Jules Rouff (1p. lxxix-lxxx).

Poitou. — C’est dans le Poitou que se sont livrées les grandes batailles du Nord et du Midi, entre Clovis et les Goths, Charles-Martel et les Sarrasins, le prince Noir et le roi Jean. « Mêlé de droit romain et de droit coutumier, il fournit au nord ses légistes : les Tiraqueau, les Besly, les Brisson ; au midi, ses troubadours. Il est lui-même, comme sa Mélusine, un assemblage de natures diverses. » (Michelet.) En effet, le Poitou se divise géographiquement en trois zones du midi au nord, et chacune d’elles est habitée par une population différente dont il serait facile de déterminer le caractère. C’est là ce qui explique les diversités que nous remarquons parmi les écrivains qu’a produits ce pays. Cependant, le caractère général de cette province est un génie d’opposition, moins opiniâtre peut-être que celui de la Bretagne, mais aussi plus vif et plus hardi dans ses manifestations. C’est dans le Poitou que se livrent les grandes batailles du calvinisme et du catholicisme ; et ce même pays, qui au xvie siècle recrutait les armées de Coligny et tentait la fondation d’une république protestante, fournit ces terribles soldats qui luttèrent si longtemps contre la Révolution au nom du catholicisme et de la monarchie.

Cette opposition se manifeste dès le xie siècle. Gilbert de La Porée, évêque de Poitiers, fut comme Abailard, son collègue à l’école de Chartres, en lutte avec saint Bernard. Condamné par le concile de Reims pour quelques propositions trop hardies, il se rétracta.

En général, la littérature de cette province est sérieuse et sévère comme le caractère de ses habitants.

Le plus grand politique de la France appartient au Poitou. Richelieu sortait d’une famille noble de cette province. « Ambitionnant toutes les gloires, dit M. Demogeot, dans son Cours de littérature, il s’était fait auteur dramatique. Il était père ou parrain de Mirame, tragi-comédie signée par Desmarets, pour laquelle il fit construire la salle magnifique du Palais-Cardinal (Royal). Il esquissait parfois entre deux plans de campagne un plan de tragédie qu’il faisait exécuter par sa brigade de poètes. On en comptait cinq : Corneille, Bois-Robert, Colletet, de L’Estoile et Rotrou. C’est ainsi que furent composés les Tuileries, l’Aveugle de Sonyme et la Grande Pastorale. Chaque poète faisait son acte ; le cardinal jugeait, corrigeait et payait. » Ajoutons que ses Mémoires et la fondation de l’Académie française lui assurent une place plus sérieuse dans l’histoire de la littérature.

À Niort naquit Beausobre, qui a écrit l’histoire du manichéisme et celle de la Réformation, que la mort l’empêcha d’achever. La même ville a donné à la France Mme de Maintenon, dont le caractère et le rôle ont été diversement jugés, mais dont certainement la correspondance restera comme un modèle de raison et de netteté.

L’imagination poétique n’a pas manqué non plus au Poitou.

Pierre Blanchet est né à Poitiers en 1459. C’est à lui qu’on attribue l’Avocat Patelin, le chef-d’œuvre comique du moyen âge. « L’intrigue n’est qu’un fil léger, dit encore M. Demogeot ; mais elle est nouée avec tant de naturel, conduite avec une si admirable vérité ; elle fait passer devant nous des personnages si vivants, si originaux, que cette farce est demeurée le plus ancien et l’un des meilleurs types de la bonne plaisanterie gauloise. »

Fontenay est la patrie de Nicolas Rapin, l’un des spirituels et mordants auteurs de la Satire Ménippée, qui, comme une seconde bataille d’Ivry, acheva la victoire de Henri en ensevelissant la Ligue dans le ridicule.

À Niort est né Fontanes, poète, orateur, et le plus célèbre représentant de la littérature impériale.

Le nom même de Voltaire peut être revendiqué par le Poitou, d’où sortait sa famille ; on dit même qu’il y a encore des Arouet dans les environs de Parthenay, au village de Saint-Loup.