’être humectée ; alors on lui donnera un demi ou un arrosoir entier d’eau pour chaque panneau en bassinant toute la terre du panneau et les feuilles des melons, parce qu’à cette époque les extrémités des racines sont déjà loin du pied, et que ce sont particulièrement ces extrémités qui ont besoin d’humidité. Quant à la fréquence des arrosements, elle est subordonnée à la température atmosphérique ; s’il fait froid, on n’arrose que tous les dix ou douze jours ; mais, si le temps est beau, que le soleil se montre souvent et longtemps, on arrose tous les cinq ou six jours.

Quant aux melons plantés sous cloche, comme la terre de leur couche peut être mouillée par la pluie, même plus qu’il ne faudrait, c’est à l’expérience à enseigner quand ils demandent d’être arrosés.

Dans les années ordinaires, on dépanneaute les melons en tranchées, fin de mai ou dans les premiers jours de juin, et on laisse les cloches huit ou quinze jours plus longtemps sur les melons le plus tard plantés.

MELON BRODÉ OU MARAÎCHER.

Culture. — Le dernier nom de ce melon rappelle que les maraîchers ne cultivaient que lui, il y a un certain temps, quoique le cantaloup fût déjà connu dans d’autres cultures ; mais enfin, depuis une cinquantaine d’années, le cantaloup est généralement cultivé par les maraîchers de Paris, et la culture du melon maraîcher se resserre tous les jours et finira probablement par être abandonnée un jour. En attendant, voici comme on le cultive encore de nos jours :

On sème et on repique ce melon comme le cantaloup, mais seulement à la fin d’avril ou dans les premiers jours de mai ; on le plante sur couche du printemps à la suite du cantaloup gros galeux vert ; mais, au lieu de n’en mettre qu’un rang au milieu de la couche, on en met deux rangs, chaque rang à 33 centimètres du bord et à 66 centimètres de distance dans les rangs, et on les cloche à l’ordinaire : les autres soins, jusqu’à la taille, sont ceux que l’on donne aux cantaloups sous cloche.

Taille du melon maraîcher. — Nous taillons ce melon autant de fois que le cantaloup ; mais, au lieu de varier la longueur des tailles à quatre, trois, deux, et une feuille, nous les faisons toutes au-dessus de la deuxième feuille. Quand les fruits nouent, nous n’en conservons également qu’un ; si un pied nous paraît trop touffu, nous lui supprimons quelques branches, pour faire de la place aux autres : du reste, on lui donne les mêmes soins qu’aux cantaloups.

Maturité des melons. — On sent bien que les années plus ou moins favorables avancent ou retardent l’époque de la maturité des melons ; le temps nécessaire à la maturité d’un melon se compte du moment où il est noué jusqu’à celui où il est frappé, et cette distance est ordinairement de quarante à cinquante jours. Quant à la durée d’un melon en état de maturité, elle dépend principalement de deux choses : d’abord de la température de l’endroit où on le dépose et de la quantité d’eau qu’il a dans son intérieur ; la basse température tend à conserver, et la haute tend à décomposer ; mais, sans prendre de soin extraordinaire, un melon cantaloup se conserve en bon état de maturité de cinq à huit jours.

Si maintenant nous voulons récapituler nos diverses plantations de melon et les diverses époques de maturité, nous trouverons que la plantation de février donne des fruits en mai ; que la plantation de mars en donne en juin et juillet ; que les plantations d’avril et de mai en donnent en août et septembre.

CONCOMBRE.

Plante annuelle, rameuse, rampante, de la famille des cucurbitacées et du même genre que le melon ; mais elle diffère de ce dernier en ce que ses fruits n’ont pas la même forme, la même saveur, et qu’ils ne se mangent que cuits ou confits. Les variétés de concombre sont beaucoup moins nombreuses que celles du melon.

CONCOMBRE BLANC HÂTIF.

Culture forcée. — Dès les premiers jours de février, on fait une couche mère (voir ce mot), sur laquelle on sème la graine de concombre. Quelques jours après, on fait une couche pépinière, et, quand elle est à la température convenable, on y repique le jeune plant, à raison de cinquante à cinquante-cinq plants par panneau, en laissant une distance de 16 à 18 centimètres entre le devant du coffre et le plant, afin que celui-ci ne se trouve pas trop à l’ombre, et on lui donne les mêmes soins qu’aux plants de melons, c’est-à-dire qu’on l’ombre pendant la reprise, qu’ensuite on le fait jouir du soleil ; mais, comme le concombre est moins délicat que le melon, on ne l’étête pas ordinairement sur la couche pépinière, on attend qu’il soit planté pour lui faire cette opération. C’est sur une couche d’hiver et sous châssis que l’on plante le concombre hâtif ; on en met quatre par panneaux à distance convenable du bois et entre eux et avec une bonne motte, autant que possible, et on ombre pendant les deux ou trois jours de reprise, si le soleil vient à luire ; quand le plant commence à travailler, on l’étête au-dessus de la deuxième feuille, ce qui le force à pousser deux bras ; alors on tapisse toute la terre de la couche avec un paillis pour la tenir fraîche, et, quand les bras se sont allongés de 33 centimètres, on les taille au-dessus de la deuxième ou de la troisième feuille.

