Mémoires d’une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante/13/Symboles du Palladisme

Symboles du Palladisme[1]





Le Figuier Maudit

(Suite)


Du Figuier maudit je viens de donner la première signification ; mais son symbolisme est double. Quant au second sens, il est encore plus abominable que le premier.

C’est Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même qui est qualifié « figuier maudit » par les palladistes. L’exposé de la première signification permettra de comprendre à quel honteux point de vue le Rite Suprême se place pour vomir cet ignoble outrage contre le Divin Sauveur ; il me répugnerait, d’ailleurs, d’entrer en longues explications sur ce point.

Il me suffira de dénoncer à l’indignation catholique une des infamies de l’Apadno. Elle forme un épisode de la Bible luciférienne, tout un épisode inouï, d’une perversité diabolique ; le démon seul pouvait inventer de telles horreurs. Là est vraiment la preuve que ce Livre inqualifiable a été écrit par Satan. En deux mots : Marie de Magdala y est représentée comme mère d’un fils, dont le père serait… Je n’ose écrire qui ; non, je ne l’écrirai pas… La prétendue histoire de cet enfant imaginaire est dans l’Apadno, avec sa prétendue mort, en bon luciférien ; après le Thabor, est-il dit, l’enfant fut l’objet d’une tentative criminelle de la part de son père, qui aurait voulu le faire disparaître ; mais il fut sauvé et préservé par l’Iscariote. C’est un véritable roman, abomination des abominations. Il m’est impossible d’en dire davantage.

Donc, c’est à dater du pacte thaborite que Jésus, l’adorable Rédempteur, est appelé « figuier maudit » par le plus odieux blasphème. Sa parabole est retournée contre lui, avec une malice infernale ; l’Apadno le condamne, au nom de ses propres paroles.

Et, d’autre part, la secte, reconnaissant la présence réelle dans l’Eucharistie, afin de se livrer à ses fureurs démoniaques contre le Pain des Anges, donne ce nom de « figuier maudit » au Sacrement d’amour.

Telle est l’explication de ce terme, que l’on trouve parfois dans les voûtes du Rite Suprême, pour désigner une hostie consacrée.

La Colombe maçonnique.


Tableau dans le haut à droite, tout à côté du tableau des Croix. On voit uniquement une blanche colombe volant à tire d’ailes et tenant en son bec un rameau d’olivier.

Le symbolisme de la colombe n’est pas une création du Palladium ; il remonte à 1784. Deux ans auparavant, Cagliostro avait institué son fameux Rite Égyptien, et en cette année 1784 il fonda la Haute-Maçonnerie égyptienne d’Adoption. En outre, l’Illuminisme de Weishaupt faisait partout de rapides progrès ; c’est alors que s’assemblèrent à Versailles quelques maçons français, et de cette réunion sortit un nouveau rite qui s’appela Ordre des Chevaliers et Chevalières de la Colombe.

Cet ordre n’eut pas une longue existence ; mais sa légende d’initiation plut aux fondateurs du Rite Écossais Ancien Accepté, et, quand ils instituèrent leurs Ateliers androgynes, ils retinrent cette légende pour initier les dames au 8e degré qui fut appelé Chevalière de la Colombe.

En effet, on n’ignore pas que les Ateliers androgynes, annexés à ceux de l’Écossisme en trente-trois degrés, pratiquent un rite dit des Écossaises de Perfection ; ce rite de Sœurs maçonnes est en dix degrés :

1er degré. — Apprentie.

2e degré. — Compagnonne.

3e degré. — Maîtresse.

4e degré. — Maîtresse Parfaite.

Ces quatre premiers grades sont semblables à ceux de même nom, du Rite Moderne d’Adoption.

5e degré. — Élue.

6e degré. — Écossaise.

Ces deux grades sont particuliers au Rite des Écossaises de Perfection.

7e degré. — Sublime Écossaise.

Ce grade est la reproduction du 5e degré du Rite Moderne d’Adoption, lequel porte le même nom ; c’est le grade basé sur la légende travestie de Judith et Holopherne.

8e degré. — Chevalière de la Colombe.

9e degré. — Chevalière de la Bienfaisance, ou Rose-Croix des Dames.

10e degré. — Princesse de la Couronne.

Ces trois derniers grades ne sont pratiqués dans aucun autre rite que celui des Écossaises de Perfection.

La versaillaise Chevalière de la Colombe de 1784 ne pouvait manquer de plaire aux fondateurs de l’Écossisme moderne, dit Ancien Accepté ; car l’initiation est tout à fait dans l’esprit du nouveau luciférianisme, qui se fait si bien sentir dès la légende d’Hiram, au grade de Maître, des Frères.

Le rituel définitif de ce 8e degré des Sœurs Écossaises est d’Albert Pike ; mais il convient de dire que le premier Souverain Pontife de la Haute-Maçonnerie a eu fort peu à retoucher au rituel de 1784 que ses prédécesseurs au Suprême Conseil de Charleston avaient conservé tel quel. Ce grade est une préparation au Palladisme : Lucifer y est appelé Éblis, comme dans la légende d’Hiram.

Le grade de Chevalière de la Colombe étant un des plus pratiqués aujourd’hui, il est utile de le donner ici.

Les dames que l’on juge pouvoir être aisément conduites aux lumières du Palladium ont à passer seulement par les grades d’Apprentie, Compagnonne et Maîtresse, soit qu’elles appartiennent au Rite Moderne d’Adoption, soit que leur Loge pratique le Rite des Écossaises de Perfection ; après un certain stage de Maîtresse, on les initie au grade d’Élue Palladique. Si une Maîtresse ne paraît pas devoir devenir bonne luciférienne, mais si elle peut rendre des services dans la politique, on ne lui ouvre pas les Triangles, et l’on se borne à la pousser jusqu’au grade de Sublime Écossaise, qui est en réalité la Sœur Kadosch ultionniste de la Maçonnerie Féminine. Enfin, si elle n’est pas capable de tenir un rôle politique secret, et, s’il reste pourtant, quelque espoir de lui voir ouvrir un jour les yeux à la lumière de Satan, on prend patience en lui conférant successivement les 4e, 5e, 6e et 7e degrés ; les 5e et 7e cependant, qui sont des grades ultionnistes, sont donnés par communication, c’est-à-dire au moyen d’une instruction verbale très brève et sans les formalités de l’initiation. C’est au 8e degré qu’on attend cette Sœur, pour juger si, cette fois, elle comprendra le but final de la secte.

