, Léon Wouters
Union des Villes et Communes belges (p. 62-68).


24. LES LIVRES DE LA BIBLIOTHÈQUE.

241. Choix des livres.
241.1. Principes du choix des livres

1° La bibliothèque publique doit être encyclopédique. Elle aura des ouvrages variés relatifs à tous les domaines de connaissances. Elle développera ses collections par cercles concentriques.

2° La bibliothèque possédera les grands ouvrages qui font époque dans la formation de l’humanité. Des listes en ont été dressées par Peignot, Comte, John Lubbock, Jules Lemaître.

3° La bibliothèque possédera les ouvrages sur les questions du jour (Actualités), livres venant de paraître ou publications anciennes.

4° L’homme a besoin de lire beaucoup de livres ; la vie est courte ; le temps et l’énergie sont limités ; la règle, dès lors, doit être d’écarter les livres les moins bons. Dans une bibliothèque publique, on ne vise nullement à faire des accumulations de livres, mais à rendre au contraire entièrement productive une collection. Le meilleur livre doit chasser le moins bon. En principe on aura moins de livres, mais de meilleurs livres. La sélection, le choix, ont une importance capitale.
xxxxÉcarter les ouvrages insignifiants et les ouvrages immoraux. Acheter le meilleur livre en toute matière, quel qu’en soit le prix et le lieu d’origine.

5° Écarter les ouvrages de science déjà anciens et qui ne font pas époque. Rajeunir constamment le fond des bibliothèques publiques. Offrir à un ouvrier un traité d’électricité qui remonte, disons à quinze ans, c’est le tromper. Les vieux livres doivent être amortis comme on amortit tout outillage.

6° Préférer les ouvrages illustrés pour les livres scientifiques mais, pour les œuvres littéraires, il vaut mieux ne pas les avoir illustrées, si les illustrations ne sont pas bonnes.

7° Acquérir des ouvrages pour des lecteurs de divers degrés de formation intellectuelle et de divers types mentaux. (Voir n° 125 Psychologie bibliographique.)

8° Acquérir non seulement les meilleurs ouvrages mais les meilleures éditions, et profiter des meilleures occasions.

9° On peut éliminer d’une bibliothèque des ouvrages qui ne rentrent pas dans son cadre. Afin d’établir un fond plus cohérent, il y a utilité à les transférer dans des bibliothèques scientifiques. (Voir n° 217, alinéa 3.)

10° La bibliothèque doit faire la part la plus large aux livres des auteurs nationaux, car ils parlent la langue la plus facile à comprendre de la plupart et il y a un devoir de faire connaître ces écrivains.

241.2. Diverses catégories et ouvrages.

Livres. — Œuvres d imagination et de formation pour enfants, adolescents et adultes ; livres d’histoire et récits de voyage ; manuels de science et de technique, d’hygiène, d’enseignement, de culture artistique et morale, de littérature ; documentation aussi complète que possible sur les divers métiers et professions ; sur l’économie politique et domestique ; sur les devoirs et obligations des citoyens (éducation civique). Livres instructifs, livres de formation professionnelle, livres d’action.

Livres de Références. — Dictionnaires, encyclopédies, ouvrages pour l’étude des langues, guides de voyage. — On donne de l’importance à la collection dite « commerciale » qui est conçue en vue surtout des renseignements d’ordre pratique dont les habitants ont besoin, depuis les annuaires jusqu’aux horaires des trains.

Publications officielles. — Moniteur, recueil des lois, périodiques publiés par les grandes administrations publiques.

Périodiques. — Leur importance croit chaque jour. Il y a des revues générales et des revues spéciales ; les premières tiennent le public au courant des progrès en toute matière, les secondes sont des sources d’information de premier ordre pour l’exercice de toute profession. Par le mélange des matières, scientifiques et récréatives, les revues générales entraînent insensiblement aux lectures sérieuses.

Journaux. — La place de cinq à six journaux bien faits, est marquée dans la bibliothèque modèle. Les journaux sont des organes des partis politiques et beaucoup d’entre eux, de nos jours, sont aussi des entreprises poursuivant un but de lucre. De là, le plus souvent, la partialité de leurs articles, l’omission, la dénaturation même que l’on constate dans leurs informations. Néanmoins les journaux font plus de bien que de mal, surtout si l’esprit prévenu se tient à leur égard, dans une attitude critique. « La lecture du journal crée, dans chaque individu, la conscience de l’humanité, en le mettant chaque matin en relation avec le monde entier et en substituant ainsi, dans son esprit, la notion de l’intérêt général et de l’universel, à celle du particulier et de l’intérêt privé. » Dans les bibliothèques les lecteurs doivent trouver une collection de journaux capable de leur éviter l’écueil des opinions basées sur une information insuffisante et unilatérale. Leur nombre sera proportionnel à l’importance de la bibliothèque. Dans les bibliothèques anglaises on a établi une salle spéciale pour la lecture des journaux. On peut les lire debout et les numéros sont étalés sur des meubles spéciaux en forme de pupitres. Parfois ils sont suspendus à des tringles et après les avoir choisis, on les lit assis.

Livres pour les enfants. — Ouvrages pour les divers âges (enfance et jeunesse) voir no 216. Livres destinés à aider dans leur tâche les maîtres de l’enseignement qui devraient pouvoir renvoyer leurs élèves à la consultation d’ouvrages trop coûteux, à la bibliothèque même.

