Mémoires secrets de Bachaumont/1764/Novembre

Texte établi par M. J. Ravenel, Brissot-Thivars éditeurs & A. Sautelet et Compagnie (Tome I (1762-1765)p. 332-344).
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Novembre 1764

2 Novembre. — Les Comédiens Italiens ont donné sur leur théâtre un ballet, qui a pour titre Ulysse dans l’île de Circé, de la composition de M. Pitrot[1]. Ce ballet très-bien dessiné, mais peut-être un peu trop long, attire tout Paris : on y trouve à la vérité une grande imagination et beaucoup de nouveauté. L’Opéra en conçoit de la jalousie, et ne veut pas que ce théâtre inférieur jouisse de ces spectacles à grandes machines.

— On peut se rappeler les instances de l’impératrice de Russie pour engager M. d’Alembert à passer en Russie, et le refus dans lequel il a persisté[2]. Elle vient de lui envoyer une médaille d’or avec une lettre très-obligeante. Cette médaille porte d’un côté le portrait de cette souveraine, et de l’autre le palais qu’elle vient de faire construire pour y recevoir les enfans trouvés.

— On vient d’imprimer plusieurs Lettres de J.-J. Rousseau, ci-devant citoyen de Genève. Ce petit recueil n’est remarquable aujourd’hui que par la première lettre, sans date, adressée à M. de Voltaire. Elle répond à l’envoi qui lui avait été fait des poëmes sur la Religion naturelle et sur le Désastre de Lisbonne, ce qui fait croire que cette épître est ancienne. Elle contient plus des deux tiers de la brochure, qui est de cinquante-six pages in-12. Les autres sont connues. Rousseau, en applaudissant à l’art séducteur avec lequel M. de Voltaire sait présenter ses opinions, prétend qu’il n’est rien moins que d’accord sur la solidité de ses preuves, les réfute avec cette énergie qui n’appartient qu’à lui ; mais en y combattant les divers systèmes hasardés par M. de Voltaire, il tombe lui-même dans des écarts qui ne permettent pas au gouvernement d’en tolérer la publicité.

3. — Socrate, tragédie en cinq actes et en vers[3]. Elle est dédiée à madame la comtesse d’Humbecque. Cette épître n’est point un ennuyeux panégyrique de l’héroïne ; c’est une dissertation fort bien faite sur l’art dramatique. Elle est d’un homme qui a de l’esprit, des connaissances, du discernement. La tragédie est d’un poète des plus médiocres ; il y a cependant des hardiesses qui n’appartiennent qu’au génie. L’auteur, pour soutenir ces cinq actes, a été forcé d’avoir recours à un amour encore plus froid que son héros.

5. — M. de Voltaire ne se tient point battu, et à l’occasion de la nouvelle édition du Testament du cardinal de Richelieu[4], où l’on établit incontestablement qu’il est de ce grand ministre, il vient de faire paraître une brochure sous le titre de Doutes nouveaux sur le Testament attribué au cardinal de Richelieu. Il paraît que cet ouvrage avait été fait anciennement pour répondre à M. de Foncemagne. M. de Voltaire le tire aujourd’hui de son porte-feuille et y a ajouté tout ce qui pouvait le rendre intéressant pour le moment. On ne saurait trop applaudir aux politesses et aux égards avec lesquels M. de Voltaire réplique à M. de Foncemagne.

6. — Les Comédiens Français ont mis au théâtre l’Homme singulier, comédie en cinq actes et en vers, de feu M. Néricault Destouches, de l’Académie Française. Cette pièce n’avait point encore été représentée. On y a fait quelques corrections et quelques retranchemens nécessaires pour la faire jouer. Elle était imprimée depuis quelques années dans les dernières éditions des Œuvres de M. Destouches. On y trouve des beautés et des traits dignes du célèbre auteur du Glorieux et du Philosophe Marié. En général, cette comédie ne fait pas fortune.

8. — Un de ces forcenés dont le génie satirique ne peut rester circonscrit dans les bornes de l’honnêteté, vient de faire une sortie affreuse contre les fermiers-généraux, dans un poëme qu’il appelle les Anthropophages [5]. Rien de si misérable que cette déclamation : c’est un tissu d’injures et d’invectives mal cousues, dans des vers assez plats. Pour leur intelligence, on y a joint des notes qui rappelent à peu près tous les griefs énoncés dans l’Anti-Financier. Ce libelle pitoyable attire la sévérité de la police, et en reçoit tout son lustre. Il y a eu des libraires de Rouen envoyés à la Bastille, des colporteurs arrêtés.