La salle de séance, en forme de carré long, a ses murs recouverts d’une tenture rouge, sur laquelle pendent des bandes de soie verte. On nomme la salle : « Temple de la Vertu ». La partie où est située l’estrade, qui est l’orient dans les Ateliers de Frères seuls, s’appelle l’Asie ; la partie, faisant face, où est l’entrée, est dite l’Europe ; le côté de droite en entrant est dit l’Afrique, et le côté opposé, l’Amérique.

Un candélabre à trois branches est placé sur l’estrade, à gauche ; un à deux branches, à l’Afrique, à peu de distance de l’estrade ; un autre à deux branches, près de la porte d’entrée, à droite. Total des lumières : sept.

Le trône présidentiel est unique, sous un baldaquin de soir jaune d’or ; un transparent éclairé est placé là où dans les Loges on voit le Delta, et il représente une colombe au vol, avec rameau d’olivier au bec.

Devant le trône, il y a une large table, recouverte d’un tapis vert. Sur cette table : trois chandeliers, garnis chacun d’une bougie noire, non allumée ; le maillet du président ; une branche artificielle d’olivier, qu’il tiendra à la main, au lieu de l’épée flamboyante ; une Bible ; une cage, dans laquelle est une colombe ; une éponge sur un plateau.

Le siège présidentiel est élevé de sept marches.

Sur l’estrade, à droite, un fauteuil, réservé à une Sœur, la première officière de l’Atelier ; au-devant, une petite table triangulaire servant de bureau. En face, encore sur l’estrade, mais à gauche, deux sièges, réservés à un Frère et à une Sœur ; au-devant, une table en forme de parallélogramme, servant également de bureau. Enfin, à quelque distance du trône du président, au milieu de l’estrade, le petit autel des serments, bien connu, en bois massif, sculpté, de forme pentagonale, orné de guirlandes.

Dans le sens de la longueur de la salle, des sièges sur trois ou quatre rangs, de chaque côté ; un large espace est laissé au milieu, pour aller et venir, ainsi qu’en une Loge ordinaire. Néanmoins, le tableau ou toile peinte, sur lequel figurent les symboles récapitulatifs de l’initiation, n’est pas étalé par terre, mais accroché contre le mur d’Amérique : on y voit une montagne dont le sommet émerge des eaux, et qui représente l’Ararat, avec l’arche de Noé ; la colombe revient vers l’arche, apportant la branche d’olivier ; l’eau qui entoure le bas de la montagne est verdâtre, avec des cadavres qui surnagent, humains et animaux noyés.

Au centre de la salle, en l’endroit où d’ordinaire est étalé le tableau emblématique, on a dressé une vaste tente carrée ; quatre colonnettes soutiennent des tringles, sur lesquelles courent les anneaux des rideaux que des cordons peuvent ouvrir et refermer a volonté, comme des rideaux de fenêtre ; ils sont en étoffe légère, et, à une simple traction des cordons, ils se replient instantanément vers les colonnettes. Cette tente forme, en quelque sorte, une cabine de bain ; car elle masque une baignoire, pleine d’eau maintenue au degré convenable.

Les deux colonnes J et B de la porte d’entrée supportent, chacune, un petit tas de pommes, en pyramide, au lieu des trois grenades de l’Atelier masculin.

À ce grade, l’Atelier se nomme Arche Chapitrale.

À l’heure fixée pour la réception d’une nouvelle Sœur, celle-ci est conduite dans le cabinet des réflexions par une officière de l’Arche, portant le titre de Maîtresse des Colombes. L’assistance, composée de Frères et de Sœurs, sans nombre fixe, prend place dans le Temple de la Vertu.

L’Arche Chapitrale n’a pas une double présidence, contrairement à la généralité des Ateliers androgynes. Un Frère est seul sous le dais jaune d’or ; il est intitulé le Père Noé. La Sœur qui siège à part, au climat d’Asie, est intitulée la Sainte Nohéma. À l’entrée, deux Frères jouent le rôle de Premier et Second Surveillants ; on donne à l’un le titre de Fils aîné Sem, et à l’autre le nom de Fils Japhet. Le Frère et la Sœur qui sont ensemble sur l’estrade à gauche ne représentent aucun personnage biblique ; c’est le secrétaire de l’Atelier, et son assistante, avec le titre de Chevalier et Chevalière de la Plume.

Les Sœurs du 8e degré se placent indifféremment au climat d’Afrique ou au climat d’Amérique. Quant aux Frères, qui sont admis comme visiteurs, s’ils ont au moins le grade de Chevalier Kadosch, leur place est à l’Amérique, et les sièges d’Afrique sont exclusivement réservés aux Frères membres de l’Atelier. Au premier rang parmi ceux-ci, au siège le plus rapproché de l’estrade, prend place un officier de l’Arche, avec le titre de Cham le Mage. En face de lui, au siège d’Amérique le plus rapproché de l’estrade et au premier rang, se met la dernière Sœur reçue au grade de Chevalière de la Colombe ; elle tient dans ses mains une petite fiole.

Devant la porte d’entrée, un Frère se tient debout, ayant en écharpe un large cordon aux sept couleurs de l’arc-en-ciel ; il cumule les fonctions de trésorier de l’Arche et de gardien du temple ; on le désigne sous le nom de Chevalier Dépositaire.

Tous les autres assistants portent en sautoir un cordon moitié vert moitié rouge, avec liseré d’argent, à la pointe duquel pend une petite colombe d’argent, branche d’olivier au bec. En outre, chacun, chacune a un tablier blanc, doublé et bordé de soie verte, où la même colombe est peinte sur la bavette, tandis que les peintures du tablier lui-même représentent le mont Ararat baigné d’eau verdâtre, avec cadavres flottants, et au sommet de la montagne. Au cordon du président, pend une petite truelle d’argent, au lieu d’une colombe.

Tout étant prêt, le Père Noé frappe un coup de maillet et dit : — Cher Fils aîné, l’Arche est-elle en sûreté ?

Le Fils aîné Sem. — Chevalier Dépositaire, regarde au dehors.

Le Chevalier Dépositaire ouvre la porte, jette un coup d’œil dans la salle des pas-perdus, constate que personne n’est aux écoutes, referme la porte et dit : — Frère Sem, les eaux sont basses.

Le Fils aîné Sem. — Père Noé, les eaux sont basses.

