Mémoires secrets de Bachaumont/1763/Mars

Texte établi par M. J. Ravenel, Brissot-Thivars éditeurs & A. Sautelet et Compagnie (Tome I (1762-1765)p. 140-152).
◄  Février
Avril  ►
Mars 1763

Ier Mars. — M. l’abbé Le Gendre, rival de M. l’abbé de Lattaignant dans le genre des chansons, a réformé ainsi celle qu’on a déjà vue sur la réforme.

Sur l’air : De tous les capucins du monde.

Brave officier, bon militaire,
La réforme te désespère,
Que cela ne t’attriste pas !
Je veux que tu t’en glorifie ;
Jésus est dans le même cas,
On réforme sa compagnie.

2. — Les Comédiens Français ont donné aujourd’hui la première représentation de Théagène et Chariclée, tragédie de M. Dorat. Le sujet est tiré du roman grec qui porte le même titre. La pièce est détestable. Le premier acte avait disposé favorablement les spectateurs ; il avait eu des applaudissemens ; dès le second, l’ennui s’est fait sentir, et n’a été qu’en croissant jusqu’à la fin. En général, mauvais choix, mauvais plan, caractères ignobles, plats, odieux, mal soutenus ; échafaudage pitoyable : tout dénote une petite tête, point faite pour un enfantement dramatique. La versification mérite des éloges ; elle est douce, bien faite ; il y a une tirade contre les rois héréditaires, qu’on prétend avoir le droit de vivre dans la mollesse et dans les plaisirs, qui a été extrêmement applaudie, et qui n’aurait point dû être tolérée par la police[1] ; tout le monde en a été dans le plus grand étonnement. La voici :


Au trône, du berceau ces monarques admis,
Ont droit de végéter dans la pourpre endormis,

Et chargeant de son poids un ministre suprême,
De garder pour eux seuls l’éclat du diadème.

À tant de défauts, l’auteur avait joint la maladresse de choisir pour son héroïne mademoiselle Dubois, très-jolie créature, mais actrice peu faite pour soutenir une pièce. Mademoiselle Clairon, peu jalouse des talens de cette audacieuse, mais beaucoup de sa figure, avait formé un très-grand parti pour la faire siffler. Il n’en était pas besoin ; l’actrice, la pièce et l’auteur ont éprouvé une chute commune. On prétend que M. Dorat, plus curieux de couronner son front de myrtes que de lauriers, étant devenu amoureux de l’héroïne, avait sacrifié sa gloire à son plaisir. Heureusement il n’a pas sacrifié grand’chose.

3. — M. Framery[2], écolier du Plessis, âgé de dix-sept ans et demi, vient de faire pour la Comédie Italienne une petite, pièce qu’il avait d’abord intitulée la Nouvelle Ève. On lui a conseillé de substituer le titre de Pandore. Il y a de jolies choses, et elle promet du talent dans un âge aussi faible. Il était à craindre que la police ne lui fît beaucoup d’accrocs, comme cela vient d’arriver.

4. — Arlequin valet de deux Maîtres, comédie italienne en cinq actes de M. Goldoni. On ne peut guère rendre compte de pareilles pièces, écrites en langue étrangère, et dont le héros est Arlequin, qui varie ses rôles et les rend à sa fantaisie. On ne conçoit guère pourquoi les Italiens ont pensionné de deux mille écus un auteur qui ne leur est pas d’une plus grande utilité. On espérait que le sieur Goldoni monterait sur la planche : apparemment que sa qualité d’avocat ne lui a pas permis cette incartade, ou qu’il ne présume pas assez de ses talens.

5. — M. de Saint-Foix, dans une lettre fort ingénieuse[3], écrite à un prétendu peintre qu’il suppose faire le portrait de mademoiselle Dangeville, couvre, sous cette enveloppe délicate, l’éloge le plus fin de cette inimitable actrice. Elle ne pouvait mieux être louée que par le chantre des Grâces.

— Il y a deux lettres de M. de Voltaire à l’abbé de Voisenon[4], remarquables par l’objet qu’il y traite. Ce grand homme voulant l’être exclusivement, y dégrade, de la façon la plus basse et la plus injurieuse, Corneille et Crébillon. Ces deux pièces, avouées et signées de lui, justifient le libelle qu’on lui attribuait à juste titre contre le dernier, sous le titre d’Éloge.

7. — L’Encyclopédie s’imprime actuellement, et l’on espère voir finir ce monument immortel de l’esprit humain.