9. — On apprend par des lettres de Lisbonne qu’on a trouvé, en creusant dans un vieux bâtiment, brûlé dans le dernier incendie, une urne contenant trois cents médailles d’or de l’empereur Titus. L’inscription qu’elles portent semble indiquer qu’elles ont été frappées après l’expédition de cet empereur contre les Juifs : Tito, Vespasiani filio, Judœis subactis.

10. — On écrit de Parme que le célèbre Tronchin, après avoir inoculé heureusement l’infant Ferdinand, a reçu du prince son père les honneurs les plus flatteurs ; que la Communauté de la ville de Parme, d’abord alarmée de cette méthode nouvelle, ayant eu part de son heureux succès, a écrit une lettre au ministre de Son Altesse Royale, en remerciement et en témoignage de reconnaissance. En conséquence, elle supplie Son Altesse Royale de permettre d’expédier à M. Tronchin un diplôme par lequel il serait admis au rang de citoyen, avec les cérémonies accoutumées, et d’ériger en son honneur, dans l’hôtel-de-ville, une inscription en marbre, pour perpétuer la mémoire de ce grand événement ; enfin de faire frapper une médaille, sur laquelle sera représentée d’un côté la tête de ce savant médecin, et de l’autre un revers allégorique avec une devise analogue. Ce revers doit être composé sur une comparaison ingénieuse, tirée des Mémoires de M. de La Condamine sur l’inoculation. D’après cette comparaison, il représentera un fleuve rapide, que s’efforceront de traverser plusieurs nageurs entraînés par le torrent, tandis qu’un homme sur le rivage montre à un autre homme une petite barque, dans laquelle il pourra gagner en sûreté l’autre bord. On lira pour devise ces mots d’Ovide : Tutissimus ibis. L’infant a approuvé cette proposition.

11. — M. de Voltaire, malgré la haute opinion qu’il affiche des profondes connaissances de M. de Foncemagne, est si peu disposé à se rendre aux preuves qu’il allègue en faveur du Testament du cardinal de Richelieu, qu’il écrivait dernièrement à un de ses amis[6], qu’il était à ce sujet comme les hérésiarques, qui s’enracinent dans leurs erreurs à mesure qu’ils vieillissent.

15. — Discours qui a remporté le prix d’éloquence de l’Académie de Besançon en 1764, par M. Cosson. On prouve dans ce Discours éloquent que « les progrès des modernes ne dispensent point de l’étude des anciens. » On y propose, avec raison, ce précepte d’Horace :


Nocturna versate Exemplaria Græca
Nocturna versate manu, versate diurna.


M. Cosson est un jeune orateur, qui donne les plus grandes espérances ; c’est un enthousiaste éclairé d’Homère, qu’il venge dignement des sarcasmes de Perrault et de La Motte. Son ouvrage est rempli de traits vigoureux, qui annoncent la trempe mâle de son goût et une profonde littérature.

— Le sieur Palissot vient de rendre publique une méchanceté contre Poinsinet, intitulée la Gageure de Poinsinet. C’est une fiction adroite, par laquelle il dévoile tous les larcins de l’auteur, Il fait voir que son drame[7] n’est qu’un ouvrage de marqueterie, dont les différentes pièces ont été prises dans plusieurs auteurs comiques cités ; en sorte qu’il ne reste rien à ce petit homme, pas même le titre qu’il dit avoir été pris chez lui, Palissot.

19. — Collection complète des Œuvres de M. Voltaire ; Ouvrages philosophiques pour servir de preuves à la religion de l’auteur ; l’Évangile de la raison, ouvrage posthume de M. D. M…y. Londres, 1765. Tels sont les trois titres d’un nouveau recueil, qui contient : 1° Saül et David, tragédie de M. de Voltaire, dont on a parlé ; 2° Testament de Jean Meslier. Cet ouvrage imprimé sur le manuscrit envoyé dans le temps à M. Chauvelin, garde-des-sceaux de France, est adressé aux paroissiens du curé. Il leur demande pardon des erreurs dont il les a imbus et leur en développe la fausseté dans le jour le plus lumineux. « Voilà le précis exact du Testament in-folio de Jean Meslier, est-il dit à la fin en note ; qu’on juge de quel poids est le témoignage d’un prêtre mourant qui demande pardon à Dieu. Ce 15 mars 1742. »

Catéchisme de l’honnête homme, ou Dialogue entre un Caloyer et un homme de bien, traduit du grec vulgaire, par J.-J. R., C. D. C. D. G. On juge par le nom de l’auteur de quel prix est une pareille pièce[8].

