Manuel pratique de la culture maraîchère de Paris/10

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CHAPITRE X

Culture maraîchère à Paris, mois par mois.

Nous voilà enfin arrivés à la partie la plus importante de notre travail, à celle qui n’a jamais été traitée spécialement par aucun homme du métier, c’est-à-dire par aucun jardinier-maraîcher : si quelques auteurs en ont parlé, ils n’ont pu le faire qu’incomplétement et en l’assimilant à la culture potagère dont elle diffère considérablement dans sa manœuvre, dans ses moyens et dans ses résultats. De toutes les différences entre ces deux cultures, nous ferons seulement remarquer celle-ci, c’est que, dans la culture potagère, les légumes coûtent la plupart plus cher qu’on ne les achèterait au marché, et que, dans la culture maraîchère, il faut de toute nécessité que nos légumes nous coûtent moins cher que nous ne les vendons.

Avant de commencer, il est nécessaire que nous fassions quelques observations importantes, afin qu’on ne se trompe pas sur le plan que nous avons suivi dans cet ouvrage.

1o La culture maraîchère de Paris ne comporte pas la culture de tous les légumes connus dans les jardins ; il y en a même d’estimés que nous ne cultivons pas, par la seule raison que le terrain est trop cher dans Paris et que nous ne pourrions jamais les vendre avec bénéfice.

2o Nous ne cultivons pas certains légumes, parce qu’ils ne sont pas du goût général et que leur vente est incertaine ; c’est pour cette raison que nous ne cultivons plus la patate, que nous ne cultivons pas le pê-tsaie ni la baselle. Si un jour, le goût changeant, ces légumes viennent à être recherchés à la halle, alors nous les cultiverons.

3o Quoique nous ne devions traiter, dans cet ouvrage, que la culture maraîchère, telle qu’elle se pratique à Paris, nous ne négligerons pourtant pas de parler aussi de certains légumes que nous ne cultivons pas habituellement, par la raison que les terrains sont trop chers dans Paris ; mais nous le ferons avec moins de détails qu’en parlant de notre propre culture.

4o Il aurait peut-être paru naturel à plusieurs personnes que nous commençassions notre Manuel par le mois de janvier, mais nos travaux ne s’accordent pas avec l’année solaire ; nous allons plus vite que les saisons dans l’hiver. Quand le soleil revient échauffer notre hémisphère, nous avons déjà plusieurs légumes qui n’ont pas attendu son retour pour croître, se perfectionner et devenir propres à la consommation.

Quoique nos travaux n’aient, pour ainsi dire, ni commencement ni fin, il y a pourtant une époque où nous commençons à travailler par prévision éloignée, et cette époque est le mois d’août ; c’est alors que commence vraiment l’année horticole pour les maraîchers de Paris, et nous croyons agir naturellement en commençant notre Manuel pratique de la culture maraîchère par le mois d’août, et en le continuant mois par mois jusqu’au mois de juillet inclusivement de l’année suivante.

D’ailleurs cette marche nous était tracée par le programme de la Société royale et centrale d’agriculture, et nous ne devions pas nous en écarter.

5o Dans la vue d’éviter les répétitions en expliquant la culture maraîchère, nous avons donné par ordre alphabétique la définition de toutes nos opérations dans le chapitre VIII. Ainsi, quand, par exemple, nous dirons : on laboure, on dresse, on monte une couche, on borde, etc., nous ne répéterons pas l’explication de ces opérations, puisqu’on les aura déjà lues ou qu’on pourra les lire dans le chapitre indiqué.

6o Nous avons encore une double observation à faire, c’est que le même légume peut se semer ou planter dans plusieurs saisons différentes, c’est que nous cultivons des genres qui contiennent plusieurs espèces qui exigent d’être semées et plantées à des époques très-éloignées : or, si nous avions décrit rigoureusement notre culture mois par mois, nous eussions été obligés de répéter à peu près la même chose dans plusieurs mois, par conséquent à des pages quelquefois très-éloignées les unes des autres, ce qui obligerait celui qui voudra bien nous lire à des recherches aussi fatigantes que fastidieuses. Pour éviter cet inconvénient, quand un genre de légume aura plusieurs espèces, nous les traiterons toutes immédiatement après la première. Ainsi, quoique les divers choux se sèment ou puissent se semer pendant sept ou huit mois de l’année, nous les traiterons tous en même temps à la suite les uns des autres, en ayant soin d’indiquer à chaque espèce l’époque où il faut la semer et la planter.

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