Le Père Noé. — Mes enfants, puisque les eaux sont basses, nous allons ouvrir l’arche ; mais, auparavant, que chacun se tourne vers l’Asie. (On obéit.) Tous ceux qui sont ici sont-ils bien mes enfants ?… Vous d’abord, les Fils, faites le signe.

Les Frères, tournés vers l’estrade, de trois quarts, font le signe, sans qu’aucun d’eux puisse être vu des autres pour ce signe, on place le poing droit fermé contre le corps à hauteur de la ceinture, le pouce seul non fermé, mais tendu en avant.

Le Père Noé. — À vous, les Filles, maintenant ; faites le signe.

Les Sœurs, tournées aussi de trois quarts, font un signe différent de celui des Frères : leurs mains ouvertes et posées contre le ventre, les paumes appuyant au corps, elles tiennent les pouces se touchant l’un l’autre par le bout.

Le Père Noé. — C’est bien. Allons, les Filles, battez des ailes.

Les Sœurs, tout en maintenant contre le corps les pouces joints, agitent les mains, en mouvement d’ailes frémissantes.

Le Père Noé. — Tout est parfait ; à ces signes, je reconnais bien mes enfants. (Il frappe trois coups précipités, et encore trois coups précipités, et un septième coup seul, très fort.) Enfants, l’Arche est ouverte.

Après un silence, il donne le signe sacré d’Éblis. Ce signe, qui ne peut être fait que par le président dans le Rite des Écossaises de Perfection, s’exécute ainsi : faisant face à l’assistance, il joint les mains à plat, ouvertes, et les élève autant qu’il peut au-dessus de sa tête ; seuls se touchent les pouces, les index et les médius, de telle sorte que la partie vide entre les mains ainsi ouvertes, doigts serrés, donne un triangle, la pointe en bas. Dans cette posture, le président pousse l’acclamation.

Le Père Noé. — Gloria in excelsis !

Il laisse retomber ses mains et les disjoint.

Tous. — Gloria in excelsis !

Un coup de maillet. On s’assied, après que le président s’est assis.

Le Père Noé. — Cher Fils aîné, pourquoi sommes-nous réunis aujourd’hui en cette Arche Chapitrale ?

Le Fils aîné Sem. — Père Noé, une Sublime Écossaise désire être reçue Chevalière de la Colombe.

Le Père Noé. — En est-elle digne ?

Le fils aîné Sem. — Tu en jugeras toi-même, Excellent Père.

Le Père Noé. — Dis-moi, pourtant, quelle est l’opinion de mes enfants.

Le Fils aîné Sem. — Frères et Sœurs du climat d’Afrique, êtes-vous favorables à l’admission de la Sœur N***, Sublime Écossaise ?

Les Frères et Sœurs de droite lèvent la main, en signe d’assentiment. Il en est ainsi d’ordinaire, puisque l’initiation qui va avoir lieu a été votée déjà en comité, après enquête. Toutefois, si une objection se produit, elle est discutée.

Le Fils aîné Sem. — Mon frère Japhet, interroge à ton tour les membres de notre famille qui sont sous ta direction, en vertu de l’ordre du Père Noé.

Le Fils Japhet. — Frères et Sœurs du climat d’Amérique, êtes-vous favorables à l’admission de la Sœur N***, Sublime Écossaise ?

Même signe d’assentiment de la part des Frères et Sœurs de gauche.

Le Fils Japhet. — Mon frère Sem, mes Frères et Sœurs du climat d’Amérique sont favorables, en attendant les épreuves.

Le Fils aîné Sem. — Excellent Père, tous tes enfants sont favorables, en attendant les épreuves.

Le Père Noé. — Que mon fils Cham le Mage se rende auprès de la Maîtresse des Colombes, et qu’il nous amène ici son épouse. Au nom du Dieu Saint des Saints, qui est au ciel, nous la jugerons.

Cham le Mage quitte la salle des séances et se rend au cabinet des réflexions, où la Maîtresse des Colombes préparait la récipiendaire. Cette préparation consiste à lui dire qu’elle ne devra s’étonner de rien.

Le Père Noé, dès la sortie de Cham. — Où est la dernière Fille qui m’est née ?

Le Fils aîné Sem. — Excellent Père, elle est ici, attendant tes ordres.

La dernière Sœur reçue chevalière de la Colombe se lève.

Le Père Noé. — Cher Fils aîné, examine si ma dernière Fille a accompli son devoir.

Le Fils aîné Sem. — Petite Sœur, as-tu de l’eau maudite ?

La dernière Sœur reçue Chevalière, montrant la fiole qu’elle tient dans ses mains. — Je me suis penchée hors de l’arche, et j’ai recueilli quelques gouttes de l’eau maudite dont Adonaï le Barbare a inondé la terre pour noyer l’humanité.

Le Fils aîné Sem. — Que feras-tu de cette eau, petite Sœur ?

La Soeur. — Je la remettrai à notre Excellent Père, s’il le permet.

Le Fils aîné Sem. — Excellent Père, ma petite Sœur est prête à remettre entre tes mains les quelques gouttes d’eau maudite qu’elle a recueillies.

Le Père Noé. — Cher Fils aîné, donne confiance à ta petite Sœur.

Le Fils aîné Sem. — Approche, petite Sœur.

La Sœur vient auprès de celui-ci, qui l’embrasse en cinq points.

Le Fils aîné Sem. — Petite Sœur. as-tu confiance ?

Elle lui rend le baiser de même.

Le Fils aîné Sem. — Puisque tu as confiance, ma petite Sœur, va maintenant remettre l’eau maudite à notre Excellent Père.

La Sœur monte au climat d’Asie, remet sa fiole au Père Noé, qui lui donne à son tour le baiser en cinq points ; après quoi, elle revient à sa place.

Le Père Noé, tenant la fiole de la main droite, tandis qu’il élève la main gauche en l’air, les cinq doigts ouverts. — Eau maudite, élément d’Adonaï Dieu-Mauvais, nous prononçons contre toi l’exécration… Tu as été déversée sur ta terre pour faire périr l’humanité ; sois exécrée !… La fureur de tes flots met en joie Adonaï ; sois exécrée !… Les prêtres de ta superstition t’honorent et te consacrent ; sois exécrée ! (Après une pause :) Maintenant, mes enfants, voici le temps des épreuves ; il faut nous résigner à l’eau homicide et à la fausse lumière. Le Très-Bon Éblis, qui veille sur nous, nous préservera du naufrage et des monstres aquatiques d’Adonaï… Cher Fils aîné, rend l’eau à l’eau, pendant que la fausse lumière va luire ici, afin de nous faire mieux apprécier tout à l’heure les bienfaits de la vraie lumière.