Quand les branches taillées ont repoussé des rameaux longs d’environ 33 centimètres, on les taille une seconde fois, après la deuxième ou la troisième feuille : on taille même encore, et pour la troisième et dernière fois, quinze jours après et toujours de la même manière ; pendant ce temps on se garantit de la gelée et du froid par le moyen indiqué, et on donne de l’air aussi souvent que le temps le permet : mais à chaque taille il faut avoir soin de bien étendre les branches, faire en sorte qu’elles ne croissent pas, et d’ôter les feuilles jaunes qui pourraient s’y trouver.

Le concombre montre des mailles plus tôt que le melon et elles nouent plus aisément ; mais on n’en laisse qu’une nouer à la fois. Quand le premier fruit est parvenu aux deux tiers de sa grosseur, on laisse une autre maille nouer, mais jamais deux à la fois en culture forcée à 4 pieds par panneau.

Quoiqu’on ne laisse nouer qu’un fruit à la fois, un pied de concombre en a bientôt une douzaine, et c’est tout ce que nous lui permettons de porter en cette saison et sous panneau pour les avoir beaux et d’une bonne grosseur. Pendant qu’ils croissent, on continue d’ôter les feuilles jaunes, de les abriter du froid, de leur donner de l’air ; et, si leur terreau se sèche, de l’arroser suffisamment, car un pied de concombre qui a dix à douze fruits à nourrir a besoin d’humidité à ses racines.

Un fruit de concombre ne doit pas mûrir sur pied comme un melon ; on le cueille longtemps avant sa maturité, mais on attend, pour le cueillir, qu’il ait acquis à peu près toute sa longueur et toute sa grosseur naturelles ; et cela arrive à peu près vingt-cinq jours après qu’il est noué, de sorte qu’on a des concombres de cette saison depuis le 15 avril jusqu’en juin.

CONCOMBRE GROSSE ESPÈCE EN TRANCHÉE.

Culture. — Dans la première quinzaine d’avril, on sème la graine sur un bout de couche chaude sous châssis, ou sous cloche, si l’on manque de châssis. Aussitôt que la graine est levée, on prépare une couche de printemps, ou la couvre de châssis ou de cloches, et, quand elle est arrivée à la température convenable, on y repique le jeune plant de concombre ; on ombre pendant la reprise, ensuite on lui rend la lumière en même temps qu’on lui donne de l’air, même la nuit, s’il ne gèle pas ; en quinze jours, le plant est bon à être planté en place ; alors on fait une tranchée large de 66 centimètres et profonde de 33 centimètres, dans un endroit bien exposé, et longue à volonté.

On fait, dans la tranchée, une couche haute de 50 centimètres, avec du fumier moitié neuf, moitié vieux, que l’on mouille afin de le faire fermenter convenablement (chose que l’on doit faire en montant toutes les couches, quand le fumier est sec), et on la charge avec la terre tirée de la tranchée, de l’épaisseur de 16 à 20 centimètres ; on divise et on égalise bien cette terre, et on place au milieu un rang de cloches, à 1 mètre l’une de l’autre. Peu de jours après, la chaleur sera montée dans la terre, et, en enfonçant la main dedans, le maraîcher expérimenté reconnaît si sa température est arrivée au point convenable à la plantation. Le moment arrivé, il ôte les cloches, fait un trou à la place de chacune d’elles, va lever les plants à la main, avec une bonne motte, et vient les planter dans les trous, en les enfonçant jusqu’aux cotylédons, les arrose de suite, replace les cloches sur chaque plant, et les ombre, pendant la reprise, avec des paillassons ou de la litière.

Au bout de trois jours le plant doit être repris ; alors on lui rend la lumière et on lui donne de l’air, en soulevant la cloche, du côté opposé au soleil, avec une crémaillère. Quand le plant a six ou huit feuilles, on l’étête au-dessus de la troisième ; il pousse des rameaux qui bientôt emplissent la cloche ; c’est le moment de répandre un bon paillis sur la couche et de permettre aux rameaux de s’étendre, en les faisant sortir des cloches et soutenant celles-ci au-dessus des pieds, au moyen de trois crémaillères.