8. — On voit au Palais un tableau trouvé chez les Jésuites de Billom en Auvergne, qui attire la foule des curieux et des amateurs[5]. Il est très-grand, et contient plus de deux mille figures. Il représente un vaisseau fort vaste, dans lequel sont toutes sortes de personnages, surtout beaucoup de moines, et les différens généraux d’ordres. L’inscription est Typus Religionis. Un Jésuite est au gouvernail, qu’on reconnaît être saint Ignace ; un autre, à l’avant du vaisseau, paraît observer la route. Le bâtiment cingle vers le port du Salut, et laisse, derrière lui le monde, désigné sous tous les attributs qui en indiquent les pompes, les vanités et les scandales. Différentes barques et chaloupes, où sont des cardinaux, des rois, des empereurs, cherchent à aborder le grand vaisseau : on paraît leur tendre des amarres pour les recevoir ; mais on en écarte de certaines qui sont indiquées contenir des hérétiques. On les arquebuse à coups de flèche, et il paraît qu’Henri IV, dont on reconnaît la tête, est renversé d’un trait. On ne peut dire par quelle main il est décoché ; et on commente beaucoup sur cette effigie. On prétend que ce n’est qu’une copie, et que l’original est à Rome. En général, c’est un barbouillage, une peinture d’hôtellerie. Les gens sensés regardent toute cette allégorie comme une capucinade fort en vogue du temps de la Ligue.

Il y a, depuis quelques jours, des défenses sévères de faire voir le tableau : on l’a transporté au Noviciat.

10. — Le Journal Encyclopédique est suspendu. Le sieur Rousseau, de Toulouse, est ici pour plaider sa cause. Le duc de Bouillon, ayant eu avis que ledit Rousseau voulait quitter Bouillon, où ce journal s’imprime, pour passer à Manheim, chez l’électeur Palatin, où il est appelé, a fait saisir tous les papiers de cet auteur, et l’a mis hors d’état d’exécuter son projet. Il demande à rester, et la liberté de continuer.

Il est aussi question d’un Journal de Jurisprudence, à la tête duquel il voulait se mettre, et dont on a déjà vu le prospectus.

13. — Le divertissement et la comédie pour la paix, qui devaient être joués aujourd’hui, sont renvoyés à demain. La pièce, qui devait être intitulée l’Antipathie vaincue, est nommée l’Anglais à Bordeaux. L’ambassadeur d’Angleterre a demandé ce changement. Au reste, le sieur Favart l’a portée chez tous les ministres étrangers, pour savoir s’ils n’y trouveraient rien qui pût les blesser. Ils en ont été très-contens. Pour les flatter davantage, on a ordonné de jouer Brutus, tragédie de M. de Voltaire, où l’on sait qu’il y a un éloge magnifique de la dignité des fonctions d’un ambassadeur[6].

14. — L’Anglais à Bordeaux a été reçu avec beaucoup d’applaudissement. On y a trouvé de l’esprit infiniment, mais de l’esprit à la Voisenon, délicat, maniéré, précieux, revenant souvent sur la même pensée, qu’il décompose et reproduit sous toutes sortes de faces. Cette pièce en un acte ne peut figurer près du Français à Londres[7]. Celle-ci est infiniment supérieure. Traçons-en l’esquisse en deux mots. Un milord est prisonnier d’un Français, qui a une sœur folle à l’excès ; il en devient amoureux : le frère l’est de la fille de l’Anglais, cherche tous les moyens de vaincre l’antipathie de celui-ci contre notre nation, et comme il refuse tous ses services, il intéresse le valet de son prisonnier à lui faire tenir une lettre de change de deux mille guinées de la part d’un de ses amis de Londres. Cet ami arrive pour épouser la fille du milord, qui lui était promise : il ne la trouve pas bien favorablement disposée ; il se doute qu’elle a formé quelque inclination. Son père survient, remercie son ami de sa lettre de change. Celui-ci n’y comprend rien. On éclaircit le fait : la générosité du Français, mise dans tout son jour, pénètre l’un de reconnaissance, l’autre d’admiration. Ce dernier se trouve à son tour lui avoir les obligations les plus grandes, puisqu’il lui doit la vie. On découvre qu’il aime la fille de l’Anglais ; que celle-ci a du retour pour lui. Le nouvel arrivé la cède généreusement, et donne tout son bien à ces amans. On reçoit dans l’instant les nouvelles de la paix : de là un divertissement fort long et fort plat. On fait danser toutes sortes de nations, jusqu’à des nègres ; puis on chante des couplets misérables.