Le Fils aîné Sem. — Chevalier Dépositaire, mon Frère, va prendre l’eau pour la rendre à l’eau.

Le Chevalier Dépositaire gravit les degrés de l’Asie ; le Père Noé lui remet la fiole ; le Chevalier Dépositaire se rend alors à la tente, dont il écarte un des rideaux, et il verse le contenu de la fiole dans la baignoire.

Le Père Noé. — Toute l’eau est maudite.

(L’eau qui vient d’être ainsi versée dans la baignoire n’est autre que de l’eau bénite, la dernière Chevalière reçue a eu mission de la rapporter d’une église, où elle est allée la puiser dans un bénitier au moyen de la petite fiole, un des jours précédents.)

Le Chevalier Dépositaire revient à sa place, devant la porte d’entrée.

Le Père Noé allume les trois bougies noires qui sont devant lui ; en faisant cela, il dit : — Lumière du prétendu Père, bourreau de l’humanité, tu es fausse lumière ; sois maudite !… Lumière du mauvais Fils, renégat du bon Principe, tu es fausse lumière ; sois maudite !… Lumière de l’imaginaire Esprit-Saint, que personne n’a jamais vu, tu es fausse lumière ; sois maudite !… (Après une pause :) Mes enfants, résignons-nous, voici le temps des épreuves ; donnez-vous tous confiance les uns aux autres.

À son signal, — cinq coups de maillet, — Frères et Sœurs, deux par deux, s’embrassent en cinq points.

D’autre part, Cham le Mage et la Maîtresse des Colombes sont arrivés dans la salle des pas-perdus, conduisant la récipiendaire : ils ont attendu le cinquième coup de maillet, leur indiquant qu’à présent ils vont pouvoir entrer. La Maîtresse des Colombes frappe contre la porte un coup fort ; puis, Cham le Mage, un autre coup.

Le Père Noé. — Quel bruit soudain viens-je d’entendre ?… Après mes cinq coups de confiance, on a frappé deux coups… Nombre sept, nombre béni !… L’arche toucherait-elle la terre ? Le Très-Bon Éblis nous aurait-il, dès maintenant, assuré le salut ?… Cher Fils aîné, rends-toi compte de la véritable cause de ce bruit.

Le Fils aîné Sem, après avoir entr’ouvert la porte. — Excellent Père, c’est mon Frère Cham le Mage et la Maîtresse des Colombes qui ont trouvé Ada blottie dans une des cabines de l’arche et qui la ramènent ici. Mon Frère Cham le Mage paraît être dans un grand courroux. Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/368 Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/369

Le Père Noé. — Cher Fils aîné, fais donner l’entrée à tous trois, et qu’on s’explique !

Le Fils aîné Sem. — Chevalier Dépositaire, mon Frère, donne l’entrée.

Le Chevalier Dépositaire ouvre le porte à deux battants. On aperçoit la récipiendaire, entre Cham le Mage, à sa gauche, et la Maîtresse des Colombes, à sa droite. À ce moment, Cham le Mage saisit la main gauche de la récipiendaire, la serre vigoureusement, et fait son entrée avec impétuosité, en entraînant la Sublime Écossaise ; il l’amène ainsi jusqu’au pied de l’estrade. La Maîtresse des Colombes a suivi et est venue se placer derrière la récipiendaire.

Le Père Noé. — Que signifie ceci ?

Cham le Mage. — Excellent Père, je réclame justice.

Le Père Noé. — Justice ? et pourquoi ?

Cham le Mage. — Un crime a été commis par cette femme qui m’était échue. Ada m’a trompé avec Sabatha, fils d’Uzab ; elle est entrée dans l’arche, après le crime ; elle a apporté la malédiction dans l’arche. Je demande qu’Ada soit mise à mort ; le fruit maudit de ses entrailles ne doit pas naître. À mort, à mort, Ada ! à mort, elle et l’enfant qu’elle porte dans son sein !

Le Père Noé. — Cham, mon Fils bien-aimé, calme-toi… Je vais interroger ton épouse.

La Maîtresse des Colombes, à la récipiendaire, à voix basse, lui parlant à l’oreille. — Ne répondez rien aux questions qui vont vous être posées ; gardez un silence absolu.

Le Père Noé. — Ada, tu as entendu l’accusation de Cham, mon Fils bien-aimé ; qu’as-tu à répondre ?

Silence de la récipiendaire.

Le Père Noé. — Cham t’accuse de l’avoir trompé avec Sabatha, fils d’Uzah ; dit-il la vérité, ou bien a-t-il cru trop légèrement à quelque calomnie ?

Silence de la récipiendaire.

Le Père Noé. — Tu ne réponds pas. Ce silence obstiné peut être interprété contre toi… Ada, je t’adjure de parler.

Silence de la récipiendaire.

Cham le Mage. — Tu le vois, Excellent Père, elle s’accuse elle-même. À mort, à mort, Ada! à mort, elle et l’enfant qu’elle porte dans son sein !

Le Père Noé. — Cham, mon Fils bien-aimé, calme-toi ; et puisque Ada s’obstine dans le silence, dis-nous comment tu as appris le fait dont tu l’accuses et que tu appelles crime.

Cham le Mage. — Excellent Père, je sais ces choses par une voix que j’ai entendue dans un songe.

Le Père Noé. — Ceci est grave… Le Très-Bon Éblis parle quelquefois aux hommes dans les songes ; mais Adonaï Dieu-Mauvais se sert aussi des songes pour faire entendre sa voix menteuse et tromper les hommes jusque dans leur sommeil… Avant de prendre une décision sur ce fait si grave qui met en courroux Cham, mon Fils bien-aimé, invoquons la Sainte Nohéma.

Il se lève et vient se mettre à genoux devant la Sœur officière qui siège isolée sur l’estrade, à droite ; celle-ci se tient alors debout.