Ces concombres, plantés sur terre échauffée par une couche, poussent plus vigoureusement que ceux plantés précédemment dans le terreau sous châssis ; on leur fait subir seulement deux tailles successives, mais plus longues ; c’est ordinairement au delà de la quatrième feuille qu’on les opère, et on laisse la plante nouer deux fruits en même temps, jusqu’à ce que chaque pied en ait jusqu’à quinze ; pendant ce temps, la saison a permis qu’on enlevât les cloches et a exigé que les concombres fussent arrosés avec soin. Il est sous-entendu qu’il faut toujours bien étendre les rameaux et ôter toutes les feuilles jaunes à mesure qu’on les voit.

Cette plantation peut donner du fruit depuis la dernière quinzaine de juin jusqu’à la fin d’août. Si l’on se trouve à court de fumier, au lieu de planter le concombre sur une couche en tranchée, voici comme on doit faire : on fait des trous ronds ou carrés, de 66 centimètres de diamètre et de 33 de profondeur ; on emplit ces trous de fumier mélangé, bien pressé, on le charge de terre et on plante sur chaque trou un pied de concombre, que l’on traite comme il vient d’être dit.

CONCOMBRE EN PLEINE TERRE.

Culture. — Cette culture réussirait mal dans une terre forte et froide ; on ne doit l’entreprendre que dans la terre légère, chaude et en même temps fertile et abritée ; les maraîchers de Paris la pratiquent dans leurs côtières, avec du plant élevé sur couche et calculé de manière qu’il ne soit bon à mettre en place que vers le 15 de mai. À cette époque, si la côtière contient encore de la laitue ou de la romaine, on en arrache une à chaque mètre 33 centimètres de distance ; on retourne et on divise bien la terre, avec une bêche, dans une étendue de 33 centimètres, et on plante à chaque place un plant de concombre qu’on a dû lever avec une bonne motte ; on arrose de suite, on couvre d’une cloche le plant pour le priver d’air, et on ombre la cloche pour le préserver du soleil ; trois jours après, on lui rend la lumière et l’air en enlevant l’ombre et la cloche ; bientôt après, on l’étête, on le taille comme ceux plantés sur couche en tranchée, on le tient encore plus à la mouillure à cause de sa position plus desséchante. Cette plantation donne ses fruits d’août en septembre.

CORNICHON.

Le cornichon est de la même famille et du même genre que le concombre : ce n’est même qu’une espèce de concombre, dont le fruit est verruqueux, qui se cueille encore vert à la grosseur du doigt, et qui ne s’emploie que confit au vinaigre ; dans cet état, il se conserve d’une année à l’autre.

Culture. — La graine de cornichon se sème, au commencement de mai, sur une couche de printemps, sous châssis ou sous cloche, et se repique sur une autre couche, comme le concombre, et à la fin du mois le plant est bon à mettre en place.

En culture maraîchère, le cornichon se plante généralement dans les planches qui sont déjà plantées en plein marais ; on laboure de petites places, à 1 mètre de distance, dans un ou deux rangs de ces planches, et on y plante un pied de cornichon ; on l’arrose, on l’ombre pendant quelques jours avec un peu de litière, et, quand il est bien repris, on l’étête au-dessus de la troisième feuille ; bientôt la planche se vide et les bras du cornichon ont de la place pour s’étaler sur la terre, qu’on a eu soin de nettoyer et de couvrir d’un paillis. Les uns font une première taille, comme aux concombres, les autres ne le taillent pas et se contentent de bien étendre les branches sur le paillis. Le cornichon demande à n’être pas négligé à la mouillure, ni dans le retranchement de ses feuilles jaunes.

Planté de cette manière très-simple, le cornichon donne des fruits abondamment, depuis le commencement d’août jusqu’à la fin de septembre, et on peut en cueillir tous les deux jours, parce qu’il ne faut que huit jours après qu’il est noué pour parvenir à la grosseur convenable pour la vente.

CHICORÉES.

Plantes de la famille des composées et de l’ordre dont elles portent le nom : il y en a d’annuelles et de vivaces ; les unes s’élèvent à moins de 1 mètre, les autres s’élèvent jusqu’à 2 mètres ; les feuilles radicales, entières ou plus ou moins découpées, sont seules comestibles ; toutes ont les fleurs bleues et les graines couronnées.

CHICORÉE FINE D’ITALIE.