Dans le courant de la pièce on avait amené un vive le roi ! Quelques voix dans le parterre ont fait chorus : il n’a pas été général à beaucoup près.

Mademoiselle Dangeville, qui se disposait à se retirer, a continué dans cette pièce, par ordre du gouvernement, qui la prend fort à cœur.

15. — Bentkber au sage et savant Abukibek. Tel est le titre de la quinzième des Lettres Cabalistiques, qu’on vient de réimprimer seule. Elle porte sur la destruction de la Société, qu’elle paraît prophétiser de la manière la plus judicieuse et la plus sensible. Elle en détaille les motifs, et les tire des mêmes raisons qu’ont fait valoir les différens parlemens. Elle est fort singulière par les circonstances. L’éditeur n’a pas manqué d’observer que ces Lettres étaient du marquis d’Argens, frère du président d’Éguilles, actuellement décrété de prise de corps pour avoir soutenu, per fas et nefas, cette formidable Société.

16. — On annonce aussi la retraite de mademoiselle Gaussin. Cette perte du Théâtre Français ne fera pas autant de sensation que celle de mademoiselle Dangeville.

17. — La seconde représentation de l’Anglais à Bordeau, donnée hier, a eu le plus grand succès. On avait demandé l’auteur dès la première représentation. Mademoiselle Hus s’était avancée sur le théâtre pour dire qu’il n’y était pas ; mais le public ne lui donnant pas le temps de s’expliquer, toutes les fois qu’elle ouvrait la bouche, elle s’était retirée. Bellecour lui avait succédé, et ayant eu plus de patience, avait fait entendre cette excuse au parterre, « Qu’il le nomme donc ! » s’était-on écrié. L’acteur a répondu que c’était M. Favart. Aujourd’hui les clameurs ont recommencé. Le pauvre diable a été traîné par deux comédiens sur le théâtre « et y a reçu malgré lui la bordée des applaudissemens du public.

19. — Les Français ont fait leur clôture aujourd’hui par Tancrède. C’était mademoiselle Dubois qui faisait le rôle d’Aménaïde : elle a eu beaucoup de partisans, et a été singulièrement applaudie. On ne peut cependant se dissimuler que c’est un rôle au-dessus de ses forces : elle n’a pas assez d’âme pour le jouer en beaucoup d’endroits, encore moins assez de dignité. Quoique bien bâtie elle a des bras ignobles et trop grands pour avoir un beau geste. Au reste, ce qui décide la question, c’est la tendresse affectueuse avec laquelle mademoiselle Clairon l’a complimentée et embrassée ; on en peut conclure qu’elle l’a jugée hors d’état de pouvoir l’atteindre ; sa jalousie n’aurait pu y tenir, mademoiselle Dubois ayant déjà l’irrémissible défaut d’être jolie.

21. — Il se trouve à Paris un arrière-petit-fils de Racine par les femmes : comme il ne reste aucun mâle, que le dernier mort et son fils avaient très-peu joui de leurs entrées, droit héréditaire dans une famille aussi illustre pour le Théâtre, que personne ne recueillait cette espèce de succession littéraire, ce jeune homme à cru pouvoir se présenter et attendre cette grâce du respect et de la reconnaissance des Comédiens pour leur bienfaiteur. Leur procédé noble en faveur de son cousin, de la petite-fille de Corneille, de Crébillon, etc., lui étaient garans de leur générosité. Ces histrions ont démenti en un instant toute la bonne opinion qu’avaient conçue d’eux les gens qui ne connaissent pas les ressorts du cœur humain. Comme cette grâce a été demandée sourdement, qu’ils n’ont pas espéré qu’elle fit un grand éclat, que le faste et l’ostentation sont ce qui les détermine plus ou moins aux bonnes actions, ils ont refusé tout net les entrées à l’arrière petit-fils de Racine, en ce que cette grâce porterait un grand tort à leurs intérêts, ont-ils dit, étant déjà trop multipliée. Leur âme vile et sordide s’est montrée à découvert en cette occasion.

22. — On annonce déjà pour la rentrée une actrice miraculeuse, mademoiselle de Maisonneuve, petite-fille de la femme de chambre de mademoiselle Gaussin. Cela fait une affaire d’État. Elle était engagée pour aller à Manheim chez l’électeur Palatin ; elle avait reçu cent pistoles. Heureusement qu’on a fait part à l’abbé de Voisenon de cette perte prochaine ; il l’a voulu voir, l’a fait déclamer, lui a trouvé les talens les plus décidés ; il est parti sur-le-champ pour Versailles, en a parlé à M. le duc de Praslin, à M. le duc de Choiseul, à madame la marquise ; on est convenu qu’il l’amènerait chez cette dernière, qu’on la ferait jouer devant le roi, en voilant Sa Majesté, pour que la jeune personne n’en fût pas éblouie. Cela s’est exécuté avec le plus grand succès. On a rendu les cent pistoles qu’elle avait touchées, et l’on s’attend incessamment à voir cette merveille.