Le Père Noé. — Ô Sainte Nohéma, toi qui es morte, mais à qui le Très-Bon Éblis permet de revivre parmi nous, afin de nous communiquer les lumières de ton conseil toujours sage, toi la sœur de Jabel et de Jubal, toi la sœur et t’épouse de Tubal-Caïn le Bienheureux, ô toi la grande Sainte de la descendance de Caïn, ô toi dont le Père, le glorieux Lamech, sera vengé onze fois sept fois, ouvre ta belle bouche inspirée, et que ta voix prudente guide notre jugement !…

La Sainte Nohéma. — Si Ada est coupable, Éblis l’abandonnera. Père Noé, fais jeter Ada aux eaux d’Adonaï.

Nohéma se rassied ; le Père Noé revient prendre place à son trône.

Le Père Noé. — Mes enfants, vous avez entendu l’oracle. Au nom du Dieu Saint des Saints, qui est au ciel, j’ordonne t’épreuve des eaux maudites. Que la Maîtresse des Colombes conduire Ada hors de notre vue ; et toi, Sublime Écossaise, tu te soumettras à l’épreuve… Si tu es innocente, le Très-Bon Éblis ne t’abandonnera pas… Ada, acceptes-tu de te jeter, hors de notre vue, dans les eaux d’Adonaï ?

Réponse affirmative de la récipiendaire.

Le Pére Noé. — Sublime Écossaise, qui aspires à l’honneur de devenir Chevalière de la Colombe, je te préviens que ton corps va être souillé. Les eaux, dans lesquelles ton corps baignera, ont été maléficiées par les prêtres de la superstition ; quand tu seras plongée dans cette onde maudite, Adonaï te tiendra en son pouvoir, et il est nécessaire que tu sois vraiment une sainte selon le cœur du Très-Bon Éblis pour qu’il ne t’arrive aucun malheur. Tu baigneras au milieu des cadavres, au milieu de l’abime d’eau ; les requins et les baleines t’attaqueront. Ô malheureuse, je te vois perdue, si tu n’es pas irréprochable !… Nous allons savoir si la voix qui a parlé en songe à Cham, mon fils bien-aimé, est une voix de méchanceté ou une voix de bonté… Ada, je te livre à la Maîtresse des Colombes.

La Maîtresse des Colombes entraîne la récipiendaire sous la tente ; tout le monde garde le silence.

Dans la tente-cabine, la Maîtresse des Colombes explique alors, à voix basse, à la récipiendaire, ce qu’on exige d’elle. Il s’agit de prendre un bain, d’une minute, tout au plus. L’important, lui affirme-t-elle est de savoir si elle …indra[illisible], ou non, de se baigner dans une eau à laquelle on a mêlé, par dérision, de l’eau prise à un bénitier d’église. La récipiendaire, ayant déjà passé par sept degrés d’initiation maçonnique, répond que cette épreuve ne peut que l’amuser. La Maitresse des Colombes lui montre diverses petites poupées en caoutchouc et autres jouets, animaux divers, également en caoutchouc, ou en verre soufflé, qui surnagent dans la baignoire ; elle lui dit que ces objets figurent les victimes du déluge. Tout en causant à voix basse, elle l’aide à se déshabiller, mais ne lui donne aucun peignoir ; si la récipiendaire, ayant un restant de pudeur, fait quelque difficulté à ce sujet, la Maitresse des Colombes s’emploie à vaincre ses résistances et lui assure que toutes les Chevalières, qui l’ont vu entrer dans la cabine et dont elle sera bientôt la compagne, ont passé par cette épreuve. Elle lui fait, d’ailleurs, l’éloge de la nudité, comme étant la marque parfaite de l’état d’innocence. Enfin, la récipiendaire est dans la baignoire.

La Maîtresse des Colombes, sortant brusquement de la tente, et tenant à la main, comme un trophée, le dernier linge de corps de la récipiendaire. — Père Noé, Ada a triomphé de l’épreuve !

Le Père Noé. — Gloria in excelsis !

Tous, en chœur. — Gloria in excelsis !

À ce moment, quatre Chevalières se précipitent sur les cordons qui pendent aux colonnettes de la tente-cabine, les tirent, et les rideaux s’écartent de tous côtés, se repliant sur les colonnettes. Le plancher, tout autour de la baignoire, est garni d’une mousse artificielle spongieuse, afin que l’eau ne ruisselle pas quand la récipiendaire sortira du bain ; ce qui lui est ordonné aussitôt.

Le Père Noé. — Debout, mon enfant ! debout, chère Ada, afin de montrer à toute cette famille bénie du ciel que tu as triomphé des eaux maudites d’Adonaï !

Si elle hésite, toutes les Sœurs de l’assistance s’empressent autour d’elle, l’admonestant en plaisantant, et la tirent hors de la baignoire bon gré mal gré.

Le Père Noé. — Debout, Sublime Écossaise victorieuse ! Ce n’est plus maintenant que tu aurais raison de craindre ; tu es dans le Temple de la Vertu.

La Maîtresse des Colombes, à voix basse, à la récipiendaire. — Dites que vous ne craignez rien et que vous maudissez la crainte.

La récipiendaire, debout hors de la baignoire, à haute voix. — Je ne crains rien, et je maudis la crainte.

Le Père Noé. — Ararat !

Il prend l’éponge qui est sur sa table et descend de l’Asie. Arrivé auprès de la récipiendaire, il promène l’éponge sur son corps, par trois fois, en forme d’un triangle à pointe en bas, les extrémités de cette figure étant les seins et le nombril.

Le Père Noé, pendant qu’il éponge la récipiendaire. — Éblis a protégé Ada ; Ada n’est pas coupable.

Il répète cette phrase, chaque fois qu’il trace le triangle avec l’éponge ; ensuite, il remonte à son trône.

Le Père Noé, déposant l’éponge sur le plateau. — Grâces soit rendues au Très-Bon Éblis !… Eau maudite d’Adonaï, tu as été vaincue.

On donne à la récipiendaire ses vêtements ; la dernière Chevalière reçue l’aide à se rhabiller, pendant le récit de l’épreuve.

Le Père Noé. — La Maîtresse des Colombes a été la confidente d’Ada ; qu’elle nous fasse le récit de l’événement.