Culture forcée. — La graine de cette chicorée se sème, dans les premiers jours de février, sur une couche mère très-chaude et sous châssis. Les uns recouvrent la graine de 2 ou 3 millimètres de terreau ; les autres ne la couvrent pas du tout. Dès qu’elle est semée, on baisse les châssis et on les couvre de paillassons, pour que la graine soit à l’obscurité et germe plus promptement. En vingt-quatre ou trente heures elle est germée : alors on lui rend la lumière pour que les pousses verdissent ; le soir, on remet les paillassons et on la garantit de la gelée par les moyens connus. Le plant grandit vite à la haute température de la couche, et, douze jours après que la graine est semée, le plant est assez fort pour être repiqué. Cette époque a dû être prévue, et on a dû monter une couche pépinière chargée de 10 centimètres de terreau et recouverte de châssis ; on plombe le terreau et on y repique, avec le doigt, le jeune plant de chicorée, tandis qu’elle est bien chaude, à raison de trois cent cinquante à quatre cents plants par panneau, en ayant soin que le rang de devant soit à 16 centimètres du bois du coffre : à mesure que l’on repique, on replace le châssis et on le couvre d’un paillasson, et ainsi de suite, jusqu’à ce que tout le repiquage soit fait ; le surlendemain, on peut rendre la lumière au plant, en continuant de le couvrir le soir et de le garantir du froid : quand le plant est bien repris et qu’on le voit pousser, on lui donne de l’air dans le jour toutes les fois que le temps le permet.

Au bout d’environ trente jours que le plant est repiqué, il faut penser à le planter en place ; alors on fait des couches de printemps, que l’on charge de 14 à 18 centimètres de terreau et que l’on couvre de châssis, et on y plante la chicorée à raison de trente-six à quarante plants par panneau. Nous devons faire ici une observation : quand on va à la couche pépinière pour prendre le plant, il ne faut pas l’arracher comme des raves, il faut, au contraire, passer la main au-dessous des racines, le soulever, afin qu’il reste entre ses radicelles beaucoup de terreau (c’est ce qu’on appelle une motte), et on vient le planter à la main, sur la nouvelle couche, en ne l’enfonçant que jusqu’au collet, parce que la chicorée, ainsi que la laitue, devant étaler ses feuilles sur la terre, serait gênée dans sa croissance, si le bas de ses feuilles se trouvait enterré. À mesure que l’on a planté un panneau ou deux, on replace les châssis et on ombre pendant deux ou trois jours ; ensuite on rend la lumière dans le jour et on couvre toutes les nuits. Quand on voit la chicorée pousser, on lui donne de l’air tous les jours, aussi longtemps que la saison le permet.

Cette chicorée a les feuilles le plus finement découpées, et ne doit pas venir aussi grosse que de la chicorée d’automne ; quand elle est pleine et large d’environ 22 centimètres, on la lie avec un brin de paille ; dix jours après, on en délie un pied, pour voir si elle est assez blanche, et, si elle l’est convenablement, on l’arrache, on la pare et on la livre à la consommation.

La chicorée fine, semée les premiers jours de février et traitée ainsi, peut être vendue vers la fin de mai.

CHICORÉE DEMI-FINE.

Celle-ci se distingue en ce qu’elle est moins frisée, moins découpée et plus grosse que la précédente.

Culture. — Dans la première quinzaine de mars, on sème la graine de cette chicorée sur couche mère très-chaude, et on la repique sur couche pépinière également chaude, comme on a fait pour la précédente. Quand le plant est bien repris, on lui donne de l’air, et, s’il survient de beaux jours, on ôte les châssis, afin que le plant se raffermisse, et on les remet la nuit, pour peu que l’on craigne la gelée ; il pourra être nécessaire même de mouiller un peu. Dans les premiers jours d’avril, le plant commencera à être bon à planter en pleine terre : on labourera et on dressera donc quelques planches, on les couvrira de 2 centimètres de terreau, et sur chaque planche large de 2 mètres 33 centimètres on tracera avec les pieds douze ou treize rayons. Quand les rayons sont faits, on va à la couche pépinière lever du plant de chicorée, avec un peu de motte, pour le planter, au plantoir, dans les sillons, en plaçant les pieds à 40 centimètres l’un de l’autre dans les rangs ; on arrose de suite, et, quand la chicorée est reprise, on l’arrose en raison de la chaleur et de la sécheresse. Quand elle a le cœur bien plein, on la lie une première fois par en bas seulement, et, si la sécheresse ou la chaleur exige qu’on continue de l’arroser, il ne faut pas la mouiller, pendant le grand soleil, avec l’eau froide de nos puits, cela la ferait gâter dans le cœur ; il faut donc l’arroser le matin ou le soir. Huit jours après qu’elle a été liée, on lui met un second lien dans le haut, pour lui cacher le cœur, et, quelques jours après, on peut l’arracher, la parer et l’envoyer à la halle. C’est ordinairement dans la dernière quinzaine de juin que cette chicorée est vendable.

CHICORÉE D’ÉTÉ.

Cette espèce est moins sensible au froid que les précédentes ; elle devient beaucoup plus grosse, et ses feuilles sont plus larges.

