Mémoires extraits des recueils de l’Académie de Turin/Sur l’intégration d’une équation différentielle à différences finies


SUR L’INTÉGRATION
D’UNE
ÉQUATION DIFFÉRENTIELLE
À DIFFÉRENCES FINIES,
QUI CONTIENT LA THÉORIE DES SUITES RÉCURRENTES.


(Miscellanea Taurinensia, t. I, 1759.)

1. Soit proposée l’équation différentielle

et expriment des fonctions quelconques de la variable l’on sait que pour intégrer cette équation il suffit de faire

ce qui donne

où l’on peut faire évanouir deux termes par une valeur convenable de ou de Supposons donc

et divisant par on aura

et par conséquent

savoir

est le nombre dont le logarithme hyperbolique est Par cette supposition la proposée deviendra

ce qui donne

et enfin

2. En observant le procédé de cette méthode, on verra aisément qu’elle doit pouvoir s’appliquer encore avec succès aux équations différentielles qui ont la même forme que la précédente, quoique les différences soient supposées finies. Soit donc l’équation

dont la différentielle soit finie, et les autres quantités et soient des fonctions d’une autre variable quelconque Supposons en premier lieu

et l’on aura dans ce cas

et l’équation se changera en

Qu’on pose comme ci-dessus les deux termes

et on aura

savoir

pour résoudre cette équation dans notre cas où la différentielle n’est pas infiniment petite, qu’on suppose et l’on aura

d’où

et prenant les logarithmes,

et ensuite intégrant,

mais on sait que la somme des logarithmes de plusieurs nombres est égale au logarithme du produit de tous ces nombres ; donc, si l’on exprime généralement par le produit continuel de toutes les quantités contenues dans la formule on aura

et par conséquent

Par l’évanouissement de ces deux termes l’équation devient

d’où l’on tire

et, en intégrant,

Mais ayant déjà trouvé si l’on exprime par le terme consécutif à on aura

et par conséquent

et, puisque

ou bien, en ajoutant à cette intégration une constante quelconque

3. Soit à présent proposée l’équation

est le terme qui suit dans la suite des puisque elle se réduira à

Qu’on fasse donc

et l’on trouvera pour la valeur de l’expression suivante

Si est une quantité constante, il est clair que et deviennent des puissances de dont l’exposant est égal au nombre qui dénote la place des termes et dans la suite des soit donc ce nombre, de sorte que soit le même que et on aura

Si est constant, est égal à où les termes exprimés par

forment une progression géométrique, dont il sera aisé d’avoir la somme ; soit cette somme, qui commence par égale à savoir que

et on aura, en multipliant par

de cette égalité l’on tirera

par conséquent

ou bien

4. Pour se convaincre que cette valeur de satisfait entièrement aux conditions de l’équation donnée

on n’a qu’à multiplier la formule trouvée pour par et lui ajouter la quantité et l’on trouvera le résultat

qui se réduit à

qui est la valeur que la formule générale nous donne pour le terme

5. Après avoir trouvé la méthode d’intégrer toute équation différentielle à différences finies, comprise sous la forme générale

on pourra de même procéder à l’intégration des autres qui dépendent de celle-ci. Or, M. d’Alembert, dans les Mémoires de l’Académie Royale de Berlin, a fait voir que toutes les équations différentielles, telles que

sont des constantes quelconques, et où est une fonction quelconque de se réduisent à une équation de cette forme :

est une constante et une fonction de laquelle équation est la même que nous avons appris à intégrer dans le cas même des différences finies. Si donc le procédé de M. d’Alembert peut avoir lieu aussi quand les différences sont finies, on pourra intégrer encore dans cette circonstance toute équation différentielle de cette forme :

et par conséquent l’équation

qu’on peut regarder comme la formule générale des suites récurrentes. La méthode de M. d’Alembert se trouve détaillée dans le second tome du Calcul intégral de M. Bougainville ; mais, pour épargner de la peine aux lecteurs, je tâcherai de la développer ici en peu de mots. Qu’on suppose

et l’équation proposée se changera en

Qu’on multiplie à présent chacune des équations qu’on a supposées par des coefficients indéterminés et qu’on les ajoute toutes à celle-ci, on aura

Soit fait en sorte que la première partie du premier membre de cette équation devienne un multiple exact de l’intégrale de la seconde, savoir que

et en comparant terme à terme il en résultera

de ces deux équations l’on tire

dont les racines donneront trois valeurs de qui satisferont également aux conditions requises. Supposons maintenant

l’équation trouvée deviendra

laquelle, comparée avec celle du no 1, donnera en intégrant

Or, comme la quantité peut avoir trois valeurs différentes, nommons-les et exprimons par la valeur de qui contient par celui qui contient et par celui qui contient on aura donc les trois équations suivantes :