Sermon des Cinquante, 1749. « On l’attribue, est-il dit en note, à M. Du Martaine, ou Du Marsay ; d’autres à La Métrie : mais il est d’un grand prince très-instruit. » Malgré cet avertissement, on paraît s’accorder à le regarder comme étant de M. de Voltaire. C’est un extrait des plus subtils de tout ce qu’il y a de plus fort, de plus absurde et de plus injurieux à la religion, à la raison, à l’humanité, dans l’Ancien et le Nouveau-Testament. La touche plaisante et légère qui règne dans tout ce tableau, composé de faits rapides et accumulés, ne permet pas de douter du véritable auteur.

Examen de la Religion, dont on cherche l’éclaircissement de bonne foi, attribué à M. de Saint-Évremond, Cet ouvrage, plus grave, réfute d’une façon plus didactique ce qui est tourné en ridicule par MM. Rousseau et de Voltaire.

En général, ce recueil est de la plus grande force. Tous se servent à peu près des mêmes armes, qu’ils manient chacun à leur manière ; ils frappent de concert l’édifice, et ne peuvent que l’ébranler fortement.

19. — Le Gazetier Ecclésiastique, dans sa feuille du 12 novembre 1764, fait mention à l’article de Paris d’un Almanach chinois, ou Coup d’œil curieux sur la religion, les sciences, les arts, les usages et les mœurs des peuples de la Chine. Il s’exprime avec son amertume ordinaire sur cet ouvrage peu connu en France, et dont la notice lui est arrivée d’Italie. Il le regarde comme un livre émané du jésuitisme, pour faire son apologie, et attaquer indirectement la religion et ses vrais défenseurs. Il finit par déclarer qu’il est de l’abbé de La Porte, prêtre, ex-jésuite.

— Il paraît, mais très-clandestinement, une Lettre d’un chevalier de Malte à M. l’évêque ***. L’auteur, sous prétexte de faire part du Bref du pape du 4 avril dernier à M. de Grenoble, où le Saint-Père trace le tableau touchant de la destruction des ci-devant soi-disant Jésuites, des maux qui désolent l’Église de France, et invite, exhorte, encourage les premiers pasteurs à s’unir entre eux et avec le Saint-Siège pour combattre les ennemis du Seigneur, traite avec la plus grande chaleur la cause de la Société de Jésus, met sous les yeux du prélat anonyme la conduite de feu M. de Soissons, de MM. de Lyon, d’Angers, d’Alais, et de leurs semblables, qu’il qualifie d’évêques pour le mensonge. Il gémit sur Israël de ne voir que quatorze prélats pour la vérité : MM. de Paris, d’Auch, du Puy, d’Uzès, de Lodève, de Saint-Pons, d’Amiens, de Langres, de Lavaur, de Pamiers, de Castres, de Grenoble, d’Aix et de Vannes ; se plaint de la timidité de ceux qui se sont bornés à écrire au roi et à ses ministres contre les entreprises des parlemens ; de ce que leurs lettres, qu’ils n’ont osé publier, n’instruisent pas les peuples de leur juste réclamation. Il n’est pas possible de rendre par extrait la chaleur du zèle qui anime l’auteur ; il suffira de dire que la brochure contient soixante-deux pages d’impression, très-petit caractère, non compris le Bref du Pape, et qu’elles sont employées avec l’enthousiasme de parti d’un homme qui croit voir la cause de Dieu dans celle qu’il défend. C’est l’écrit le plus fougueux et le plus fanatique qui ait encore paru : il respire la vengeance par les voies les plus odieuses et les plus criminelles.

On attribue cette lettre au Père Patouillet, Jésuite.

20. — M. Dorat, toujours inépuisable en productions tendres et galantes, vient de régaler le public d’une nouvelle héroïde. C’est une Lettre du comte de Comminges à sa mère. Elle est composée d’après les Mémoires du comte de Comminges, que M. Dorat attribue faussement à madame la comtesse de Murat : ils sont de madame de Tencin, auteur du Siège de Calais.

Le comte de Comminges est suppose à la Trappe, où il s’est retiré par un désespoir amoureux. Sa maîtresse s’y trouve aussi ; elle meurt, et se déclare en ce moment. C’est quelque temps après cet événement que le comte est supposé écrire à sa mère.

À la suite de cette Lettre est celle de Philomèle à Progné. Elle avait déjà paru avec succès ; mais quel faible mérite !