Culture. — On sème cette espèce, dans les premiers jours d’avril, sur une couche mère très-chaude, couverte de 10 centimètres de terreau, assez clair, parce qu’on ne doit pas la repiquer, et, quand la graine est semée, on la recouvre de 15 millimètres de terreau ; mais on n’y met pas de châssis, comme précédemment : on laisse le plant se fortifier à l’air et on l’arrose au besoin. Quand le plant est assez fort pour être replanté, on laboure et on dresse des planches comme à l’ordinaire ; mais, au lieu de les couvrir de terreau, on les couvre d’un paillis, pour les raisons déjà expliquées plus haut, et, comme cette chicorée doit devenir grosse, on trace sur chaque planche, toujours avec les pieds, dix rayons, au lieu de douze ou treize, et on y plante cette chicorée à 45 centimètres d’intervalle dans les rangs. On sent bien qu’à cette époque il faut arroser de suite, et soutenir les plantes à la mouillure pendant toute leur croissance. On peut commencer à lier cette chicorée à la fin de juin et en porter à la halle au commencement de juillet.

CHICORÉE ROUENNAISE.

Cette espèce n’est cultivée par les maraîchers que depuis sept ou huit ans ; elle est plus verte, finement découpée et moins crépue que les autres.

Culture. — Cette espèce se sème, en mai, sur un bout de couche assez chaude, et, comme on ne la repique pas, il faut la semer clair. Dans le commencement de juin, on laboure, on dresse, on paille des planches, sur lesquelles on trace neuf ou dix rayons avec les pieds, et on y plante cette chicorée à 45 centimètres de distance dans les rangs. On arrose de suite et toutes les fois qu’il est nécessaire, jusqu’à la récolte ; mais on n’attend pas jusque-là pour en semer d’autres. Après le premier semis sur couche dans le courant de mai, il faut en semer sur terre, tous les quinze jours, jusqu’en août.

CHICORÉE DE MEAUX.

Cette chicorée est la plus commune, la plus anciennement cultivée, la plus grosse et la plus robuste ; c’est elle que l’on conserve bien avant dans l’hiver, d’abord avec quelques couvertures dans les jardins, ensuite dans les caves ou celliers. Les jardiniers qui font beaucoup de chicorée en sèment tous les dix jours, pour ne pas manquer de plant.

Culture. — Nous semons la chicorée de Meaux, depuis le commencement de juin jusqu’à la fin de juillet, en pleine terre, dans un endroit qu’on aura bien préparé par un labour et bien divisé : après que la graine est enterrée par un hersage, on répand dessus un léger paillis de fumier très-court ou presque consommé, on mouille légèrement et on répète la mouillure souvent, s’il ne pleut pas. Quand le plant a 8 ou 10 centimètres de haut, on le plante dans des planches bien labourées, dressées et paillées, sur lesquelles on trace seulement neuf rayons avec les pieds, au lieu de dix, parce que cette chicorée devient plus forte que la précédente ; lorsqu’elle est plantée, on l’arrose de suite, et après, d’autant plus souvent que nous sommes à présent dans l’été. Quant aux autres soins jusqu’à la vente, nous n’en parlons pas, puisqu’ils sont les mêmes que pour les espèces précédentes.

CHICORÉE SAUVAGE.

Celle-ci diffère des autres en ce qu’elle est plus haute, vivace ou au moins trisannuelle, que ses feuilles sont lancéolées, ne pomment pas, sont plus amères et d’un usage plus restreint comme aliment.

Culture forcée. — Dans le courant de février, on monte une couche de printemps (il serait inutile de la faire plus forte) ; on y pose des coffres, on la charge de 10 ou 12 centimètres de terreau et on place les châssis ; quand le terreau est chaud, on y sème la graine très-dru et on la recouvre de 15 millimètres de terreau ; après quoi, on étend des paillassons sur les châssis. Quand la graine est levée, on peut lui rendre un peu de lumière ; mais nous ferons observer que cette chicorée devant rester tendre et d’un vert blond, que l’air et la lumière détruisant ces deux qualités, il ne faut donner à cette petite chicorée que peu de lumière et point d’air. En moins d’un mois après le semis, les feuilles sont devenues longues de 8 ou 10 centimètres ; alors on les coupe, avec un couteau ou des ciseaux, à 2 centimètres au-dessus du terreau et on les porte à la halle. Douze ou quinze jours après, la plante a repoussé une seconde récolte, que l’on cueille comme la première ; puis on dispose de la couche pour un autre produit.

CHICORÉE BARBE-DE-CAPUCIN.

Quoique la culture maraîchère de Paris ne s’occupe plus guère de faire de la barbe-de-capucin, depuis que les cultivateurs des environs se sont emparés de cette branche d’industrie, nous croyons pourtant devoir rappeler ici, en abrégé, comment on obtient la barbe-de-capucin qui paraît, pendant l’hiver, sur les marchés de la capitale et que l’on mange en salade, le plus souvent, avec de la betterave cuite au four.

