Mahāyāna-Sutrālamkāra/Chapitre II

Asanga
Mahāyāna-Sutrālamkāra, exposé de la doctrine du Grand Véhicule selon le système yogācāra
Traduction par Sylvain Lévi.
H. Champion (tome 2p. 19-24).
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CHAPITRE II

LE RECOURS AUX REFUGES.

Un vers pour résumer l’excellence du Recours aux Refuges.

1. Celui qui a recours au Refuge des Trois Joyaux dans ce Véhicule-ci est le premier entre ceux qui ont Recours aux Refuges, en raison des quatre Sens tout-particuliers, à savoir : d’Universalité, d’Adhésion, d’Acquis, de Suprématie. Pour quelle raison est-il le premier entre ceux qui ont Recours aux Refuges ? À cause des quatre Sens tout-particuliers. Le Sens se divise en quatre classes : Universalité, Adhésion, Acquis, Suprématie. Donc, Sens d’Universalité, Sens d’Adhésion, Sens d’Acquis, Sens de Suprématie. Les définitions vont venir à la suite.

Pourtant, entre ceux qui ont Recours aux Refuges dans ce Véhicule, il en est à qui le courage manque, tant il y a d’épreuves à subir ; un vers.

2. Puisque, en débutant, la résolution est difficile à prendre, puisqu’on a tant de mal à la réaliser à travers tant de milliers d’Éons, puisqu’une fois réalisée elle a ce grand Sens d’engendrer le salut des créatures, c’est donc ici le Véhicule capital avec le Sens capital des Refuges.

Il montre ainsi que cette résolution d’avoir Recours aux Refuges est une cause de gloire à cause du Vœu et de l’Initiative tout particuliers, et qu’elle a un grand Sens par le fruit tout particulier qu’on obtient.

Un vers sur le Sens d’Universalité énoncé ci-dessus.

3. Si le Sage a pris l’Initiative de sauver tous les êtres, s’il est bon connaisseur en fait de Véhicule et de connaissance universelle, s’il trouve dans le Nirvâṇa une saveur unique de Transmigration et de Paix, alors il est Universel.

[1][Il montre par là les quatre divisions du Sens d’Universalité : 1° Sens d’Universalité des créatures puisqu’il a pris l’Initiative de sauver toutes les créatures. 2° Sens d’Universalité des Véhicules, puisqu’il est expert dans les trois Véhicules. 3° Sens d’Universalité de connaissance, puisqu’il connaît l’Impersonnalité de l’Individu et des Idéaux. 4° Sens d’Universalité du Nirvâṇa, puisque Transmigration et Pacification n’ont qu’une seule saveur ; comme il n’y différencie ni qualité ni défaut, Transmigration et Nirvâṇa ne se distinguent pas.]

[Un vers sur le Sens d’Adhésion.]

4. [Celui qui travaille pour l’Illumination avec une joie abondante, qui subit les épreuves sans en être lassé, qui devient l’égal de tous les Bouddhas, ce Sage a une Adhésion toute-particulière.]

[Il montre par là la triple excellence de l’Adhésion : 1° Excellence de Vœu. Quand il a recours au Refuge près d’un Bouddha, quel qu’il soit, il s’efforce de s’en inspirer, en accroissant sa joie à connaître les qualités excellentes de son modèle. 2° Excellence d’Initiative. Il subit toutes les épreuves sans en être excédé. 3° Excellence de Succès. En arrivant à la Toute-Parfaite Illumination, il devient l’égal de tous les Bouddhas.]

[Il montre encore par un autre vers l’excellence de l’Adhésion, en la prouvant par la bonne naissance des Fils des Bouddhas.]

5. [La naissance du fils des Bouddhas est tout à fait excellente : la Pensée, la Sapience associée aux Provisions, la Pitié sont respectivement la semence, la mère, la matrice et la nourrice incomparable ; en vérité il a une Adhésion toute-particulière. ]

[Il montre l’excellente naissance du fils des Bouddhas par la haute dignité des conditions de sa naissance, puisqu’il a une semence, une mère, une matrice, une nourrice incomparables. La Production de Pensée est la semence ; la Perfection de Sapience est la mère du Bodhisattva ; les Provisions de mérite et de connaissance, qui sont associées à la Perfection de Sapience, font fonction de matrice, puisqu’elles le contiennent ; la Pitié est sa nourrice, puisque c’est elle qui l’élève.]