21. — Les noms de Jean-Jacques Rousseau et de Diderot sont si connus dans le monde, qu’il n’est pas besoin de rappeler leur célébrité. Il vient de se passer un fait trop singulier pour ne le pas rapporter. Les rebelles de Corse leur ont député pour les engager à leur dresser un code qui puisse fixer leur gouvernement, ayant en horreur tout ce qui leur est venu de la part des Génois. Jean-jacques leur a répondu que l’ouvrage était au-dessus de ses forces, mais non pas de son zèle, et qu’il y travaillerait. Quant à Diderot, il s’en est défendu sur son impuissance à répondre à cette invitation, n’ayant point assez étudié ces matières pour pouvoir les traiter relativement aux mœurs du pays, à l’esprit des habitans, et au climat, qui doivent entrer pour beaucoup dans l’esprit de législation propre à la confection d’un code de lois.

Il ne paraît pas étonnant que les Corses se soient adressés à Rousseau, auteur du Contrat social, où, dans une note très-avantageuse, il prédit la grandeur inévitable de cette république : mais à l’égard de Diderot, on ne voit pas en quoi il a pu mériter une distinction si flatteuse[9].

22. — La littérature anglaise vient de faire une perte considérable par la mort de M. Charles Churchill, que ses satires ont rendu célèbre. Il avait passé de Londres à Boulogne pour voir son ami, M. Wilkes, devenu, par ses satires en prose, encore plus célèbre que lui[10]. Il y est mort d’une fièvre milliaire. Il a chargé, par son testament, M. Wilkes de recueillir et de publier ses ouvrages, avec des remarques et des explications. Personne n’est plus propre à bien exécuter cette commission : M. Wilkes et M. Churchill pensaient et sentaient de même. Il est dommage que les satires de M. Churchill soient trop personnelles, et que le fond tienne à des querelles de parti et à des circonstances momentanées, dont l’intérêt varie et se perd bientôt.

23. — M. de La Harpe, auteur de Warwick et de Timoléon, quoique très-jeune, vient de se marier : il a épousé la fille du maître du café où il avait un logement. C’est une jeune personne très-jolie, très-honnête, très-modeste, et qui était grosse de plusieurs mois de ce poète fécond. Il paraît que les Muses ont fait les frais les plus considérables de cet hymen : les deux conjoints n’ont rien du tout.

24. — M. d’Arnaud a mis en drame l’histoire du comte de Comminges, que M. Dorat n’a présentée qu’en récit. Cette tragédie[11] est en trois actes et dans le genre le plus singulier, puisque la scène est à la Trappe ; elle est en vers. On sent, qu’un pareil sujet doit nécessairement être très-intéressant ; mais l’auteur en a-t-il tiré tout le parti possible ? Son pinceau, mou et peu pittoresque, est-il propre à rendre tout le terrible d’un pareil drame ? On y pouvait réunir à la fois la simplicité des Grecs, le sombre des Anglais, et le tendre de notre théâtre. On doute qu’on trouve dans le Comte de Comminges toutes ces qualités réunies au point dont il était susceptible.

25. — Le Journal des Dames, après avoir passé par quantité de mains différentes avec aussi peu de succès, vient de tomber, entre les mains, de MM. de Sauvigny et de Saint-Péravi.

— Balechou, célèbre graveur, vient de mourir à Avignon. Il s’était d’abord fait connaître par des portraits. Il s’est immortalisé par ses magnifiques planches de marine de M. Vernet. La mort de l’auteur va rendre ces morceaux encore plus curieux.

26. — Lettre à Mgr le duc de Choiseul, ministre et secrétaire d’État en France ; par M. Treyssac de Vergy, avocat au parlement de Bordeaux. À Liège, 1764 ; brochure in-4o de 30 p.[12].

Tel est le titre d’un écrit publié depuis peu de semaines à Londres, en faveur de M. d’Éon. C’est un tissu abominable de complots atroces dont on accuse MM. le duc de Praslin, le comte de Guerchy, et le comte d’Argental. Ce Vergy déclare que sa querelle avec M. d’Éon est la suite de ses conversations, à Paris, avec ces trois messieurs ; qu’on l’a engagé à jouer ce rôle infâme, sous l’espoir de remplacer cet ex-ministre plénipotentiaire ; qu’il a eu la faiblesse de se laisser séduire, mais qu’il doit un témoignage authentique à la vérité. Les événemens justifieront ou détruiront ces horribles accusations.

Dans une note, M. de Vergy nous apprend qu’il est auteur d’une brochure imprimée en 1762, en deux volumes, intitulée Les Usages, et qu’elle souleva contre lui les trois quarts des sots et des femmes galantes de Paris.