Manière d’obtenir la barbe-de-capucin. — Fin de mars et commencement d’avril, on sème la chicorée sauvage, à la volée et un peu clair, en plein champ. Pendant l’été, on vend les feuilles aux herboristes. En octobre, on commence à arracher les racines, pour les faire pousser dans des caves, et on continue d’en arracher pendant les mois de novembre, décembre et même en janvier. On apporte ces racines à la maison ; on casse toutes les feuilles près de la tête ou couronne de la racine ; ensuite on rassemble ces racines par grosses bottes de 33 centimètres de diamètre (1 mètre de tour), en mettant bien toutes les têtes au même niveau, et on les lie avec un osier. Pendant ce temps, on a préparé, dans une cave très-obscure, une couche de fumier de cheval, épaisse de 25 à 30 centimètres ; on ne met ni terre ni terreau sur cette couche ; on commence par déposer sur le fumier un premier rang de ces grosses bottes debout contre le mur, ensuite un second rang contre le premier, puis un troisième rang contre le second, et ainsi de suite et toujours en échiquier, afin de laisser le moins de vide possible entre les bottes : il ne reste ordinairement qu’un petit sentier de vide au milieu de la cave pour le besoin du service. En vingt ou vingt-deux jours les racines de toutes ces bottes ont poussé des feuilles étroites, longues de 25 à 30 centimètres, très-blanches, très-propres.

Alors on prend ces grosses bottes, on les apporte à la lumière, on divise chacune d’elles en six ou huit autres petites bottes, contenant chacune une centaine de racines et leurs feuilles, et on lie chacune d’un osier : c’est dans cet état qu’on les livre à la consommation, sous le nom de barbe-de-capucin.

Quoiqu’il n’y ait pas de lumière et que très-peu d’air dans la cave, toutes les feuilles de la chicorée se penchent cependant vers l’endroit où il y a le plus d’air ; c’est pourquoi toutes ces feuilles s’inclinent du même côté, inclinaison que leur conservent les personnes qui les mettent en petites bottes, dans le dessein de les rendre plus agréables à la vue.

Il y a plusieurs manières de faire blanchir la chicorée, mais celle-ci est la plus générale, la plus simple, la plus sûre quand on en fait autant que les cultivateurs qui fournissent de la barbe-de capucin sur les marchés de la capitale, depuis la fin d’octobre jusqu’à la fin de janvier, époque où la laitue pommée la remplace.

CHICORÉE SCAROLE BOUCLÉE OU À FEUILLES RONDES.

En jardinage, cette plante s’appelle simplement scarole ; mais nous devons la ranger ici avec les chicorées, puisqu’elle en a les caractères. Il y a quelques variétés de scaroles bien connues, qui ont chacune leur nom, mais nous ne cultivons que celle-ci, parce que nous la trouvons plus grosse et de bonne défaite ; la salade de scarole est moins dure que celle de chicorée.

Culture. — On sème pour la première fois cette scarole en juin sur une petite couche que l’on fait exprès, épaisse de 33 centimètres au plus, recouverte de 10 à 12 centimètres de terreau ; la graine se sème un peu clair, parce que le plant ne doit pas être repiqué, et on la couvre de 15 millimètres de terreau ; on n’y met ni cloche ni châssis : on en sème de cette même manière jusqu’au dix juillet ; après quoi, on la sème en pleine terre jusqu’au huit août. La raison pourquoi nous semons d’abord sur couche, c’est que les racines des plantes font plus de chevelu dans le terreau que dans la terre, et que le chevelu est favorable à la reprise et à la beauté des plantes ; après vingt ou vingt-cinq jours de semis, le plant est bon à planter, si on ne l’a pas négligé à la mouillure. On prépare des planches et on les couvre d’un paillis, comme nous l’avons déjà dit plusieurs fois ; car, en culture maraîchère, c’est toujours la même chose : on laboure, on dresse, on herse, et on couvre d’un paillis en été et de terreau en hiver toute la terre où l’on veut planter. Pour en revenir à la scarole, quand le paillis est bien étendu, on trace avec les pieds, et toujours avec les pieds, sept à huit rayons par planche, et on y plante la scarole à 66 centimètres de distance dans les rangs ; on arrose de suite la plantation, et on continue de la mouiller souvent, tant qu’elle reste sur le terrain.

Si la scarole est bien tenue à la mouillure, elle est bonne à lier cinquante jours après la plantation, et, dix jours après la liure, elle est bonne à livrer à la consommation.

Les semis, faits successivement tous les douze ou quinze jours jusqu’à la fin d’août, se plantent et se traitent de même ; les dernières plantations peuvent supporter quelques degrés de gelée, et, avec quelques précautions, on en conserve jusque dans les premiers jours de janvier.

HARICOTS.

