Mémoires posthumes de Braz Cubas/Chapitre 120

Traduction par Adrien Delpech.
Garnier Frères (p. 395-396).


CXX

Compelle intrare


— Oui, mon cher, que tu le veuilles ou non, maintenant tu te marieras, me dit un jour Sabine. Garçon, sans enfants, quel bel avenir !

Sans enfants !… l’idée d’en avoir me fit sursauter. Une fois encore, le fluide mystérieux me parcourut tout entier. Oui, je devais être père. La vie de garçon a sans doute ses avantages, mais ils sont précaires, et on les achète au prix de la solitude. Mourir sans enfants ! non, c’était impossible. J’étais prêt à tout, même à l’alliance avec Damasceno. Sans enfants !… comme j’avais alors grande confiance en Quincas Borba, je l’allai voir, et lui exposai les mouvements intimes de ma paternité. Le philosophe m’écouta avec enthousiasme. Il me déclara qu’Humanitas s’agitait en moi. Il m’encouragea au mariage. C’était quelques convives de plus qui battaient à la porte de la vie, etc. Compelle intrare, comme disait Jésus. Et il ne me laissa point sortir sans m’avoir préalablement démontré que l’apologue évangélique était une prophétie de l’Humanitisme, mal interprétée par les prêtres.