Fonds spéciaux. — La bibliothèque, à côté de son fonds général, développera certaines sections d’après les circonstances locales : l’histoire locale ou régionale (ouvrages traitant de la localité, y imprimés ou émanant d’auteurs qui y sont nés), spécialité économique (industrie, commerce, agriculture), études spéciales poursuivies par des sociétés locales, etc. Des catalogues développés en seront établis, éventuellement en annexe au catalogue général.

Documents. — Les documents autres que les ouvrages (petits imprimés, articles de journaux et de revues, illustrations, notes manuscrites) seront collectionnés à raison de l’intérêt qu’ils présentent. Ils seront réunis en dossiers formant archives documentaires (format 0,275 x 0,215) placées de préférence dans des classeurs verticaux avec application de la classification décimale.

241.3. Marche à suivre pour le choix des livres

La formation d’une bibliothèque ne saurait être livrée au hasard des circonstances. Il faut des principes, une méthode. Le premier acte est l’élaboration d’un programme ou plan des acquisitions. Elle comprend quatre opérations :

1° Relever les grandes classes d’ouvrages dont il y a lieu de posséder des exemplaires. La table générale de la classification bibliographique aidera à ce travail.

2° Déterminer la proportion du nombre d’ouvrages total entre ces différentes classes à raison des disponibilités matérielles. On s’aidera des coefficients théoriques et expérimentaux établis à cet effet. Voici, d’après Brown, un tableau du pourcentage des ouvrages de chaque classe qu’il y a lieu de représenter dans une bibliothèque publique :

Science 
 8 p. c.
Art appliqué 
 7 p. c.
Beaux-Arts 
 7 p. c.
Sciences sociales 
 8 p. c.
Théologie 
 6 p. c.
Histoire et voyage 
 15 p. c.
Biographie 
 8 p. c.
Langage et Littérature 
 5 p. c.
Poésie et Drame 
 6 p. c.
Roman 
 20 p. c.
Miscellanées 
 10 p. c.
 
————
 
100 p. c.

3° Fixer, d’après les ressources financières, s’il s’agit d’achats, ou d’après les autres moyens dont on dispose, le nombre absolu minimum de livres dont il y a lieu de composer la bibliothèque. Les bibliothèques sont de toute étendue ; on a établi des types de 50, 100, 300, 500, 1,000, 3,000, 5,000, 10,000, 15,000, 50,000 ouvrages, pour ne pas parler des toutes grandes bibliothèques.

4° Déterminer pour chaque classe les meilleurs ouvrages. On recourt, à cette fin, à l’outillage bibliographique : listes choisies, catalogues types, bibliographies critiques, Répertoire bibliographique universel.

5° Il existe des « collections » scientifiques publiées spécialement pour être mises à la disposition du grand public. Beaucoup d’entr’elles portent le titre de « Bibliothèque » ou « d’Encyclopédie ».
xxxxDes églises, des sectes philosophiques, des gouvernements exercent leur autorité pour juger les livres. L’Église catholique a établi la Congrégation de l’Index qui a formulé des règles et publié des listes d’ouvrages prohibés. Des gouvernements ont établi la censure.

242. Moyens d’acquérir les livres.

1. Achats. — Meilleures conditions de valeur intrinsèque, de qualité, de solidité, d’esthétique, de prix. Mode d’achat : librairie d’assortiment, librairie d’occasions, achat de la main à la main à ceux qui viennent offrir des livres usagés. Ventes publiques. — Comptabilité des achats combinée d’une part avec l’inventaire, d’autre part avec les pièces administratives (justificatives).

2. Libéralités. — Dons et legs. Démarches nécessaires. Les collections privées, destinées à la dispersion par les héritiers devraient toujours être dirigées vers les bibliothèques publiques. Sagesse de donner de son vivant et de contrôler soi-même l’exécution de sa volonté. Subvention des Pouvoirs publics en nature, sous forme d’envoi de livres. Collections portant le nom du donateur. (Fonds Untel).

3. Subventions en nature. — Subvention des pouvoirs publics en nature sous forme d’envoi de livres. En Belgique, l’État fait de tels envois.

4. Échanges. — Utilisation à cette fin de doubles, ou de livres ne répondant pas au cadre de la bibliothèque qu’il faut s’efforcer de rendre homogène. Utilité d’un centre d’échange.

5. Emprunts. — Utilisation des bibliothèques circulantes (celles du Comité central des œuvres de lecture). Utilité d’un grand dépôt central de livres à l’usage de toutes les bibliothèques. Prêt de bibliothèques à bibliothèques.

6. Dépôts. — Dépôts de collections appartenant à des collectivités, sociétés, œuvres, administrations, ou à des particuliers, avec autorisation pour les lecteurs de la bibliothèque de les utiliser.

7. Édition. — Édition d’ouvrages utiles effectuée par coopération entre bibliothèques.

8. Moyens pratiques d’enrichir la Bibliothèque. — Demander les séries de documents suivants qui sont envoyés généralement gratis :

a) publications officielles : gouvernement, provinces, communes ;
b) publications des œuvres et associations poursuivant des buts de propagande ;
c) ouvrages écrits par des auteurs de la région ;
d) journaux de la région ;
e) catalogues de librairies et de bibliothèques ;
f) catalogues des établissements industriels et commerciaux.