Manuel pratique de la culture maraîchère de Paris/10/Août

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AOÛT.

OIGNON.

Plante de la famille des liliacées et du genre Allium. Elle se compose d’un plateau qui produit des racines en dessous et des feuilles en dessus ; ces feuilles engainantes et très-charnues à la base forment en cette partie un globe plus ou moins aplati appelé oignon, tandis que leur partie supérieure, toujours fistuleuse ou creuse, terminée en pointe, s’allonge de 25 à 40 centimètres. Au temps de la fleuraison, il s’élève du centre de ces feuilles une hampe ou tige, haute d’environ 1 mètre, terminée par une tête de fleurs blanchâtres auxquelles succèdent des capsules qui contiennent les graines. L’oignon et les jeunes feuilles sont les parties comestibles.

OIGNON BLANC OU DU PRINTEMPS.

Culture. — L’oignon blanc se sème du 15 au 25 août ; semé plus tôt, il pourrait monter. Pour faire cette opération, on laboure et on dresse une planche, on y sème la graine très-dru, on l’enterre en hersant convenablement la terre avec une fourche à trois dents qui sert en même temps à briser les mottes ; quand la graine est suffisamment enterrée ou cachée, on plombe la planche avec les pieds, ensuite on y passe le râteau pour en unir la surface ; enfin on terreaute, c’est-à-dire qu’on répand sur toute la planche environ 1 centimètre 50 d’épaisseur de terreau fin. Après cette dernière opération, on donne une bonne mouillure, afin de bien attacher la graine à la terre et la tenir humide, et, si le temps est sec, on donne d’autres petites mouillures tous les deux jours.

La graine d’oignon blanc lève ordinairement en sept ou huit jours. Si de mauvaises herbes poussent à mesure que le plant grandit, on les arrache à la main.

De la fin d’octobre à la mi-novembre, le plant doit avoir atteint la hauteur de 16 à 19 centimètres (6 à 7 pouces) ; alors on laboure et on dresse une autre planche, on la terreaute, et on repique le plant d’oignon de la manière suivante : on soulève le plant en passant obliquement une bêche dessous, on le tire de terre, on lui coupe les racines à la longueur de 1 centimètre 50 et le bout des feuilles, et, quand on en a préparé ainsi une certaine quantité, on prend un plantoir à pointe émoussée, on fait un trou de la profondeur de 3 centimètres (1 pouce), on y place un plant debout, et avec le même plantoir on le serre bien avec de la terre de côté. Cette dernière opération sert à bien fixer le plant à la terre et s’appelle borner ; elle a pour effet d’empêcher le plant d’être couché par les lombrics ou vers de terre, qui en attirent les feuilles dans leurs trous, de faciliter sa reprise et de le mettre en état de mieux résister aux gelées. La distance entre chaque plant dans une planche repiquée doit être de 8 à 10 centimètres.

L’oignon blanc ne craint pas la gelée ; il supporte les hivers les plus rigoureux, mais il craint les faux dégels. Celui que l’on a repiqué ou planté en novembre peut être bon à vendre du 1er au 15 mai suivant. On peut aussi laisser le jeune plant passer l’hiver dans la planche où il a été semé, et ne le repiquer que quand les grandes gelées sont passées.

Quand, dans le courant de mai, l’oignon blanc est devenu gros à peu près comme un œuf de poule, on l’arrache, ou le met en bottes et on l’envoie à la halle ; mais les maraîchers qui ont beaucoup de terrain en laissent une partie tourner, grossir et mûrir, parce que l’oignon blanc, étant moins gros et plus doux que l’oignon rouge, est plus recherché dans les bonnes maisons.

Dans les terres légères et sèches, l’oignon demande de fréquents arrosements quand le temps se met à la sécheresse ; dans les terres grasses, il ne faut pas trop le pousser à la mouillure, parce qu’il pourrait tourner au gras, c’est à-dire fondre ou pourrir.

Dans les potagers, où l’on a coutume d’enterrer beaucoup de fumier, on conseille de ne pas planter l’oignon sur une fumure ; mais, comme les maraîchers n’enfouissent jamais de fumier, nous n’indiquons pas cette précaution pour nos marais.