Plantes de la famille des légumineuses, de l’ordre et du genre dont elles portent le nom ; les espèces et les variétés sont nombreuses : les unes sont grandes, volubiles et ont besoin de tuteur ou d’échalas ; les autres sont naines et se soutiennent droites sans tuteur : toutes ont les feuilles ternées ou composées de trois folioles. Les fleurs, en grappes axillaires, sont très-distinctes de toutes les autres fleurs de leur famille, en ce qu’elles ont la carène, les étamines et le style contournés en spirale. Le fruit est une cosse à deux valves, longue et étroite, qui contient plusieurs graines, la plupart réniformes. Les maraîchers de Paris ne cultivent que l’espèce suivante pour manger en vert.

HARICOT FLAGEOLET.

Culture forcée. — Quelques-uns d’entre nous appellent ce haricot, nain de Hollande, nain de Laon, et tous conviennent que c’est le plus hâtif et le plus propre à être forcé. Dans la première huitaine de février, on fait une couche de printemps à pouvoir contenir un coffre à deux ou trois panneaux, dans lequel on étend un lit de terreau épais de 11 à 14 centimètres ; après quatre ou cinq jours, la plus grande chaleur est apaisée ; alors on égalise le terreau, on le plombe légèrement, on y sème le haricot assez dru, et on le recouvre de 15 millimètres de terreau ; après cette opération, on place les châssis et on les couvre de paillassons. Les haricots ne tardent pas à lever ; quand ils sont sortis du terreau, on leur rend la lumière dans le jour et on les recouvre la nuit.

Huit ou dix jours après que les haricots sont semés, il faut s’occuper de leur plantation, car ils poussent vite, et il ne faut pas attendre qu’ils soient grands pour les planter. On fait donc promptement, dans un endroit bien exposé, une ou successivement plusieurs tranchées, larges de 1 mètre 50 centimètres et profondes de 40 à 48 centimètres, dans chacune desquelles on établit une couche de l’épaisseur de 66 centimètres, sur laquelle on place des coffres dans lesquels on met 16 centimètres épais de terre bien divisée, tirée de la tranchée même que l’on a faite ou de celle que l’on ouvre à côté, et, lorsqu’elle est bien étendue dans les coffres, on place les panneaux : quand cette terre est suffisamment échauffée, on y plante les jeunes haricots à la main en les enfonçant jusqu’aux cotylédons, à raison de cinq rangs par panneau ; on en met deux dans chaque trou, à 27 millimètres (1 pouce) l’un de l’autre, pour former touffe, et chaque touffe à 18 ou 20 centimètres l’une de l’autre dans les rangs. Aussitôt qu’on a planté un ou deux panneaux, on place les châssis et un paillasson par-dessus, et ainsi de suite jusqu’à la fin de la plantation. Quand les haricots sont repris, on ôte les paillassons dans le jour et on les remet la nuit, et on leur donne un peu d’air toutes les fois que le temps le permet ; pour cela, on a des cales en bois épaisses de 5 centimètres, larges de 8 centimètres et longues de 18 centimètres, et on les place à plat, de côté ou debout, sous le bord des panneaux, selon que l’on veut donner plus ou moins d’air aux haricots, ainsi qu’à toutes les plantes sous châssis.

Quand les haricots sont forts et qu’ils commencent à fleurir, il faut les visiter souvent, pour ôter les feuilles mortes ou qui jaunissent ; il faut même en ôter de vertes, pour donner de l’air aux plantes et que les rayons du soleil puissent les pénétrer, afin que le fleur ne coule pas et que les aiguilles (petits fruits) se forment ; lorsque ces fruits (petits haricots verts) sont longs de 6 à 7 centimètres, c’est le moment de les cueillir, et, comme ils se succèdent rapidement, on peut les cueillir tous les trois jours. Il peut arriver que la terre se dessèche, et les fruits couleraient si on n’arrosait pas de temps en temps ; un arrosoir d’eau par châssis est suffisant. Cette plantation bien conduite donne des haricots tendres pendant deux mois, et les mêmes couches étant retournées, on peut y planter une dernière saison de melon.

HARICOT FLAGEOLET EN PLEINE TERRE SOUS CHÂSSIS.

Culture. — Dans la dernière quinzaine d’avril, on fait un bout de couche, on y place un coffre à deux ou trois panneaux, et on y sème le haricot comme il est dit ci-dessus ; quand il est bien levé, on laboure une ou plusieurs planches, larges chacune de 1 mètre 40 centimètres, à bonne exposition, et, quand la terre est bien hersée, bien divisée, on la couvre de 2 centimètres de terreau, et on y place des coffres, dans lesquels on plante les haricots comme nous l’avons dit, et on les recouvre de châssis sur lesquels on étend des paillassons le jour, jusqu’à ce que le plant soit repris ; ensuite on donne de l’air de plus en plus et on mouille en raison de la sécheresse. En cette saison, on enlève ordinairement les châssis avant que les haricots fleurissent : l’air les rend plus robustes, et ils fructifient abondamment jusqu’à la fin de juillet ; époque où les maraîchers cessent de cultiver le haricot parce qu’il en arrive beaucoup de la campagne sur les marchés, et qu’ils ne peuvent plus soutenir la concurrence.