23. — Le Socrate de M. de Sauvigny, après bien des contradictions, doit se jouer à la rentrée. On avait d’abord exigé qu’il supprimât une tirade contre Aristophane, comme désignant trop particulièrement le sieur Palissot. La marquise de Villeroi avait assuré l’auteur qu’il ne serait point représenté sans cela. Après bien des pourparlers, il a rayé à regret le morceau où ce méchant était particulièrement caractérisé[8].

24. — L’Anglais à Bordeaux a été joué à la cour. Le roi, la reine et la famille royale ont voulu voir l’auteur : en conséquence Favart s’y est rendu. Il a été accueilli avec beaucoup de bonté. Au moment où on l’a conduit chez la marquise, elle lisait un écrit de Marmontel, la Bergère des Alpes. Cette grande dame a exigé qu’il en fît une pièce, ce qui sera exécuté.

L’abbé de Voisenon recueille indirectement tous les éloges donnés à l’autre : il s’en défend avec la plus grande modestie ; mais l’esprit de la pièce est trop marqué à son type pour le méconnaître.

25. — On commence à répandre les bons mots des Enfans de France ; on en cite deux entre autres qui décèlent leur manière de penser.

Le duc de Berry[9], en parlant, avait lâché le mot il pleua. « Ah ! quel barbarisme ! s’écrie le comte de Provence[10] ; mon frère, cela n’est pas beau, un prince doit savoir sa langue. — Et vous, mon frère, reprit l’aîné, vous devriez retenir la vôtre. »

Le duc de Chartres[11] étant allé faire sa cour aux Enfans de France appelait toujours M. le duc de Berry monsieur. « Mais, dit ce jeune prince, M. le duc de Chartres, vous me traitez bien cavalièrement ; ne devriez-vous pas me donner du Monseigneur ? — Non, reprit vivement M. le comte de Provence ; non, mon frère, il vaudrait mieux qu’il dît mon cousin. »

26. — M. l’abbé de Radonvilliers a été reçu aujourd’hui à l’Académie Française : il avait été élu le 14. Rien de plus plat que son discours et de plus platement débité. Il a voulu le réciter de mémoire : c’était une suite d’éloges lourds et maladroits. Il n’y a que le pauvre Marivaux dont il a restreint les louanges, attendu le genre pernicieux et condamnable dans lequel il a écrit. C’est quelque chose d’assez plaisant, que cet auteur fameux par ses romans et par ses comédies se soit trouvé dans le cas d’être panégyrisé par un prêtre d’une part, et par un cardinal de l’autre, car c’est le cardinal de Luynes qui avait été nommé directeur. Il faut remarquer que cet auteur avait été reçu par un archevêque, M. Languet, qui, au lieu de lui donner le tribut d’encens usité en pareil cas, l’avait vivement tancé sur l’usage dangereux de ses talens. Le candidat ayant péroré, le directeur ayant répondu, messieurs s’étant regardés avec quelque confusion, ils ont levé le siège, n’ayant rien de plus à dire. C’est peut-être la première fois que la salle n’a retenti d’aucuns battemens de mains. La séance a duré environ une demi-heure.

28. — M. de Marmontel a eu l’honneur de présenter au roi sa Poétique en trois volumes in-8o. Cet ouvrage, que l’auteur annonce modestement ne pouvoir être fait que dans ce temps-ci et que par lui, n’est qu’une paraphrase de la Poétique d’Horace et de celle de Boileau. Nous en parlerons plus amplement quand nous aurons recueilli les divers avis des connaisseurs.

29. — Esprit, saillies et singularités du Père Castel[12]. Tel est le titre d’un ouvrage assez peu important, où l’on cite les différens apophthegmes et où l’on paraphrase les différens sentimens de ce Jésuite sur toutes les matières. Le Clavecin oculaire occupe une grande partie du volume : c’était en effet la plus importante singularité du personnage, fou d’ailleurs.

29. — Il nous tombe entre les mains une gazette manuscrite que le sieur Fréron envoie en Piémont, et pour laquelle on lui donne cinquante louis. C’est beaucoup dire que d’assurer qu’elle lui coûte encore moins à faire que ses feuilles et qu’elle leur est inférieure. C’est une rapsodie de tous les rogatons, contes populaires, historiettes, nouvelles de Paris, digérée à la hâte et mal écrite. On assure qu’il l’envoie en différens États étrangers.