[Par un autre vers, il montre l’excellence de corps du Bodhisattva si bien né, comme une preuve de l’excellence de l’Adhésion.]

6. [Son corps est orné de tous les Indices admirables ; il a assez de force pour mûrir toutes les créatures ; il goûte le bonheur immense et infini des Bouddhas, qui est l’anéantissement ; il sait disposer de grands moyens pour protéger toutes les créatures.]

[Il montre l’excellence du corps par quatre excellences : 1° Excellence de beauté du corps, puisqu’il est orné des Indices. « Admirables » s’applique aux Indices de Monarque à la Roue, etc. 2° Excellence de force, puisqu’il a assez de force pour mûrir tous les êtres. 3° Excellence de béatitude puisqu’il goûte la béatitude de l’anéantissement qui est le bonheur immense et infini des Bouddhas. 4° Excellence de Sapience, puisqu’il sait se servir des grands moyens pour protéger toutes les créatures. C’est en raison de cette quadruple Plénitude que le fils des Bouddhas est appelé le bien-né ; à savoir Plénitude de beauté ; Plénitude de force ; Plénitude de béatitude ; Plénitude de connaissance de sa profession.]

[Cette bonne naissance, il la montre encore dans un autre vers par la perpétuité de la dynastie des Bouddhas.]

7. [Le sacre lui est donné par les rayons de toutes les Terres des Bouddhas ; il possède la souveraineté absolue sur les Idéaux ; il connaît toutes les variétés des prédications dans les cercles des assemblées des Bouddhas ; dispensant l’enseignement, il. est appliqué à punir et à récompenser.]

[Pour quatre raisons une dynastie royale se perpétue : par le sacre ; par l’autorité ; par l’adresse à décider les questions ; par la distribution des peines et des récompenses. Le cas du Bodhisattva est analogue : il reçoit l’onction ; sa Sapience étant absolue, il exerce une autorité absolue sur les Idéaux ; il connaît toutes les variétés des prédications dans les cercles des assemblées des Bouddhas ; en dispensant l’enseignement, il punit les fautes et récompense les mérites.]

[Il montre dans un autre vers encore l’excellence de l’Adhésion par une comparaison avec un premier ministre.]

8. [Il est pareil à un premier ministre, parce qu’il pénètre dans les Perfections, parce qu’il regarde constamment les développements des Ailes de la Grande Illumination, parce qu’il saisit les trois sortes de secrets, parce qu’il accomplit sans intervalle le Sens de nombreuses créatures.]

[Il y a quatre raisons qui font le poste de premier ministre : il circule à l’intérieur puisqu’il a libre entrée au harem ; il voit tous les trésors ; il est le confident de tous les secrets ; il dispose en maître des rétributions. Le cas du Bodhisattva est analogue : il pénètre dans les Perfections ; il voit constamment dans tels et tels Sûtras les développements conformes aux Ailes de la Grande Illumination, puisque sa mémoire n’est pas sujette à défaillance ; il saisit constamment le triple secret du corps, de la parole, de la pensée ; il accomplit sans intervalle le Sens de nombreuses créatures.]

[Un vers sur le Sens d’Acquis.]

9. [Grande Masse de mérites, dignité dans les trois mondes, bonheur dans l’existence, Pacification de la grande Masse de douleur, bonheur de la Pensée excellente. Masse de nombreux Idéaux au corps suprême et permanent, Provision de bien, arrêt des Imprégnations, arrivée à la délivrance de l’existence et de l’anéantissement.]

