Mémoires posthumes de Braz Cubas/Chapitre 075

Traduction par Adrien Delpech.
Garnier Frères (p. 271-272).


LXXV

Réflexions


Si quelqu’un de mes lecteurs a sauté le chapitre précédent, je l’avise qu’il est nécessaire d’en prendre connaissance pour comprendre les réflexions que je fis dès que Dona Placida fut sortie de la salle.

— Ainsi, me dis-je, le sacristain de la cathédrale vit un jour, tandis qu’il servait la messe, entrer une dame qui devait être sa collaboratrice dans l’œuvre de procréation de Dona Placida. Il la revit pendant des semaines, l’aima, et tout en allumant les candélabres aux jours de fête, il lui faisait sans doute du pied sous les chaises. Il lui plut et ils s’unirent. De cet échange de banale luxure naquit Dona Placida. Il est à supposer qu’elle ne parlait pas en venant au monde ; sinon, elle eût pu dire aux amateurs de ses jours : « Me voici : pourquoi m’avez-vous fait venir ? » Et le sacristain et la sacristaine de lui répondre : « Nous t’avons fait venir pour que tu te brûles les doigts aux chaudrons, les yeux à la couture, que tu manges mal ou pas du tout, que tu ailles à l’aventure, malade un jour, bien portante le lendemain, puis de nouveau malade et de nouveau guérie, triste ou désespérée, puis résignée à ton sort, mais toujours les mains au chaudron et les doigts à la couture, jusqu’au moment où tu finiras dans la boue ou sur un lit d’hôpital. Voilà pourquoi nous t’avons fait venir dans un moment de sympathie. »