27. — M. le marquis d’Argens vient de nous faire connaître un philosophe grec païen par une traduction fort exacte et enrichie de notes et de discussions. Cet orateur est Ocellus Lucanus. Ce livre très-rare, que l’auteur prétend pouvoir servir de suite à la Philosophie du bon sens, n’a point été composé sans dessein ; il fait corps à merveille avec cette foule de productions en tout genre qu’on élève aujourd’hui contre la religion. Il paraît que le germe de la plupart des systèmes enfantés de nos jours sur cette matière est dans ce philosophe ancien. M. d’Argens pour égayer la matière, à l’exemple de Bayle, se repose avec complaisance sur quantité de détails obscurs, et cherche à réjouir son lecteur licencieux. Le texte est d’environ quarante pages, et l’interprète, par sa prolixe érudition, en a fait un volume de plus de trois cents pages d’un caractère très-fin.

28. — De Londres, le 22 novembre 1764. On vient de publier ici un ouvrage en six volumes in-12, sous le titre de l’Espion chinois, ou l’Envoyé secret de la cour de Pékin pour examiner l’état présent de l’Europe. Le sentiment de l’auteur du London Chronicle sur ce livre fait croire qu’il est de M. d’Éon[13]. Voici comme il s’exprime : « Ce ne peut être que la production d’un esprit satirique, turbulent, irréligieux, inconsidéré. Nous croyons y reconnaître la plume amère d’un certain chevalier, dont la querelle avec un certain ministre étranger a fait un si grand bruit dans l’Europe, et particulièrement dans cette ville. Cet ouvrage embrasse plusieurs sujets relatifs au gouvernement, à la religion, à la morale, à la politique, aux vertus, aux vices, aux folies, aux extravagances de plusieurs nations, accompagnés de prétendues anecdotes très-peu connues jusqu’à présent, et caractères de rois, princes et ministres, que le lecteur sage et judicieux ne saurait parcourir sans ennui. »

Nous ne pouvons encore prononcer sur cet ouvrage que nous n’avons pas lu ; nous nous contenterons d’observer qu’un pareil livre peut tout au plus exciter l’indignation : la satire doit être bien plate pour ennuyer.

29. — Lettres russiennes. L’auteur y combat le système de M. de Montesquieu sur le despotisme ; il prétend faire l’apologie de cette sorte de gouvernement. Le nom seul est trop révoltant pour que cet écrivain ne s’aliène pas les suffrages par un pareil début ; il établit ensuite que la Russie n’est point un État despotique, surtout dans le sens que l’entend le président. On ne peut refuser beaucoup d’érudition à l’auteur et une grande connaissance du droit public.

    Le rédacteur des Mémoires veut probablement désigner une lettre à Duclos, du 22 octobre 1764, qui parait avoir été lue à l’Académie. Voltaire écrivait à d’Alembert, le 6 novembre 1764 : « J’ai su par M. Duclos qu’il s’était dit un petit mot à l’Académie touchant le Portatif. » — R.

  1. La première représentation est du 24 octobre 1764. — R.
  2. V. 23 octobre 1762 et 20 janvier 1763. — R.
  3. Par Linguet. Amsterdam, 1764, in-8o. — R.
  4. V. 16 octobre 1764. — R.
  5. L’Anthropophagie ou les Anthropophages, Amsterdam, 1764 : in-8 de 37 pages. — R.
  6. Voyez dans les Œuvres de Voltaire la lettre à Damilaville du 7 novembre 1764. — R.
  7. Le Cercle, ou la Soirée à la mode. — R.
  8. Nous avons déjà dit que cet ouvrage est de Voltaire. — R.
  9. Aussi n’est-il pas bien certain que des démarches aient été faites auprès de lui. Quant à Rousseau, on en a des preuves irrécusables dans sa Correspondance avec M. Butta-Foco et Paoli. — R.
  10. Jean Wilkes, né à Londres le 17 octobre 1737, mort le 6 décembre 1797, s’était réfugié en France pour éviter les poursuites judiciaires dirigées contre lui à l’occasion d’articles virulens qu’il avait publiés, dans le North Briton, sur le ministère anglais. — R.
  11. Les Amans malheureux ou le Comte de Comminges, drame en trois actes et en vers. 1765, in-8. — R.
  12. Cette lettre avait été précédée d’une autre Lettre à Mgr le duc de Choiseul, etc., in-4o de 12 pages. Elle fut suivie d’un Post-Script à la seconde lettre, etc., in-4o de 2 pages. — R.
  13. L’auteur du Dictionnaire des Anonymes l’attribue à A. Goudar. — R.