[Quand il arrive à la Croyance en cet Idéal, il obtient une grande Masse de mérites. Quand il fait la Production de Pensée, il obtient la dignité dans les trois mondes. Quand il va renaître par Préméditation, il goûte le bonheur de l’existence. Au moment de l’Intuition, comme il reconnaît que tous les êtres ne sont que lui-même, il obtient la Pacification de la grande Masse de douleur. Au moment de la Patience des Idéaux Sans-production, il a le bonheur de la Pensée par excellence. Au moment de la Toute-Parfaite Illumination, Masse de nombreux Idéaux, etc. C’est le Corps d’Idéal des Bouddhas qui est appelé ici la Masse d’Idéaux nombreux, puisqu’il est l’origine d’Idéaux infinis, tels que Sûtras, etc. ; ce Corps est le meilleur, parce qu’il est au-dessus de tous les Idéaux ; il est permanent, puisqu’il dure à jamais ; il est la Provision de Bien, puisqu’il est la Provision des Idéaux bons, tels que Forces, Assurances, etc. Tel est ce Corps. « Arrêt des Imprégnations ». Comme il ne s’arrête ni dans la Transmigration, ni dans le Nirvâṇa, il arrive à se délivrer de l’existence et de l’anéantissement. Tel est le Sens d’Acquis dans ses huit divisions.]

[Un vers sur le Sens de Suprématie.]

10. [Le Sage possède la Suprématie sur les troupes des Auditeurs, etc. par la grandeur du Bien, la grandeur du Sens, le Démesuré, l’Inépuisable. Le Bien qu’il a est ou Mondain, ou non ; il est propre à faire mûrir ; il aboutit aux Maîtrises ; il ne s’épuise pas par la Pacification des Masses.]

[Le Bodhisattva surpasse les Auditeurs pour quatre raisons : l’étendue des Racines de Bien, la grandeur du Sens, le Démesuré, l’Inépuisable. Ces quatre espèces de Bien qui sont énoncées sont respectivement Mondaines ou non, efficaces pour mûrir, et couronnées par les Maîtrises. Ainsi il est [Mondain], Supramondain ; il mûrit ; il a les Maîtrises. Ces quatre vertus sont enseignées comme les souveraines-maîtresses du Bien. Les Maîtrises ne s’épuisent pas par la Pacification des Masses, puisqu’elles ne sont pas épuisées dans le Nirvâṇa Sans-reste-Matériel.]

[Un vers sur le Recours aux Refuges.]

11. [Le Recours se produit par désir de devenir, par pitié ; puis vient la connaissance universelle, la persévérance dans les épreuves pour faire le bonheur et le salut, l’application continuelle aux avantages des Ressources en vue de l’Évasion par tous les Véhicules, l’arrivée à la Convention-verbale et à l’Idéalité ; tels sont les Indices du Recours aux Refuges, quant au Sage.]

[Par là il montre le Sens du Recours aux Refuges en tant que nature-propre, cause, fruit, acte, application, division. Le désir de devenir un Bouddha en est l’essence ; la pitié en est la cause, puisqu’elle en rend capable ; la connaissance universelle en est le fruit ; la persévérance dans les épreuves pour faire le bonheur et le salut en est l’acte ; l’application, c’est se munir des avantages des Ressources de tous les Véhicules pour l’Issue finale.] Enfin il est de l’ordre de la Convention-verbale, ou de l’ordre de la Récupération de l’Idéalité, c’est-à-dire que son fonctionnement se répartit ainsi, selon qu’il est ou grossier ou subtil.

Un vers pour magnifier l’Initiative du Refuge.

12. À suivre cette méthode de Refuge au grand Sens, il gagne un accroissement démesuré de vertus de toute sorte. Il pénètre le monde entier d’un sentiment de compassion et il propage le grand Idéal saint, qui est incomparable.

Il montre la grandeur de Sens qui réside dans cette méthode de Refuge par l’Initiative du Sens personnel et l’Initiative du Sens d’autrui. L’Initiative du Sens personnel, puisqu’elle accroît des vertus hors-mesure et de toute sorte. Hors-mesure signifie qu’elles n’ont pas de commune mesure avec la Dialectique, avec les nombres, ni avec le temps. Cet accroissement de vertus, en effet, ne peut se mesurer ni par la Dialectique, ni par le calcul, ni par le temps, puisqu’il les dépasse. L’Initiative du Sens d’autrui tient à la fois de la Tendance, puisqu’il y a extension de la pitié, et de l’emploi, puisqu’il y a propagation de l’Idéal du Grand Véhicule.


  1. À partir d’ici, j’ai traduit sur la version tibétaine toute la portion qui manque dans le manuscrit original (jusqu’à la fin du commentaire sur le vers 11).