La Maitresse des Colombes. — Père Noé, ta fille bien obéissante Ada, accusée par Cham le Mage, son époux, ne se sentait point coupable ; c’est pourquoi elle accepta avec confiance l’épreuve des eaux maudites… Ne voulant garder sur elle aucun des vêtements que Cham lui avait donnés, elle se mit en état de grâce et d’innocence, ouvrit une fenêtre de l’arche et se jeta résolument dans les mugissantes ondes diluviennes… Le Très-Bon Éblis veillait sur elle… Tout d’abord, elle enfonça dans l’abîme ; un instant, la frayeur tenta d’envahir son âme ; mais elle la repoussa, avec la pensée que le danger lui serait causé surtout par la crainte, et elle dit en elle-même : « Malédiction de la crainte ! »… Alors, elle remonta à la surface des eaux… Le jour était incertain ; pourtant, elle distingua toute la désolation, œuvre d’Adonaï ; elle flottait au milieu des cadavres d’humains et d’animaux ; son âme connut l’horreur, mais non l’épouvante, et quand la frayeur tenta de nouveau d’envahir son âme, elle la repoussa encore en disant en elle-même « Malédiction de la crainte ! »… Mais voici qu’elle fut aperçue par Adonaï, et Adonaï dit : « Cette fille des hommes doit périr ; c’est l’épouse de Cham le Mage. Elle est hors de l’arche ; je ne l’épargnerai point. Qu’Obiel la fasse périr ; car je vois qu’elle a dans son sein le fils de Sabatha ! »… Alors, des requins, des baleines et d’autres monstres aquatiques s’avancèrent vers Ada, battant de leur queue les eaux avec un bruit terrible ; et Obiel lui-même prit la forme d’un monstre des plus hideux, et il nagea dans la direction d’Ada, ouvrant une immense gueule horrible, pour la dévorer ; et, pour la troisième fois, Ada repoussa la frayeur qui essayait de pénétrer en son âme, et elle répéta en elle-même : « Malédiction de la crainte »… Or, le Très-Bon Éblis veillait sur elle ; il envoya Barratron, qui dispersa les requins et les baleines, et Barratron refoula Obiel au fond des abîmes… Et le Très-Bon Éblis étendit sa main avec complaisance vers Ada ; il la retira des eaux, et la remit dans l’arche. Dans la lutte pour le salut d’Ada, le barbare Adonaï fut vaincu.

Le Père Noé. — Mes enfants, ce récit dans lequel la vérité éclate nous apprend que notre chère Ada est vaillante et qu’elle n’est point coupable ; mais mon esprit demeure confondu à l’une des révélations que je viens d’entendre… Adonaï a parlé comme la voix du songe, et pourtant le Très-Bon Éblis a voulu le salut d’Ada… Qu’en pense Cham, mon Fils bien-aimé ?

Cham le Mage. — Père Noé, j’en suis tout troublé… Demandez, je vous en conjure, à mon épouse de faire connaître la vérité sans aucun voile. Elle ne saurait refuser de répondre, maintenant que la protection du Très-Bon Éblis sur elle est manifeste.

La Maîtresse des Colombes, bas à la récipiendaire. — À toutes les questions, répondez « Oui, Père Noé. »

Le Père Noé. — Chère Fille Ada, aimes-tu Cham le Mage, à qui tu es échue ?

La récipiendaire. — Oui, Père Noé.

Le Père Noé. — As-tu connu, néanmoins, Sabatha, fils d’Uzab ?

La récipiendaire. — Oui, Père Noé.

Le Père Noé, — Aimais-tu Sabatha, fils d’Uzab, quand il te connut ?

La récipiendaire. — Oui, Père Noé.

Le Père Noé. — Sans cesser d’aimer Cham Le Mage, ton époux ?

La récipiendaire. — Oui, Père Noé.

Le Père Noé. — Adonaï était-il véridique, quand il disait voir dans ton sein le fils de Sabatha ?

La récipiendaire. — Oui, Père Noé.

Le Père Noé. — Mes enfants, tout ceci est très grave. L’événement paraît être au-dessus de notre raison ; mais les hommes qui ne sont point superstitieux doivent toujours chercher à comprendre ce qui leur semble incompréhensible… Tous à genoux, mes enfants !… Implorons les lumières de la Sainte Nohéma.

Il frappe sept coups de maillet. L’assistance et lui-même s’agenouillent ; la Sainte Nohéma, au contraire, se lève.

La Sainte Nohéma. — La voix du songe avait dit la vérité à Cham le Mage ; mais la voix du songe lui avait soufflé en même temps la colère et la haine contre Ada. Ainsi, Adonaï est toujours Dieu-Mauvais ; car Ada mérite le respect et l’amour… De Tubal-Caïn, mon frère et mon époux, j’eus Uzab, qui engendra Sabatha, et Sabatha a connu Ada, parce que le Très-Bon Éblis l’a voulu, sans offense à l’endroit de Cham le Mage… Adonaï veut l’extermination de l’humanité, et le Très-Bon Éblis défend l’humanité : mais le Très-Bon Éblis ne combat pas lui-même ; car il est écrit qu’il lui sera réservé de remporter lui-même, au temps fixé, le triomphe suprême et décisif… Jusque-là, les esprits du feu luttent contre les esprits de l’eau, et les victoires des esprits du feu ne sont pas toujours aussi complètes les unes que les autres… Or, sur la grande bataille céleste qui eut lieu avant le déluge, il avait été écrit qu’Adonaï pourrait satisfaire sa soif de meurtres humains, excepté contre une famille, si les armées de Baal-Zéboub refoulaient les armées de Mikaël seulement à onze fois la distance du Soleil à Sirius ; et, il avait été écrit encore que la famille sauvée serait de la descendance de Caïn, excepté si les armées de Mikaël n’étaient refoulées qu’à neuf fois la distance du Soleil à Sirius ; et voilà que les esprits de l’eau furent plus résistants que jusqu’alors, et le salut revenait ainsi à une famille de la descendance de Seth, ainsi qu’il avait été écrit… La famille de Noé fut choisie. C’est alors que le Très-Bon Éblis, voulant sauver la race de Caïn dans la famille même de la descendance de Seth, inspira à Sabatha de connaître Ada, à l’infortuné Sabatha, voué à la mort du déluge et aujourd’hui mort dans le déluge… Ainsi, Cham le Mage n’a droit de concevoir aucune jalousie contre mon petit-fils Sabatha, et il doit rendre respect et amour à son épouse Ada… Et Cham sera comblé des bienfaits d’Éblis ; il sera un grand magicien ; les esprits du feu l’aideront puissamment dans toutes ses entreprises. Il remerciera le Très-Bon Éblis d’avoir donné à Ada un enfant de la race de Caïn ; car la race de Caïn est la race même d’Éblis. Il s’honorera d’élever cet enfant, à qui sera donné le nom de Chanaan, et Chanaan sera la tige de nombreux peuples, d’une étonnante fécondité… Gloria in excelsis !