PETIT OIGNON BLANC

Culture. — Le petit oignon blanc n’est ni une espèce ni une variété différentes ; c’est la même espèce que la précédente, tenue plus petite par une culture différente. Au lieu de le semer en août et de le repiquer en novembre, on le sème depuis février jusqu’en juin, et on ne le repique pas. Quant aux labour, dressage, plombage et terreautage, c’est la même chose que ci-dessus ; mais on sème plus clair, parce que le petit oignon ne se repiquant pas, il lui faut de l’espace pour se former ou tourner sur place. Si le terrain est sec, il faut d’autant moins ménager la mouillure que la saison dans laquelle on la fait est plus chaude ; cependant il ne faut pas trop d’eau aux oignons, car, dans les années pluvieuses, ils ont de la peine à tourner, et la plupart restent en ciboule. Le petit oignon blanc est fort recherché par les restaurateurs et les cuisiniers de bonne maison ; nous l’arrachons et le vendons par bottes, quand il est gros comme une noix et même plus petit, aussitôt que sa queue (c’est-à-dire ses feuilles) commence à se faner : 500 grammes (1 livre) de graine d’oignon suffisent pour semer 112 mètres superficiels.

OIGNON ROUGE.

Les maraîchers de Paris ne cultivent pas l’oignon rouge ni aucune de ses variétés, parce qu’il est d’un faible prix, et que le loyer de nos marais est très-élevé : quoique nous ne le cultivions pas, nous allons pourtant en dire quelques mots.

Dans les potagers, l’usage est de profiter de quelques beaux jours, à la fin de février ou au commencement de mars, pour semer l’oignon rouge sur une plate-bande abritée, et quand le plant est assez fort, en avril et mai, de le repiquer en terre fumée l’année précédente, à 13 ou 16 centimètres de distance ; on le bine, on le sarcle, on l’arrose pendant l’été ; si en septembre il ne tourne pas assez vite, on abat les feuilles avec le dos d’un râteau pour le faire mûrir ; quand on le juge mûr, on l’arrache, on le laisse sécher sur place si le temps est beau ; s’il pleut, on l’étend sur une allée dure, et, quand il est sec, on le serre à l’abri de la gelée pour l’hiver.

On sème aussi l’oignon rouge en plein carré, pour le laisser mûrir en place dans les potagers : celui-ci ne vient pas aussi gros ; mais il est ordinairement plus plein, plus ferme, et on l’estime mieux pour beaucoup d’apprêts culinaires.

CIBOULE.

Plante de la même famille et du même genre que l’oignon, duquel elle ne diffère qu’en ce qu’elle ne se renfle pas à la base et ne forme pas d’oignon proprement dit : elle a d’ailleurs la même saveur, mais à un moindre degré, et ne s’élève pas aussi haut.

Culture. — La ciboule se sème, depuis la fin de février jusqu’à la fin de mars, dans une terre labourée, hersée, plombée et terreautée absolument comme pour l’oignon ; et, comme la ciboule que nous cultivons ne doit pas être repiquée, sa graine se sème aussi clair que celle du petit oignon blanc.

C’est ordinairement dans des planches de 2 mètres 33 centimètres de largeur que nous semons la ciboule, et comme dès le mois de mars nous plantons déjà de la romaine en pleine terre, quand la graine de ciboule est semée et terreautée, nous plantons dans la même planche huit à neuf rangs de romaine, laquelle romaine, poussant ses feuilles droit ou presque verticalement, n’empêche pas la ciboule de pousser. On mouille l’une et l’autre convenablement, on tient la planche propre, et la romaine est bonne à être envoyée à la halle avant que la ciboule soit à moitié venue, c’est-à-dire vers le 20 mai, environ deux mois après sa plantation. Vers le 20 juillet, la ciboule est grosse à peu près comme le petit doigt : alors on commence à l’arracher, on la met par bottes à emplir les deux mains, et on l’envoie à la halle.

Telle est la manière de cultiver la ciboule chez les maraîchers de Paris ; mais dans les potagers on la laisse plus longtemps en place, et chaque plante forme plusieurs caïeux qui font touffe au printemps ; on arrache ces caïeux, on les replante un à un, et chacun d’eux refait une nouvelle touffe de ciboule ; de sorte qu’on n’a pas besoin d’en semer de la graine chaque année.

CIBOULETTE, CIVETTE, APPETIS.