30. — M. le duc de Bouillon a paru se laisser toucher par les suppliques et soumissions du sieur Rousseau de Toulouse ; il doit retourner dans sa principauté pour y continuer son journal, dont Son Altesse avait mis en possession l’abbé de Méhegan. Il est obligé de faire deux mille francs de pension à ce dernier et cent pistoles à l’abbé Coyer. Il en coûte toujours quelque chose pour déplaire aux princes.

31. — M. Dorat, en philosophe, s’est joint au public pour trouver sa pièce mauvaise[13] ; il a fait à cette occasion une Épître gentille. La voici ; elle s’adresse à un ami, M. de Pezai :


Au milieu des plus grands revers
On dit que le sage plaisante,
Et qu’il verrait sans épouvante
La ruine de l’univers.
J’en fais mon compliment au sage :
Cette héroïque fermeté
Est bien digne de notre hommage,
Je la respecte en vérité :
Mais jamais ce triste courage
Par moi ne peut être imité.
J’ai toute la faiblesse humaine :
Mon âme esclave de mes sens,
Ouvre toujours les deux battans
Au plaisir, ainsi qu’à la peine.
Ami, tu me vois consterné
D’avoir au grand jour de la scène
Risqué mon drame infortuné ;
Oui ma douleur est sans seconde,
Et cependant, on le sait bien,
La chute d’un drame n’est rien
Auprès de la chute du monde.
Je puis, dis-tu, me consoler
Entre les bras d’une maîtresse :
Exilé des bords du Permesse,
C’est à Paphos qu’il faut voler.
Ce ciel n’est point exempt d’orages,
Désormais à l’abri des vents

Je veux contempler les naufrages
Et des auteurs et des amans.
Irais-je plein d’une humeur noire
De Vénus attrister la cour ?
C’est bien assez, tu peux m’en croire,
D’être maltraité par la Gloire,
Sans l’être encore par l’Amour.
Mais quoi ! ton amitié me reste,
C’est ma ressource et mon soutien ;
Pilade dans le sein d’Oreste
Ne doit plus se plaindre de rien,
La Gloire est une enchanteresse
Qui ne remplit jamais un cœur ;
L’Amour n’est qu’un instant d’ivresse,
L’Amitié seule est un bonheur.

  1. Marin, censeur de la police, fut mis, dit-on, à la Bastille pour avoir laissé passer ces vers. Il n’y resta que vingt-quatre-heures. — R.
  2. Nicolas-Étienne Framery, né à Rouen le 25 mars 1745 ; mort le 26 novembre 1810. La pièce dont il est ici question n’a point été imprimée. — R.
  3. Elle a été recueillie dans les Œuvres de Saint-Foix, et est adressée à M. de Saint-Aubin. — R.
  4. Une seule, datée du 23 février 17633, a été recueillie dans les Œuvres de Voltaire. — R.
  5. Ce tableau a été reproduit dans une gravure placée en tête du Précis de l’histoire des Jésuites, suivi de la huile qui supprime cette Société ; par G-J. Charvilbac. Paris, Lhuillier, 1820, in-8o. — V. 7 août 1763. — R.
  6. L’ambassadeur d’un roi m’est toujours redoutable ;
    Ce n’est qu’un ennemi sous un titre honorable,
    Qui vient, rempli d’orgueil ou de dextérité,
    Insulter ou trahir avec impunité.

    Ac. I, sc. i.
  7. De Boissy. — R.
  8. Voici ee passage qui n’a effectivement point été conservé dans la tragédie imprimée :

    Qu’importe que sur toi ce ténébreux cynique
    Verse les flots impurs de son fiel satirique :
    De quel front prétend-il, moraliste sans mœurs,
    Calomnier ta gloire et condamner les cœurs.
    Un jour la main du Temps par qui tout s’apprécie,
    Relève le grand homme et terrasse l’envie ;
    Du courroux d’Anytus lâche et vil instrument,
    Il aura cru, peut-être, échapper au néant.
    Il est des malheureux dont la plume incertaine
    yend indifféremment sa faveur et sa haine.

    — R.
  9. Louis XVI. — R.
  10. Louis XVIII. — R.
  11. Philippe Égalité. — R.
  12. Par l’abbé de La Porte ; Amsterdam et Paris, 1763, in-12. — R.
  13. v. 2 mars 1763, — R.