Le Père Noé et tous les assistants. — Gloria in excelsis !

Tout le monde se rassied, excepté la récipiendaire et la Maîtresse des Colombes, debout ensemble au pied de l’estrade.

Le Père Noé. — Cham, mon Fils bien-aimé, es-tu satisfait ?

Cham le Mage. — Père Noé, mon cœur est rempli d’une sainte allégresse.

Le Père Noé. — Eh bien, témoigne ta confiance à ton épouse Ada.

Cham le Mage va à la récipiendaire, lui donne le baiser en cinq points, et celle-ci le lui rend.

Le Père Noé. — Pax Domini sit semper vobiscum !

Tous les assistants. — Amen !

Cham le Mage retourne à sa place.

Le Père Noé, à la récipiendaire. — Très chère et vaillante Sublime Écossaise, je te juge digne de prendre définitivement place dans cette Arche Chapitrale, et ferme espoir que tu seras une zélée Chevalière de la Colombe. Tu appliqueras ton intelligence à discerner tout le sens des respectables mystères qui viennent de t’être révélés et celui des mystères moins sacrés qui te seront révélés par la suite. À ce 8e degré du Rite des Écossaises de Perfection, nous t’apprenons la vérité sur l’effroyable histoire du déluge ; car cette Bible, œuvre des ministres de la superstition, ne dit pas tout et dénature les faits. — En prononçant ces dernières paroles, il livre la Bible qui est placée devant lui. — (Continuant :) Je vais te donner lecture de la relation de l’horrible catastrophe, selon les prêtres d’Adonaï, et tout à l’heure, après que je t’aurai proclamée Chevalière de la Colombe, la Sainte Nohéma t’enseignera la vérité tout entière : tu feras ton profit de cette instruction, et tu persévéreras dans les bons sentiments que nous avions distingués en toi et qui sont cause de ton admission à ce haut grade de la Maçonnerie des Dames.

Le Père Noé donne lecture des chapitres VI, VII, VIII et IX de la Genèse.

(Le Rituel insère ces quatre chapitres, qu’Albert Pike a reproduits d’une Bible protestante ; il est inutile que je les retranscrive ici.)

Le Père Noé, à la récipiendaire, après la lecture. — Ma chère enfant, tu vas maintenant prêter ton obligation.

La Maîtresse des Colombes conduit la récipiendaire au climat d’Asie, jusqu’au-devant de l’autel des serments ; là, elle la fait agenouiller et lui remet la formule de l’obligation qu’elle va prononcer.

Le Père Noé. — Debout, mes enfants, tous à l’ordre !

Chacun se met dans la posture qui a été décrite plus haut, les Sœurs ayant un signe différent de celui des Frères.

La récipiendaire prononce son obligation, la main gauche étendue vers la colombe représentée sur le transparent lumineux qui est sous le dais.


Serment de la Chevalière de la Colombe. — En présence du Grand Architecte de l’Univers, protecteur de l’innocence et sauveur de l’humanité, et devant cette auguste assemblée de famille, moi, N***, je renouvelle solennellement toutes mes précédentes obligations de fidèle Maçonne. Je promets et jure, sous peine de périr par l’eau, de garder dans le plus profond de mon cœur les secrets inviolables qui vont mètre confiés, non seulement envers les profanes, mais même envers ceux d’entre mes Frères et mes Sœurs qui ne connaissent point encore les saints mystères de l’Arche. Je promets et jure d’être une parfaite Colombe maçonnique, toujours tendre pour mes Frères et n’ayant jamais de jalousie à l’encontre d’aucune de mes sœurs. Je promets et jure de n’avoir de haine que pour le Principe du Mal et pour les ennemis de la vivifiante Vertu. Je m’engage par ces promesses et je me lie par ces serments sur ma parole d’honneur, sans crainte des superstitieux fanatiques, et je consens d’avance, si j’étais assez criminelle pour manquer à mes solennelles obligations, à encourir le mépris, la honte et le châtiment réservés aux parjures. Que le Grand Architecte de l’Univers, Saint des Saints, qui est au ciel, me soit en aide pendant ma vie et me reçoive en son sein après ma mort. Ainsi soit-il.


La Maîtresse des Colombes fait alors relever la récipiendaire.

Le Père Noé. — Ma chère enfant, approche encore. Tu es vraiment appelée à la vraie lumière, et tu es digne déjà d’éteindre la fausse lumière… Souffle sur ces trois bougies noires, qui sont le symbole des erreurs répandues dans le monde par les ministres de la superstition.

La récipiendaire éteint les trois bougies noires.

Le Père Noé, étendant le rameau d’olivier sur la tête de la récipiendaire : — À la gloire du Grand Architecte de l’Univers, régnant au plus haut des cieux, au nom de Caïn, de Tubal-Caïn et de Nohéma, au nom de Sabatha et d’Ada, au nom de Cham et de Chanaan, en mon nom et au nom de toute cette auguste famille ici présente, toi, chère et vaillante Sœur N***, je te reçois Fille de l’Arche Sainte, par le rameau d’olivier, symbole de la paix d’amour et de la vie éternelle, et je te constitue Chevalière de la Colombe, 8e degré du Rite des Écossaises de Perfection.

En prononçant ces dernières paroles, il frappe sept petits coups de maillet sur le rameau d’olivier.

Après quoi, il donne à la néophyte le baiser en cinq points et lui remet la petite cage contenant une colombe vivante.

Le Père Noé. — Bien-aimée Chevalière, mon enfant, cette colombe, qui t’est offerte par toute cette auguste famille, est le gage de notre amour pour toi : elle te rappellera la douceur et la tendresse des bonnes Maçonnes et leur attachement à l’humanité, dont la grandeur est ce qu’il y a de plus beau au monde… Va te faire reconnaître par tes Frères et tes Sœurs de l’Arche.

La Maîtresse des Colombes conduit à la Sainte Nohéma la nouvelle Chevalière.

La Sainte Nohéma. — Mon enfant, nous avons, à ce grade de la Maçonnerie, des secrets comme à tous les autres grades. Apprends-les et retiens-les, afin de pouvoir te faire reconnaître Chevalière de la Colombe.

Elle donne à la néophyte communication des secrets du grade.

Ordre. — Pour les Frères : le poing fermé, appuyé contre le corps à hauteur de la ceinture, le pouce seul non fermé, mais tendu en avant. Pour les Sœurs : les deux mains ouvertes et écartées, posées à plat contre le ventre, les pouces se touchant l’un l’autre par le bout.