Plante de la même famille et du même genre que l’oignon : elle est vivace, très-menue, et ne s’élève qu’à la hauteur de 10 à 15 centimètres : son principal usage est d’entrer dans les fournitures de salades.

Culture. — Cette plante, étant d’un usage assez restreint, tient fort peu de place dans la culture maraîchère : comme elle est vivace et pullule beaucoup, quand on en possède quelques pieds, on néglige d’en recueillir les graines et de les semer, parce qu’en en dédossant les vieilles touffes on trouve du plant suffisamment pour faire une nouvelle plantation ou augmenter celle que l’on possède déjà. Les appétis n’aiment pas le grand soleil : on les plante ordinairement en bordure, à l’ombre ou demi-ombre, en terre substantielle et fraîche, où ils ne demandent d’autre soin que d’être nettoyés des mauvaises herbes pendant quatre ou six ans ; après quoi, on les replante de nouveau, soit en ligne pleine ou par petites touffes : quand on en a besoin, on coupe leurs petites feuilles, qui sont comme des alênes, à fleur de terre, et il en repousse d’autres ; ils ne craignent pas les plus fortes gelées.

ÉPINARD.

Plante de la famille des chénopodées, annuelle, haute de 30 à 60 centimètres, rameuse, à feuilles simples, hastées : les fleurs sont petites, dioïques, verdâtres ; le fruit est formé du calice endurci et contenant une seule graine. En horticulture, le fruit est pris pour la graine : on en distingue de deux sortes ou variétés ; les feuilles seules sont comestibles.

ÉPINARD À GRAINE RONDE OU ÉPINARD DE HOLLANDE.

Culture. — Cet épinard se sème du 20 au 30 août ; il ne doit pas être semé dru. Un litre de graine suffit pour semer 224 mètres superficiels. Les planches où on doit le semer ne se labourent pas profondément, parce que la racine de l’épinard aime à rencontrer la terre ferme : quand la graine est semée à la volée, on la herse et on l’enterre avec une fourche, puis on la plombe avec les pieds, on passe le râteau pour égaliser la terre, et on finit par répandre sur tout le semis un léger paillis de fumier très-court, afin qu’il ne nuise pas à la graine quand elle lève, ce qui, en cette saison, arrive au bout de six ou sept jours. On doit entretenir la terre humide par de fréquentes et petites mouillures jusqu’à ce que la graine soit levée, et, quand elle est levée, ou continue les petites mouillures tant que la saison est sèche. Il va sans dire que des épinards semés à la volée ne peuvent se biner ni se ratisser ; il faut les ésherber à la main. Bientôt les épinards ont atteint la hauteur de 16 centimètres : alors, pour cette seule fois, on coupe toutes les feuilles à 5 centimètres de terre avec un couteau : c’est la première récolte pour la halle. Si, à cette époque, le temps est sec, on leur donne une mouillure, pour les remettre en sève. Les épinards ne tardent pas à pousser d’autres feuilles, et quand elles sont d’une certaine grandeur, larges de trois ou quatre doigts, les femmes les cueillent une à une à la main et laissent le cœur ou les petites feuilles du centre. On cueille les épinards de cette manière jusqu’au printemps suivant, époque où ils commencent à monter en graine ; alors on les détruit, si on ne veut pas en ménager un peu pour graine, et on prépare la terre pour d’autres légumes.

Nous ne semons jamais d’épinards en rayons dans nos marais, quoiqu’on les sème ordinairement de cette façon dans les potagers, parce que, si nous les semions en rayons, ils deviendraient trop maigres ; tandis qu’étant semés à la volée, chaque pied a beaucoup plus de place, et leurs feuilles deviennent plus belles, plus grandes, plus vertes, et sont mieux nourries.

ÉPINARD À GRAINE PIQUANTE, ÉPINARD COMMUN OU D’ANGLETERRE.

Culture. — Nous semons cet épinard depuis les premiers jours de février jusqu’en mai ; passé cette époque, les grandes chaleurs le rendent maigre et le font jaunir ; il faut à l’épinard une température modérée et plus humide que sèche. Des semis faits en mai, on ne peut obtenir au plus que deux cueilles ; souvent il monte en graine après la première. Cet épinard supporte les grandes chaleurs un peu mieux cependant que celui à graine ronde ; il jaunit moins vite : ses feuilles sont plus larges et un peu découpées.

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