Si on manquait de châssis pour faire cette dernière saison de haricots, on pourrait, après les avoir fait germer sur couche, les planter sous des cloches à 4 pieds par clochée, dans de la terre préparée comme pour les châssis ; après les avoir ombrés pour les faire reprendre, on leur donne de l’air en soulevant les cloches du côté du nord au moyen de crémaillères, et on n’attend pas que les cloches soient pleines pour déclocher, car les feuilles qui toucheraient le verre brûleraient.

PERSIL.

Plante de la famille des ombellifères et du genre dont elle porte le nom ; c’est une plante bisannuelle, à racine pivotante, haute d’environ 1 mètre, à feuilles radicales décomposées : fleurs en ombelle, blanchâtres, auxquelles succèdent des fruits géminés, ovales, striés. Les feuilles radicales de la plante sont employées comme condiment en cuisine. Parmi les différentes variétés de persil, les maraîchers de Paris ne cultivent que le blond et le vert ; ils estiment mieux le vert que le blond.

Culture forcée. — Cette culture est si simple, qu’elle mérite à peine l’épithète de forcée ; elle est même très-peu pratiquée par les maraîchers de Paris, sans doute à cause de l’inconstance de nos hivers. Elle consiste à faire une couche dans les premiers jours de février, même de janvier, à la charger de 16 centimètres de terreau, d’un coffre et de châssis, et à y planter des pieds de persil tout venus, où ils produisent promptement ces feuilles.

Et, comme le persil est une chose indispensable en cuisine, quand il arrive des hivers longs et rigoureux qui tiennent en léthargie ou tuent celui de la pleine terre, celui conservé sous châssis acquiert un très-haut prix qui récompense grandement son possesseur, mais qui, dans les hivers doux, ne lui occasionne que de la perte. Il en est de même de l’oseille dont nous parlerons dans les cultures du mois d’avril.

PERSIL EN CÔTIÈRE.

Culture. — Dès le premier jour de février, on sème un ou deux rayons de persil au pied d’un mur à bonne exposition ; il ne lèvera qu’à la fin de mars, et on pourra en couper, fin d’avril et en mai. Il est plus fendre et moins fort que le vieux persil, qui monte à cette époque.

PERSIL EN PLEINE TERRE.

Culture. — Dans les premiers jours d’avril, on laboure une planche de la largeur ordinaire, sur laquelle on trace avec les pieds douze sillons, profonds de 2 centimètres, dans lesquels on sème la graine ; quand elle est semée, on repasse entre les sillons, et avec les pieds on fait tomber la terre à droite et à gauche sur la graine ; ensuite on passe un râteau sur le tout pour unir la terre, et on la couvre de 2 centimètres de terreau ; cela fait, on plante sur une planche neuf à dix rangs de romaine, à la distance de 66 centimètres dans les rangs, que l’on arrose de suite et que l’on entretient à la mouillure en raison de la sécheresse ; le persil étant longtemps à lever et grandissant lentement, la romaine est venue et vendue avant qu’on puisse cueillir le persil.

Tant que la romaine existe avec le persil, il profite des arrosements de la romaine ; mais, quand il se trouve seul, il ne faut pas oublier de l’arroser de temps en temps. Pendant tout l’été, le persil se cueille plusieurs fois, en le coupant avec un couteau à près de 5 centimètres au-dessus de terre ; mais, pendant l’hiver, on le cueille à la main en décollant les feuilles du pied et ménageant le cœur. Au printemps, il monte, et on le détruit si on n’a pas besoin de sa graine.

Séparateur

  1. C’est-à-dire que la plante porte deux sortes de fleurs, les unes mâles et les autres femelles : les fleurs mâles se montrent les premières et sont constamment les plus nombreuses, on les reconnaît en ce qu’elles manquent d’ovaire ; les fleurs femelles sont solitaires, plus grandes et se reconnaissent en ce qu’elles ont au-dessous d’elles un gros ovaire figuré en olive. En jardinage, la fleur mâle des melons et concombres s’appelle fausse fleur, et la fleur femelle s’appelle maille.
  2. C’est généralement l’époque où nous faisons notre premier semis de melon ; mais on pourrait le faire dès le mois de décembre (voir nos observations, page 178).
  3. Autrefois on le plantait moins près ; on n’en mettait qu’un rang par couche et on en obtenait de plus gros fruits, parce que les racines trouvaient plus de place pour s’étendre.