Signe de reconnaissance. — Le Frère se met à son signe d’ordre et dit : « J’ai envoyé une colombe, et elle m’a rapporté un rameau d’olivier ». La Sœur répond en se mettant à son signe d’ordre, mais en agitant ses mains, en mouvement d’ailes frémissantes, et elle dit : « L’espoir est entré dans l’arche. »

Attouchement. — On se frappe mutuellement deux coups dans les mains.

Batterie. — Trois coups précipités, et encore trois coups précipités, et un septième coup seul, très fort.

Acclamation. — « Gloria in excelsis ! ».

Marche. — Pour les Sœurs seulement on simule avec les mains le mouvement de natation, sept fois, en ramenant les mains au milieu de la poitrine, et chaque fois on fait un pas en avant ; après le septième pas, on fait le simulacre de souffler trois bougies qui seraient alignées devant soi.

Âge. — « J’ai quarante jours et quarante nuits. »

Mot de Passe. — Le Frère dit « Ararat » La Sœur répond : « Sabatha. »

(Dans quelques Ateliers, on dit le Mot de Passe en trois mots : Ararat-Barratron-Sabatha. Albert Pike a déclaré cette manière fautive.)

Mot Sacré. — « God Malech ». On se le murmure à l’oreille, par trois syllabes, en alternant.

Temps du Travail. — « Depuis que les eaux sont basses, jusqu’à ce que le temps soit calme et serein. »

La Sainte Nohéma. — Mon enfant, va à présent vers ton Frère Sem te faire reconnaître de lui par ces secrets.

La Maîtresse des Colombes conduit la néophyte vers le Fils aîné, en passant, elle lui fait déposer la cage sur le siège qui lui est destiné pour la fin de la séance. Le Fils aîné Sem « tuile » la néophyte, c’est-à-dire lui fait les signes et lui pose les questions qui sont censément les secrets du grade, et il reçoit ses réponses ; en quoi la néophyte est aidée par la Maîtresse des Colombes. Puis, le Fils aîné Sem remet à la nouvelle Chevalière son tablier, l’embrasse en cinq points, et la renvoie au Fils Japhet pour se faire de nouveau reconnaître. Le Fils Japhet lui fait les signes et lui pose les questions à son tour, reçoit ses réponses, lui remet son cordon de Chevalière, et l’embrasse de nouveau aussi en cinq points.

La nouvelle Chevalière, décorée de son cordon et de son tablier, se place à côté de la Maîtresse des Colombes, à l’Europe, un peu au-devant de la porte d’entrée.

Le Fils Japhet. — Mon Frère Sem, les signes, paroles et attouchement, rendus par notre Sœur la dernière Fille du Père Noé, sont justes.

Le fils aîné Sem. — Père Noé, les signes, paroles et attouchement, rendus par notre Sœur la dernière Fille qui t’est née, sont justes. Son instruction est terminée et complète ; elle attend, au climat d’Europe, que tu daignes la proclamer Chevalière de la Colombe.

Le Père Noé, frappant un coup de maillet. — Mes enfants, tous à l’ordre !

Chacun se met au signe d’ordre, selon son sexe.

Le Père Noé. — Cher Fils aîné, toi et ton Frère Japhet, proclamez dans vos climats, comme je le proclame en Asie, que ma Fille N*** est reconnue par moi au nom du Grand Architecte de l’Univers, membre de cette Sainte Arche Chapitrale, qu’elle est dûment Chevalière de la Colombe, et que nul ne peut s’opposer à ce qu’elle jouisse désormais des droits et privilèges associés à ce 8e degré du Rite des Écossaises de Perfection.

Le Fils aîné Sem. — Cher Frère Japhet, et vous, chers Frères et chères Sœurs qui siégez en Afrique, le Père Noé proclame que sa Fille N***, notre Sœur dernière née, est reconnue par lui, au nom du Grand Architecte de l’Univers, membre de cette Sainte Arche Chapitrale, etc.

Le Fils Japhet. — Chers Frères et Chères Sœurs qui siégez en Amérique, le Père Noé proclame que sa Fille N***, notre Sœur dernière née, est reconnue par lui, au nom du Grand Architecte de l’Univers, etc.

Le Fils aîné Sem. — Père Noé, l’annonce de la proclamation est faite.

Le Père Noé. — Applaudissons, mes enfants, et réjouissons-nous de l’heureuse acquisition que l’Arche Sainte a faite en ce jour. Avec l’admission de cette chère fille à nos mystères, une nouvelle ère de glorieuse félicité s’ouvre pour nous tous ; les jours d’épreuves sont terminés, puisque la grâce abonde chez nous devant le Seigneur. Applaudissons Ada qui revit dans ce Temple de la Vertu ; le Très-Bon Éblis protège toujours la tendre Colombe maçonnique et l’embellit de charmes toujours nouveaux, et Chanaan, le fruit de ses entrailles, est béni !… À moi, mes enfants, par la batterie et l’acclamation !

Tous applaudissent par les sept coups de la batterie du grade et crient, aussitôt après, avec ensemble : — Gloria in excelsis !

La nouvelle Chevalière remercie en quelques mots ; ou bien la Maîtresse des Colombes remercie pour elle.

Le père Noé fait répéter la batterie et l’acclamation.

La Maîtresse des Colombes conduit la nouvelle Chevalière à sa place et se met auprès d’elle ; cette place est celle qu’occupait, au climat d’Amérique, la Sœur qui avait été reçue avant elle ; celle-ci se place un peu plus loin.

Sur un coup de maillet du Père Noé, tout le monde s’assied.

Le Père Noé. — Que la Sainte Nohéma daigne retracer pour l’édification de la nouvelle Chevalière de la Colombe, les enseignements sacrés, que comporte ce sublime grade de la Maçonnerie des Dames. Mes enfants, veuillez prêter à son discours toute votre attention.

(À suivre.)




Sommes reçues pour le 1er Congrès antimaçonnique international, après la clôture de la souscription : — M. Massin, à Meaux, 10 fr. — M. Ernest de Poulpiquet (second versement), 5 fr. — Le total de la souscription ouverte parmi les abonnés aux Mémoires d’une Ex-Palladiste s’est élevé ainsi 1.420 fr. 51.

  1. Voir les fascicules n°2, 5, 6 et 12 des Mémoires.