De ces trois équations on tirera la valeur de laquelle, à cause des quantités constantes se réduira à cette forme

sont des constantes dont la valeur dépend des autres

6. Si l’on examine le procédé de cette méthode, il paraîtra clairement que si l’équation eût contenu beaucoup plus de termes, par exemple qu’elle eût été

on aurait trouvé de même

où les quantités sont des fonctions de et telles que

en posant pour les racines de cette équation

de plus on s’apercevra que les opérations que requiert cette méthode peuvent également se faire, soit que les différences soient finies, ou qu’elles soient infiniment petites.

7. Ayant donc l’équation à différences finies

et posant

on parviendra de la même manière à une équation telle que

et la quantité dépendra de cette équation

dont les racines ont déjà été supposées Que l’on compare à présent l’équation

avec celle du no 2, savoir

et on aura

par conséquent

ce qui donne enfin

ou bien, puisque est constant,

exprimant comme ci-dessus le quantième du terme dans la série des Si l’on fait de plus constant, on aura, en prenant la somme de la progression géométrique exprimée par

Or, comme peut avoir les valeurs il est clair qu’en substituant chacune d’elles dans la formule trouvée, il en résultera autant de valeurs de qui satisferont toutes également. Soient donc toutes ces valeurs exprimées par et puisque

on tirera, par le moyen des cinq équations

l’expression suivante de savoir

8. Soit enfin proposée l’équation

expriment des termes consécutifs de la suite des il est d’abord évident que, puisque

et ainsi des autres, cette équation peut être ramenée à la forme de celle

que nous venons d’examiner ; mais, puisque le calcul devient de cette façon trop long, il sera utile de la résoudre directement par les mêmes principes que nous avons employés jusqu’ici. De plus, afin de pouvoir plus aisément appliquer cette équation aux séries récurrentes, il sera mieux de considérer les termes dans un ordre renversé, savoir que

et ainsi des autres, de sorte que les indices dénotent la distance de chaque terme au dernier Supposons

soit donc de nouveau

soit encore

et l’on aura

substituant ces valeurs dans la proposée, elle deviendra

Qu’on réduise à présent les suppositions précédentes en équations, savoir

et après les avoir multipliées par les coefficients indéterminés qu’on les ajoute toutes à celle qu’on vient de trouver. Il en résultera la suivante

Qu’on fasse maintenant que chaque coefficient de la première partie soit multiple de la même manière de son correspondant dans la seconde,

l’on parviendra aux mêmes équations qu’on a trouvées (6), et la quantité sera déterminée par l’équation

dont on a supposé les racines Donc, si l’on fait

l’équation se réduira à

qui, par une intégration semblable à celle du no 3, donnera

exprimera le quantième du terme dans la suite des Or, comme pour l’on peut substituer chacune des cinq racines de l’équation on aura de même cinq valeurs différentes de que nous exprimerons comme ci-dessus par donc, à cause que

on parviendra, en chassant les lettres à la formule

sont des constantes qu’on doit déterminer par la comparaison d’autant de termes donnés dans la suite des

9. Si est constant, par ce qu’on a démontré (4), la somme exprimée par deviendra égale à et nommant la constante ajoutée à cette intégration, on aura finalement

d’où l’on tirera par conséquent les valeurs en substituant à la place de ses valeurs

10. De tout ceci l’on peut déduire le théorème général suivant ; si l’on a l’équation

où les indices des dénotent leurs places, que l’on cherche toutes les racines de l’équation

et l’on aura généralement

et, dans le cas où est constant,

Si on pourra supprimer la constante et l’on aura plus simplement

formule connue pour l’expression du terme général de la suite des telle que

ce qui n’est autre chose qu’une suite récurrente, dont l’échelle de relation est

11. Voilà donc la théorie des suites récurrentes réduite au calcul différentiel, et établie de cette façon sur des principes directs et naturels, au lieu que jusqu’ici elle n’a été traitée que par des voies tout à fait indirectes. De plus, les recherches qu’on a faites sur cette matière ont toujours été bornées au cas de et personne, que je sache, n’a jamais entrepris d’examiner généralement les autres cas, où est constant ou même variable, ce qui peut néanmoins être de la dernière importance pour la résolution de plusieurs problèmes qui conduisent à de telles équations, dont la doctrine des hasards est principalement remplie, comme je me propose de le faire voir une autre fois en appliquant à cette espèce de calcul la théorie que je viens d’expliquer.


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